Don't kill the Beast. Enzo

Noël était passé et la fin d'année approchait. Bientôt une année de plus pour toi dans ce pays, bientôt une année de plus au compteur de la vie. Tu avais déjà la trentaine et tu avais l'impression parfois de ne rien avoir accompli. C'était là que tu te trompais mais souvent c'est sur le point de vue familial que tu avais un bug. Ni marié, ni père. Qu'attendais-tu de la vie pour sauter le pas ? Peut-être pas celui de mariage mais au moins celui de la famille, ce n'était pas l'envie qui te manquait pourtant. Pas le moment d'y penser plus, tu attrapes ta veste et les clés pour sortir de là au plus vite. « Ne le soyez pas. » ajoutais-tu à la jeune femme qui s'était excusée alors que tu venais de sortir de la boutique. La pause de midi, ton ventre appelait un bon sandwich, peut-être un passage éclair au bistrot du coin s'il n'y avait pas trop de monde. Pas que la foule se pressait pour entrer dans ta boutique mais tu avais du travail et deux commandes à rendre avant demain matin et si tu ne voulais pas y passer la nuit, il fallait t'activer. Mais tu restais figé sur la jeune femme, mettant plus de cinq minutes avant de replacer son visage dans ton esprit. « Bex ? » C'était la seule chose que tu étais capable de dire. Malgré ta bonne volonté, son nom de famille imprononçable ne te revenait pas et tu n'avais pas vraiment envie de te tenter là-dedans parce que ce serait à coup sûr un échec puis une perte de temps. Ce qui important c'était que tu te souvenais d'elle et de son prénom même si ça devait faire presque 6 ans maintenant, peut-être même 7. Tu n'avais pas compté les années mais ça faisait déjà un bon moment. « As-tu le temps de prendre un café ? » demandais-tu en ne quittant pas son regard.

• Malheureusement pour Enzo, la mémoire sonore n'était pas le point fort de la châtaine d'où l’absence de réaction face à son ténor. De toute façon, la banalité qu'ils échangeaient n'était pas très intéressante pour la jeune femme qui préférait admirer ses souliers ou même le reflet de la rue dans la fameuse vitrine. Elle espérait pouvoir esquiver rapidement et se glisser dans les rues de cette ville si...petitement intimidante. Pourtant, l’écho de son propre nom changeait ses plans. On l'avait déjà retrouver. Non, c'était impossible.  Elle s'imaginait déjà le pire; être vendue comme catin de service au plus offrant pour blanchir les fautes qui l'entouraient. Clairement, elle avait fait perdre beaucoup trop d'argent à ce gang. Dans le meilleur des cas, ils allaient être clément et la tuer vite fait, mais bien fait. Nerveusement, la jeune femme laissait ses yeux remonter le long de la jambe de son interlocuteur jusqu'à son visage. Elle voulait lui offrir un regard fier avant d'accepter son sort. Pourtant, la journée semblait être favorable à sa survit alors qu'elle rencontrait le regard orageux d'Enzo. Les tremblements qui s'étaient inconsciemment emparés des mains de Bex se calmèrent devant la figure réconfortante de l'avocat. Il n'allait pas lui faire de mal. Enzo était la représentation même de l’apaisement. Un lion ronronnant qui dort paisiblement. La croate avait eu la chance d'être protéger par cette force tranquille. "Monsieur Baratti! Bien sur, un café!." S'exclamait elle un peu trop fort alors qu'elle prenait conscience de sa nervosité et de son absence de réponse. Bex lui offrait un de ses sourires enfantins avant de continuer sans réellement réfléchir. " Je ne savais pas que tu aimais les choses mortes. " Définitivement, on pouvait lui remettre la palme de l'incompétence sociale.

Pendant un instant tu la sens se figer sur place, comme si elle avait peur, comme si elle ne s'attendait pas à ce qu'on la reconnaisse, à ce qu'on la recroise. Ses mains tremblent et tu avais envie de les prendre dans les tiennes, de la rassurer et de la conforter dans l'idée qu'elle était en sécurité. Pour le moment, elle l'était oui mais peut-être pas pour toujours. Tu n'en fais rien, ne voulant pas l'effrayer plus. Tu attends qu'elle relève le regard vers toi, ce qui fait tout cesser. Tu n'aimes pas sourire mais tu fais un effort, un léger rictus pour lui montrer que tout va bien. « Appelles-moi Lorenzo voyons ! » Tu fermes la boutique, l’entraînant avec toi dans la direction du café le plus proche, qui devait se trouver à deux minutes si on marchait vite. « J'ai beaucoup changé maintenant. » affirmais-tu sans quitter son regard. En une année, ta vie avait pris un sacré revirement, enfin en deux ans puisque tout ça ne s'était pas fait du jour au lendemain mais ça n'empêchait pas que le Lorenzo d'aujourd'hui n'était plus le même qu'il y a quelques années. Déjà, tu n'étais plus la fierté de ton père. Tu ne l'étais pas lorsque tu avais quitté l'Italie mais le fait d'arrêter le droit avait sûrement empiré les choses. Qui voudraient dire qu'en plus d'avoir un fils homo, il empaillait des animaux ? Sûrement pas ton père. Mais pour ce point là, ça t'était égal, tu voulais être bien dans tes baskets et ça commençait par le métier que tu veux exercer. « Et toi, tu vas bien ? » demandais-tu curieux. Tu n'avais pas eu l'occasion de revoir Bex depuis que tu t'étais occupé de son affaire. Une de tes plus grandes affaires d'ailleurs. Toi qui avait souvent eu affaire à des banalités comme des contrats prénuptiaux, des filiations d'entreprises ou encore des retrait d'amendes. Son cas à elle n'avait pas été une affaire banale et elle t'avait marqué puisque tu avais tous les détails qui te revenaient en tête.