Hogan's Training Camp

Cela fait un moment déjà que Cleo a troqué ses baskets contre des chaussons plus confortables, qu'elle a abandonné les vêtements de sport pour des pulls amples et des pantalons de yoga. Autrefois, il lui arrivait de temps en temps d'aller avec son fiancé faire le tour du parc le plus proche au petit matin. Assez fréquemment en réalité, tous les dimanches matin et parfois même le mercredi. Son mec était un sportif, le genre beau brun musclé qui fait chavirer le coeur de toutes les filles et qu'elle a pourtant abandonné devant l'autel. Cette fois là aura été la dernière fois où elle a couru jusqu'à en perdre haleine, vêtue d'une robe de mariée qui devait facilement peser six kilos et perchée sur des talons de dix centimètres. Alors qu'elle trottine gentiment, la remarque lancée par Jeff la fait tourner vivement la tête dans sa direction. Elle hausse les sourcils, reconnaissant bien là la voix d'un entraîneur prêt à pousser ses jeunes recrues jusqu'à leurs dernières limites. « Ça va, je me tais. » Elle plisse les paupières, pince les lèvres, et accélère comme il le lui demande. Cleo ne sait pas combien de temps elle pourra tenir avant de commencer à suffoquer, roulée en boule sur le sol, mais pour le moment elle semble gérer. En entendant ses instructions, elle hoche une bonne fois la tête et regarde ce fameux tapis en craignant un peu de ne pas arriver au bout de ces pompes. Elle se couche au sol, paumes des mains à terre, et commence l'exercice au rythme du décompte de Jeff. Ensuite, elle se tourne pour se coucher sur le dos et fais sa série d'abdos. Ça fonctionne jusqu'à dix, mais les dix suivantes lui semblent beaucoup plus difficiles. Vers la fin, elle se redresse en gémissant. « Si j'ai pas le corps de Shakira demain, je porte plainte contre le créateur des abdos. » Lorsqu'elle arrive au vingtième, elle se laisse tomber sur le dos et prendre une grande inspiration pour faire rentrer l'air dans ses poumons qui lui paraissent complètement vides.

Au bout d'à peine quelques minutes seulement, Cleo ne sait plus ce qui l'a poussée à accepter ce défi lancé par Jeff. Si c'est pour lui faire plaisir, pour se remettre réellement en forme, ou simplement pour regonfler un minimum son égo. À coté de lui, elle se sent comme une limace qui tenterait de faire un marathon. Une limace en sueur, qui plus est. Elle a l'impression qu'il pourrait faire dix tours pendant qu'elle terminerait son dernier, qu'il aurait déjà terminé sa deuxième série de cinquante pompes alors qu'elle peinerait sur la troisième. En même temps, qu'elle idée de faire du sport avec un pompier dopé à l'adrénaline ? À sa réponse sur les femmes musclées, elle hausse un sourcil. « Ah bon ? Tu les préfères avec une petite bouée ? » Elle, elle est plutôt satisfaite de son corps. Il n'est peut-être pas aussi ferme qu'il l'a été et elle n'a, c'est vrai, pas le moindre muscle dans les bras, mais elle n'a jamais été jusqu'à se laisser aller et à faire dépasser des bourrelets de ses pantalons. Cleo se relève, continue de courir, et regarde les escaliers qu'il lui désigne. Elle le suit et espère pouvoir discrètement ralentir la cadence, mais Jeff s'empresse de la pousser devant et lui dit même d'accélérer le mouvement. Intérieurement, elle se demande si il est possible de mourir à cause du sport. Elle a l'impression d'avoir les joues qui commencent déjà à chauffer. Cleo monte les escaliers, les descend, les remonte une nouvelle fois plus mollement. Elle respire comme il lui dit de faire et une fois au bas des marches, passe le dos de sa main le long de son front pour retirer les perles de transpiration. « La morgue a appelée, ils ont retrouvé mes poumons, » plaisante-t-elle pour se motiver à continuer.

Au final, elle ne sait pas vraiment dire si cela l'étonne ou pas. Jeff et Cleo n'ont jamais vraiment été jusqu'à parler de sujets intimes, elle n'a donc aucune idée du type de femmes qu'il pourrait apprécier. Blonde, brune, rousse, avec ou sous lunettes. Ils pourraient en discuter là, maintenant, discussion dont Cleo se servirait pour éviter de devoir se remettre à courir. Mais non, elle sait que Jeff est trop sérieux lorsqu'il s'agit de sport et qu'il lui empêcherait ce petit écart. « Je te voyais bien avec Madame Parfaite en fait. Du genre hyper sexy, qui mange du quinoa au petit déj'. » Son discours se fait un peu plus essoufflé que si elle parlait posément, mais Cleo se surprend à tout même réussir à exprimer tout ce qu'elle a à dire. Sous les encouragements de son coach, elle enchaîne avec les escaliers qu'elle monte, descend, monte, descend. La deuxième fois est plus compliquée mais elle ne lâche pas, elle continue jusqu'à ce que ses poumons menacent de la lâcher. Elle souffle à fond et a l'impression de sortir de son corps la moindre cellule d'oxygène. Fière d'avoir réussi à faire rire Jeff, elle sourit et glisse derrière son oreille une mèche de cheveux rebelle. Il s'éloigne ensuite pour aller leur chercher de quoi se déshydrater et Cleo prend celle qu'il lui tend avant de s'empresser de l'ouvrir pour en boire une gorgée. « Merci, » dit-elle en suite, réussissant petit à petit à récupérer son souffle. Elle continue de marcher comme il le lui dit mais s'arrête un instant, surprise par ses paroles. « C'était pas ça les choses sérieuses ? » Mais il plaisante évidemment, il suffit de voir son sourire pour le comprendre. Elle aurait dû s'en douter, ça ne l'étonne même pas venant de lui. « Écoute, je sais que je vais passer pour la grand-mère de service, mais ça plus ma journée de travail ça m'a vraiment claquée. » Elle lève vers lui un regard coupable. « Mais on pourra se refaire ça. Peut-être qu'après quelques séances, je serai enfin capable de t'impressionner. »

En guise de réponse, Cleo se contente de hausser les épaules. Elle a toujours eu du mal à s'imaginer ce qu'il peut bien se passer dans la tête d'un homme, tout comme elle a toujours eu du mal à se dire qu'elle peut plaire à certains. Elle s'est toujours vue banale, loin des bombes de plage à la longue chevelure brillante. Comme Eilynn, par exemple. Cleo, elle est celle qui permet de ne pas être seule avant de tomber sur un nouveau mec. Elle est la bonne copine, l'oreille attentive, pas celle à qui on veut faire du charme. N'ayant absolument pas envie d'exposer ses pensées déprimantes à Jeff, elle n'ajoute rien de plus et se contente de continuer l'exercice. C'est épuisant, encore plus fatiguant après une longue journée de ce boulot qui commence à lui monter à la tête qui plus est. Après de longues minutes passées à suer, il lui permet enfin de boire un coup d'eau et clôture définitivement leur session d'entraînement. Du moins, pour aujourd'hui. Il la rassure et arrive à faire naître un sourire sur les lèvres de Cleo. « Je te remercie pour ta compréhension, » dit-elle en arrivant enfin à reprendre son souffle. Même si elle a d'abord cru qu'elle allait remettre son déjeuner, l'irlandaise se sent à présent beaucoup mieux. Elle a l'impression d'être légère, libérée des toxines qui polluaient son corps. À sa promesse, elle ne peut s'empêcher de rire. « Je pense que si ça n'avait pas été toi, j'aurais été capable de t'en foutre une. » Elle le regarde avec un sourire innocent. Cleo n'est pas violente, ou pas avec les humains. Elle est capable de s'énerver, de balancer des objets à travers la pièce, mais jamais elle ne lèvera la main sur qui que ce soit. À sa question, Cleo plisse légèrement les paupières et réfléchit un instant. « Mmh, un petit moment déjà. J'étais plutôt sportive quand j'habitais encore en Irlande, j'avais mon propre coach là-bas. » Son fiancé, oui. Mr. Parfait, Mr. Healthy, Mr. Repose-Tout-De-Suite-Ce-Paquet-De-Chips. « Et tu sais, il fait carrément chaud pour moi ! On est en plein hiver et regarde nous, on est habillés comme si c'était l'été. Chez moi, durant cette saison, il fait cinq degrés à tout casser et dans ces conditions, tu peux toujours rêver pour que je sorte le nez dehors. » Elle rit une nouvelle fois avant de doucement soupirer. « Je crois que je ne me ferai jamais à ce changement. » Jeff lui propose ensuite de s'étirer et Cleo hoche la tête, abandonnant sa bouteille sur le sol avant de se mettre en position.

Torture, carrément ? À ce mot, Cleo ne peut s'empêcher de pouffer de pouffer de rire. Elle n'aurait pas été jusque là, même si elle doit bien avouer que reprendre l'exercice est pour elle plutôt difficile après un an sans avoir bougé. Elle sait qu'il ne faudrait pas longtemps pour que son système respiratoire se réhabitue mais, pour le moment, il en est encore au stade débutant. Ce qu'il ajoute la fait lever les yeux au ciel. « Je ne suis pas un monstre non plus, je sais garder ma colère pour les bonnes occasions. » Du moins, c'est ce qu'elle dit. Cleo a toujours été trop colérique, le genre de personne à être incapable de retenir ses émotions même lorsqu'elle le devrait. Elle peut crier, hurler même, lancer des objets et piquer une crise pour ensuite être à nouveau calme la minute qui suit. Si Jeff voyait cette part de sa personnalité, probablement qu'il ne voudrait plus jamais lui parler. À sa question sur son coach, elle réfléchit un moment avant de répondre. « Entre les deux. On était ensemble donc c'était plus facile de me motiver à coup de "si tu fais quatre kilomètres, je fais à manger ce soir. » Elle rit doucement avant d'ajouter « Mais à lui aussi, je lui en fait voir de toutes les couleurs. Je ne suis pas une élève facile. » Elle lance à Jeff un regard angélique, en totale contradiction avec les paroles qu'elle vient de prononcer. Après qu'elle ne lui ai parlé du climat de son pays, Cleo apprend que San-Francisco possède rarement des températures basses. Elle ne le savait pas, jamais elle n'a eu le chance de se rendre là-bas. « Je peux t'assurer qu'avec un vent qui te lance en pleine face des gouttes de l'océan, ils sont très froids les cinq degrés. » Nouveau rire avant qu'il ne lui demande si elle compte y retourner, en Irlande. « J'aimerais y retourner un jour pour revoir certaines personnes, et aussi parce que mon pays et ses traditions me manquent. Mais je me suis trop attachée à Bowen, alors ce ne serait que pour les vacances. » Elle sourit à Jeff, un brin nostalgique. Mais en réalisant que l'heure tourne et que Cleo a encore un mariage a préparer, elle accélère le pas jusqu'à la caserne. « C'était sympa, mais je pense que je vais vraiment devoir y aller. On se refera un truc que j'aurai choisi la prochaine fois, » dit-elle avec un sourire amusé.

(hj : je te propose que soit on arrêt là, soit on fini avec ta réponse, ça te va ? )