Hogan's Training Camp

Spoiler:

La journée a été longue, à croire qu'avril est le mois où tous les couples de Bowen décident soudainement de se marier malgré le fait qu'ici, en Australie, il fasse beau tout les mois. Serrant son sac à main rempli de papiers importants qu'elle se réjouit de pouvoir mettre à l'abri dans sa voiture, Cleo se dirige jusqu'à celle-ci d'un pas pressé. Ses chaussures lui font mal, une toute nouvelle paire d'escarpins qu'elle n'a pas l'habitude de mettre vu qu'en général, elle se rabat plus facilement sur des chaussures plates. En arrivant près de sa vieille Beetle, elle ouvre son sac en prenant soin de tenir ses papiers pour éviter qu'ils ne s'envolent, et s'empresse de chercher après ses clés. Introuvables. Elles ne sont ni dans la poche latérale, ni dans le fond, ni entre deux autres objets inutiles. Elle soupire et serre la mâchoire. Où a-t-elle bien pu foutre ses fiches clés ? Au même moment, son portable vibre et elle le sort du sac afin de lire le message envoyé par Jeff. À mesure qu'elle lit les quelques mots lui annonçant qu'il lui avait chopé ses clés pendant leur pause midi commune, les sourcils de Cleo se froncent petit à petit. « Je rêve, mais quel abruti ! » s'exclame-t-elle bien fort, se fichant qu'on puisse l'entendre. Bien décidée à aller récupérer ses clés de voiture, elle attache ses cheveux ondulés en une queue de cheval et entre l'adresse du lieu de travail de Jeff dans le GPS de son portable. Le chemin est long, interminable même, et la chaleur qui lui tape sur la tête finit par la faire transpirer dans son blazer. Au bout de dix minutes, Cleo le retire et noue les manches autour de ses hanches, finissant en top blanc. Ses chaussures lui font mal, pourtant elle continue jusqu'à ce que ses pieds la supplient de s'arrêter. N'en pouvant plus, elle retire ses chaussures et termine son chemin vers la caserne à pieds nus. « Hogan ! Ramène tes fesses ici tout de suite ! » crie-t-elle en arrivant devant l'entrée. Sa crédibilité n'étant déjà pas à son maximum avec ses vêtements transpirants et ses chaussures qu'elle tient du bout des doigts, voilà qu'en plus une bourrasque de vent fait s'envoler ses papiers qui s'échappent de son sac comme un lâché de colombes. « Merde ! » crie-t-elle avant de commencer à récupérer tous ses papiers tombés à terre.

Il est vrai que dans un premier temps, Cleo est en colère contre lui. Elle n'avait clairement pas besoin de cette séance de marche pour agrémenter sa journée déjà trop longue à son goût, Jeff aurait pu à la place lui proposer un film ou même une glace au bord de la plage. Mais non, il a fallu qu'il lui fasse faire du sport, elle qui a la même condition physique qu'un obèse asthmatique. Quand il arrive, elle lui lance un rapide regard avant de se mettre à ramasser ses feuilles qui se sont envolées. Elle fait ensuite un paquet avec le tout et les range dans son sac qu'elle ferme immédiatement, ne l'écoutant que d'une oreille. Le pauvre a l'air si mal à l'aise, elle se sent presque coupable de s'être énervée sur lui pour au final une simple blague. Lorsqu'il lui dit se sentir con, elle fait demi-tour vers lui et glisse une mèche de cheveux derrière son oreille avant de pousser un soupir, un faible sourire venant petit à petit étirer ses lèvres. « Bon, je t'en veux un peu, mais t'as intérêt à bien te rattraper. » Elle lève la main, ses chaussures tenues du bout de ses doigts. « Je mettrai plus jamais ces horreurs. Très jolies, mais niveau confort je mets un zéro direct. Je te les déconseille. » Elle décide donc de rester à pieds nus, se fichant qu'on puisse se moquer d'elle. Jeff l'invite à l'intérieur, et elle le suit en se réjouissant de pouvoir trouver une siège où s'asseoir. C'est une table qu'elle aperçoit en premier. « Amen ! » lance-t-elle avant de trottiner jusqu'à la table puis de s'y lancer, balançant ensuite ses jambes d'avant en arrière en attendant que Jeff la rejoigne. « T'excuse pas, je suppose que si j'étais un peu plus sportive ça ne m'aurait pas posé autant de problème. » Elle lui sourit, une sourire cette fois un peu plus convainquant. « Mais tu me dois quelque chose en retour maintenant, vu que j'ai fait ton sport, » dit Cleo en appuyant bien sur le 'ton'.

Cleo se sent incapable de lui en vouloir, surtout pas avec cet air coupable qu'il a et toutes ses excuses qu'il aligne les unes à la suite de l'autre même après qu'elle lui ait déjà dit que ce n'était pas si grave au final, et que peut-être elle le méritait un peu. Même si cette fille est têtue et susceptible au possible, elle est avant tout le genre de personne qui a tendance à trop s'attacher, et à préférer mettre son ego de coté pour ne pas risquer de créer inutilement un conflit. Sa réflexion la fait rire. « Tu serais magnifique, mais je doute qu'ils les fassent en 46, » hasarde-t-elle sans avoir la moindre idée de sa pointure. Cleo passe le dos de sa main sur son front afin d'y essuyer les quelques gouttes de sueur restantes, ayant toujours détesté transpirer dans ses vêtements de jour. « Mais ne t'en fais pas, je pense qu'elles survivront et qu'il n'y a pas besoin de m'acheter une autre paire. » Cleo est loin d'être comme ces filles qui vivent pour leur chaussures, qui en achètent une nouvelle paire chaque semaine et qui se plaisent à les afficher fièrement en déambulant partout avec. Elle, elle se plaît dans ses chaussures plates et ses pantoufles. Ce que lui dit ensuite Jeff la fait froncer les sourcils et, dans un geste irréfléchi, elle se tourne vers lui et lui assène un coup de poing dans l'épaule. « Nan mais oh, ça va aller là ! » s'exclame-t-elle en prenant une mine boudeuse de petit enfant. « Dis que je suis grosse aussi. » Elle pousse un soupir exagéré et prend de l'avance sur lui, sautant sur la première table pour reposer ses pieds endoloris. Quand il lui annonce qu'il avait préparé tout un programme spécialement pour elle, Cleo plisse d'abord les paupières avant de croiser les bras contre sa poitrine. « T'as fini de me critiquer toi ? C'est pas comme ça que tu vas donner envie à une fille de faire du sport avec toi. » Elle hausse un sourcil avant de se mettre à sourire sans pouvoir s'en empêcher, amusée par ce sous-entendu qu'elle vient de faire. À sa dernière phrase prononcée, elle décroise ses bras et plaque les paumes de ses mains contre la table. « Ah ouais ? Et bien, peut-être que j'accepterai d'être ton élève si tu arrêtes de me traiter de paresseuse. » Elle sourit en se mordant la lèvre, son regard plongé dans celui de Jeff.

Elle rit quand il lui dit ne faire que du 43, ayant malgré tout beaucoup de mal à l'imaginer avec une paire de talons. Elle sait que ça existe, que certains hommes en portent réellement, mais ça l'a toujours un peu mise mal à l'aise ces défilés d'hommes en compensés plus hauts que les petits qu'elle peine déjà à supporter. Cependant, le sourire de Cleo s'évanouit lorsque Jeff se met à critiquer ses chaussures, les disant moches. Un voile sombre recouvre le visage de la jeune femme qui hausse un sourcil, un peu surprise par ces paroles si... franches ? Cruelles ? « T'es pas croyable, » souffle-t-elle en s'éloignant, à présent assise sur une table. Cleo regarde ses chaussures, des escarpins noirs vernis, et même si elles ne sont pas confortables elle les trouve absolument charmantes. Alors oui, la remarque de Jeff l'a vexée, et elle ne se privera pas pour le lui faire remarquer. Et c'est qu'en plus il continue, lui disant qu'elle devrait faire du sport et d'autres remarques qui la font un peu plus froncer les sourcils. « C'est ça, rattrape-toi Hogan. » Cleo est susceptible, peut-être un peu trop par moments, et ce ne serait pas étonnant que Jeff finisse par en avoir marre et l'abandonne sur cette table avec ses pieds endoloris. Il ne sait pas ce que ça fait lui, de devoir marcher vingt minutes avec des talons après une journée passée à courir partout. « Je ne suis pas une paresseuse, » grogne-t-elle sans le regarder plus longtemps. Elle s'empresse de remettre ses foutues chaussures, n'ayant pas envie d'avoir l'air ridicule plus longtemps. Quand il lui dit avoir prévu une tenue de sport pour elle, Cleo lève les yeux pour croiser le regard de Jeff et hausse un sourcil. « Et si je refuse ? » dit-elle sérieusement, les bras croisés contre sa poitrine comme une gamine faisant un caprice. « Je ne veux pas faire de sport avec quelqu'un d'aussi irrespectueux. Quand t'auras fini de me prendre de haut, on en reparlera. » Elle fronce les sourcils et se laisse tomber de la table, faisant face à Jeff bien qu'il soit beaucoup plus grand qu'elle. « C'est pas parce que t'as les muscles d'Hercule qu'il faut critiquer ceux qui n'ont peut-être juste pas le temps de se taper une course tous les matins. » Le lion est sorti de sa cage.

Cleo et son foutu caractère, incapable de prendre quelques paroles lâchées pour rire au second degré. Elle sait qu'elle exagère, elle le sait très bien, pourtant elle continue de se braquer et de croiser les bras face à lui en serrant les dents. Même si elle plaisantait beaucoup au début de leur échange, là elle n'a plus envie de jouer. Déjà qu'il la forcée à venir jusqu'ici à pieds, mais voilà qu'en plus Jeff s'amuse à elle ne sait quel petit jeu, la critiquant presque et sous-entendant des choses blessantes qui lui donnent envie de déguerpir. Elle pourrait le faire dans un geste impulsif, ramasser ses affaires et prendre le premier taxi pour la ramener jusqu'à sa voiture après qu'elle n'ait arraché ses clés des mains de Jeff. Lorsqu'il s'excuse, les épaules de Cleo se rabaissent doucement. Petit à petit, elle réalise qu'elle s'est peut-être un peu trop emportée et qu'il ne méritait pas une telle scène. Il a raison, ils se connaissent à peine et vu la façon dont elle vient de lui parler, il ne voudra certainement plus jamais la revoir. Elle décroise les bras, baisse les yeux, et se mord la lèvre en réfléchissant. Lorsqu'il a fini de parler, un léger soupir s'échappe d'entre ses lèvres. La ramener ? Peut-être que c'est ce qui serait de mieux, mais alors ils ne se verront probablement plus jamais vu ce qu'il vient de se passer. « Hum, non, je... » Elle ne trouve pas ses mots, partagée entre sa colère qui se dissipe peu à la peu et la peur de perdre Jeff à cause de son caractère. Ils ne se connaissent que très peu comme il vient de le souligner, elle ne devrait pas s'être déjà attachée à lui comme elle l'est. Et pourtant. « Je n'aurais pas dû m'emporter comme ça Jeff, je pense que tu réalises maintenant à quel point je peux être, et bien, susceptible. » Elle rit légèrement d'un rire un peu forcé, mal à l'aise. « T'es pas obligé de me ramener. Enfin, sauf si tu préfères. Je peux... Je peux faire un effort. » Elle lève finalement les yeux vers lui, se sentant tout d'un coup plus minable que lui.

Lentement, les battements de son coeur se calment dans sa poitrine. Elle a toujours été susceptible comme fille, encore plus depuis que ses nuits sont courtes et faites de mauvais rêves. Cleo sent qu'elle n'a pas le droit d'en vouloir à Jeff, qu'il n'a tenté qu'un peu d'humour et qu'il ne devrait pas ramasser pour sa mauvaise humeur. Il ne mérite pas ça. Alors plutôt de que d'entièrement libérer le dragon qui sommeille en elle, elle décide de faire un pas en arrière. À quoi ça servirait de se prendre la tête avec lui, cet homme qu'elle considère elle déjà comme un ami mais qui, de son coté, ne la voit peut-être que comme une folle furieuse dont la compagnie ne vaut rien ? À cette pensée, elle déglutit et se pince les lèvres. Ces paroles qu'il prononce lui donnent l'impression qu'il veut la voir partir, que plus jamais il ne la recontactera. Sauf que rapidement, il relance l'idée de la tenue de sport et réussit à faire rire Cleo discrètement. Elle secoue la tête de droite à gauche avant de lever les yeux vers lui. « Tu veux encore de ma compagnie ? » Elle est cette fois plus calme, son regard est redevenu doux et ses joues formées de deux petites fossettes à force de sourire. Elle ne le prend pas mal, au contraire. Pour une fois, elle arrive à saisir le coté ironique de la situation. Lorsqu'il sous-entend qu'elle puisse ne pas se sentir d'attaque, elle secoue négativement la tête plus vigoureusement et s'avance vers la tenue spécialement préparée pour elle. « Tu sais quoi ? On va le faire cet entraînement ! » Cleo attrape la tenue avant de la tenir devant elle, l'inspectant d'un air intrigué. « Comment tu connais ma taille, au fait ? » l'interroge-t-elle avant de hausser les épaules puis de se diriger en direction des vestiaires. Quelques minutes plus tard, elle retourne vers Jeff dans un ensemble jogging moulant et top de sport qui lui donnent l'impression qu'elle va imploser. « Comment j'ai l'air ? » demande-t-elle en prenant la pause, juste pour rire.

N'ayant pas envie de ressasser ces questions sans aucun sens ni réponse, Cleo balaie celle de Jeff d'un geste de la main avant de simplement hausser les épaules. « On a qu'à oublier tout ça, effectivement ! » Elle pourrait lui expliquer pourquoi elle est tellement à cran ces temps-ci, lui parler de ses insomnies et de tous ces cauchemars qui la poussent à prendre des médicaments pour lui permettre de tenir la journée sans tomber endormie sur un banc de la ville. Mais à quoi bon. Autant oublier, tourner la page, ce sera beaucoup plus simple que de s'embarquer dans des conversations sans fin qui ne serviraient qu'à instaurer un immense malaise. À son "vraiment", elle se contente de hocher la tête en souriant de plus en plus. Ses traits sont d'abord crispés, mais lentement ils retrouvent leur douceur et leur sincérité. « Je te fais confiance coach. » Elle l'interroge ensuite sur la tenue, et hoche pensivement la tête en apprenant qu'elle vient simplement d'une ancienne recrue qui ne travaille à présent plus ici. Est-elle morte ?!, ne peut-elle s'empêcher de se demander. Elle préfère ne pas le demander. De toute façon, ce n'est pas sa tenue. Intérieurement, Cleo soupire de soulagement. « Quel homme prévoyant. » Elle attrape la tenue et disparaît dans les vestiaires afin de se changer, revenant quelques minutes plus tard avec tout ce tissu qui lui moule un peu trop le corps à son goût. Cleo n'est pas grosse, mais elle ne peut cependant cacher les poignées d'amour qui dépassent de ses sous-vêtements créées par le manque de sport de ces dernières années. À sa remarque, elle se permet d'offrir une petite tape à Jeff au niveau du bras. « C'est toi qui vas finir à l'étroit si tu continues. » Elle hausse les sourcils, un sourire presque mauvais accroché aux lèvres. Sauf que Cleo n'est pas méchante, et que cet air voulu menaçant est aussi crédible qu'un bébé qui essayerait de se mettre à la muscu. Elle hoche la tête, totalement prête, puis commence à trottiner en direction de la cour avant d'accélérer le pas. « Quand on aura fini, je te battrai sur un sprint tu verras ! » s'exclame-t-elle sans le regarder, remontée à bloc.