Sydney

Ca faisait deux semaines que Asl entraînait Ayl. Il avait vu ses limites et la jeune femme était une bonne sportive. Ca l’avait fait rire quand elle l’avait comparé Steve Rogers alias Captain America. C’était bien sur exagéré, le néo-zélandais n’avait pas une telle endurance mais ça lui faisait plaisir aussi. L’australienne et lui s’entendaient vraiment bien mais sans jamais devenir amis, ce qu’il n’essayait lui même pas de de faire avec elle. Il y avait ce désir entre eux mais il voulait en savoir plus sur elle et après deux semaines, tout un pan de la vie d’Ayl lui semblait inaccessible, à savoir toute la vie de la jeune femme à Sydney. Il y avait aussi autre chose qui étonnait le jeune homme, c’était le fait que Ais et Ayl semblent vivre à la fois sous le même toit et en même temps sur une autre planète. Autant l’australienne avait des rapports fréquents et amicaux avec Isa, autant les deux blondes ne semblaient jamais se croiser, s’évitant toutes deux dans une sorte de ballet qui plongeait Asl dans un abîme de perplexité. La plupart du temps, tout était pretexte en fin de compte pour que Ayl et lui soient absents de la maison quand sa frangine y était et qu’ils rentrent quand la maisonnée dormait. Le jeune homme avait par conséquent deux problèmes et il décidait de faire d’une pierre deux coups en invitant sa partenaire à faire un petit séjour à Sydney. Il pensait qu’elle refuserait mais la réponse de la jeune femme à sa proposition le surprenait.

Elle acceptait.

Techniquement, Asl avait une bonne raison d’aller à Sydney, ça n’était pas juste pour "tirer les vers du nez" de la jeune femme. Sa Harley Scorpion avait été embarquée parce que le jeune homme l’avait dotée dernièrement d’un nouveau pot d’échappement qui la rendait encore moins polluante que le précédent et certains en haut lieu pensaient que c’était une fraude. Sa Harley avait été amenée à Sydney et alors même que le néo-zélandais avait été reconnu dans son droit, il devait aller chercher lui-même sa moto. Ayl et lui partaient par conséquent en avion pour Sydney et il lui posait pendant le vol cette question "qui lui brûlait les lèvres" :

"J’espère que je ne vais pas te poser une question indiscrète mais pourquoi ai-je l’impression que Ais et toi vous vous évitez … Tout le temps ?"

Deux semaines sans sexe. Asl n’est pas un homme facile. Ce n’est pas sa force de caractère qui dérange l’australienne, ça, ça lui plait, c’est qu’il essaie de vraiment la connaître et pas seulement en surface comme elle le fait depuis qu’ils se connaissent. Ca aussi ça devrait être en sa faveur mais Ayl ne peut pas parler des fantômes de son passé. Alors elle pourrait mentir mais ça serait pire quelque part. Non. Ca serait pire. La jeune femme songe alors à prendre un peu de distance avec lui pour réfléchir à tout ça à tête reposée mais elle ne peut pas quitter sa formation de coach sportif qui fait plaisir à Asl et qu’elle aime bien aussi. C’est là qu’il est amené à aller à Sydney pour récupérer sa moto injustement mise en fourrière si elle a bien compris. Or Ayl n’aime pas l’injustice aussi accepte-t-elle la proposition du jeune homme de l’y accompagner mais pas seulement pour cette raison. Dans l’avion, il lui pose alors une question qui n’est pas indiscrète mais dans la réponse n’est pas aussi évidente que ça. Sans doute parce qu’elle est trop évidente pour elle mais qu’il risque de ne pas la comprendre et ça l’embêterait qu’il ne la comprenne pas alors elle réfléchit à une façon de clarifier sa réponse avant de répondre.

- Heu …

Ce n’est que le début de la réponse sinon ça ferait "un peu court".

- Elle ne m’évite pas, c’est moi qui l’évite.

La blonde rougit en disant ça et elle continue parce que c’est encore trop court, en disant trop ou pas assez.

- Je devine que ta sœur me le dirait franchement si ma présence gênait mais j’essaie de la lui imposer le moins possible. J’ai aussi la sensation qu’elle est très protectrice mais ça n’est pas un reproche, au contraire, c’est bien que des membres de ta famille t’aiment, que tu aies de la famille …

Elle passe le reste du vol à "regarder" le ciel par le hublot. Ce n’est peut-être pas une bonne idée d’y retourner, ou peut-être que oui.

Ca se voyait à chaque fois que Ayl rougissait du fait de sa peau très blanche, ce que Ayl trouvait charmant, pour ne pas dire adorable. Par contre il était étonné quand Ayl lui apprenait que c’était elle qui évitait sa frangine et encore plus par la raison qui la motivait à agir ainsi.

"Ayl, tu n’es pas profiteuse, je le sais, Isa le sait et Ais aussi. Je t’assure que tu n’es pas de trop à la maison."

Il ne savait pas trop quoi ajouter et la jeune femme évitait ensuite de lui parler pendant le reste du vol mais il sentait que le fait d’évoquer la famille du néo-zélandais avait fait de la peine à l’australienne dans le sens où elle avait perdu la sienne et peut-être quand elle était très jeune. C’était tout un pan de son passé qu’elle semblait traîner tel un fardeau et c’était ce qu’il voulait connaître aussi d’elle, pas seulement sa part de lumière mais celle d’ombre pour l’aider. Il était flagrant que Ayl désirait prendre du bon temps avec Asl mais son instinct lui disait que ce ne serait pas bon de céder à la tentation avant qu’elle ait fait face à son passé. Ca ne serait pas bon pour elle, pour lui, pour eux.

"Enfin arrivés, je préfère le plancher des vaches."

Disait-il une fois arrivés, ce qui lui valait un regard amusé de la jeune femme malgré son air un petit peu tendu. Ils quittaient l’aéroport, déjeunaient dans un petit restaurant et allaient chercher sa moto. Elle n’avait pas souffert de son voyage, Asl devant l’amener au garage le plus proche pour s’occuper des niveaux d’huiles et de regonfler les pneus qui n’étaient pas assez sous pression. Un petit coup de polish plus tard, elle était nickel et ils partaient faire un peu de tourisme. Du moins Asl jouait-il au touriste avec Ayl accrochée à sa taille. La jeune femme lui montrait plusieurs coins sympathiques de la ville, d’abord d’une façon assez générique, un peu comme une guide touristique puis des endroits plus personnels, où elle avait grandi avant de lui montrer un certain établissement dans le quartier le plus malfamé qui ne risquait pas de figurer sur une carte postale.

"On ne vit pas ici, on survit ..."

Le néo-zélandais commençait à se dire que la blonde devait avoir la même façon de se battre que sa grande sœur.

Asl rassure Ayl en lui assurant qu’elle n’est pas une profiteuse et la blonde aurait du se douter que sa sœur ne le pensait pas non plus, sinon elle l’aurait mise à la porte de leur maison manu militari mais ce n’est pas sur qu’elle puisse se faire moins discrète, surtout si elle parvient à prendre du bon temps avec le néo-zélandais. Elle sourit quand Asl évoque sa préférence pour le plancher des vaches à leur arrivée même si elle se sent tendue. Une idée lui vient fugacement mais comme elle est tendue, l’idée repart aussitôt dans un recoin de sa conscience. Ca lui reviendra peut-être plus tard. L’australienne sait qu’elle n’a pas été loquace pendant le vol mais revenir à Sydney est un effort qu’elle fait pour le jeune homme. Ils mangent dans un petit restaurant sympas où les prend pour un couple, ce qui amuse un peu moins l’australienne ici puis ils récupèrent sa moto, une grosse cylindrée et après un passage au garage qui n’est pas du luxe, la blonde lui montre les quartiers les plus touristiques de la ville, à savoir le quartier alternatif de Newtown, the rocks au passé pénal haut en couleurs, le quartier village de Surry hills, Bondi Beach mais pas Manly qui est justement un peu trop un piège à touristes et n’a pas d’âme pour Ayl qui l’emmène ensuite dans des endroits plus personnels comme un petit cinéma de quartier, son bahut, les endroits où elle zonait avec ses copines loubardes et enfin devant sa prison personnelle, l’orphelinat. La jeune femme tique malgré elle en entendant Asl parler comme ça parce que c’est une chose de dire du mal de son quartier mais c’en est une autre d’entendre un autre le faire.

- Oui mais ce n’est pas une raison pour me le jeter à la figure. J’ai grandi ici … Non, ça va, je ne suis pas fâchée.

Elle dit ça aussitôt alors que le jeune homme commence à présenter ses excuses, il n’a pas dit ça méchamment, c’est son ressenti et il est vrai mais ça fait quand même mal, surtout que ce quartier est encore plus malfamé qu’avant et que la moto d’Asl a déjà éveillé les convoitises. Comme les seigneurs Sith, ils agissent toujours par deux. Un loubard s’approche d’Asl sans calculer Ayl en déployant un couteau papillon. Il l’a sorti trop vite comme un amateur sauf que ça n’en est pas un. C’est une diversion.

- Elle me plaît ta bécane, et ta copine aussi. File moi les deux et tu pourras filer.

Ayl lui répondrait bien sauf qu’elle ne tombe pas dans le panneau, elle. Asl ne répond pas, se contentant d’envoyer dans le décor d’un coup de pied latéral au ventre. Et c’est la que le véritable danger surgit derrière lui, dissimulant son couteau dans sa manche et donnant ainsi l’impression qu’il n’a pas d’arme mais juste la main bizarrement fermée. Celui-là est dangereux. Asl se met en garde mais Ayl devine déjà ce qui va se passer. Elle aurait du le prévenir ! Elle intervient alors que le voyou attaque sa proie dans son angle mort. Ca se passe très vite et l’instant d’après, l’agresseur se tient la main désarmée et ensanglantée alors que le col d’Asl est largement entaillé. A une fraction de seconde, il avait une lame enfoncée sous le menton.

- Bâtard !

S’emporte Ayl et un low kick plus tard, l’un des genoux du voyou est déboité et il s’effondre en criant de douleur. La blonde lui saute dessus et plaque la lame de son couteau contre sa gorge.

- Et si je te saignais comme un porc !

L’autre s’enfuit et ça sent l’urine, c’est sa proie qui s’est faite dessus.

- C’est toujours mon quartier, salopard, si j’entends parler de toi, je te jure que je te retrouve, que je te castre et je te fais bouffer tes couilles !

Il a compris qu’Ayl ne plaisante pas alors elle le laisse se sauver en boitant. Nettoyant sa lame avec un kleenex qu’elle garde évidemment, Ayl se force à respirer lentement, profondément pour se calmer avant de se tourner vers Asl qui a eu la bonne idée de ne pas intervenir, devant se douter qu’elle ne commettrait pas l’irréparable.

- Comme tu le vois, mon passé n’est pas blanc neige et je comprendrais que tu préfère ne pas en apprendre plus sur moi.

La jeune femme comprendrait aussi qu’il l’évite à l’avenir même si ça lui ferait mal.

Asl avait exprimé son ressenti sur ce quartier malfamé dans le sens où c’était à son sens un compliment pour les personnes honnêtes qui y vivaient au quotidien ou plutôt qui y survivaient. Il n’avait pas voulu faire de la peine à Ayl mais il comprenait un brin trop tard sa réaction au final légitime. Il commençait à lui présenter ses excuses mais elle faisait taire, comprenant elle aussi ce qu’il avait voulu dire. Le néo-zélandais aurait juste pu faire preuve d’un peu de tact, aller ainsi droit au but devait être un de ses traits de caractère communs avec sa grande sœur, avec ses avantages et ses inconvénients. C’était comme si l’australienne avait émis une critique négative sur Ais, même si elle aurait été vraie, Asl pourrait le dire sur sa frangine mais il l’accepterait mal venant d’une autre personne. Du moins pourrait-il l’accepter davantage venant d’Isa qui faisait partie de la famille, ce qui n’était pas encore le cas pour la blonde qu’il apprenait à connaître davantage, ce qui les avait amenés à Sidney et il avait bien fait de faire ça.

La suite lui donnait raison.

Des voyous les attaquaient alors après des menaces de routine mais si Asl savait gérer le premier délinquant, il sous-estimait le deuxième et Ayl lui sauvait la vie, l’état de son col le prouvait, ce qui ramenait un certain souvenir à sa conscience. Sans l’australienne, le malfrat l’aurait frappé mortellement au cas d’un coup de couteau. La jeune femme savait manier le couteau au moins avec l’expertise d’Ais et elle mettait les deux voyous en fuite avant que ses paroles pour Asl fassent sourire ce dernier.

"Tu es quelqu’un de bien, n’en doute jamais."

Ce disant, il lui caressait la joue avant de déposer un baiser sur ses lèvres. Sans être attirés par son père ou sa mère, on retrouvait un trait de caractère marquant de l’un ou l’autre chez les femmes ou les hommes qui attiraient leur progéniture quand ils étaient majeurs et vaccinés pour reprendre l’expression. Asl était en l’occurence plutôt attiré par les femmes qui savaient se battre, ce qui avait été indubitablement le cas de Mei et peut-être aussi chez Ana mais elle lui avait caché cette nature. Lin aussi était violente mais elle avait aussi une cruauté et une duplicité qui ne pouvaient pas aller avec Asl. A la place d’Ayl, la chinoise aurait blessé bien plus les voyous, elle aurait même été capable de les torturer avant de faire enterrer les corps dans un endroit où on ne les retrouverait pas de sitôt, le néo-zélandais la suspectant de faire partie de la mafia chinoise.

"Et maintenant ?"

Ils allaient bouger même s’ils s’étaient fait respecter mais Asl avait une petite idée de la suite des événements en voyant le regard explicite de la jeune femme.

Sans prétendre "avoir tout vu dans ce qui est sa jeune vie en plus, il n’y a pas grand-chose qui étonne Ayline mais la réaction d’Asl la surprend et pas qu’un peu. On peut dire que sa réaction la surprend plutôt deux fois qu’une parce que c’est une surprise étonnante et même surprenante. Etonnement et surprise. Surprise et étonnement. Loin de la juger d’une façon sévère, loin de ressentir le besoin de prendre du recul avec l’australienne, le jeune homme lui répond qu’elle est quelqu’un de bien, qu’elle n’en doute jamais avant de déposer un baiser sur ses lèvres et la blonde est trop surprise pour y répondre, à ce baiser surprise. Ou ce baiser étonnant. Ou ce baiser à la fois surprenant et étonnant. Le fond et la forme la surprennent. Les paroles et l’acte. Puis la question posée avec un regard explicite. Explicite dans le sens d’entendu, de facile à comprendre. Explicite comme une partie de jambes en l’air.

- Hein ?

Ayl regarde le néo-zélandais avec stupeur et donc avec un air parfaitement entendu, pas crétin non plus mais vraiment étonné. Un mélange d’étonnement, de stupeur et de perplexité. Puis elle comprend. Il aime les femmes combatives, limite violentes. Des combattantes et c’est vraiment trop bizarre parce qu’en principe les hommes qui savent se battre cherchent à protéger une femme, ou un autre homme, pas d’homophobie mais dans le cas d’Asl, il cherche aussi une semblable. Il n’y a pas que ça qui joue mais ça doit aider. Là, leur relation pourrait franchir une nouvelle étape et leur "discussion" se poursuivre dans un lit mais non, pas tout de suite. Ca serait tellement artificiel pour Ayl et puis elle n’aime pas "les confidences sur l’oreiller", ça n’est pas son style.

- Dis donc Liu Kang, tu cherches ta princesse Kitana ? Tu es spécial, toi aussi et reste comme ça hein.

Dit-elle avec un sourire amusé avant de se serrer affectueusement contre lui avant de se dégager comme à regrêt et d’enchaîner plus sérieusement.

- Je voudrais te montrer un endroit particulier après le dîner, c’est mieux de nuit.

Là, elle pourra lui dire et il pourra vraiment lui répondre qu’elle est quelqu’un de bien s’il le pense toujours à ce moment-là.

Les premiers rayons du soleil filtraient par la fenêtre et réveillaient ainsi Asl qui ouvrait les yeux avant de se rendre que ses prétendus souvenirs de la veille étaient en réalité un rêve. Un songe d’une nuit d’été ? Où était passée la journée d’hier ? Ainsi que la soirée ? Ne s’était-il rien passé ? Ayl et lui n’avaient-ils en réalité pas franchi le pas des non-dit ? Avait-il rêvé ce moment où dans un endroit donnant une vue imprenable sur Sydney brillant tel un diamant la nuit, elle lui avait ouvert son cœur en lui parlant de sa rage à la mort tragique de son père, en lui avouant sa vengeance qu’il avait trouvé légitime ? Avait-il aussi rêvé leur étreinte qui avait duré encore, encore et encore ? Pourquoi se posait-il cette question alors qu’il en connaissait la réponse ?

"J’ai rêvé … Woa, quel rêve ..."

Murmurait-il en passant ses mains dans sa chevelure. Ayl ne lui avait pas fait partager sa vie et dans un sens il ne pouvait décemment pas le lui reprocher même s’il trouvait que c’était dommage quelque part. C’était peut-être trop tôt, à moins que ce soit trop tard. C’était peut-être sa faute à lui, perdu dans les méandres de sa deuxième et dernière déception avec Mei. Gisant plus qu’étant allongé dans son lit, Asl n’avait ni la force ni l’envie de se lever, ce qui revenait au final au même. Il sentait la transpiration est devrait tout de même se laver mais pas tout de suite. Par contre, il y avait aussi dans l’air cette odeur caractéristique de sexe, ce qui était particulièrement gênant dans le sens où il avait passé la nuit seul ! Il percevait aussi un léger parfum féminin et ça, c’était déjà beaucoup moins anodin mais ça devait être un ersatz de son rêve. C’était assurément un beau rêve mais seulement un rêve.

"Les rêves sont fous et les réveils tristes ..."

Le néo-zélandais ne se souvenait plus où il avait lu ça mais ça lui semblait approprié en la circonstance, pensait-il en tendant le bras pour prendre machinalement une gomme à la menthe sur la petite commode à coté du lit et la mâchonner tout aussi machinalement tandis que peu à peu, inexorablement, une certaine pensée se frayait dans son esprit pas encore totalement réveillé.

Ayl sort de la salle de bain en soupirant après avoir pris une douche. On dit que l’Enfer est pavé de bonnes intentions alors elle l’a pavé un peu plus. Ca partait évidemment d’une bonne intention. Devant le spectacle de Sydney la nuit, Ayl avait parlé à cœur ouvert au jeune néo-zélandais, lui parlant des drames qu’elle avait vécu, de cette rage qu’elle devait dissimuler aux autres parce qu’ils faisaient semblant de la comprendre mais ce n’était évidemment pas le cas, et pour finir de ses actes de vengeance envers les assassins de son père des années plus tard parce que la vengeance est un plat qui se mange froid. Asl avait compris son acte qu’il trouvait légitime et ils s’étaient embrassés longuement, passionnément sous les étoiles.

Et c’est là que Ayl a tout foiré.

La jeune femme voulait conclure avec le beau mâle qu’elle appréciait corps et âme et pour qui elle en venait même à éprouver ce qu’elle n’avait éprouvé pour quiconque auparavant, l’amour pour un parent n’étant pas la même chose et techniquement la libido d’un homme n’est pas au mieux quand il entend le passé tragique d’une femme, même si Ayl avait évité de pleurer parce que là, ça aurait vraiment nui à leur libido à tous deux. Ainsi de retour à l’hôtel leur a-t-elle servi un aphrodisiaque dans leur verre respectif mais elle s’est trompée et a versé un sédatif. Elle en a pris au cas où son retour à Sydney l’angoisse plus que prévu. Ils n’ont pas tardé à dormir à poings fermés chacun dans leur chambre. Ayl ignorait alors "un détail" de taille. Les WC des chambres de cet étage, les seules disponibles alors, étaient en rénovation pour répondre à une énième norme environnementale et le sédatif avait mis à l’ouest Asl sans commune mesure parce qu’il n’en avait jamais pris de sa vie mais elle ne fait pas tout de suite le lien quand elle entend un cri de femme résonner vers la chambre voisine d’Asl. Assurément le réveil du jeune homme ne va pas rester triste et devenir plutôt agité !

Asl se met à croire qu'il n'a pas rêvé quand il entend quelqu'un dans la salle de bains dans le sens où ça ne pourrait être que Ayl selon lui, sauf que ce n'était pas elle. Une inconnue sortait de la salle de bain, le torse entouré d'une serviette de bain et elle poussait un cri en voyant le néo-zélandais comme si un inconnu se trouvait dans sa chambre et c'était précisément le cas !

"Aaaah, j'ai du me tromper de chambre, excusez-moi !"

Il détalait tandis que la femme lui envoyait divers objets à la figure et dans le dos, tout ce qui lui tombait sous la main en fait avant de se retrouver dans la chambre d'Ayl, adossé à sa porte en retrouvant ses esprits.

"Hey, bien dormi ? Je viens de me réveiller dans une autre chambre que la mienne et son occupante n'a pas apprécié."

Ca faisait rire l'australienne mais pas le directeur de l'hôtel et ils étaient tous deux dehors dans l'heure suivante, voire même moins que ça, soit ce qui leur avait à peine le temps de se doucher, de se préparer en somme et de "plier bagage".

"Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé."

Disait-il à la jeune femme alors qu'ils prenaient ensuite le petit déjeuner dans un café tout proche. Il y avait eu ce sommeil de plomb et ce souvenir qui lui revenait d'avoir rêvé être allé aux toilettes mais en fait ça n'était pas un songe mais la réalité. Ca devait être là qu'il s'était trompé de chambre et la femme avait du avoir eu une relation sexuelle cette nuit-là d'où l'odeur caractéristique de sexe. Encore une chance que Asl ne soit pas tombé sur son amant revenu par exemple avec le plateau du petit déjeuner, non pas qu'il ne sache pas se défendre mais ça ne signifiait qu'il devait cogner un pauvre bougre qui l'aurait confondu avec un pervers, quelque chose comme ça.

"Dis-moi que je n'ai pas rêvé la soirée d'hier, s'il te plaît."

Ajoutait-il en faisant un sourire à la blonde mais qui tournait davantage à la grimace du fait de son appréhension qu'il estimait légitime.

La tête que Asl fait quand il entre en trombe dans la chambre d'Ayl, ça n'a pas de prix comme on dit. Il s'est donc bien trompé de chambre et l'australienne est embêtée parce que c'est quand même de sa faute s'il est dans cet état mais c'est bénin au final alors ça restera son petit secret à elle.

- J'aurais préféré moins dormir, si tu vois ce que je veux dire ...

Lui dit-elle en faisant les yeux doux et bien sur qu'il voit ce qu'elle veut dire. Puis le personnel de l'hôtel n'a pas d'humour et leur demande de partir séance tenante, Ayl leur mettra une mauvaise note. Asl et elle vont prendre un petit déjeuner dans un café proche, au mieux il est meilleur que ce qu'on offre en hôtellerie, en tout cas dans ces hôtels moyens de gamme.

- Ne te prends pas la tête, ça n'est pas grave.

Qu'elle lui répond quand il se demande à voix haute ce qui s'est passé puis il lui demande de confirmer qu'il n'a pas rêvé ce qui s'est passé la veille au soir, ce qui la fait sourire, amusée.

- Je te confirme qu'il y avait de la magie dans l'air quand nous avons passé cette soirée sous le ciel étoilé mais que ce n'était pas un songe. Si je comprends bien, tu as rêvé de moi …

Ayl se doutait que le jeune homme n'avait pas rêvé qu'elle l'aidait à remplir sa déclaration fiscale et elle ajoutait après avoir changé de place pour se poser sur ses cuisses, enfin sur ses genoux mais en pratique sur ses cuisses.

- Je peux te garantir que tu ne confondras pas rêve et réalité en prenant du bon temps avec moi ...

Elle lui murmurait ses mots à l'oreille avant de frôler ses lèvres avant de l'enlacer quand il l'embrassait. Ayl fermait elle aussi les yeux et savourait leur baiser encore, encore et encore. Si ça n'avait tenu qu'à elle, elle lui aurait fait sa fête aux toilettes du café mais ça n'était pas le genre d'Asl et elle gagnerait à avoir ce genre de retenue. Chaque chose en son temps, ce qu'elle aurait du assurément se dire la veille.

La jeune femme confirmait à Asl qu'il n'avait pas rêvé, du moins qu'il n'avait pas rêvé la première partie de … Son rêve. Ca signifiait que le néo-zélandais avait revécu la séquence émotion de la nuit sous les étoiles pour ensuite embrayer sur la partie "partie de jambes en l'air". Ca signifiait qu'il avait résumé la discussion avec Ayl par ce qu'on pourrait résumer sous ce titre "Et maintenant, on s'envoie en l'air". Ca c'était du romantisme. La jeune femme lui disait de ne pas se prendre la tête avant de lui garantir qu'il saurait qu'il ne rêverait pas quand ils feraient ce qu'il avait rêvé qu'ils faisaient dans son rêve. Non, pas la partie "discussion à cœur ouvert", la partie "prenons du bon temps".

Il faut suivre un peu.

Ayl l'embrassait alors et comme il trouvait davantage correct de répondre à son baiser, d'autant qu'il avait très envie de l'embrasser. Ca faisait un moment qu'il avait envie de l'embrasser et plus puisque affinités mais il ne l'avait pas fait pour des raisons de demi-sexualité qui ne semblaient pas crédibles à ses propres oreilles alors il valait mieux qu'il n'en parle pas. En synthèse, il se sentait à présent assez proche de la jeune femme pour être intime avec elle mais il se demandait aussi pourquoi elle était restée proche de lui pour sa part. Ayl attirait le regard des hommes, elle devait pouvoir séduire qui elle voulait alors pourquoi précisément lui ? Il était sympas avec elle, l'aidait comme il pouvait et essayait de mieux la connaître. Il ne jugeait pas certains de ses actes et les cautionnait même. Des fois ça suffisait. En même temps il valait mieux parfois ne pas trop penser, voire ne pas penser du tout, ce qui n'était en l'occurrence pas si dur que ça pour lui. Le jeune homme l'embrassait donc en la caressant juste assez ou plutôt juste point trop pour que ça ne devienne pas un attentat à la pudeur et comme on disait dans le jardin botanique, la sève montait mais ça n'était ni l'endroit, ni l'heure mais surtout un endroit publique n'était pas le plus approprié pour prendre du bon temps, à part éventuellement juste avant qu'on avion de ligne s'y écrase mais du coup ça n'était plus l'heure pour ça. Asl avait alors une idée.

"Et si on revenait à Bowen en moto ? Ca ferait un road-trip."

Techniquement Ayl n'a pas embrassé Asl la première mais c'est un détail. Elle savoure leur baise, y prend un vif plaisir, la suite devrait être tout feu tout flamme entre eux. La jeune femme apprécie aussi les paroles du néo-zélandais même s'il l'amuse aussi.

- C'est une bonne idée sauf que ce que tu proposes, ça n'est pas un road trip. C'est un trajet Sydney – Bowen. Un road trip, c'est comme un voyage initiatique à travers tout un pays pour découvrir son passé, sa culture dans ton cas puisque tu n'es pas un natif. Regarde.

Elle montrait une carte de l'Australie accroché à un mur.

- Je te propose de rouler au sud vers Melbourne, puis à l'ouest le long de la cote vers Adelaïde. A partir de là, on avisera. Continuer le long de la cote ou s'enfoncer dans les terres.

En disant ça, elle l'attirait à elle et déposait un baiser sur ses lèvres.

- Que "tu t'enfonces dans un territoire inconnu", ça nous plaira à tous les deux ...

Ayl joue avec la langue du jeune homme mais en surface seulement parce qu'il y a des témoins et que "se brosser les dents" en public a la fâcheuse tendance à donner envie à leur auditoire de rendre leur petit déjeuner alors qu'il peuvent aussi regarder ailleurs ! Mais il y a aussi des hôtels "pour ça". La blonde attend la réponse du mâle, pendue à ses lèvres dans tous les sens du terme. Asl doit comprendre aisément que ce qu'elle proposait conduira à son absence de Bowen pendant plus longtemps qu'un simple trajet Sydney - Bowen mais qu'ils auront ainsi beaucoup plus de temps pour approfondir leur relation. S'enfoncer, approfondir, Ayl a très envie de sexe, ça aussi le jeune homme doit certainement le comprendre !

Asl grimaçait légèrement quand Ayl lui proposait ce qu'elle qualifiait de véritable road-trip. La jeune femme n'avait pas tort et sa proposition était plus qu'aguichante mais dans la vie, on fait le plus souvent ce qu'on peut, pas ce qu'on veut. Le jeune homme préférait qu'ils quittent le café après le petit-déjeuner pour lui en parler alors qu'ils se baladaient le long des quais :

"Ca me plairait bien de faire ça, ça me plairait vraiment beaucoup mais j'ai des obligations familiales et professionnelles à Bowen. Je me suis ménagé une semaine de vacances vu que Sio est actuellement gardée par son père mais après, je vais soulager Ais en la gardant, sans doute aussi faire quelques menus travaux pour Isa et j'ai des cours de prévus pour la semaine prochaine, que ce soit de la remise en forme ou l'enseignement des arts martiaux. Alors ça ne serait pas un road-trip mais la ballade de Sydney à Bowen en moto serait déjà dépaysante."

Disait-il avant d'attirer la blonde à lui et de déposer un baiser sur ses lèvres, puis un plus long, plus passionné, savourant ces instant magiques en caressant son dos, sa chute de reins, ce dont elle ne se privait pas non plus. Le néo-zélandais avait bien sur perçu le désir de la belle, il faut dire que la tension sexuelle montait de plus en plus pour lui même s'il gardait son sang-froid, toute sa retenue. Il riait quand la blonde suggérait qu'ils achètent des souvenirs de Sydney pour les offrir à Ais, Sio et Isa.

"Ca ne serait pas une bonne idée."

Dans son souvenir, sa grande sœur ne raffolait pas de ces "ramasse-poussière".

"Je propose qu'on parte tout de suite."

Ayl comprenait ses impératifs. Le temps de faire le plein d'essence de sa moto et ils étaient en route pour Bowen. L'australienne aimait de toute évidence improviser mais Asl avait calculé l'endroit où ils arriveraient le soir venu et il avait réservé en conséquence une chambre à l'hôtel là-bas. Une chambre avec un grand lit et il espérait ne pas dormir à poings fermés comme cette nuit, ni se tromper de chambre s'il devait se lever au petit matin et que les WC de leur chambre ne fonctionnaient pas même si ça ferait pas mal de facteurs allant dans le même sens fâcheux. Niveau improvisation, ils se poseraient au premier resto ou achèteraient en chemin de quoi manger "sur le pouce" mais dormir à la belle étoile ne serait assurément pas ce qu'il appelait une expérience romantique.

Asl ne se rendait pas compte du changement d'état d'esprit chez Ayl, du moins sur le moment. C'était comme une déconstruction de leur relation sur une journée et par conséquent tout de même en accéléré. Alors qu'initialement la jeune femme semblait prête à lui sauter dessus pour avoir des relations résolument intimes, il s'était opéré une distanciation par la suite. Le néo-zélandais avait à tout le moins ressenti une sorte de malaise à l'idée que la blonde lui présente ses proches de Sydney. N'était-elle pas censée tourner la page pour vivre à Bowen et par extension pour vivre avec lui à Bowen ? Ils s'étaient ouverts l'un à l'autre en sachant qu'Asl avait cette fois-ci eu la prévenance de ne pas parler des femmes "à problème" de son passé. Il avait confiance en elle, elle avait confiance en elle, ils se soutenaient mutuellement et voilà que Ayl mettait Sydney entre eux durant cette journée probablement de trop mais c'était le choix de la jeune femme. Il ne l'aurait pas ligotée pour quitter la ville au plus vite. Ayl devenait de moins en moins tactile, de moins en moins affectueuse et Asl ne comprenait pas la raison de cet éloignement. Ils en arrivaient à un point ou pendant deux heures en début de soirée, Ayl s'absentait carrément sans aucune explication, laissant Asl avec ses amis superficiels, ne parlant que de mode. Il comprenait pourquoi la jeune femme n'aimait pas ce monde. Deux amies mannequins de l'australienne lui faisaient même des avances ouvertement et il déclinait poliment leur offre. Au moins le néo-zélandais avait-il alors la présence d'esprit de louer une chambre d'hôtel pour la nuit.

"Oh, j'ai cru qu'on allait se manquer."

Disait-il à la blonde avec cet air perplexe devenu systématique depuis que Ayl avait décidé "encore un peu" pour lui présenter ses proches, alors qu'il partait, lassé des discussions de tous ces gens entre eux et qui ne le calculaient plus, de dont il leur savait gré en fait. Au moins Bowen ne fonctionnait pas comme des micro-clans qui n'accepteraient pas les nouveaux selon le système de "l'entre soi", avec "ses semblables". Ayl était par conséquent de retour à point nommé mais elle ne semblait pas si ravie que ça elle non plus en fait.

"Tes amis ont prévu une sortie en ville pour dîner mais je vais te laisser profiter de vos retrouvailles. C'est quoi ça ?"

Demandait-il en prenant l'enveloppe que la jeune femme lui tendait alors avec un grand sourire qui ne lui disait rien qui vaille.