Sky full of stars. -Julian.

       Sky full of stars       

feat Eileen & Julian

       

Ce soir, c'était fiesta. Venant de Julian, cela n'était pas inhabituel. Mais ce soir-là, la subtilité venait du fait que c'était Eileen qui l'avait poussé à venir ici. Il y a quelques mois encore, voir Eileen dans ce genre de soirée était inimaginable. Le jeune homme s'était rendu compte du changement de la belle brune. Elle s'ouvrait davantage au monde qui l'entourait, elle apprenait à s'amuser, à vivre de bons moments sans se soucier de l'avis des autres. Le jeune homme était heureux de la voir sourire, rire et appréciait même ce côté insouciant qu'elle s'était découvert. Pourtant, malgré cela, une once d'inquiétude se faisait ressentir au plus profond de lui-même. Elle avait lâché son boulot et Julian se doutait même qu'elle n'était plus aussi assidue vis-à-vis de ses études, bien qu'elle ne lui disait rien à ce sujet-là. C'était cela qui le rendait inquiet. Il ne voulait surtout pas qu'elle s'engage sur une mauvaise voie, voire même qu'elle finisse comme lui, sans avenir certain. Cela était impensable. Et il ne se gênera pas de le lui faire savoir. Il tenait beaucoup trop à elle pour la voir détruire tout ce qu'elle avait construit jusqu'à présent. Devant le miroir de la salle de bain, il sortit de ses pensées, soupira un bon coup et peaufina sa coiffure avec une pointe de gel. Beau jean, chemise unie noire et le tour était joué, Julian envoyait du lourd, comme à son habitude. Après avoir caressé une dernière fois son chien, il attrapa les clés de son appartement et sortit rapidement.

Même si Julian avait de nouveau le droit de conduire, il préféra tout de même aller à pied. De un, le bar n'était pas très loin, de deux, cela lui faisait faire de l'exercice et de trois, boire ou conduire, il avait choisi. Pas la peine de préciser quel choix il avait fait ! Il lui fallut cependant dix bonnes minutes de marche avant d'arriver devant l'ELM Street. En vue de ce que son dernier texto disait, Eileen était déjà à l'intérieur. Julian entra donc dans l'établissement, saluant au passage quelques personnes de sa connaissance. Il ne tarda cependant pas, sinon, il risquait d'en avoir pour la soirée. Or, lui, sa soirée, il voulait surtout la passer avec Eileen. Ses yeux verts balayèrent la salle, à la recherche de sa petite amie. Il la trouva près du bar. Bien évidemment ! Un sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'il traversa la foule, se frayant difficilement un chemin afin d'atteindre l'endroit où se trouvait sa belle. Arrivé à ses côtés, il prit appui sur le bar, dans une attitude assurée. Trop assurée même. Comme à chaque fois qu'il s'apprêtait à dire ou à faire une quelconque bêtise de son invention. Sourire de lover sur les lèvres et regard dragueur, il lança :

Hey Mademoiselle, tu es charmante. Si tu étais un sandwich à Mcdo, tu serais le Mc-nifique !

Julian arqua le sourcil et sourit en coin, un peu à la Flynn Ryder dans le dessin animé Raiponce. Plus lourd que ça, tu meurs !       
       

      Sky full of stars      

feat Eileen & Julian

     

Avec le sourire presque débile qu'il affichait, c'était comme s'il était écrit "attention, je m'apprête à dire une connerie" sur le front de Julian. Eileen n'était pas dupe, elle commençait à le connaître plus que bien. Et quand il sortit enfin sa bêtise, l'air sérieux qu'affichait sa petite amie arracha un énorme sourire au beau blond. Fallait bien se douter qu'il n'était pas parfait, loin de là. Quand on côtoyait Julian, il fallait faire face à son humour que l'on pourrait presque qualifier de... pourri. Oui, c'était le mot adéquat. Chacun ses défauts. En y réfléchissant bien, heureusement que Julian n'avait pas dragué Eileen de cette manière. Certes, il n'avait jamais vraiment dragué la belle brune qui se trouvait face à lui, leur rapprochement s'étant fait naturellement et sur le long terme. Mais si l'on se penchait sur sa vie sentimentale assez complète, si jamais il avait dû sortir de telles phrases pour draguer les filles, il serait encore célibataire et probablement puceau. A la réponse de la jeune femme, Julian haussa les épaules et secoua la tête, répondant sur un ton déterminé :

Vas-y, casse ma superbe entrée en matière pendant que tu y es ! Il y a des salades à Mcdo, pas vrai ? Donc, il n'y a pas que du gras là-bas. Faut arrêter de voir le mal partout.

Il lui adressa un petit sourire satisfait, se retenant essentiellement de rire à ses bêtises. Quand Julian partait dans ses délires, c'était jusqu'au bout ! Il défendait coûte que coûte ses dires, voilà tout. Il écouta la suite des paroles de la jeune femme, vantant les mérites de son copain ô tellement fort, tellement puissant, tellement baraqué. Durant un bref instant, le beau blond se demanda si elle le présentait réellement de cette manière aux éventuels lourdingues qui pouvaient la draguer. Il soutint son regard, toujours ce sourire sur le bout des lèvres.

Rien à foutre de ton copain. Je vaux mille fois mieux que lui de toute façon. A la fin de la soirée, c'est avec moi que tu partiras.

A son tour, il éclata de rire. Décidément, Eileen et Julian étaient un véritable mystère. Ils s'amusaient de tout et de rien, pouvaient se montrer enfantins pendant un instant, puis très sérieux l'instant d'après. Mais c'était cela qui faisait que leur couple fonctionnait. Ils ne se prenaient pas la tête et savaient mêler amusement et sérieux. Alors qu'Eileen appela le barman afin d'offrir un verre à Julian, ce dernier prit un air de comédien de tragédie grecque, comme si elle venait de l'outrager.

Tu crois quoi ? Que je suis un homme facile qui se laisse amadouer avec quelques verres ? Tu te trompes sur mon compte, ma chère. - il se tourna vers le barman... - Une vodka orange s'il vous plaît. - ... et se retourna vers Eileen - Non vraiment, tu te plantes sur toute la longueur.

Un sourire malicieux se dessina sur les lèvres. Il en fallait vraiment très peu pour rendre Julian heureux. Un verre d'alcool, un peu de musique et surtout une superbe femme à ses côtés et le tour était joué. Il s'approcha de la brune et l'embrassa avec douceur, ses doigts frôlant sa joue. Jusqu'à présent, Julian n'avait jamais réussi à donner tant de tendresse à une fille. Il se lassait toujours. Mais avec Eileen, tout était différent. Chaque jour était une nouvelle découverte dans leur aventure commune. Et il espérait que cela durerait encore longtemps. Se reculant quelque peu, il s'installa à ses côtés et reposa son regard sur elle :

Rassure-moi, quand tu parles de moi à d'autres, tu ne dis quand même pas que je suis - je cite - "baraqué, du genre Hulk" ? Ce serait mentir sur la marchandise, hein !

     

     Sky full of stars      

feat Eileen & Julian

     

Parfaite ? Ouais comme moi quoi !

Julian et sa modestie, couple inséparable. Il lui adressa son petit sourire tout fier de lui. Parfois, le blond avait l'air d'être un grand gamin qui s'amusait de bien peu. C'était ce qui faisait son charme : malgré le fait que son père avait voulu le faire grandir plus vite que prévu, il avait gardé son âme d'enfant et la chérissait grandement. On l'acceptait de cette manière ou alors on passait son chemin, voilà ce que Julian se disait à présent. Après l'entrée remarquée, où il aurait pu - certes - trouver  mieux qu'une comparaison avec un fast-food, le blond continua dans son jeu. Eileen jouait aussi, autant en profiter. Réfléchissant à la question qu'elle venait de lui poser, Julian afficha une mine songeuse, même si, dans son regard, on savait pertinemment qu'il avait déjà sa réponse. Faisant preuve d'une assurance inébranlable, il lui sortit alors :

Pourquoi repartirais-tu avec moi ? Bah voyons, parce que c'est passionnel entre nous ! C'est sauvage... Presque animal. Et puis, j'ai bien remarqué la manière dont tu me regardais. Tu me dévores du regard et ça, ça ne ment pas. Une relation comme ça, on ne la trouve pas à chaque coin de rue. Ton copain, c'est déjà du passé, je le sais.

Oui oui, Julian était totalement dans son délire. Même s'il y avait une part de vérité dans ses paroles. Une relation comme celle qu'ils entretenaient était unique. Pour rien au monde, il ne l'échangerait. Il ponctua sa phrase par un nouveau sourire malicieux et ce, jusqu'à ce qu'il décide de sortir son grand numéro de comédien outré. Qui ne fonctionnait presque plus, au vue des paroles d'Eileen. Un soupir s'échappa des lèvres du jeune homme.

Pfffff... même ça, ça ne marche plus. Je suis foutu !

Foutu, il l'était depuis bien longtemps. En effet, il voyait ses parts de lui-même les plus enfouies mises à jour face à Eileen. Elle connaissait ses secrets, son passé, ses côtés obscurs. Il était presque à nu face à elle. C'était une sensation nouvelle mais bizarrement agréable. Il était enfin lui-même et on l'aimait pour ce qu'il était. Alors qu'il joignit ses lèvres aux siennes, Julian se fit violence pour ne pas la garder tout contre lui. Il était tactile en temps normal, mais avec elle, il était presque devenu une sorte de bisounours trop plein d'amour. Tout ce qu'il trouvait ridicule auparavant. C'est pourquoi il fut ravie que ce soit Eileen qui prenne l'initiative de se coller à lui. Parfait. Maintenant, il pouvait écouter sa réponse.

Justicier de la nuit... sexy... Ouais ça me plaît. Parce que Hulk, ok tu te sens en sécurité avec, c'est même certain, mais niveau sex-appeal, il y a du boulot.

Oui il n'y avait qu'eux pour parler du sex-appeal de Hulk. Il but une légère gorgée de son verre, quand Eileen lui retourna sa question. Sans hésitation, il répondit directement :

Copine parfaite ? Ahhhhhh non ! Loin de là. Je dis à tout le monde que tu es une vraie chieuse, avec un sale caractère. Faut pas déconner, la perfection n'existe pas de toute façon. - Bon, niveau compliment, on pouvait croire que Julian avait encore du boulot à faire. Mais il ajouta - Si je devais parler de toutes tes qualités, les gens se rendraient compte de la personne formidable que tu es et tu attirerais davantage les regards sur toi. Et ça, je ne le veux pas.

Eileen, c'était sa perle, son trésor. Et Julian avait toujours cette peur de la voir partir avec mieux que lui. Le blond était loin d'être parfait avec elle. Il était chiant, avait un humour assez douteux, pouvait se montrer très jaloux, et cela pouvait finir par la blaser. C'est pourquoi il tenait tant à la préserver des autres. Lui, il avait pris le temps de l'observer, de creuser là où beaucoup s'était arrêté. Il haussa légèrement les épaules, un léger sourire sur les lèvres. Encore une fois, il s'ouvrait à elle et lui faisait part de ses ressentis. C'était tellement simple avec elle. La soirée s'annonçait comme parfaite, mais les regards d'Eileen finirent par intriguer Julian qui se retourna alors. De ses yeux verts, il balaya la foule, jusqu'à croiser un regard noir qu'il connaissait que trop bien. Son ancien ami qui avait tout fait pour briser son couple. Le jeune homme serra les poings. Il était tendu et cela se voyait directement sur son visage.

Bien évidemment, il fallait qu'il soit là, lui aussi...


     

   Sky full of stars      

feat Eileen & Julian

   

Lorsqu'on évoquait la notion de "couple" avec Julian, celui-ci avait toujours comparé cela à un boulet que l'on traînait à la cheville. C'était devenir dépendant d'une personne, être mielleux à souhait et être dégoulinant d'amour. Ce qui en soit n'était pas très attirant. Mais Eileen lui démontrait que, tout ce qu'il s'était imaginé jusqu'à présent, était strictement faux. Certes, il y avait des moments de tendresse entre eux et des déclarations indispensables pour avancer dans leur couple. Mais il y avait toujours cette complicité enfantine, qu'il chérissait grandement par le fait que c'était elle qui les avait rapproché, qui avait fait d'eux des amis avant de basculer sur un lien plus intime. Il y tenait et peu importe s'ils passaient pour deux grands enfants dans leurs délires. En parlant de délire, Julian était en plein dedans et Eileen le suivait. Il sourit en coin et hocha brièvement la tête quand elle évoqua le mot "foutue". Ouais... ils étaient foutus. Une part de vérité était tout de même de mise. Julian était foutu : il était complétement accro à Eileen. Il ne pouvait passer une journée sans un texto, un appel ou une visite chez l'un ou l'autre. Elle était devenue sa drogue et c'était comme s'il avait besoin de sa dose quotidienne pour se sentir bien. Et c'était ce qui l'inquiétait assez, même s'il ne le montrait pas réellement. C'était se monter la tête pour rien, vous dirait-il.

Alors qu'il s'était tranquillement installé sur le siège du bar, Eileen s'empressa de le rejoindre pour se blottir contre lui. Pour une fois que ce n'était pas lui qui était demandeur, il n'allait pas s'en priver. Il passa ses bras autour d'elle et la resserra tout contre lui, écoutant avec grande attention la jolie brune qui partait dans son délire sur Arrow ou Hulk. Il n'y avait qu'eux pour partir sur de tels sujets. D'autres évoquaient la paix dans le monde, la société de consommation, les études, les sentiments. Eux, c'était le sex-appeal d'Arrow et Hulk. Du haut niveau n'est-ce pas ?! Quand elle parla d'un câlin "made in Hulk", le jeune homme fit une petite moue montrant qu'il n'était pas convaincu.

Ouais, évitons. Je valide le Arrow. Et c'est mon dernier mot.

Il se mit à rire, avant que la conversation ne prenne une tournure plus sérieuse quand lui-même évoqua, à son tour, l'image qu'il donnait d'Eileen à ceux qui le côtoyaient. A première vue, cela avait l'air d'être des paroles futiles, à prendre au second degré, comme cela était l'habitude chez Julian. Mais en réalité, de vrais sous-entendus se dissimulaient derrière ces quelques mots. Le blond montrait très rarement ses craintes. Il était fier comme un coq et se plaisait à faire croire qu'il était inatteignable. Mais oui, il éprouvait des craintes, comme tout être humain. Et l'une d'elles était de perdre Eileen. De la voir partir avec un autre, estimant que Julian n'avait rien de bon pour elle ou qu'il était devenu subitement inintéressant à ses yeux. De tout ce que pouvait apporter un couple, c'était bien cette peur que Julian détestait plus que tout. La peur de l'abandon l'avait toujours hanté, expliquant pourquoi il s'était toujours entouré d'une bande de potes. Mais depuis qu'il était avec Eileen, cela s'était décuplé. Il savait qu'il était loin d'être un gars bien pour elle, de nombreuses personnes pouvaient le confirmer, mais tant qu'il lui plaisait, c'était le principal. Jusqu'à quand, il n'en savait rien. Toutefois, les paroles d'Eileen lui arrachèrent un sourire. Bien sûr que c'était touchant de l'entendre dire cela. Mais de là à être rassuré, le chemin était encore bien long. Même si Julian affichait toujours un énorme sourire, il était un homme blessé pour qui il était difficile de se remettre de ses cicatrices. Il haussa les épaules et lui déposa un baiser sur la tempe, avant de répondre :

Oui je sais, mais c'est plus fort que moi. Je ne peux pas m'en empêcher. Au fond, ce n'est pas plus mal. Si je ne craignais plus le regard des autres sur toi, ce serait étrange. ça voudrait dire que je n'en ai rien à faire de toi. Mais ça passera, je te l'assure. Oui, quand ça fera soixante-dix ans que nous sommes ensembles, que nous aurons eu quatre gosses, huit petits-enfants, seize arrières petits-enfants et que nous serons plus aussi vifs pour aller voir ailleurs. Là, promis, je ne t'embêterai plus avec ça.

Un de ses beaux sourires sincères, ceux qu'ils sortaient spontanément, éclaira son visage. Avant d'en arriver là, ils avaient du chemin à faire, des obstacles à passer, ne serait-ce que leurs familles respectives. Mais Eileen avait évoqué le mot parfait : "trésor". C'était ce qu'elle était pour lui et il comptait bien la protéger coûte que coûte. Même s'il devait se liguer contre tout ceux qui les entouraient, même s'il devait tirer un trait sur des anciens potes. Comme celui qui avait foutu le bazar dans leur couple, il y a quelques semaines. Julian avait fini par remarquer sa présence, grâce aux regards persistants de la belle brune. Impulsif comme il était, l'intégralité du corps de Julian se mit à réagir en voyant qu'il était là. Il était tendu, comme s'il était prêt à lui sauter dessus au moindre regard de travers. Eileen l'avait remarqué. Il sentit ses mains se poser sur ses poings, ce qui détourna l'attention de Julian qui reposa son regard vert sur elle. Elle savait y faire. Il desserra les poings et lia ses doigts à ceux de la brunette. A ses paroles, Julian secoua la tête :

Cela ne servirait à rien. Il faut se montrer plus intelligent que lui et lui montrer que tout ce qu'il a pu nous dire ne nous a absolument pas atteint. Ce n'est pas facile, je sais, mais ce serait stupide d'aller chercher de nouvelles embrouilles.

Pourtant, quand il observa Eileen de plus près, il perçut une lueur revancharde dans son regard ambré. Elle était songeuse et Julian, lui, s'attendait au pire. Il lui lança un regard réprobateur, l'air de dire "peu importe ce que tu as en tête, oublie ça de suite !". Lui qui parlait du mauvais caractère d'Eileen quelques minutes auparavant, il avait oublié un autre de ses défauts : elle était butée. Quand elle se détacha brusquement de lui et s'éloigna, il rétorqua :

Qu'est-ce que tu fais ? Eileen !

Le comportement le plus sage aurait été de la suivre et de l'arrêter avant qu'elle ne fasse quelconque bêtise, surtout en la voyant se diriger vers le brun. Mais Julian ne bougea pas de sa chaise. La curiosité était trop forte. Il voulait la voir à l'action. Eileen était une tornade, elle pouvait tout décimer sur son chemin. Alors qu'il s'était attendu à des cris ou à une humiliation bien maîtrisée, sa surprise fut plus grande en la voyant décocher non pas un, mais deux coups de poings. Un juron s'échappa des lèvres de Julian, qui se trouvait comme un débile sur son siège, les yeux écarquillés. Mais en voyant un attroupement se former, il sauta de la chaise et se fraya un chemin en poussant sans ménagement quelques personnes. Le ton montait et les premiers agents de sécurité étaient déjà arrivés, afin de rétablir le calme. Sans jeter un regard au fauteur de trouble, il se dirigea vers Eileen. Un vigile venait de l'attraper par le bras, ce qui mit Julian dans une colère noire. Il se dépêcha de la rejoindre et repoussa le bras du gars, répliquant froidement :

C'est bon, on s'en va !

Il prit la main d'Eileen, sans un regard, sans même un mot et sortit de l'établissement. Il marcha encore quelques instants, rapidement, sans se préoccuper du fait qu'elle arrivait à le suivre ou non. Soudain, il s'arrêta net, la regarda et lança :

Tu as toujours le don pour me bluffer dans n'importe quelle situation.

Alors que l'on pensait que Julian allait l'ovationner, ce dernier garda un visage dur et croisa les bras contre son torse. Tous les signes qui montraient qu'elle allait avoir le droit à une petite leçon de morale. Pas manqué. Il enchaîna directement, sans lui laisser le temps de placer un mot :

Tu peux me dire ce qui t'a pris ? Tu ne crois pas qu'il a déjà assez foutu le bazar pour en rajouter une couche ? Bien sûr que non, encore une fois, il fallait attirer l'attention sur nous. Comme si, on ne se fait pas déjà assez voir ! - il s'arrêta un instant et se pinça l'arête du nez, comme s'il était en proie à un mal de tête, avant de murmurer - Je t'avoue, j'ai du mal à te reconnaître ces derniers temps, Eileen. Tu quittes ton boulot sur un coup de tête, tu négliges probablement tes études, et ne me dis pas que non, je ne suis pas stupide. Et maintenant, tu tapes un gars ! Devrais-je m'inquiéter pour toi ?

   

  Sky full of stars      

feat Eileen & Julian

 

Comme à leur habitude, la discussion avait pris une tournure plus sérieuse. Eileen et Julian étaient de grands gamins, mais ils avaient aussi cette facilité à discuter de tout et de rien, d'énoncer leurs propres avis et donc de mener une discussion pertinente. Il y avait un temps pour l'amusement et un temps pour les conversations plus sérieuses, même si la frontière entre les deux était parfois très mince. Pour le coup, Julian avait réussi à transmettre ses craintes - sur un ton humoristique, certes - sa peur de la perdre et ce sentiment étrange de ne pas être à la hauteur pour elle. Le blond avait toujours vu Eileen comme l'inaccessible, la fille trop bien pour lui. C'était peut-être pour cela qu'il avait été une véritable pourriture avec elle, quelques années auparavant. Mais maintenant qu'il était avec elle, il n'arrivait pas à se mettre en tête que oui, il pouvait être un homme bien pour la belle brune. Il avait énormément changé, évidemment, mais il avait toujours peur de retomber dans ses travers, de revivre la sombre période où sa vie ne se résumait qu'à des cuites et des parties de jambes en l'air avec des parfaites inconnues. Il s'était amusé, bien sûr, mais avec le recul, il n'en était pas fier. Il avait tellement mieux à lui offrir. A la fin de son speech, il plongea son regard dans le sien, se mettant même à rire aux paroles de sa petite amie. Ah les enfants, il savait que ça n'allait pas tomber dans l'oreille d'une sourde. Le Callaway qui parlait de gamins, c'était étonnant. Mais il répliqua simplement :

Ouais, note bien. - Il sourit à son baiser et hocha la tête à la suite de ses paroles, lui tendant la main comme s'il lui lançait un deal - Cap ? 70 ans... Attends que je calcule... ça me fera 94 ans. Ok, le rendez-vous est pris. Je serai peut-être un peu sénile, un peu barge sur les bords, sourd comme un pot et myope comme une taupe, mais je serai là.

Voilà ce que cela donnait quand l'allergique aux relations amoureuses et le coureur de jupons discutaient de leur avenir : un avenir commun. Tout le monde pouvait changer, n'est-ce pas ? Il fallait juste trouver la bonne personne. Mais fidèle à eux mêmes, la soirée ne pouvait pas continuer sur cette si bonne lancée. Non, bien sûr que non. Il fallait toujours qu'une tuile leur tombe dessus. Dans le cas présent, c'était Eileen qui allait chercher cette tuile. Cette tuile, c'était son ancien pote, à qui elle décocha un bon revers. Magique ! Cette fille était magique ! L'attroupement qui se forma sortit cependant Julian de ses rêveries, qui s'empressa de rejoindre Eileen pour fuir au plus vite. Il n'avait pas envie que cela termine mal. Il n'était pas bagarreur dans l'âme, contrairement à ce que l'on pouvait croire. La main d'Eileen dans la sienne, il l'entraîna à l'extérieur, marchant un petit moment afin de ne pas attirer l'attention sur eux. Le blond était partagé entre deux sentiments : la fascination et l'inquiétude. Le geste d'Eileen était inattendu et cela l'avait fasciné. Il n'aurait jamais cru la voir taper quelqu'un afin de défendre leur couple. C'était touchant, bien évidemment. Leur couple avait donc une certaine importance aux yeux de la jeune femme. Mais d'un autre côté, c'était le signal d'alarme. Julian était inquiet. Eileen changeait de plus en plus. Lui qui l'avait poussé à prendre son destin en main, à se dévergonder, il s'en mordait désormais les doigts. Il était heureux de la voir choisir son chemin, mais pas au point de tout laisser tomber et de commencer à taper des gens ! Ainsi, Julian lui sortit tout un discours moralisateur, qui sonnait mal dans la bouche de ce jeune homme qui n'avait ni boulot, ni cursus scolaire mené jusqu'au bout. Mais c'était justement parce qu'il était dans ce cas-là qu'il n'avait pas envie de voir Eileen emprunter le même chemin que lui. Il n'eut cependant pas l'impression que son discours eut un quelconque impact sur la demoiselle. Il secoua la tête à ses paroles, répliquant :

J'ai l'impression que tu n'en as rien à faire de ce que je te dis. - mais il ajouta cependant - Si, il l'a mérité. Mais c'était inattendu, voilà tout. Je ne vais pas te mentir en disant que ça m'a choqué. Tu n'étais pas obligée d'en faire un scandale. Les regards sur nous sont déjà assez lourds comme ça.

Julian Callaway qui se plaignait du regard des autres, une première ! Écoutant la suite de ses paroles, il fit une petite grimace, montrant qu'il n'était absolument pas convaincu par les paroles d'Eileen. La fin de sa phrase le fit encore plus réagir.

Mais arrête de parler de l'autre débile, c'est de toi que je parle là, Eileen ! Et ne me sors pas ton sourire destiné à me faire craquer... tu es chiante quand tu fais ça !

Dit-il avec un petit sourire sur le bout des lèvres, qu'il ne parvint pas à dissimuler. Elle avait gagné. Encore une fois... Sur un ton plus calme, mais tout aussi sérieux, il enchaîna :

Quoique tu puisses dire, je continuerai de m'inquiéter pour toi. C'est comme ça. Je sais bien que tu faisais tes études pour ta famille, mais faut-il, pour autant, tout envoyer valser, alors que tu es à deux doigts d'avoir un diplôme ? Je dis ça pour toi, Eileen. Je n'ai pas envie de te voir foutre ta vie en l'air, comme j'ai pu le faire moi-même. C'est excitant, certes, mais dis-toi que l'excitation finit forcément par retomber. Et une fois que c'est retombé, tu te retrouves comme un abruti à ne pas savoir quoi faire de ta vie... Tu crois que ça vaut le coup ?
 

 Sky full of stars      

feat Eileen & Julian

 

Sûr... Faut pas croire, il m'arrive aussi de réfléchir à mon avenir.

Dit-il avec son petit sourire en coin qui le caractérisait tant. Eh oui, malgré son passé de coureur de jupons, Julian s'était souvent demandé comment il se voyait dans quelques années. Sa réponse était toute faite, il voulait une famille, une femme qu'il aime et des enfants pour qui il serait présent. Il ne voulait pas prendre le même chemin que son père, c'était une certitude. Il garda son sourire aux lèvres quand elle accepta son défi et lâcha même un rire quand elle affirma qu'il restera beau gosse, même à 94 ans. "On verra ça", finit-il par murmurer. Ils avaient le temps, n'est-ce pas ? Et il comptait bien profiter de chaque minute, de chaque seconde passée à ses côtés. Dans les bons comme dans les mauvais moments. Mauvais moment comme celui qui venait de suivre. Eileen était rancunière et n'avait pas hésité à se venger de son ancien ami. Ils n'avaient même pas passé une demi-heure dans ce bar qu'ils étaient déjà obligés d'en sortir. Génial. Rien de mieux pour mettre Julian dans une sale humeur. Et encore pire... pour l'inquiéter davantage. Alors qu'il écouta les arguments de la jolie brune, il fallait avouer que Julian trouvait qu'elle avait raison. Mais pourquoi maintenant ? Alors qu'ils allaient passé une bonne soirée ? Parfois, il se demandait s'ils avaient le droit à un moment de répit. Non, visiblement.

Je n'ai pas dit qu'il ne le méritait pas, mais tu aurais pu te contrôler. Je suis venu ici pour passer une bonne soirée avec toi et regarde comment cela s'est terminé. Par des embrouilles, encore et toujours ! - Il haussa les épaules. Quant à sa question, Julian répondit simplement - Tu veux savoir pourquoi les regards me gênent ? Tu me poses vraiment cette question ? Parce que notre couple ne les regarde pas !  Tu sais qu'il y a des paris lancés sur la date à laquelle je vais te tromper ? Que l'on m'a demandé si notre histoire était une blague ? Et ça me gonfle d'entendre de telles choses ! Alors, oui, je me méfie de chaque regard posé sur nous. J'ai envie de protéger notre couple et c'est pour ça que je n'ai pas envie d'attirer l'attention sur nous. Les scandales alimentent chacun de leurs délires.

Julian était remonté et cela se voyait bien dans son regard. Pourtant, Eileen parvint à l'adoucir quelque peu. Ce qui "l'énervait" davantage. Elle avait le don pour cela et la demoiselle savait très bien s'en servir. Le pire étant qu'elle en rajouta, avec ses sourires et son approche faite avec tant de tact. Il secoua la tête à ses nouvelles paroles, tiquant tout de même sur le mot "chiante" qu'elle employa sans hésitation.

Tu n'étais pas chiante, Eileen. Ne confonds pas être "bridée" et être "sérieuse". Tu sais que c'est cette facette de toi qui m'a attiré avant tout ? Avec toi, j'avais l'impression de me calmer. Tu m'apaisais. Aujourd'hui encore, tu le fais... du moins, quand je ne m'inquiète pas pour toi. Je ne te dis pas de revenir la fille bridée que tu étais, mais juste de garder les pieds sur Terre. C'est trop facile de tomber dans l'excès.

Quand elle vint se blottir contre lui, il la serra doucement, déposant un baiser sur ses cheveux. Il fronça les sourcils à ses paroles, posant son regard sur elle quand elle attrapa sa main. Il avança lentement, répliquant alors :

Comment ça, tu ne vois rien de positif ? Attends, Eileen, tu es intelligente, intéressante, cultivée. Tu as un potentiel énorme. En prenant la bonne voie, celle que tu veux, tu pourrais faire des merveilles. Sache que, dans tous les cas, je te suivrais et te soutiendrais.

C'était aussi ça d'être en couple : partager les craintes de l'autre, l'écouter et le rassurer. Et cela, c'était ce qui était le plus enrichissant.
 

A l'origine, le discours de Julian était moralisateur, du genre "ce n'était pas bien de faire ça, et bla bla bla", mais très vite, les véritables ressentis du jeune homme s'étaient fait apparaître. Notamment sur le regard des autres et leur conséquence sur leur couple. Il voulait qu'Eileen ouvre les yeux, qu'elle se rende compte de ce que de telles scandales pouvaient avoir comme impact. Elle sembla choquée par les paroles du blond, ce dernier haussant les épaules pour lui prouver que tout était vrai.

Tu ne vis pas dans un monde de bisounours. Tu sors juste avec un ancien coureur de jupons. Forcément, cela a quelques conséquences, de ce genre-là, notamment. La prochaine fois que tu auras envie de taper quelqu'un, dis-le moi. Histoire qu'on le frappe ensemble et qu'on ne fasse qu'un seul scandale à la fois.

Il esquissa un léger sourire, comme s'il voulait dédramatiser la situation. Certes, les regards sur eux étaient pesants, les paris étaient puérils et lourds, mais il en fallait bien plus pour atteindre Julian. Du moment qu'ils ne touchaient pas à Eileen, le jeune homme pouvait laisser tout passer. Mais très vite, la conversation vira sur les autres inquiétudes de Julian. Des inquiétudes bien plus fondées sur la nouvelle attitude d'Eileen. Bien sûr, sa petite amie lui trouva tout un tas d'arguments, comme quoi elle était bien mieux comme cela, que celle qu'elle était avant était beaucoup trop ennuyeuse. Une nouvelle fois, elle lui demanda de ne pas s'inquiéter pour elle, ce à quoi Julian répondit par un soupir exaspéré. C'était normal de s'inquiéter pour elle. Si lui ne le faisait pas, qui le ferait ? Mais quand elle lui annonça qu'elle allait se calmer, il répondit simplement :

Tu me le promets ?

Ses yeux verts la fixèrent avec une intensité comme il n'avait jamais eu. Julian était très sérieux concernant ce sujet-là et cela se ressentait clairement. Bien sûr qu'il ne voulait pas l'emprisonner, ce n'était pas son but. Il avait eu du mal à faire en sorte qu'elle se lâche, ce n'était donc pas pour la brider davantage. Il voulait qu'elle s'amuse, certes, mais sans pour autant dénigrer toutes les bases qui construiront sa vie future. On disait toujours de vivre au jour le jour, de profiter de l'instant présent, mais il était aussi bon d'avoir un regard sur l'avenir. Forcément, le sujet des études refit surface et le discours que Julian venait de tenir était d'une sincérité étonnante. Oui, c'était l'image qu'il avait d'Eileen. Le jeune homme était avare de compliments, mais quand il le faisait, c'était sans aucune hypocrisie et toujours à bon escient. Pour le coup, il voulait lui montrer à quel point elle était exceptionnelle. Elle avait tout pour réussir, il fallait seulement réfléchir sur la meilleure manière de parvenir à ses fins. Il esquissa un sourire à ses paroles, la couvant du regard, alors qu'il répondit doucement :

Mais tu es exceptionnelle, tout simplement. Et si tu as besoin d'aide, tu sais que je suis là pour toi. D'ailleurs, tu n'as pas à me remercier, je suis ton copain, c'est normal de te soutenir.

Pour un jeune homme qui avait toujours recherché les remerciements, il fallait avouer que Julian avait fait un grand pas en avant. Grâce à cette petite brune. Lui qui était si égoïste, il n'avait jamais cru qu'une personne pouvait avoir un tel impact sur lui. Pourtant, cela était arrivé et il ne changerait cela pour rien au monde. Alors qu'ils arrivèrent à la plage, le calme de l'endroit apporta la dernière touche pour que la colère du beau blond ne soit plus que du passé. S'il y avait bien une chose qui ne changeait pas, c'était son impulsivité. Il s'énervait facilement et se calmait tout aussi rapidement. Il fallait dire que la demoiselle à ses côtés avait le don pour l'apaiser bien comme il le fallait. Quand elle retourna la question sur l'avenir de Julian, Eileen venait de toucher un point sensible. Cela faisait quelques jours qu'il y réfléchissait soigneusement. Il avait vingt-quatre ans et n'avait encore rien construit. Ce qui le déprimait grandement. Alors qu'elle évoqua les études de droit, Julian lâcha un rire amusé :

Et continuer de faire plaisir à mon père ? Il en est hors de question. Le droit, ce n'est pas pour moi. Dommage qu'il ait fallu attendre que j'ai le genou en miettes pour oser m'opposer à mon père. - il s'arrêta un instant, fixant droit devant lui, songeur. C'était une très bonne question. Il secoua la tête et répondit - Sincèrement, je ne sais pas ce que je vais faire et ça m'inquiète un peu. Je pensais pouvoir reprendre le basket, mais il faut que je sois réaliste. Je n'aurai plus jamais le même niveau qu'avant. Il faut que j'y réfléchisse sérieusement. Tu vois, le simple fait d'être en couple avec toi ou de me dire que j'ai une petite fille qui habite à deux pas de chez moi, eh bien, ça m'a fait grandir. J'ai envie de construire quelque chose de concret, d'assurer un bel avenir à ceux que j'aime.

Julian baissa la tête. A cet instant, il se mettait totalement à nu et c'était ce qui était le plus étrange. Enfin, cela ne dura pas non plus bien longtemps puisqu'il enchaîna rapidement :

Ou alors, je pars élever des chèvres à Tombouctou. Tu m'aimerais assez pour me suivre ? Même en plein milieu d'un désert, je suis sûr que tu serais sexy.