Just go and leave this all behind feat. Sydney

Le talon tapant frénétiquement le sol au rythme de ses doigts sur la surface de la table, Logan regardait fixement l’énorme valise en cuir marron posée sur son lit. Celle-ci était remplie d’un nombre suffisant de billets pour pouvoir acheter plusieurs villas de la région, ou se reconstruire une vie n’importe où sans avoir plus à se soucier de l’argent.

Par un certain nombre de mots doux glissés au creux des bonnes oreilles, il avait réussi à se retrouver au centre d’un « go-fast », sauf que c’était de l’argent qu’il devait transporter, et non d’énormes sachets de cocaïne. Jusqu’ici, rien ne pouvait paraitre illégal, sauf qu’il fallait être aveugle et/ou diminué pour ne pas comprendre la provenance d’un tel butin. L’enjeu était grand, autant que les risques, mais Logan adorait ça. Il savait que le commanditaire n’était pas du genre à pardonner les erreurs, et pourtant le blond se mordait déjà les doigts de tout ce qu’il pourrait faire avec la précieuse valise, plutôt que de l’apporter à destination.

Mais pour l’instant, il ne décidait rien, préférant se cantonner au but premier de sa mission. La destination se trouvait à l’autre bout de l’Australie, soit plusieurs jours de voiture, et il ne connaissait d’ailleurs encore aucun détail sur la personne à retrouver. On lui avait simplement donné une adresse et une heure de rendez-vous, suivi de « t’auras qu’à attendre là, on viendra à toi. Et viens seul. » Bien sûr, la dernière indication entra par une oreille pour ressortir par l’autre, et il imaginait déjà qui allait bien pouvoir l’accompagner. Il avait beau aimer par-dessus tout la compagnie de sa Maserati Grancabrio, lorsqu’il s’agissait de voyager pendant aussi longtemps, elle n’avait finalement que très peu de conversation. Il avait d’abord pensé à demander à Alejandro de l’accompagner, il lui devait bien ça, mais finalement il se ravisa, se souvenant que si c’était pour s’arrêter sur le bas-côté à chaque fois que celui-ci repèrerait une belle Australienne, ils n’atteindraient jamais la destination avant le mois suivant. Mais son idée suivante lui parut la plus évidente.

Au cours de leurs nombreuses conversations, Syndey lui avait fait part de son désir de « se barrer de là », ne serait-ce que pour un temps. Quel meilleur alibi qu’une belle femme sur le siège passager, quand on doit justifier le transport d’argent en cas de contrôle par les forces de l’ordre. « Vous comprenez monsieur l’agent, Madame Vaughn et moi partons en voyage de noce avec nos économies. – chuchotant maintenant en se cachant derrière sa main – C’est qu’elle a des goûts de luxe la poulette. Parfois j’ai peur de me réveiller un couteau sous la gorge pour partir avec ce qu’on a. », s’imaginait-il déjà mentir. Il connaissait le machisme général des agents de police, et il était certain qu’un tel discours l’innocenterait immédiatement. C’était vraiment un bon plan, il en était sûr. Puis pour tout avouer, l’idée de passer des heures à quelques centimètres d’une femme aussi belle n’était pas non plus pour lui déplaire. Il n’avait rien planifié pour ce voyage, mais il préférait partir « comme ça », en voyant bien ce qui se passerait.

Il se leva d’un coup, enfila sa veste en cuir, lança son sac de vêtements derrière son dos et agrippa la lourde valise de l’autre main, puis quitta l’appartement en claquant la porte. Lorsqu’il se retrouva dans la rue, Sydney était déjà là, sa valise à ses pieds. Adossée à sa Maserati garée juste devant le bar, elle le regardait en lui lançant un grand sourire. C’était définitivement une bonne idée de partir avec elle. Il fourra la valise de billets au fond du coffre, et le reste des affaires ensuite. A peine installés dans la voiture, il démarra et le bolide quitta les lieux dans une épaisse volute de fumée blanche.  

Les paysages défilaient derrière les vitres de la voiture depuis déjà trois bonnes heures. Longeant la côte est pour rejoindre Townsville avant de bifurquer sur la grande autoroute jusqu'à l'opposé de l'Australie, c'était un enchaînement de visions paradisiaque qui s'offraient aux deux compères. La route se trouvait par moment directement sur une crête, la mer de corail léchant la pierre en contrebas dans une puissante houle.
La conversation allait bon-train, et les sujets s'enchainaient au fur et à mesure que le temps passait, sans jamais tomber à cours d'inspiration. Logan n'avait pas l'habitude d'être aussi ouvert avec quelqu'un, et il prenait pour une fois un réel plaisir à la discussion. Jusqu'à maintenant, il s'était contenté d'écouter et d'observer. Mais compte tenu le nombre d'heures qu'il allait devoir passer en sa compagnie, il s'était décidé à se laisser aller. Et il avait bien fait. Sydney était tout ce qu'on pouvait qualifier d'intéressante, et il avait l'impression qu'ils venaient tout juste de quitter Bowen tant le temps passait à toute vitesse. Histoire de relativité dirait-on. Et il était passé si vite qu’il en avait presque oublié pourquoi ils étaient partis.

Il était midi lorsque la Maserati foulait le bitume de Townsville, et il avait à faire dans cette ville. Il avait parlé à Sydney de l’objectif principal de la course, mais pas forcément de l’intégralité de son plan. Depuis ses quelques années à Bowen, il avait collectionné un nombre intéressant de contacts, et avait toujours de bons filons pour gagner quelques billets. Et cette-fois-ci, un des fournisseurs de la région avait entendu parler de sa virée à venir, et en avait profité pour demander à Logan de transporter une juteuse enveloppe jusqu’à Townsville. Bien sûr, il aurait sûrement pu le faire lui-même, mais c’était toujours la même chose avec les trafiquants. Bien trop effrayés de quitter leur petit nid douillet, entourés de leurs hommes de main et filles de joie. Après tout, pourquoi se donneraient-il la peine de faire des trajets sans grand intérêt pour eux, alors qu’ils pouvaient le faire faire par quelqu’un d’autre pour une somme représentant une poussière parmi leur immense fortune.  

Mais pour l’instant, il n’avait pas jugé nécessaire d’en tenir informée Sydney. Il gara son bolide devant l’entrée du grand hôtel-casino « The Ville Resort » longeant le port sur la côte. La brune le regarda, interrogative. « On va pas entamer la traversée de l’Australie le ventre vide, si ? ». Sa moue se transforma en sourire, et elle ne put qu’acquiescer. Logan sortit de la voiture et fit le tour pour ouvrir la porte de Sydney. Après tout, ils étaient là pour jouer un rôle, et il prenait déjà un malin plaisir à interpréter celui du jeune marié un peu trop zélé. Il laissa les clés de la Maserati entre les mains de l’homme en costume hors de prix chargé de garer les voitures des clients, et ils entrèrent dans l’hôtel. Le sol luisait la propreté sur ses grandes dalles de carrelage blanc, et derrière l’immense comptoir en marbre strié de gris attendaient trois hôtesses visiblement choisies sur le physique pour représenter la firme. « Une table pour deux personnes. Avec vue sur l’océan si possible. ». La jeune brune acquiesça d’un signe de tête, et leur demanda de la suivre. La pièce était déjà bien remplie, et les assiettes des convives auraient fait saliver n’importe qui tant à l’odeur qu’à la présentation gastronomique des plats.

Une fois installés, Sydney semblait ne pas savoir où se mettre, comme mal à l’aise. Il savait qu’elle n’appréciait pas énormément ces richesses, à cause de son père ayant laissé sa mère à l’abandon dans la pauvreté. Mais la personne à qui il devait délivrer son paquet devait le retrouver ici au milieu de l’après-midi, et il s’était dit que c’était une bonne occasion pour goûter d’autres plats que la nourriture locale de Bowen dont il faisait overdose. Il tenta de détendre l’atmosphère en lui demandant si elle avait déjà voyagé en Australie, si elle était déjà venue ici. On leur apporta les menus, où les noms des plats ressemblaient plus à des appellations de figures acrobatiques que de la nourriture. Il choisit un plat au hasard, de peur de se tourner en ridicule devant Sydney à demander que contenait chacun des plats de cette carte incompréhensible.