losing don't mean nothing when there's nothing to lose (wilson)

Depuis qu’il était professeur, August s’efforçait de garder sa vie privée séparée de sa vie professionnelle. Après tout, il était pour ses élèves une figure d’autorité mais, surtout, un modèle. Et si August voulait être un modèle à suivre et un modèle respectable pour eux, il était préférable qu’on ne mêle pas sa vie à l’extérieur de l’école à lorsqu’il se trouvait entre ses murs. Le trentenaire n’avait pas grand-chose à se reprocher, outre le fait d’être propriétaire d’un bar – mais cela ne faisait pas de lui un ivrogne, au contraire, cela prouvait son entrepreneurship. De toute façon, cette information n’était pas connue de ses étudiants, parce qu’il faisait bien attention à son allure. Malheureusement, les adultes comme les jeunes de cette ville lisaient ce stupide blog mené par The Writers, et contre ça, August ne pouvait rien. Leurs identités étaient inconnues, le site web était intouchable, et ils semblaient être partout. Ce lundi matin, ce fut via ses élèves qu’August apprit que son nom figurait dans l’un des articles de ce blog. Une rumeur qu’il crue d’abord créée de toute pièce mais, après s’être renseigné un peu, August avait appris qu’un Wilson était effectivement en ville. Le Wilson de Willow. Cet homme dont elle lui avait parlé lors de son déménagement. Cet homme qui aurait dû faire partie de son passé mais qui était à Bowen pour reprendre son cœur. Le cœur de Willow. La Willow auprès de qui August se réveillait à tous les matins. Cette rumeur lui trottait dans la tête depuis sa sortie, toute la semaine il avait songé à ce qui y était écrit. Il en avait finalement glissé un mot à sa partenaire de vie, pour avoir le cœur net sur la situation et, malgré l’apparente franchise de la jeune femme, August ne dormait pas mieux. Il ne dormait toujours pas sur ses deux oreilles, même lorsque le X du vendredi apparut sur le calendrier. August avait finalement réussi à dégoter l’adresse de Wilson, grâce à la petite ville qu’était Bowen. Après une longue hésitation, il avait décidé de prendre son courage à deux mains et avait décidé d’aller cogner à sa porte. Un coup, deux coups, trois coups. Il recula de quelques pas, plongea les mains dans ses poches, et attendit que l’homme lui ouvre. Cet homme qu’il n’avait jamais vu. Cet homme qui ne l’avait jamais vu. Et pourtant, leurs vies se rentreraient dedans à cent milles à l’heure. Quand la porte s'ouvrit enfin, August releva le regard vers le sien. « Hi. Je suis August, le petit ami de Willow. » Ce serait suffisant, comme entrée en matière, non ?

Ce qu’il faisait là, August n’en avait plus aucune idée, maintenant que les trois petits coups avaient été cognés contre la porte. Il n’avait ni plan A, ni plan B. Peu importe comment réagirait Wilson face à son intrusion dans sa vie, August n’avait aucune idée de ce qu’il allait faire ou dire. Il essayait de raisonner en se disant que ce n’était pas lui qui s’immisçait dans la vie de l’homme, c’était le contraire. De quel droit Wilson venait-il poursuivre Willow jusqu’à Bowen pour tenter de se faire pardonner, pour reprendre son cœur, alors qu’elle avait tourné la page ? Colère, jalousie, inquiétude, un tas d’émotions diverses et variées guidait August dans sa venue jusqu’ici. Il voulait mettre les choses au clair avec cet homme, comme un chien marquant son territoire. Certes, il ne voulait pas donner l’impression de s’approprier Willow, de la faire sienne tel un objet, mais c’était quand même l’impression que son comportement donnait. August, amoureux, se montrait davantage possessif qu’il ne voulait bien l’admettre.

La surprise se dessina sur le visage de Wilson lorsqu’il se retrouva nez à nez avec lui. Alors il savait qui il était, en déduit-il. Il se présenta tout de même, pour la forme. Pour la politesse. Même si l’envie d’être poli avec lui était bien son dernier désir sur la liste. Toutefois, tout comme Wilson, August avait été bien éduqué, et il ne ferait pas honte à ses parents. « Wilson. Mais, venez, entrer. Je pense qu'on sera plus à l'aise pour parler de cela à l’intérieur. » August hocha la tête. « Merci. » Il posa un pied dans la maison, et l’autre ne tarda pas à suivre, malgré une légère hésitation. Wilson referma la porte derrière lui et se précipita vers la salle à manger. August le suivit. « Oh, pas la peine de tout ranger, je ne compte pas m’éterniser. » Avait lancé August, sur un ton qui se voulait un peu plus ferme, mais il était incapable d’avoir l’air menaçant. Ou alors il était trop nerveux pour y parvenir. « Installez-vous et dites m'en plus sur votre venue ici ? » August s’assit inconfortablement sur une chaise de la salle à manger, ne voulant pas prendre ses aises dans la demeure d’un homme qui, semblerait-il, désirait lui reprendre la femme qu’ils aimaient tous les deux. « J’ai d’abord eu vent d’une rumeur à propos de vous et de Willow, pour ensuite en discuter avec elle, naturellement. » Expliqua August. « Je tiens juste à dire que Willow et moi sommes heureux ensemble. Qu’elle a tourné la page, qu’elle a commencé une nouvelle vie ici. » En d’autres termes, bats les pattes, mec.