Jeune et con (Liden)

C’est toujours comme ça, tu sors dans un bar et ça finit en bagarre. Du moins pas pour tout le monde mais pour moi. Quasiment tout le temps. J’étais tranquillement assise au bar lorsque j’ai vu un mec essayer de faire du forcing à une jeune fille. Un peu trop jeune d’ailleurs. « Hé connard, laisse-la tranquille. » Perchée sur mes talons de douze, je dépassai le mètre quatre-vingt-douze ce qui faisait que je dépassai le gros lourd d’une tête. Seulement, ça n’a pas semblé plaire au mec puisque nous en sommes venus à nous engueuler. Je fus la première à donner le coup et le barmaid desespéré à décider d’appeler les flics. Parce qu’on ne frappe pas une fille donc des mecs s’en sont mêlés en essayant de prendre ma défense. Mais bordel, je ne suis pas une jouvencelle en détresse. Enfin les poulets se pointent et décident de tous nous coffrer. La situation est tellement ridicule que menottée dans le fourgon, j’éclate de rire. Ce n’est pas la première fois que je finis dans un bar et qu’une émeute éclate. En Europe, cette chose avait été assez fréquente. Alors avec du sang séché dans les cheveux et sans doute un ou deux beaux bleus au visage, j’éclate de rire. Le flic me fait descendre avant de me reconnaitre. « Tiens Lilas, ça faisait longtemps. » Forcément, ils me connaissent tous. « Trop longtemps, vos cellules m’ont manquées. » On me fait souffler dans le ballon pour s’assurer que je ne suis pas saoule. Et je ne le suis pas avant de me jeter dans une cellule avec les prostituées ramassées sur le trottoir. « Mesdames. » Je retire mes escarpins pour m’assoir en attendant qu’on puisse m’autoriser à appeler Jayden. Il allait encore me tuer. Plus pour mon aspect que pour la bagarre. Une bretelle de mon haut était déchirée et je devais faire peur à voir. Pas le temps de me pomponner. « Martin, on est venu te chercher, m’annonce-t-on. » Je dis au revoir aux pauvres filles qui allaient moisir ici toute la nuit. La prostitution, beurk beurk. Messieurs ayez un peu de respect et cessez de coller des jeunes femmes sur le trottoir. J’arrive devant Jayden en souriant. « T’en as mis du temps ! Quoique j’ai sympathisé avec un travesti, c’était cool comme expérience. Comment va la petite ? »

«Démerde-toi, je suis pas ton chauff…» J’aurais voulu terminer ma phrase mais elle avait déjà raccroché. Elle savait que j’allais venir de toute manière, parce que je n’avais pas envie de rester une minute de plus seul avec sa fille. J’aimais pas les gosses, ça demandait trop d’attention, c’était trop fragile et avec tout ce que lisait Lilas, je commençais à me dire que sa fille pourrait mourir d’une seconde à l’autre. C’est peut-être pour ça qu’au moment de partir, j’avais été placé ma main à deux centimètres de la bouche de sa fille afin de m’assurer qu’elle respirait, la dernière histoire en date était ce couple marié qui avait retrouvé leur bébé mort dans son berceau. Lilas en avait fait un long discours et je ne sais même pas si elle avait dormi ses dernières nuits, j’aurais du me douter qu’en sortant ce soir, elle m’appellerait pour que j’aille la chercher, c’était souvent comme ça, elle était incapable de rester stable, il fallait toujours qu’elle fasse une connerie. Le plus triste dans tout ça, c’est qu’elle s’en sortait mieux que moi financièrement, qu’elle vivait dans un loft que je squattais en payant quasiment rien. Le genre de choses qui me faisaient prendre conscience que ma vie était pourrie et que si je voulais remonter la pente, j’allais devoir faire les efforts nécessaires pour m’en sortir. Alors en arrivant au commissariat, je m’étais présenté en signant les papiers pour faire sortir Lilas. Quelques minutes plus tard, elle marchait en ma direction, perchée sur des talons qui la faisaient me surplomber d’une bonne dizaine de centimètres. J'avais secoué la tête en voyant l'état dans lequel elle était, elle m'entendrait davantage dans la voiture à ce niveau-là. «T’aurais pu songer à passer la nuit avec, ça m’aurait permis de rester tranquille ce soir…» Je la regarde sans vraiment lui sourire, me contentant d’hausser les épaules avant de me retourner pour sortir du commissariat. «Elle va bien, je crois. En tout cas, elle respirait toujours quand je suis parti» J’avais dit ça dans l’unique but d’enlever ce sourire qu’elle avait sur ses lèvres, je n’étais pas forcément d’humeur ce soir, un peu comme souvent ces derniers temps à vrai dire. Sortant à l’extérieur, j’avais garé la voiture juste devant l’entrée, j’étais arrivé il y a cinq minutes et ça avait été suffisant pour trouver une amende sur le pare-brise. Ces flics n’avaient rien d’autre à faire, arrachant le papier, j’étais monté dans la voiture en tendant l’amende à Lilas «Tiens, c’est le prix à payer pour m’avoir fait bouger un samedi soir.».  

Avec Jayden, on a toujours eu cette relation un peu particulière. Partageant des trucs à l’asile sans être trop proches. Je lui avais confié mon mal-être là-bas. Le fait que je ne me sentais pas à devenir Amélia. La preuve, j’avais fui mes responsabilités en venant ici et en ne faisant pas l’annonce officielle de mon retour. J’avais lu les journaux qui disaient que j’étais en vie. Je n’avais pas envie de reprendre mon ancienne identité qui était inconnue. J’avais changé mon nom de famille ne supportant plus de porter celui de cette malade mentale. J’aurai pu appeler n’importe qui alors que j’étais cette cellule. Concho, Oscar ou Daemon mais j’avais choisi Jayden. Déjà parce que je savais que ça allait le rendre dingue et ensuite parce qu’il était celui dont j’étais le plus proche, partageant un lieu de vie avec lui. Et même s’il pestait parce que je me baladais en sous-vêtements ou que je nourrissais Mélodie mais je savais qu’il appréciait le bébé bien qu’il se comportait comme un con la plupart du temps. Je file donc le rejoindre non sans avoir fait un doigt d’honneur à tous les connards qui m’emmerdaient. « T’aurais préféré que j’te laisse avec la petite toute la nuit ? » J’avais dit ça exprès parce que je savais qu’il n’aimait pas particulièrement la compagnie des bébés. Cependant, je ne peux pas m’empêcher de lui poser la question. Est-ce que la prunelle de mes yeux est intacte ? Sa réponse me fait criser. « Si jamais tu l’as laissé toute seule, Jayden. Meilleur pote ou pas, je te défonce avant de te jeter à la rue. » J’avais dit ceci avec un grondement propre à la colère. Je le suis cependant jusqu’à la voiture. Espèce de crétin débile. Il me tend l’amende. « Gigolo, va. » Puis, je le plante là pour aller la régler le plus rapidement possible et retourner le voir. « Bon, elle est où ? »