here's to another year by your side (willow)

Les parents d’August avaient délaissé le magnifique hiver d’Autriche pour se retrouver dans l’été australien, le temps de leurs vacances de Noël. Habituellement, ils adoraient passer leur temps libre à skier les montagnes environnantes, qui entouraient presque complètement la ville où ils habitaient, mais ils s’ennuyaient de leur fils et avaient envie de finalement rencontrer cette fameuse Willow, d’une manière plus directe que par de brefs coucous lancés par Skype. August avait donc tâté le terrain auprès de Willow, qui s’était montrée plus qu’emballée par leur visite à Bowen. Ils resteraient à l’hôtel, leur appartement étant trop petit pour recevoir des invités à dormir, mais ils viendraient prendre le repas chez eux le plus souvent possible. August avait donc tout préparé pour leur arrivée. Noël était passé, mais ils seraient à temps pour le Jour de l’An. C’était justement la veille, lors du réveillon, que la première rencontre entre Willow et les Wojnarowski-géniteurs se déroulerait. August était un peu nerveux, même s’il savait que tout le monde allait s’aimer et que tout allait bien se passer. C’était la première fois qu’il présentait sérieusement une femme à ses parents, et malgré son âge avancé pour ça, il se sentait comme un adolescent qui ramène sa copine à un dîner de famille. Après tout, justement, il était mature et engagé, maintenant. Si ça se trouve, Willow était la femme de sa vie, celle qu’il allait marier, celle qui porterait ses enfants. Il désirait que le courant passe à la perfection. Il était dix-neuf heure passé, les parents avaient un peu de retard. Les salades, les légumes et les à-côtés étaient tous sur la table, les couverts également. Le repas chaud était dans le four et attendait patiemment de se faire servir. « T’es nerveuse ? » Demanda August à Willow avec un sourire. Lui avait vu ses parents la veille et l’avant-veille, mais Willow avait tellement de boulot à rattraper depuis la fin de sa convalescence que ce soir était le premier jour de congé en commun qu’ils pouvaient partager avec les parents. « Ma mère a teeeellement hâte de te rencontrer. Et ne l’écoute pas trop, ok, elle va clairement essayer de nous mettre la pression parce qu’elle a hâte d’être grand-mère mais … mais la laisse pas te faire peur. On va à notre rythme, ok ? » Il sourit, l’embrassa furtivement. Il préférait la prévenir, quitte à lui faire peur par lui-même. Ce n’était pas une discussion qu’ils avaient eu jusqu’à maintenant, après tout ils n’étaient même pas ensemble depuis un an. On sonna finalement à la porte, et August lança un regard amoureux à Willow avant de se diriger vers la porte, suivi de près par sa copine, prête à les accueillir. Le professeur ouvrit la porte. « Papa, maman ! Bienvenue chez moi, enfin, chez nous … » Il tourna la tête vers Willow avec un beau sourire. « Je vous présente officiellement Willow, en personne! » Il rit, avant de fermer la porte derrière ses parents qui se ruaient sur la jeune femme pour lui souhaiter du bon temps, de la santé, et tout ça, dans leur fort accent autrichien. Alors qu’il n’était même pas minuit encore …

En voyant la mine paniquée et surprise qui se dessina sur le visage de Willow quand il parla des demandes incessantes de sa mère sur leur futur, August comprit bien vite que la jeune femme n’était pas forcément rendue là. En même temps, comment pouvait-il la blâmer ? Willow était jeune, encore au tout début de sa carrière. À vingt-six ans, lui non plus ne se serait sans doute pas imaginé avoir des enfants dans l’immédiat. Toutefois, maintenant qu’il en avait trente-deux, August entendait de plus en plus fort la grosse aiguille de son horloge interne à chaque fois qu’elle avançait d’un tiret. Il ne pourrait pas attendre pendant des années encore s’il désirait fonder une famille. Le truc dérangeant dans tout ça, c’était que c’était bel et bien avec Willow qu’il s’imaginait se bâtir un avenir solide. Il ne la forcerait par contre jamais à faire le grand saut avant d’être prête. Après tout, on n’a tous qu’une vie à vivre et August voulait qu’elle profite de ses années de liberté au maximum. Avoir des enfants, il se l’imaginait aisément, était un travail à temps plein, alors qu’ils en avaient déjà, tous les deux, des emplois. Il la regarda donc avec un sourire qui se voulait compréhensif, même si une pointe de déception illuminait son regard d’habitude si assuré. « Quoi ?! Merci de me prévenir chéri ! Heureusement que je t’aime hein. T’as intérêt de pas me lâcher hein. Je ne réponds de rien si je reste seule avec ta mère. » Il rigola à l’unisson. Il ne pouvait pas promettre de contourner tous les stratagèmes de sa mère, mais il ferait en sorte que ce soit le moins pénible pour Willow. Enfin, il exagérait, aussi. Question de la préparer au pire et qu’elle accueille à bras ouverts le mieux. Sa mère saurait se tenir, il avait confiance en elle, et il n’hésiterait pas à la traîner en cuisine pour lui dire deux-trois mots si jamais elle insistait trop. C’était une maman, elle ne voulait que bien faire. « L’appartement est pas énorme, je devrais toujours vous avoir à l’œil, toutes les deux. » Lança-t-il avec un sourire amusé.

Ils eurent droit à une dernière étreinte, un dernier moment de répit, avant que les parents d’August ne cognent à la porte. Dès que cette dernière fut ouverte, ils se précipitèrent dans l’appartement, excités à l’idée de rencontrer la copine de leur fils si éloigné d’eux. « Bienvenue chez nous. Je suis ravie de vous voir enfin en chair et en os. » August les guida jusqu’au salon où il invita ses parents à s’asseoir. « C’est rassurant de savoir que vous étiez plus enjoués à l’idée de rencontrer Willow que de me revoir après tant de mois. » Lança-t-il, faussement peiné par toute cette attention dirigée sur la belle blonde. En même temps, comment leur en vouloir ? Premièrement, le courant avait tout de suite passé entre eux via Skype et, deuxièmement, c’était la première fois que le professeur d’histoire s’engageait aussi sérieusement. Après tout, même si c’était le fruit du hasard ou du destin – au choix -, ils vivaient déjà ensemble ! « Je vous sers quelque chose à boire ? On a de la bière, du vin blanc ou du vin rouge » Proposa-t-il. Sa mère opta pour le blanc, son père pour une bière – après avoir mentionné son intérêt à goûter aux rhums de son fils en fin de soirée. « Willow ? » Demanda August, afin de connaître son choix à elle aussi. Il irait les servir bien vite, pour ne pas laisser sa douce trop longtemps seule. Il n’y aurait sans doute pas de malaise, mais, juste au cas … August s’en alla donc à la cuisine, ramenant avec agilité les trois coupes et la bière. Il fit la distribution et retourna à la cuisine pour sortir quelques amuse-gueules. Il alla finalement s’asseoir à côté de Willow et posa une main toute chaste sur sa cuisse, tout près de son genou, avec un doux sourire au visage. L’homme avala deux gorgées de son vin rouge, question de se donner un peu de courage. « En tout cas, maman, je suis ravi de constater que tu n’as pas profité de l’occasion pour ramener tes vieux albums photos ! » Et pourtant … sa mère le regarda avec un regard malicieux et lui dit qu’elle en avait bien caché un, dans sa valise. Elle se leva et alla le chercher, demandant avec malice si Willow serait intéressée à le regarder. August leva les yeux au ciel en riant. « J’aurais dû me taire. » Alors que d’une façon ou d’une autre, sa mère en serait venue à ça, tôt ou tard dans la soirée.

Comme si elle avait lu dans ses pensées, comme si après seulement quelques mois passés ensemble Willow savait déjà tout comprendre les états d’âme d’August rien qu’à le regarder dans les yeux, elle ajouta : « Tant mieux ! Tu m’entendras lui vanter tes mérites et lui dire combien je t’aime et que je serais contente de lui offrir des petits enfants. Je t’aime. » Elle l’avait tendrement embrassé, ce qui avait déclenché en plus de ses belles paroles, un énorme sourire sur les lèvres du trentenaire. Il osait espérer qu’elle pensait réellement tout ce qu’elle venait de lui dire, et il avait tellement confiance en elle qu’il n’en avait pas le moindre doute, au fond. Tout fonctionnait tellement bien entre eux, tout était tellement parfait, August se surprenait parfois à penser que ça ne pouvait pas durer éternellement, cet amour sans faille. Ils filaient le parfait bonheur alors que le professeur d’histoire n’avait jamais pu tenir une relation plus de deux mois. Il se lassait, il s’éprenait d’une autre, il tournait la page trop vite. Pas cette fois. Cette fois, August avait envie de bâtir quelque chose de vrai et de grand avec Willow, et le soulagement fut immense quand il comprit qu’elle aussi entrevoyait un réel avenir à ses côtés. Ce n’était pas qu’une relation au jour le jour, ce n’était pas que le présent, c’était un chemin qui s’étendait devant eux. « Je t’aime aussi, Willow. Tu peux pas savoir à quel point je suis content de t’entendre dire ça. » Certes, il ne voulait en aucun cas que cette soirée soit synonyme d’engagement et de promesse. Il ne voulait pas qu’elle ait l’impression que l’étau se refermait autour d’elle. Toutefois, c’était la première fois qu’ils parlaient ouvertement de la suite de leur relation. Cela ouvrait la porte à d’éventuelles discussions plus sérieuses. August ne manquerait pas de revenir là-dessus, un peu plus tard dans leur relation, quand ils seraient prêts à songer plus sérieusement à fonder une famille ensemble, s’installer dans une maison, se marier, pourquoi pas. Ils auraient la vie dont ils rêvaient. Pour le moment toutefois, August et Willow devaient se ramener dans le présent, parce que papa et maman Wojnarowski étaient de l’autre côté de la porte.

Cinq minutes plus tard, ils étaient tous dans le salon, et August venait enfin de s’asseoir après avoir servi tout le monde. Les bouteilles de blanc et de rouge avaient été ouvertes, la caisse de bière aussi … cette soirée était prometteuse. Après tout, c’était le réveillon du jour de l’An, il fallait bien fêter comme il se doit. C’était aussi la première fois qu’August recevait ses parents chez lui pour l’occasion, alors il devait se montrer aussi bon hôte qu’eux l’avaient toujours été durant toutes ces autres années en Autriche. Jusqu’à maintenant, tout se passait bien, et les petites entrées cuisinées avec Willow en après-midi faisaient fureur auprès du père d’August. « Je suis désolée de n’avoir pas pu être là avant ce soir. J’aurais voulu être là pour vous accueillir. » Était en train de dire Willow au moment où August s’installait plus confortablement. C’est la mère de l’homme qui prit la parole pour dire à Willow qu’elle n’avait pas à s’excuser, qu’elle comprenait bien que le boulot était important mais qu’elle espérait bien qu’elle prendrait quelques jours pour se reposer. Il était vrai que c’était les vacances du temps des fêtes pour la plupart des habitants, mais la belle journaliste n’avait pas eu un moment de répit. Sa mère s’inquiétait déjà pour sa bru. « C’est vrai que tu as beaucoup travaillé, même après Noël. Demain promis qu’on se la coule douce ? » Il sourit. Ils auraient la journée avec les parents d’August mais ils iraient ensuite les reconduire à l’aéroport en soirée, et ils pourraient revenir à l’appartement pour regarder un film collés l’un à l’autre sur le divan, emmitouflé dans une couverture malgré les températures chaudes d’Australie.

Un peu plus tard, August fit l’erreur irréparable de mentionner les albums photos que sa mère se plaisait habituellement à ramener afin d’humilier – inconsciemment – son fils. Malheureusement pour lui, cette fois ne fit pas exception. August se maudissait dans son coin d’en avoir parlé, même si c’était inévitable et que même s’il s’était tut, sa mère aurait trouvé l’occasion de ramener le sujet par elle-même. « En effet mais moi j’ai hâte de voir ses photos ! » Lança Willow, taquine et excitée à l’idée de voir son petit ami en couche, trente ans plus tôt. « Hâte ? Tu ne me verras plus jamais de la même façon après ça. Limite tu voudras qu’on fasse chambre à part ! » Sa mère leva de gros yeux vers lui en le grondant de dire de telles choses, le contredisant en affirmant qu’il était un vrai petit ange. Willow s’était approchée de sa belle-mère afin de mieux voir l’album-photo que la sextagénaire venait d’ouvrir. August resta de son côté du salon, son verre de vin rouge à la main, secouant la tête avec un sourire amusé. Il alla finalement rejoindre son père pour parler sport et rhum pendant que les deux femmes discutaient ensemble de tous les détails de l’enfance d’August, que ce soit ici en Australie ou en Autriche. De temps en temps, le professeur d’histoire jetait des coups d’œil à sa douce qui s’émerveillait devant le petit visage du jeune August, des étoiles dans les yeux, et qui s’entendait si bien avec sa mère. Décidément, ce serait une belle soirée. Quand sa mère ferma enfin la dernière page de l’album, August les regarda : « Bon, c’est bon maintenant, t’es satisfaite maman ? » Sa mère rigolait, bien fière de son coup, et surtout bien contente de s’entendre aussi bien avec Willow. August aussi, au fond. Il avait beau les taquiner, il était content de voir qu’elles se rapprochaient, peu importe par quel moyen. « Vous avez faim ? On passe à table quand vous voulez, tout est prêt ! » Ses parents acquiescèrent, et August et Willow allèrent donc s’affairer près des fourneaux. Trop loin des parents pour être entendus, August posa une main sur la hanche de la jeune femme et déposa un baiser sur sa joue. « Alors, c’est pas si mal, tu t’en sors bien je trouve ! » Dit-il tout en sortant les plats du four.

Puisque tout le monde avait acquiescé à l’idée de passer à table, August et Willow se levèrent pour aller finaliser le repas. Tout était prêt, à priori, mais il restait à monter les assiettes et mettre les accompagnements sur la table. « Allez vous installer à la table, on vous rejoint dans deux minutes. » Ils s’éclipsèrent donc à la cuisine, qui était séparée de la salle à manger par un simple mur, mais qui leur permit d’avoir un petit moment à eux. August en profita pour souligner à Willow qu’elle s’en sortait bien, et c’était vrai. Sa mère l’adorait. Son père aussi, sans doute, même s’il se montrait bien moins expressif. Ça avait toujours été comme ça. Ses parents formaient un peu un de ces couples clichés, mais heureux, et c’était bien ça l’important. August aspirait à leur ressembler, plus tard, et pour le moment, le plan semblait plutôt bien tourner. Willow et lui étaient un de ces couples bien amoureux, bien démonstratifs, tout simplement heureux. Il espérait que rien ni personne ne viendrait briser cet équilibre qu’ils avaient si rapidement, et si facilement trouvé. « Oui. Enfin je l’espère ! Tes parents sont formidables, tellement fière de toi. J’ai la pression pour leur prouver que je te mérite ! Vous êtes un sacré parti monsieur Wojnarowski. » August secoua la tête avec un sourire. « Tu n’as pas à leur prouver quoi que ce soit, crois-moi. Tant qu’ils savent qu’on s’aime, que tu me rends heureux, c’est assez pour eux. Et j’crois bien que ça saute aux yeux … pas vrai ? » Oui, ça sautait aux yeux que Willow faisait d’August un homme heureux. Après tout, ils avaient échangé un tas de sourires et de regards complices depuis le début de la soirée. Ils s’embrassèrent une dernière fois avant que Willow, la plus sage des deux, les rappelle à l’ordre. « Allons-y sinon ils vont se demander ce qu’on fait. » August soupira, tout légèrement, parce qu’il avait beau adorer ses parents, il n’aurait pas refusé quelques minutes de plus à profiter des lèvres de Willow, de sa peau douce, de ses caresses dans ses cheveux. Mais, elle avait raison. Ses parents ne tarderaient pas à se lever pour prêter main forte au couple, s’ils mettaient trop de temps à revenir. « Oui m’dame. » Avait répondu August, à la blague, avant de prendre les plats et de se diriger en raison du salon. Il déposa le plat chaud sur un sous-plat et prit les assiettes de tout le monde afin de les servir.

Une fois tout le monde servis et assis, leurs assiettes bien pleines, August leva son verre de vin rempli pour la seconde fois – comme tout le monde d’ailleurs – et trinqua. « À ce réveillon du Nouvel An. On laisse 2016 derrière et on accueille à bras ouverts 2017 ! » Certes, il restait encore quelques heures avant que le six ne devienne un sept, mais l’essence du message était là quand même. Les quatre mangèrent avec appétit, parlant de tout et de rien – le boulot de Willow, ses récents articles les plus intéressants, les nouvelles politico-sociales en Autriche, le baratinage sur les voisins, bref tous les faits divers qui leur venaient en tête. Puis, après cet agréable repas, vint le temps de faire perdurer la tradition des Wojnarowski quand le nouvel an arrivait. Le père d’August, qui tenait mordicus à cette belle tradition, fut celui qui en parla le premier. August se tourna alors vers Willow pour bien expliquer le concept. « À chaque fin d’année, quand on s’apprête à rentrer dans la prochaine … on fait ce qu’on appelle un tour de table et chacun dit ce qui l’a marqué de l’année précédente, et ce qu’il se souhaite pour l’année suivante. » Parfois, c’était émouvant, d’autres fois, c’était amusant. Tout dépendait de l’année que tous avaient passée. C’était personnel à chacun. La mère d’August prit la parole la première, parlant du fait marquant de 2016, soit son changement d’emploi qui lui avait permis d’enfin avoir les conditions idéales, et elle se souhaita pour 2017 de prendre enfin le temps d’accomplir les activités qu’elle n’avait jamais eu le temps de faire pour elle. Son père, lui, parla de sa retraite bien méritée et du petit cabanon qu’il avait construit dans la cour arrière, et se souhaita la santé, tout simplement, lui qui vieillissait de plus en plus. Ce fut alors au tour d’August. « Ça ne surprendra personne, et j’vole l’idée que Willow avait sans doute en tête mais … Ce qui a marqué 2016, pour moi, c’est ma rencontre avec toi, Willow. » Il lui prit la main, avec un sourire et un regard brillant. « J’ai attendu quelqu’un comme toi tellement longtemps, et il était grand temps que t’arrives dans ma vie. Pour ce qui est de 2017 … un peu comme papa, je nous souhaite la santé, jumelé à la tranquillité. Après le séisme qu’on a vécu en septembre, ici, j’ose espérer qu’on pourra passer à autre chose. » Ils avaient vécu dans la peur pendant un moment, après ce choc, il était difficile de retourner à la normale. Surtout parce que Willow avait été blessée, et que ça leur rappelait constamment que c’aurait pu être pire. Que ça avait été pire … pour d’autres qu’eux. Ils avaient été chanceux dans cette malchance. August se tourna alors vers Willow. « À toi, Will ! » Lança-t-il joyeusement, ayant hâte d’entendre ce qu’elle avait à dire. C’était certainement son moment préféré de cette soirée traditionnelle : entendre le bilan des autres. Pour la première fois, ce serait celui de Willow. Et il espérait que c’était le premier d’une longue lignée.

« C'est tout ce qui m'importe tu sais ... Te rendre heureux autant que tu me rends heureuse chaque jour depuis que je t'ai rencontré » Et c’était le cas. Elle le rendait tellement heureux, au point où il ne pouvait plus s’imaginer vivre avec une autre femme qu’elle. Il se disait que pour une fois, l’herbe n’était pas plus verte chez le voisin. Il ne trouverait sans doute pas mieux ailleurs, Willow était faite pour lui, et si leur relation demeurait sur cette lancée, sur cette lignée, alors il n’avait aucune raison de s’en faire. Tant que rien ne venait troubler leur bonheur, August se sentait prêt à affronter les aléas de la vie à ses côtés. « Ne t'en fais pas, ils ne vont pas rester indéfiniment. » August sourit à son clin d’œil.  « Heureusement ! » Lança-t-il avec humour alors que la blonde disparaissait de l’autre côté de la pièce, posant les plats sur la table où les parents de l’homme étaient assis. Il adorait ses parents et leur présence en Australie le rendait heureux, mais il réalisait aussi à quel point son intimité avec Willow était devenue importante depuis qu’ils vivaient ensemble. Après tout, depuis qu’elle avait emménagé, ils vivaient dans leur petit nid d’amour, recevaient des amis de temps en temps, mais ça n’avait jamais été aussi envahissant que depuis l’arrivée des Wojnarowski. En même temps, c’était normal qu’ils soient aussi souvent et aussi longtemps en compagnie de leur fils : il était la seule et l’unique raison de leur voyage à l’autre bout du monde. Évidemment qu’ils désiraient profiter au maximum de son temps, et de celui de sa copine maintenant.

Une fois tout le monde assis, ils mangèrent avec appétit, avant d’en arriver au dessert et, surtout, au moment de la tradition à laquelle Willow allait être initiée dès ce soir. Elle faisait partie de la famille, maintenant. Ce n’était pas parce qu’elle n’avait pas encore l’anneau passé autour du doigt qu’elle n’était pas une partie intégrante de leur petite famille. Évidemment, ce lien d’appartenance ne serait que renforcé lorsqu’ils auraient des enfants, une maison et un mariage réussi à leur actif, mais les parents d’August incluaient déjà Willow dans leur vie. Chacun leur tour, ils parlèrent donc des moments importants de leur année et annonçaient les défis à venir, ou les souhaits qu’ils se réservaient pour les prochains douze mois. Ils se tiendraient à ces souhaits jusqu’à la prochaine réunion, au prochain trente-et-un décembre, où le cycle recommencerait. August espérait que Willow serait encore de la partie, qu’elle serait encore à ses côtés, toujours aussi heureuse et souriante. Leur bonheur lui suffisait, pour autant qu’il perdure. Ce fut d’ailleurs à son tour de prendre la parole, et le professeur d’histoire l’écouta avec émotion, caressant sa main du bout de ses doigts. « 2016 a été pour moi une année compliquée. Pleines de grands changements que je n'avais pas forcément prévus. J'ai pris un nouveau départ ici. Nouvelle ville, nouveau boulot et nouvelles rencontres incroyables. Quand je suis arrivée, j'étais vraiment angoissée, me demandant comment tout ça aller finir. Et puis j'ai débarquée à ta porte August, un peu perdue … J'ai posé les yeux sur toi et sans que je sache pourquoi, j'ai su que tout irait bien. C'est stupide mais je crois véritablement qu'on était fait pour se rencontrer. Grâce à toi, je suis plus heureuse que je l'ai jamais été avant. Tu es aussi tout ce que j'ai toujours voulu. Je t'aime. » Willow rougissait au même rythme que le sourire d’August s’agrandissait. Ses paroles le touchaient droit au cœur et, à ce moment bien précis, on aurait dit qu’ils se trouvaient dans leur bulle et que rien d’autre n’existait. Pourtant, les parents d’August étaient bien là, à moins d’un mètre d’eux. Ces derniers les regardaient avec tout autant de bonheur, sans doute heureux de constater tout l’amour qui régnait dans le couple que leur fils formait avec cette femme formidable. « Et pour cette nouvelle année, eh bien je nous souhaite à tous la santé, de l'amour, et que nos projets se réalisent. » Et sur ces paroles, ils levèrent tous leurs verres, pour souligner tous ces vœux et leur permettre de se réaliser. Ils burent alors au même moment, August terminant son verre puisque le dîner s’était achevé. Alors qu’ils déposaient leurs coupes sur la table, la mère d’August releva alors les dernières paroles de Willow, demandant quels projets ils avaient en tête, avec un petit sourcil légèrement arqué. Elle demanda évidemment s’ils envisageaient fonder une famille, acheter une maison plus grande pour les élever, tout ça. August soupira en levant les yeux au ciel, un sourire à la fois amusé et agacé sur les lèvres. « Aaaah, je pensais qu’on s’en sortirait sans tes sous-entendus, maman. » Lâcha August en jetant un coup d’œil à Willow afin de s’assurer qu’elle n’était pas en train d’hyperventiler. « Enfin, rendu là, il ne s’agit même plus de sous-entendus. » Se reprit-il, réalisant que sa mère n’avait aucunement pris la peine de passer par quatre chemins avant d’en arriver à la question des enfants. August regarda sa mère tout en commençant à rassembler les assiettes de tout le monde, question de les emmener jusqu’au lave-vaisselle. « On en a pas encore vraiment parlé, si c’est ce que tu veux savoir. Willow commence tout juste sa carrière, j’ai pas des horaires faciles non plus, alors on verra. On se laisse le temps. » Expliqua-t-il, question que sa mère n’insiste pas trop alors que Willow et lui n’avaient jamais sérieusement discuté, à deux, du genre d’avenir qu’ils désiraient bâtir ensemble. Pour August, c’était clair que les enfants, le mariage et la maison viendraient. Aux dires de Willow un peu plus tôt, elle ne semblait pas non plus contre. Mais une discussion plus formelle s’imposerait, éventuellement.

Pour rattraper la gaffe volontaire de sa mère et calmer la nervosité qui s’était probablement emparée de Willow, August s’empressa de répondre en leur nom quant à la question des enfants. Le trentenaire avait abordé pour la première fois le sujet avec sa copine quelques minutes à peine avant l’arrivée de ses géniteurs. Ils semblaient être sur la même longueur d’ondes mais il était trop tôt pour le dire, trop tôt pour prévoir, surtout devant les parents d’August. Ce dernier pensait davantage raisonnable de prendre le temps d’en parler avec Willow, de faire des plans plus précis, avant de répandre la bonne nouvelle. Il tenta donc de contourner les essais diaboliques de sa mère du mieux qu’il le pouvait. À son plus grand étonnement, Willow y ajouta sa propre pensée sur le sujet. « C’est vrai que pour le moment les choses sont un peu compliqué et on a pas envie de précipiter les choses. On prend le temps de profiter l’un de l’autre. Quand le moment viendra je serais ravie de fonder une famille avec August. Je serais folle de ne pas y songer alors que je n’ai jamais été aussi heureuse que depuis qu’il est entré dans ma vie. J’ai beaucoup de chance de l’avoir mais je ne vous apprend rien, c’est votre fils après tout ! » Surpris par ces belles paroles et surtout par l’assurance avec laquelle Willow les avait prononcées, August regarda la jeune femme avec un regard brillant, et surtout touché. Certes, elle lui avait sensiblement dit la même chose avant que la porte ne s’ouvre sur ses parents, mais de l’entendre le dire de cette façon, et à sa mère, ça changeait tout. Le contexte rendait l’idée encore plus vraie, plus proche. Qui sait, au prochain réveillon du nouvel an, peut-être Willow aurait-elle un ventre prêt à exploser ? Une bague au doigt et lui aussi ? Il pouvait se permettre de rêver, dorénavant. « Je n’aurais pu dire mieux ! Enfin, pour la première partie en tout cas … Pour ce qui est de la chance que t’as d’être avec moi, j’pourrais pas l’confirmer. » Répondit-il avec un sourire, finissant par une petite touche d’humour dans le but de détendre l’atmosphère et surtout de bien conclure le sujet. Willow en profiter pour inviter les parents du professeur d’histoire à passer au salon. Ils termineraient la soirée là, à parler, regarder les différentes revues de l’année à la télévision, jouer à des jeux de société pourquoi pas. Minuit arriverait plus vite qu’ils ne le pensaient. « Vous prendriez des cafés ? » Demanda l’homme, au passage. Sa mère opta pour un thé, mais son père acquiesça pour un café-surprise, ce qui signifiait qu’il s’attendait à avoir quelques gouttes d’alcool en bonus. August secoua la tête en riant. Il ne tenait pas son goût pour l’alcool du voisin ! Il suivit donc Willow en cuisine, amenant avec lui sa part d’assiettes. Il fit bouillir l’eau et prépara la machine à café, sortant également les ingrédients nécessaires pour faire des cafés colombiens. Willow se tourna alors vers lui pour l’embrasser et l’appeler son chevalier servant. « Chevalier servant ? Mais que me vaut cet honorable titre ? » Demanda-t-il avec un sourire. Il passa ses bras autour du corps de Willow, ses avant-bras se croisant dans le bas du dos de la jeune femme alors qu’il la pressait légèrement contre lui. Ils se défirent finalement de cette étreinte quand la bouilloire cria sa chaleur. « En tous cas, tu avais raison pour ta mère. Elle n’a pas pu s’en empêcher. Mais bon, c’est une mère, elle veut simplement ton bonheur. On peut pas lui en vouloir pour ça. » Avait alors dit Willow. August tourna brièvement la tête pour la regarder, continuant de sortir les tasses. Un sourire se dessina sur ses lèvres. « Je sais bien. Et on a plutôt bien géré la crise. » Bon, crise, c’était exagéré, mais c’était une manière de parler. August sourit et présenta son poing à Willow, question de souligner leur victoire contre sa mère avec un fist bump bien mérité. Une fois les cafés et thés prêts, August et Willow retournèrent au salon pour retrouver ses parents qui se parlaient, assis l’un à côté de l’autre sur le fauteuil. Mine de rien, ils auraient à peine le temps de boire leurs cafés que viendrait le moment de sortir le champagne pour fêter la nouvelle année.

Ils étaient toujours dans la cuisine, en train de préparer les thés et les cafés qui les feraient tenir jusqu’aux douze coups de minuit, jusqu’à la nouvelle année. « Oui, je crois qu’on s’en sort pas mal. Enfin en même temps, tes parents sont géniaux. Je me sens vraiment idiote d’avoir autant stressée avant qu’ils arrivent maintenant. » August lui sourit en la regardant et haussa les épaules avant de continuer à s’affairer aux cafés. « C’est normal, tu voulais que tout soit parfait, tu voulais leur plaire. » Il la connaissait assez pour le savoir, ça. Willow savait à quel point la famille était importante pour August, alors elle désirait que sa venue dans celle-ci se passe de la meilleure façon possible. « Et tu as réussi. Mais je n'en ai jamais douté. » Conclut-il, avant de lui présenter son poing et de déclarer qu’ils avaient bien géré la crise quand sa mère avait osé poser trop de questions. Ils rigolèrent ensemble avant de rejoindre les parents du trentenaire au salon, où les attendaient sagement en discutant entre eux. Sa mère était sans doute en train de commenter la décoration, ou un truc dans le genre. Elle avait toujours des commentaires à passer, mais ce n’était jamais bien méchant. Ils discutèrent de tout et de rien, Willow avait pris un peu de recul et faisait moins d’intervention, mais elle souriait et commentait à l’occasion. De toute façon, c’était davantage la mère d’August qui prenait toute la place, fidèle à elle-même. Elle leur racontait encore des histoires de son quotidien, de son boulot, de son bénévolat, des voisins, des sorties du vendredi soir. Son père la reprenait sur certains détails mais la laissaient s’étaler comme elle le voulait. August se perdit à son tour dans ses pensées, à un moment, tentant de s’imaginer à quoi Willow et lui pourraient ressembler, plus tard. Seraient-ils à l’image de ses parents à lui, ou à elle ? Ou alors formeraient-ils un couple bien unique, sur des bases créées par nuls autres qu’eux deux ? Il faut dire que leur parcours n’était pas des plus habituels, niveau romantique, alors qui sait de quoi ils auraient l’air dans dix, vingt, trente ans ? Il souhaitait juste une chose : qu’ils s’aiment autant que ses propres parents s’aimaient. « C’est presque l’heure. Je vais sortir le champagne. C’est bon mon cœur, reste avec tes parents, je m’en occupe. » August hocha la tête et se rassit, lui qui avait été prêt à bondir pour aider sa copine. « Merci Will. » Lança-t-il alors qu’elle était déjà en direction de la cuisine. Il la regarda disparaître dans l’autre pièce, s’assurant qu’elle était bien certaine de ne pas avoir besoin d’aide, avant de reporter son attention sur ses parents. Ils discutèrent encore un moment, malgré qu’August jetait de temps en temps des regards à la cuisine. Willow en ressortit après un moment, avec quatre coupes, et la bouteille après un deuxième aller-retour. Le père d’August n’hésita pas à se porter volontaire pour ouvrir la bouteille. « Allez, vas-y papa, fais ton show-off. » S’exclama August tandis que son père riait, se préparant à faire voler le bouchon jusqu’à l’autre bout de la pièce. Le champagne coula à flots dans chacune des coupes qu’August distribua par la suite. Sur l’horloge la trotteuse approchait du haut, et à la télévision, les différents animateurs clamaient déjà le décompte. August se joint au mouvement. « Dix ! Neuf ! » Il prit sa propre coupe qui était déposée sur la table basse. « Huit ! Sept ! » Il la leva dans les airs. « Six ! Cinq ! » Willow, sa mère et son père levèrent aussi leurs flûtes. « Quatre ! Trois ! » Il regarda ses parents avec un sourire, content de vivre ce moment avec eux. « Deux ! » Mais encore plus heureux que cette année, la femme qu’il considérait être la femme de sa vie se trouvait enfin à ses côtés. « Un ! » Les flûtes de champagne se cognèrent doucement les unes contre les autres. « Bonne année ! » August tourna machinalement la tête vers Willow et l’embrassa avec amour et bonheur. « Bonne année mon amour … » Répéta-t-il à voix basse dans son oreille, un sourire fendant son visage. Il alla ensuite embrasser son père et sa mère sur les joues, leur souhaitant personnellement une bonne année à eux aussi.