just chill out -r.

Tu ne pensais pas que tu prendrais autant de temps pour revoir ton amie depuis la dernière fois. Il s'était écoulé des semaines, des mois même puisque tu l'avais vu avant Noël et qu'on était déjà presque en Mars. Tu ne l'avais pas oublié mais avec les fêtes, tu avais eu du travail par dessus la tête et quand tu ne travaillais pas, tu faisais du sport. Tout était revenu à la normal et tu l'avais appelé pour prendre le rendez-vous, t'excusant de ne pas l'avoir fait plus tôt. Heureusement pour vous, la gestation des koalas et des kangourous était moins longue que celle d'un homme, il fallait compter 30 jours plus ou moins et en plus vous étiez dans la période de reproduction. « Heather, hey ! » Tu t'approchais de ton amie qui t'attendait devant l'entrée, la connaissant, elle avait déjà dû prendre les places, elle était arrivée plus tôt uniquement pour t'empêcher de le faire parce que c'était déjà toi qui avait payé le café l'autre fois. « Tu vas bien ? » demandais-tu un grand sourire sur le visage alors que vous passiez les portiques de sécurité. Même au zoo il y avait des système anti-terrorisme. Le monde n'était plus le même qu'auparavant même dans une petite ville aussi tranquille que Bowen. « Prête à voir nos petits animaux en action ? » En tout cas, toi tu avais hâte. Après ton coup de téléphone, tu avais passé les trois jours suivants à y rêver, à y penser encore et encore, allant même regarder des photos de ces petits êtres pendant deux rendez-vous. Maintenant que tu étais là, tu allais pouvoir en profiter, t'en mettre plein les yeux et peut-être que s'il n'y avait pas trop de monde, vous pourriez aller les caresser.

Elle était prête. Au moins aussi prête que toi. Peut-être qu'elle aussi en avait rêvé pendant les trois derniers jours, peut-être qu'elle aussi avait hâte d'être auprès d'eux, de pouvoir les caresser, de leur donner à manger. En tout cas, ça te rendait guillerette. Au moment de passer les portiques de sécurité, tu entendais ton amie prévenir le vigile. On pourrait penser qu'elle rigole, qu'elle essaye de faire une farce mais ce n'était pas le cas. Tu l'avais appris depuis un moment. Heather est une fille drôle mais quand elle dit quelque chose qui pourrait être délirant, il se trouve que c'est la vérité. Tu avais souri en voyant la tête du vigile lorsqu'il avait vu qu'elle ne mentait pas. Et il la laissait passer, sans rien dire de plus. Sûrement encore surpris par ça. Il ne devait pas voir souvent des gens se promener avec un fer à cheval dans un sac. « Je crois que je me souviens encore de la première fois que j'ai appris pour le fer à cheval. Et pourtant, ça me surprend à chaque fois ! » C'était un peu comme si tu oubliais qu'elle le baladait partout et quand elle en faisait mention, ça te revenait, comme un éclair. Un peu comme une amnésie partielle. A chaque fois tu étais surprise de l'entendre dire ça, parce que ce n'était pas courant et puis après la surprise, il y avait l'amusement et tu rigolais. Soit de la réaction des autres, soit de ta réaction à toi-même. Et une fois que tout ça passait, tu finissais par te tourner vers elle, pour lui poser la première question qui te venait en tête. « Il te porte chance au moins ? » demandais-tu avec un petit sourire au coin des lèvres. Tu devais lui demander à chaque fois qu'elle en faisait mention et à chaque fois la réponse variait selon son humeur. tu espérais qu'aujourd'hui, tu aurais le droit à une réponse positive.  

Elle rigolait à ta remarque et comme à chaque fois, elle te disait que ça faisait un moment. Tu l'avais toujours connu avec et ça faisait un bon bout de temps que tu la fréquentais, donc en effet, ça fait longtemps. Mais vous alliez au zoo que tous les trois mois et encore parfois six, alors tu avais le temps de l'oublier et d'être surprise lorsqu'elle le signale. « Oui mais c'est quand même peu courant que ça reste surprenant. Et si ma mémoire est bonne, notre première sortie, c'était dans ce zoo il y a pratiquement trois ans de cela. » Tu te rappelais que ça faisait trois ans et que c'était en juin, mais la date exacte, tu devais bien admettre que tu ne l'avais pas en tête. Au final ce n'était pas si important que ça, ce qui importait c'était de te soucier d'elle, de prendre de ses nouvelles et de voir comment tu pouvais l'aider lorsqu'elle en avait besoin. « Alors continues de l'avoir avec toi ! » Tu lui affichais un grand sourire suivi d'un clin d’œil. Tu n'étais vraiment pas superstitieuse et encore moins croyante mais si ton amie pensait que ça marchait et que ça l'aidait dans sa vie, alors tu ne voulais pas lui dire que c'était qu'un placebo. Que tout était dans sa tête. Peut-être que le fer lui apportait de la chance, ça tu n'en savais rien. « Je pense que tu connais déjà ma réponse : direction les kangourous!  » Tu pressais d'ailleurs le pas pour y arriver le plus tôt possible. La gestation de ces petits êtres était incroyable, rapide et la naissance était toujours un bon spectacle à admirer. Et puis les bébés étaient si mignons, tu craquais à chaque fois que tu en voyais un. Encore plus que lorsque tu croisais un chien. Et tu aurais un chien quand tu te déciderais à prendre ton indépendance. Il allait falloir te dépêcher un peu d'ailleurs. Tu allais bientôt avoir trente ans, tu ne voulais plus être sous le même toit que tes parents avant ça. C'était l'âge limite, le seuil avant d'être officiellement déclarée Tanguy.

« Pour moi, j'ai l'impression que c'était hier pratiquement ! » avouais-tu en repensant à votre rencontre. Tu l'avais poussé pour avoir une meilleure place et elle ne s'était pas laissé faire, tu t'étais excusée et à force de discuter, vous aviez partagé votre amour pour les marsupiaux, pour les animaux du zoo, et de fil en aiguille, vous vous étiez revus à plusieurs reprises. C'était assez amusant pour toi parce qu'elle était une de tes seules amies. Et surtout une amie avec laquelle tu n'étais pas en concurrence, une amie avec laquelle tu ne pratiquais pas de sport. Tu avais bien essayé de la faire courir avec toi mais ce n'était pas son truc. Elle était plus dans la musique et tu avais toujours pris le temps d'écouter ses chansons, ses essaies en lui donnant un avis le plus sincère possible. Même si tu adorais ce qu'elle faisait. « Oh, regarde celui-là. » Tu pointais du doigt l'un des bébés présent derrière la vitre. Il y en avais une dizaine, des plus petits, des plus gros, des plus clairs et des plus foncés. Autant dire qu'ils étaient tous adorable. Ton coeur, lui craquait à chaque fois que ton regard se déplaçait. « Et lui, il est trop craquant ! » Si ce n'était pas interdit, tu aurais sûrement fait une démarche pour en adopter un. Tu rêvais d'avoir un kangourou domestique, ce ne serait pas facile à entretenir et tu voyais mal tes parents accepter ça mais fallait quand même avouer que tu en rêvais. On pourrait te penser pour une folle, penser que tu voulais rétrécir et te glisser dans leur poche, te lover là et passer le reste de ta vie. C'était une pensée folle, mais aussi un rêve secret, un rêve inaccessible puisque tu n'étais pas dans la capacité de te rétrécir à la taille d'un bébé.

Vous étiez bien placés, pas les premières arrivées, mais au premier rang tout de même. Tu étais ravie de cette position, au moins vous pouviez coller vos nez sur la grande vitre et mieux voir parce que le soleil, vous pouviez vite avoir le soleil dans les yeux, pas évident après pour y voir grand chose. « Oh Heather ! » Tu posais ta main sur l'épaule de ton amie, tu n'avais pas souvent eu l'occasion de la voir émue. Et son discours t'avait bouleversé toi aussi. Tu ne pensais pas forcément aux petits kangourous, mais plutôt aux enfants qui étaient abandonnés par leurs parents. Quand tu lisais parfois le journal et que tu apprenais qu'un bébé avait été retrouvé dans une poubelle, presque mort, tu te sentais toujours aussi révoltée. Tu avais envie de retrouver les parents et de les gifler pour avoir oser faire une telle horreur. Alors que là, ça semblait si différent. « Tu sais qu'ils peuvent grandir sans leur mère ? » Les animaux étaient des êtres incroyables, contrairement aux humains, ils ne gardaient pas tant de séquelles et de difficultés pour grandir. « Et puis le zoo est là, il ne leur offre peut-être pas un ventre mais ils ont tout un dispositif pour leur assurer de la sécurité. » Vous les aviez vu l'autre fois préparer des petits paniers, avec des serviettes douces, comme un petit cocon. Tu avais été septique au début mais voir le petit marsupial prendre place et s'endormir en toute tranquillité t'avait assez convaincu de l'efficacité. « Et s'ils sont là, c'est sûrement pour une bonne raison. » Une naissance prématurée, la perte de la mère, un problème de santé. Il y avait diverses raisons, savoir que l'un deux pouvait être malades, ça te serrait le cœur. Tu aurais aimé les voir bondir partout.

La voir si triste, c'était bouleversant pour toi. Tu avais eu envie de la prendre dans tes bras, dans un grand élan de soutien, mais une main sur l'épaule était largement suffisante. Tu n'étais pas très démonstrative en règle général alors si tu pouvais t'en tenir au minimum, ça t'allait bien. Tu reportais ton attention sur la vitre et sur les marsupiaux. Ils avaient l'air si petits, si fragiles et pourtant si doux tellement ils avaient de poils. « Cela donne envie d'avoir une petite boule de poil chez soi ! » Et pas forcément un kangourou parce que tu n'aurais jamais la permission d'en élever un, mais tu avais déjà une autre idée en tête. Une idée qui grandissait à mesure que tu faisais la rencontre d'inconnu possédant un chien. Cependant, tu ne pouvais pas en avoir un, si tu vivais chez tes parents. Ta mère étant allergique, c'était une incompatibilité en terme de colocation. A laquelle tu allais peut-être remédier. Tu tournais à nouveau ton regard vers ton amie. « D'ailleurs je pensais à déménager de chez mes parents, de commencer à avoir mon chez moi, alors si tu as des plans, des amis dispos pour une coloc, je suis preneuse ! » Une autre idée qui avait aussi prit le temps de mûrir dans ton esprit pendant des mois. Et puis tu avais pris ta décision. Après tout, tu approchais de la trentaine, tu pouvais donner l'impression d'être une tanguy à vivre encore chez tes parents. Même si tu ne vivais pas à leur crochet, puisque tu avais un bon boulot qui payait relativement bien. Et même si tu ne vivais pas de relation amoureuse ces temps-ci, tu savais que ça pourrait être un problème si jamais ça venait à arriver. Bien qu'il n'y avait aucun prétendant à ce jour.

Tu ne t’attendais pas à une telle propostion venant de la part de ton amie. C’était un peu une lubie pour toi de vouloir déménager, surtout parce que tu voulais pouvoir adopter en toute liberté une petite bête à quatre pattes. En sachant que si tu faisais ça, il te faudrait parfois renoncer au sport ou alors trouver quelqu’un pour t’en occuper parce que tu ne pourrais pas partir quelques jours. A moins de vouloir sa mort et ce n’était pas ton cas. Mais avant même d’en arriver là, il fallait savoir si tu pouvais vivre en communauté. « C’est vrai ? Je pense que ça pourrait être pas mal, je sais que j’ai parlé d’une colocation mais je ne sais pas si je pourrais m’acclimater aux autres. » Tu rigolais doucement, tu savais que tu n’avais pas un caractère facile, tu étais la première à râler pour tout et n’importe quoi, si tu tombais sur quelqu’un qui te faisait virer folle, tu ne le supporterais jamais. Mais tu avais tout de même une idée. « Si ça ne te dérange pas, tu pourrais être comme ma période d’essai. » Tu vivais bien en cohabitation avec tes parents, mais ce n’était pas la même chose parce que justement, ils étaient de ton sang. Et puis, tu n’avais pas vraiment de raison de râler, tu avais une vie assez facile et simple. « Et pour ton ami Félix, on pourrait voir ça plus tard, ne pas l’embêter si jamais je me désiste. » Tu te voyais mal te lancer dans quelque chose pour au final laisser tomber après quelques jours chez Heather. Et puis, avant même de penser à vivre chez ce Félix, si jamais il y avait de la place, il faudrait déjà que tu le rencontres. Tu connaissais déjà son frère mais tu ne le savais pas. « D’ailleurs je t’ai jamais demandé mais ce n’est pas étrange de vivre avec son ex ? » Tu te pinçais doucement les lèvres, elle t’avait trotté dans la tête un moment mais tu l’avais toujours gardé pour toi.

Heather, qui avait plus de connaissance et d'expériences que toi sur la colocation, n'hésitait pas à te prodiguer ses conseils, tu hochais la tête doucement mais une question te brûlait les lèvres. « Oui mais c'est difficile de poser des limites parfois non ? » Tu imaginais qu'avec des personnes qu'on connaissait, ça pouvait être plus compliqué qu'avec de parfaits inconnus puisque justement, l'affectif pouvait rentrer en compte et le "puisqu'on est amis, c'est bon, ça passe" pouvait facilement jouer sur une relation vieille comme le monde et la détruire. En tout cas, c'est ce que tu imaginais. Mais peut-être que ça l'était tout autant avec des inconnus, peut-être pas dans la même dimension de problème. « Oh oui, cela pourrait être sympa ! » Et puis tu entendais souvent parler de ce Félix, à un moment donné, tu t'étais demandé si elle ne l'aimait pas plus que comme un simple ami, mais tu ne lui avait jamais demandé parce que tu ne voulais pas t’immiscer dans sa vie. Elle était en couple et semblait être heureuse, c'était le plus important à tes yeux. « J'imagine que ça doit aider. Et il n'a jamais été bizarre envers toi alors que tu étais en couple, constamment sous ses yeux ? » Encore une question un peu osée mais tu avais besoin de satisfaire ta curiosité. Tu ne savais pas d'où elle venait, mais elle était là. Toi tu aurais peut-être de la fierté mal placé selon comme se serait terminée l'histoire, et tu aurais sûrement mis ton grain de sel dans la relation de ton ex. Mais ça, c'était toi. « D'ailleurs, tu me diras quand je pourrais venir chez toi, que je ne débarques pas à l'improviste. » Tu voulais aussi qu'elle prenne le temps d'en informer les deux hommes avec qui elle partageait le logement, parce que c'était très sympathique de sa part de t'inviter à prendre le canapé et à tester la colocation, mais peut-être que les garçons ne seraient pas du même avis et tu n'avais pas envie de t'imposer. « Est-ce que tu as le temps d'aller prendre un petit café ? » demandais-tu avec un grand sourire.