in a sky full of stars (tetris)

Emrys sait qu'il ne doit pas boire, que c'est mauvais, qu'il va finir par être complètement dépendant et alcoolique, qu'il se détruit. Mais c'est un moyen pour lui de s'évader, de penser à autre chose. Malgré tout il tente petit à petit d'éviter de se saouler tous les soirs. Ce soir là son substitut c'est de travailler, c'est pour cela qu'il s'est tout récemment lancé dans le projet de devenir doctorant. Il commence donc à rédiger sa thèse, à faire ses recherches. Ça lui permet de se plonger dans le travail et ne pas penser à autre chose qui pourrait le rendre triste. Quelque part lorsqu'il est assis à sa table, en train de faire ses recherches, il se sent heureux, il fait quelque chose qu'il aime et dans laquelle il se jette corps et âme.
Le jeune homme a en face de lui une table remplie de livres en tout genre avec des tas de marques pages pour ne pas oublier les passages importants ainsi qu'un cahier un peu abîmé et une trousse tout à fait minimaliste. Il n'est pas très nouvelles technologies, ordinateurs, sites internet, etc. Il est de la vieille école, parfois un peu vieux jeu.
C'est peut-être un peu bizarre pour un professeur d'étudier dans la bibliothèque mais il se dit que vu l'heure tardive il ne va pas déranger grand monde. La preuve, à part le responsable de la bibliothèque, il n'y a quasiment personne. Il faut dire qu'il fait déjà presque nuit, sachant que c'est l'été, il est plutôt tard. Mais pas question pour lui d'aller se coucher, une nounou s'occupe de Marvin toute la nuit donc il n'a pas de soucis à se faire de ce côté-là. Bien sûr il sait qu'il ne pourra pas rester là toute la nuit, la bibliothèque ferme tout de même, mais il restera sûrement jusqu'à la fermeture.
Il s'étire un coup pour se détendre le dos puis se lève pour aller se poster devant l'une des grandes fenêtres de la bibliothèque, il observe l'extérieur, le paysage un instant. Tout est calme, comme dans la bibliothèque, ça le rend serein et détendu, ce qui lui fait un bien fou tellement ça n'arrive jamais. Il se retourne vers la bibliothèque et aperçoit une jeune femme non loin de lui. « Je ne pensais pas que d'autres personnes seraient aussi folles que moi pour rester aussi tard. » dit-il presque sans attendre de réponse.

Théia n'a même pas vu l'heure passer. Cela fait un moment déjà qu'elle est là, à la bibliothèque de l'université où elle s'est installée immédiatement après la fin de son dernier cours. Sur sa table, elle a étalé plusieurs livres pourtant sur l'histoire du cinéma ouverts à différentes pages. Elle se doit de s'informer au maximum pour son stage d'assistante de tournage, et puis tout ce travail ne peut que lui être bénéfique pour plus tard. Elle lit, écrit quelques mots sur un brouillon, tout ça sous la lumière d'une lampe car plus aucun rayon de soleil ne se diffuse à travers les fenêtres à présent. À force de lire et relire les mêmes phrases, sa tête menace petit à petit d'exploser. Théia relève la tête, pose son menton sur le creux de sa main, et se perd pendant un instant dans ses pensées. Elle imagine ses propres films, ce qu'elle pourrait faire par la suite, où tourner ses plans. Elle rêvasse, ne remarquant même pas l'homme qui s'approche de la fenêtre et donc, indirectement, d'elle. Sa voix la tire de ses pensées, et elle tourne la tête vers lui histoire de vérifier que c'est bien à elle qu'il s'adresse. « Franchement, je m'étonne moi-même d'être ici. » Un sourire étire ses lèvres. Elle cherche la gérante de la bibliothèque du regard, mais ne la trouve pas. Il n'y a vraiment plus beaucoup de monde dans la pièce, et Théia en vient même à se demander si il est si tard que ça. Un rapide coup d'oeil sur l'écran de son cellulaire le lui confirme, et elle hausse des sourcils étonnés. Glissant une mèche de cheveux derrière son oreille, elle porte à nouveau son attention sur l'homme. « Laissez-moi deviner. Vous êtes un grand scientifique, prêt à révolutionner le monde et à soigner les maladies incurables. » Elle pose son crayon sur son carnet et en oublie un instant ses livres.

La jeune femme avait l'air perdue dans ses pensées, il ne savait même pas si elle avait entendu sa remarque. Au pire ce n'est pas grave, il irait se rasseoir à sa place comme ci de rien n'était et puis voilà, il ne s'en formaliserait pas vraiment. Elle lui répondit malgré tout tandis qu'il reste toujours près de la fenêtre. Elle lui répondit qu'elle s'étonnait elle-même d'être là aussi tard à la bibliothèque. Il en déduisit qu'elle n'était pas habituée à travailler jusqu'à des heures relativement peu normales pour des personnes normales ou tout de moins à la bibliothèque. Il n'en sait rien après tout, peut-être passe-t-elle des nuits blanches à travailler d'arrache pied. Emrys se contenta de hocher la tête, s'ensuivit un bref silence avant que la demoiselle suppose qu'il est un grand scientifique qui veut révolutionner le monde en inventant un vaccin. Cette idée fit rire légèrement le jeune homme qui se trouvait de bien meilleure humeur par rapport à d'habitude étant donné qu'il est plongé dans l'histoire. « Non pas vraiment j'ai toujours été nul en maths à vrai dire. En réalité je commence à rédiger ma thèse en histoire. » répondit-il en étant un peu plus bavard qu'à l'accoutumée. « Et vous alors une étudiante relativement en retard dans ses révisions et qui compte faire des nuits blanches pour rattraper son retard ? » demanda-t-il légèrement intrigué. Après tout elle doit bien avoir une raison pour rester ici aussi tard. Il n'y a sûrement que lui qui rêverait de passer une nuit dans une bibliothèque entouré de livres. Il devrait d'ailleurs peut-être demandé à la bibliothécaire s'il peut passer une nuit ici un jour. Elle le prendrait sûrement pour un fou mais il aimerait bien savoir ce que ça fait de s'endormir entre des rayons remplis de livres.

Bien qu'elle ne soit pas habituée, Théia a fini par apprécier l'ambiance qui se dégage de la bibliothèque à une heure si tardive. Il n'y a pratiquement personne, et les livres qui l'entourent lui offre une sensation de calme, de chaleur, comme si elle se trouvait actuellement dans un petit cocon bien à elle. Visiblement, elle n'est pas la seule à apprécier cette atmosphère. Cet homme qui lui parle attire son attention et la fait s'accouder sur le livre ouvert devant elle à la page des plus grands cinéastes. Elle hausse les sourcils lorsqu'il dit être occupé à rédiger une thèse d'histoire. « Waw, vous êtes sur le point de changer les livres et d'ajouter plus de matière à étudier pour les générations suivantes. » Elle rit doucement. « Je plaisante, c'est très impressionnant. » Et elle est sincère. Théia a toujours éprouvé un grand respect envers ces hommes amoureux d'un sujet au point de vouloir l'investiguer encore plus. Sa question la fait sourire avant qu'elle ne secoue négativement la tête. « Pas vraiment. J'ai décroché un boulot sur un plateau de tournage et ma maître de stage m'a demandée de me tenir informée au maximum. » Comme pour prouver que ce qu'elle dit est vrai, Théia soulève le premier livre posé sur une pile d'autres et laisse à l'homme l'occasion de lire le titre, "101 secrets du cinéma". D'habitude, Théia travaille chez elle. Elle profite du calme qui règne dans son appartement, calme parfois un peu trop pesant. Elle a voulu essayer la bibliothèque pour une fois et n'en a absolument pas été déçue.

Lorsqu'il parla de sa thèse en histoire, qu'il venait tout juste de commencer, la jeune femme lui répondit qu'il allait ajouter de nouvelles choses à étudier pour les étudiants futurs. Emrys ne savait pas si elle était sérieuse ou non mais son rire l'informa rapidement qu'il s'agissait d'une blague. Malgré tout il se dit que peut-être un jour il écrira un livre d'histoire qui servira aux futurs étudiants. Enfin pour l'instant ce n'est pas à l'ordre du jour. Pour l'instant il doit se concentrer sur ses cours, sur sa thèse, surtout sur ça, rien d'autre. Ne surtout pas penser au passé, à sa femme, à son fils qui dormira quand il rentrera, ne surtout pas penser à ça. « Merci. » dit-il modestement lorsque la demoiselle lui dit trouver ça impressionnant. Il ne doit certainement pas être le seul à faire une thèse ici, c'est plutôt courant à l'université mais à son âge peut-être moins. En général les élèves faisant un doctorat le font directement après leur master. Lui a attendu plus de dix ans. Il faut dire qu'il n'a pas non plus eu vraiment l'occasion de le faire avant.
Emrys avait demandé à la jeune étudiante ce qu'elle avait de si important à faire pour rester aussi tard dans la bibliothèque. Elle lui répondit avoir été embauchée sur un plateau de tournage et s'informer au maximum sur le cinéma. Un domaine relativement différent de celui du professeur mais ce n'est pas pour autant qu'il ne s'y intéresse pas un minimum. « Ça doit être très intéressant. » dit-il avant de s'éloigner un peu de la fenêtre pour se rapprocher de la table de la jeune femme. « Et quelles sont vos inspirations ? » demanda-t-il un peu curieux. Lorsqu'il s'agit de culture il est toujours intéressé de ce que pensent les gens. Il se fiche complètement de leur vie privé par contre dès qu'il s'agit d'histoire, de livres, de cinéma il devient tout de suite plus bavard et curieux.

Pendant que les autres enfants si fichaient totalement de ce qu'ils allaient bien pouvoir faire de leur futur, elle était déjà fascinée par tout ce qui touchait au cinéma. Et pendant que les ados se dirigeaient vers des études de droit, de médecine, ou encore de marketing, Théia réalisait déjà ses propres films par ses propres moyens. Ça a toujours été une évidence pour elle, une passion qui l'a empêchée de sombrer pendant une période sombre de sa vie, qui l'aidait à garder un objectif pour ne pas finir par tout abandonner et baisser les bras. L'historien la remercie, et elle lui offre un petit sourire en coin comme si ça suffirait à lui convaincre qu'elle est sincère. Et elle l'est, car Théia complimente trop rarement que pour que ce qu'elle dise ne vienne pas du coeur. Elle lui parle ensuite d'elle, de son boulot, et il se rapproche de la table qu'elle n'a pas quittée en semblant s'intéresser un minimum à son discours. Ses inspirations ? L'idée reste quelques secondes en suspend dans sa tête. En réalité, elle n'y a jamais vraiment pensée. Il y a bien quelques unes, mais elles sont trop personnelles et Théia ne sent pas prête à les lâcher comme ça, devant un inconnu. « Je dirais... tout ce que le regard humain n'arrive pas à percevoir directement. Par exemple, la période entre le jour et la nuit, ou l'évolution des premiers jours de printemps. Je crois que la nature est en réalité ma première inspiration. » Lentement, un sourire vient étirer son visage pendant que son regard se perd un instant dans le vide avant d'à nouveau venir se poser sur l'homme. Et voilà que sûrement, il doit maintenant être occupé à la prendre pour une éternelle gamine trop romantique et trop fleur bleue, qui voit le bien partout et la beauté dans n'importe quel coucher de soleil. Mais si il savait, si il connaissait tout de sa personnalité et de sa vie, il comprendrait pourquoi Théia a tellement eu besoin à s'accrocher à ces petits détails que la vie lui offrait.

Emrys trouvait la jeune inconnue intéressante. Il lui donnait la vingtaine mais la trouvait bien plus mature que les autres personnes de son âge. Ce n'est peut-être qu'une intuition, après tout ils ne se sont parlés que deux minutes jusqu'à maintenant et pas vraiment avec une conversation très développée.
Il lui demanda quelles sont ses inspirations, ce qui lui donne des idées pour tourner ou écrire, il ne sait pas vraiment ce qu'elle fait dans le vaste domaine du cinéma. Il y a tellement de métiers possibles ! Il sait seulement qu'elle est actuellement en stage sur un tournage, pas de quoi vraiment l'orienter sur un métier précis. La jeune femme lui répondit quelque chose qui l'étonna. Emrys s'attendait à un nom de réalisateur ou bien à quelque chose d'assez vague et commun mais il fut surpris d'entendre que ce qui l'inspire c'est ce que l'on ne peut pas percevoir directement. Comme des concepts abstraits que l'on peut filmer à travers des accélération ou des changements de décors mais que l'on ne peut pas vraiment appréhender dans la vie. Elle conclut en disant qu'au final ce qui l'inspire le plus c'est la nature. « Ce que personne ne remarque alors que c'est là, juste sous nos yeux. Les choses auxquelles on ne fait pas attention alors que si on s'y intéresse de plus près c'est tout à fait extraordinaire. » dit-il comme un prolongement de sa réponse et une analyse. Lui n'a jamais voulu faire de cinéma mais il s'y intéresse tout de même. Et parfois il s'intéresse aux choses dont on passe devant chaque jour. Par exemple un court métrage sur la vie des fourmis. Cela a l'air vraiment ennuyeux à première vue. Pourtant les fourmis sont des insectes petits mais pourtant très puissants. Elles ont toute une hiérarchie sociale très organisée, tout comme les abeilles. Ce sont des choses un peu banales mais qu'Emrys trouve tout à fait extraordinaire. « Vos films doivent être très intéressant. » ajouta-t-il ensuite, sincèrement.

Le cinéma est une passion qu'elle possède depuis qu'elle est petite, depuis ce merveilleux jour où, pour ses dix ans, elle a reçu son tout premier appareil photo capable de faire des vidéos. Théia se baladait partout avec, elle filmait les coccinelles de son jardin, les passants dans la rue, le lever de soleil tardif en hiver. Et lorsqu'on lui offre la possibilité de parler de son amour pour la mise en scène, elle ne peut s'empêcher de déballer à chaque fois un long et interminable discours sur la raison de pourquoi elle voudrait en vivre. Elle parle vite, en faisant des gestes avec ses mains, mais lorsqu'elle réalise qu'elle a peut-être trop parlé, elle remarque que cet homme en face d'elle ne semble absolument pas ennuyé. Au contraire, il enchaîne et fait naître sur ses lèvres un sourire sincère et même admiratif. Oui, c'est totalement ça. Il a compris, et c'est bien la première fois que Théia n'a pas l'impression de parler dans le vide. Son coeur se remplit de joie, mais elle fait de son mieux pour rester calme et se contente de hocher la tête.  « Exactement, » dit-elle simplement sans le quitter des yeux. Théia a toujours eu beaucoup de mal à expliquer ses films que certains trouvent trop abstraits. Elle se sent des fois incapables de mettre des mots dessus, elle l'impression que les images parlent d'elles-mêmes, et que l'expliquer briserait toute la magie. À la remarque de l'inconnu, elle sourit une nouvelle fois avant de hausser modestement les épaules. Elle ne sait pas si ses films intéressent d'autres gens qu'elle, mais n'est-ce pas le plus important d'aimer ce qu'on fait ? Et puis, elle réalise qu'elle ne s'est pas encore présentée devant lui.  « Au fait, je m'appelle Théia, » dit-elle avant de relever les yeux vers lui, attendant qu'il fasse de même.

Au vu du regard que lui jetait la jeune femme, Emrys jugea que peu de personnes ne devaient la comprendre lorsqu’elle parlait de cinéma. Même s’il n’est pas un passionné comme elle, il comprend ce qu’elle veut dire lorsqu’elle parle de ses sources d’inspiration. Elle se présenta ensuite sous le nom de Théia. C’était à présent à lui de se présenter, par politesse. Mais que devait-il dire ? Il n’a pas l’habitude de parler à des étudiants en dehors de ceux qui suivent son cours et qui donc savent son nom. Mais là ils parlent comme deux personnes normales, ne se souciant pas du statut d’élève et de professeur. Il faut aussi dire qu’il n’est pas à la bibliothèque en temps que professeur faisant des recherches pour ses cours mais comme thésard. « Enchanté Théia. Je suis Emrys ou Mr. Castel-Lewis, comme vous préférez. » c’est bien plus simple comme ça. C’est à elle de décider si elle l’appelle par son prénom ou bien de manière plus conventionnelle par son nom de famille.
A présent que les présentations sont faites Emrys ne sait pas vraiment quoi ajouter. Ce n’est pas un grand bavard loin de là et il a grand mal à tenir une conversation longue et fournie avec quelqu’un si celles-ci sort de ses domaines de prédilection que son la littérature et l’histoire. Il apprécie également le cinéma mais il ne sait pas s’il pourrait tenir une longue conversation à son propos. Dire qu’il a un jour travaillé comme diplomate dans les bureaux des services secrets. Ce temps où il passait sa vie aux téléphones avec des dignitaires de toutes sortes de pays lui semble bien loin. Malgré tout l’écriture de sa thèse lui remet du baume au cœur et le fait s’évader dans sa passion. « Vous devriez peut-être rentrer chez vous, il ne faut pas travailler si tard. » dit celui qui était justement en train de travailler à cette heure aussi tardive. Plus doué pour donner des conseils aux autres qu’à se les appliquer à lui même.

Lorsqu'en se présentant, son interlocuteur mentionne et son prénom et son nom de famille, Théia se raidit légèrement en se rappelant qu'elle parle là à un professeur de son université. Oups. Peut-être n'aurait-elle pas dû se montrer si familière, elle sait que ce genre de contact mal interprété pourrait être mal pris. Et puis, après mûre réflexion, elle finit par se dire que qu'ils n'ont pas discuté comme un prof et son élève, mais simplement comme deux humains passionnés. Théia met de coté ses interrogations, et se dit qu'elle l'appellera certainement par son nom de famille si ils doivent un jour se recroiser quelque part. Autant garder cette formalité, ils ne sont pas assez proches que pour qu'elle puisse l'interpeller sous son prénom. Joli prénom, soit disant passant. « Merci de me donner le choix, mais je pense que ça restera Mr. Castel-Lewis tant que je serai étudiante ici. » Elle esquisse un sourire en coin. Dommage qu'ils ne se soient pas rencontrés dans un autre contexte, elle a l'impression qu'elle et lui pourraient avoir bien d'autres conversations plus qu'intéressantes qui réussiraient à la tenir éveillée si tard dans une bibliothèque. Cependant, ce qu'il lui dit ensuite fait bien comprendre à Théia que lui n'envisage pas de prolonger celle de ce soir. Elle hoche la tête, ferme l'énorme bouquin ouvert devant elle, puis range le plus silencieusement possible sa trousse dans son sac comme si elle craignait d'encore déranger quelqu'un. « C'est vrai, même si je ne risque pas de m'endormir tout de suite vu la tonne de caféine que je me suis enfilée. » Autrefois, Théia n'aimait pas le café. Mais depuis qu'elle a trouve ce job qui la force à travailler tard, elle a fini par se faire à son goût. Elle se lève et sert le bouquin contre sa poitrine avant de lever les yeux vers Em.. Mr. Castel-Lewis. « Vous aussi, vous devriez rentrer chez vous. Les rues de Bowen deviennent dangereuses à une certaine heure de la nuit, » plaisante-t-elle.

Emrys trouvait ça plus sage qu’ils s’en gardent à s’appeler de manière formelle comme le font un élève et un professeur. Malgré tout il ne verrait aucun mal à ce, qu’en dehors de l’université, ils s’appellent mutuellement par leur prénom. Ce n’est pas illégal, enfin il ne pense pas. Et puis ils ne font rien de mal, juste discuter de choses qu’ils apprécient. Il aime la hiérarchie, la politesse et les choses bien ordonnées mais il n’abuse jamais de son pouvoir et est toujours présent pour discuter avec des élèves du cours qu’il vient de donner ou d’un autre sujet tant que cela ne devient pas personnel.
Et puis en ce moment Emrys est un peu redevenu un élève à cause de l’écriture de sa thèse. Il continue à enseigner mais un peu moins de manière à toujours gagner assez d’argent pour payer son loyer et autre mais également pour avoir le temps de se concentrer sur l’histoire de la guerre des Malouines, sujet de sa thèse. Il trouve cela extrêmement intéressant même si pour des non-passionnés d’histoire, cela doit être tout à fait ennuyeux.
La jeune femme commence à ranger ses affaires tout en lui disant qu’elle ne risque pas de s’endormir de si tôt ayant bu une quantité peut-être un peu trop importante de café. Elle se lève de sa chaise puis ajoute que lui aussi devrait rentrer chez lui, les rues de Bowen n’étant pas très sûres tard dans la nuit. Il voit à son sourire qu’elle ne le pense pas. Même s’il y a des endroits de Bowen où il vaut mieux ne pas se balader seul la nuit, globalement la petite ville est assez sécurisée. « Ne vous méprenez pas, je ne m’enfuis pas. J’ai beaucoup apprécié discuter avec vous mais je ne voudrais pas que demain vous dormiez en cours. » expliqua-t-il. Il ne cherche pas à clore la discussion, il n’aimerait juste pas qu’à cause de lui un professeur la voit dormir, lui même trouvant insupportable les élèves dormant en cours. « Voulez-vous que je vous raccompagne ? » demanda le jeune homme tout à fait sérieux et sans aucune arrière pensée contrairement à d’autres personnes. Il veut simplement lui rendre service car il ne voudrait pas non plus qu’il lui arrive quelque chose.

Très rares ont été les fois où Théia s'est adressée à un professeur. À part pour quelques précisions dans ses cours sur la photographie, elle ne reste en général pas après ses travaux pratiques et préfère travailler chez elle, dans le calme et non avec un constant brouhaha autour d'elle. Emrys, bien qu'elle ne lui donnera ce nom que dans ses pensées, a l'air d'être un professeur qui tient à son travail. Il est poli avec elle, un détail qu'elle a toujours apprécié chez la gente masculine, mais il a également l'air d'être bien plus mature qu'elle sur certains sujets. Car même si Théia est capable de tenir une conversation sérieuse durant des heures, elle reste une jeune femme de vingt-et-un ans qui aime s'amuser, rire, veiller tard. Pour ça, Mr. Castel-Lewis l'impressionne un peu. Elle a l'impression d'avoir devant lui un homme plein de savoir, le genre de personne qu'on écoute sans oser faire de bruit et pour lequel on n'ose même pas un simple coup d'oeil à l'écran de son cellulaire. Théia ressent un étrange besoin de faire bonne impression, de montrer qu'elle est une bonne élève qui se couche tôt, se lève tôt, et assiste à tous ses cours de manière assidue. Sauf que c'est faux. À cause de son opération, elle a été obligée de manquer plus d'un mois à l'Université, mois passé à dormir et à essayer de survivre. Lorsqu'il dit apprécier leur discussion, un fin sourire vient étirer ses lèvres et, comme si c'était mal, elle baisse les yeux vers le sol. Elle ne voudrait pas qu'il la prenne pour une de ces filles qui en pincent pour les hommes âgés, même si c'est en réalité le cas. Oliver a bien vingt-huit ans, ce qui fait déjà sept ans de plus qu'elle. « Il est très rare que je m'endorme en cours. D'ailleurs, je crois même que ça n'est jamais arrivé. Il n'y a que ceux qui s'en fichent qui arrivent à trouver le sommeil devant un professeur passionné. » True story, et Théia ne dit pas ça pour lui faire plaisir. Elle s'apprête à partir, enfile les lanières de son sac à ses épaules, et vérifie si elle a bien tout repris lorsqu'il lui propose de la ramener. Étonnée, Théia lève les yeux vers lui. « Je dois vous avouer que ça m'arrangerait plutôt bien, il n'y a plus de bus qui circule à cette heure-ci et je n'ai malheureusement pas encore pu passer mon permis. » Elle lui offre un nouveau sourire poli, appréciant le geste de la proposition.

La demoiselle le rassura en lui disant ne s’être jamais endormie en cours et ajouta même que seules les personnes intéressées peuvent s’endormir en cours. Emrys se demanda si elle disait ça pour le flatter ou bien parce qu’elle le pense vraiment. Il pencha pour la deuxième solution car il la trouve sérieuse. En effet elle reste tout comme lui tard à la bibliothèque pour travailler. De plus son sujet d’étude à l’air de vraiment la passionner. Lui aussi ne comprend pas les personnes s’endormant en cours. Pourquoi venir si c’est pour ne rien écouter, dormir ou discuter ? Personne ne force les élèves à venir, il n’y a pas d’appel, juste des examens. Cela fait partie des choses qui l’exaspère mais c’est normal c’est lui le prof dans cette situation et ce n’est jamais flatteur de voir quelqu’un vous trouver ennuyeux au point de s’endormir.
La demoiselle accepta son invitation de la raccompagner chez elle en cette heure tardive. Seulement le jeune homme ne voudrait pas qu’il y ait un quiproquo entre eux quand à ses intentions. Pour avoir vu avec sa femme bon nombres de films à l’eau de rose il sait qu’en général cette phrase peut-être interprété comme une invitation, tout comme l’invitation à venir boire un dernier verre. Après tout, Théia ne le connaît pas et pourrait très bien penser qu’il est penché sur les petites étudiantes mais ce n’est absolument pas le cas, loin de là. Et puis il se doute que si elle pensait ça, elle n’accepterait pas qu’il la raccompagne chez elle. Emrys ne fait pas parti de ces gens qui profitent des autres ou bien qui attende forcément quelque chose en retour. Cependant il n’est pas extrêmement altruiste mais il trouverait ça stupide de laisser la demoiselle toute seule, surtout s’il lui arrive quelque chose. Il s’en voudrait vraiment qu’il lui arrive quelque chose par sa faute. « Très bien, je vais ranger mes affaires, je reviens dans quelques minutes. » dit-il avant de partir vers sa table pour ranger les livres à leur emplacement, réunir ses feuilles et les ranger puis récupérer ses stylos et autres crayons de papier. Il met tout cela dans son attaché-case de professeur en cuir et retourne vers la demoiselle comme promis. Il lui fait un mince sourire signifiant qu’il est prêt à partir. Il tourne ensuite les talons vers la sortir pour se rendre sur le parking, récupérer sa voiture. Elle n’a rien d’exceptionnel, c’est juste une petite voiture pas cher, un peu vieille, qu’il a acheté lorsqu’il est arrivé ici. Il aimerait investir dans un ancien modèle vintage mais il n’en a pas encore les moyens. Malgré son aspect ancien, elle est entretenue car Emrys a un petit côté maniaque.

En réalité, Théia ne s’enquiert pas vraiment de savoir si les intentions d'Emrys sont mauvaises. Elle a toujours été comme ça, à ne pas trop réfléchir aux conséquences de ses actes, et à foncer la tête baissée sans se demander si il y avait ou non un danger. Elle a dû développer ce caractère de fonceuse en apprenant que sa vie serait raccourcie à cause de tous ses problèmes de coeur. Elle ne voulait plus perdre son temps à trop réfléchir, elle a voulu vivre et ne plus passer des minutes voir heures à se demander si c'était bien ou pas. D'ailleurs, cela lui a déjà quelques fois attirer des ennuis d'agir de la sorte, mais jamais rien d'assez grave qui pourrait la pousser à devenir un peu plus mature sur ses prises de décisions. Alors que le professeur lui annonce qu'il va ramasser ses affaires, Théia se contente de hocher la tête et l'attend sagement en se balançant d'un pied à l'autre, serrant les lanières de son sac. Elle regarde autour d'elle, réalisant vraiment pour la première fois à quel point l'endroit est calme quand il n'y a personne. Pas de bruit de page qui se tourne, ou de sac qu'on ouvre, pas même la respiration un peu forte d'un étudiant enrhumé. Juste elle, et le silence des livres. Un silence pesant et agréable à la fois. Emrys revient, lui sourit, et elle fait de même avant de le suivre jusqu'à sa voiture. Elle n'est pas nerveuse, juste un peu fatiguée maintenant qu'elle n'est plus concentrée dans son projet. Théia clape la portière une fois rentrée et écoute le moteur démarrer sans dire un mot. Elle regarde par la fenêtre pendant quelques minutes, puis finit par rompre le silence. « Je peux vous poser une question peut-être indiscrète, Mr. Castel-Lewis ? » demande-t-elle d'une voix absolument pas hésitante. En plus d'être fonceuse, Théia a toujours eu un franc parler parfois étonnant. Après eu avoir son approbation, elle tourne la tête vers lui. « Est-ce que vous avez des enfants ? » Elle n'ose pas mentionner la raison de cette question posée de manière inattendue, alors elle se contente d'attendre sa réponse en jouant avec sa ceinture machinalement.

Ils montèrent tous les deux dans la voiture puis Emrys démarra, direction...quelque part. « Où habitez-vous ? » demanda-t-il pour savoir à quel endroit il doit la ramener. Lorsqu’elle lui demanda si elle pouvait lui poser une question possiblement indiscrète, il fronça les sourcils. Un milliard d’idées lui traversèrent l’esprit. Que pouvait-elle lui demander ? Il n’avait aucune idée précise, cela pouvait être tout et n’importe quoi. Le jeune homme déteste qu’on lui pose des questions personnelles, sur sa vie privée. Il déteste en parler tout simplement. Il pourrait très bien répondre non mais la tension serait alors palpable. Il se contenta donc de ne rien dire, elle finira bien par poser sa question de toute façon. Et c’est ce qu’elle fait. A-t-il des enfants ? Il n’avait pas pensé à ça. Bien que surpris, son visage était impassible. Pourquoi voulait-elle savoir ça ? Ils ne se connaissent pas, où a-t-elle pu chercher ça ? Surtout que devait-il répondre. La vérité ou bien éviter la question, faire semblant de ne pas en avoir. Non il n’est pas un menteur. Cependant ce n’est pas pour autant qu’il va s’étaler sur la réponse. Il se contente donc d’un « Oui. » il allait d’ailleurs bientôt revoir Marvin. Petit à petit il s’habitue à voir son fils, à l’aimer sans ressentir de souffrance en l’absence de sa mère. Il veut bien l’élever mais a du mal à le regarder sans penser à Liz, à sa femme. « Vous êtes bien curieuse. » ajouta-t-il ensuite, comme une remarque mais aussi comme un signe qu’il ne faut pas lui en demander plus. Il ne voulait pas qu’elle se sente mal à l’aise de lui avoir demandé ça mais il ne voulait pas non plus avoir un questionnaire détaillé sur sa vie privée.