Forgot I was married + Candy

Il y a des jours comme ça où j'ai envie de me reconvertir en joueur de Banjo, si ça pourrait m'éviter d'enquêter sur le vol de deux fardeaux de légumes. « Faut que je le dise combien de fois ? Même si on attrape le voleur de légumes, croyez-moi, il risque pas de faire quelques années de prison comme vous l'espérez. » Le vieux commerçant fait la sourde oreille, il me présente un bout de papiers où sont inscrits des noms de suspects, et la liste n'est pas maigre. Bon, j'ai peut-être la tête de quelqu'un qui n'a que ça à foutre, mais je préfère de très loin me charger d'un vol plus sérieux. Au bout d'une vingtaine de minutes de débat stérile, je soupire bruyamment, las. Je suis vraiment prêt à m'occuper de n'importe quelle affaire tant que c'est loin d'ici.

Alors que le vieux est probablement sur le point de m'ordonner de mettre le FBI sur le coup, je vois une jeune femme pénétrer dans la salle. Sauvé ! Je me lève d'un bond pour la rejoindre, l'attraper doucement par l'épaule et la conduire vers une autre salle en m'excusant vaguement auprès du commerçant. « Je m'en charge ! » j'annonce furtivement à l'adresse du collègue qui allait le faire, ce dernier hausse les épaules puis se dirige vers le vendeur de légumes. Que Dieu soit avec lui. « C'est quoi le problème ? » je demande enfin en croisant les bras, regardant l'inconnue dans les yeux. Elle est jeune et très jolie, je me demande ce qui l'a poussée à venir, mais ça ne peut pas être plus aberrant que l'affaire de tout à l'heure. Noon.

Le commissariat, sans doute le lieu, avec l’hôpital, qu’elle apprécie le moins au monde. Tous ces souvenirs sont négatifs : sa plainte pour viol, ses nombreuses arrestations pour violence, rien de bon à en tirer. Mais aujourd’hui, c’est pour quelque chose de beaucoup moins triste que Candy y va. Cela fait plusieurs mois qu’elle est mariée à un inconnu et elle aimerait bien savoir qui il est pour enfin pouvoir divorcer. Une chose est sûre, plus jamais elle ne boira autant, d’autant plus qu’elle ne tient absolument pas l’alcool.
A peine a-t-elle entrée dans le commissariat qu’un jeune policier vient vers elle et l’attrape par l’épaule pour la mener dans une salle. Une chose est sûre, le service est rapide ici ! Il lui demande de façon sympathique ce qui l’amène ici. « Je ne sais pas si c’est vraiment le bon endroit pour ça en fait. » dit-elle hésitante. Les policiers n’ont-ils pas des choses plus importantes à faire que rechercher un mari inconnu ? Est-ce vraiment quelque chose qu’ils peuvent faire ? Il vaudrait sûrement mieux qu’elle aille voir un détective privé mais elle n’en a pas les moyens. Donc si la police ne peut rien faire pour elle, tant pis, elle sera mariée avec un type dont elle ignore tout jusqu’à la fin de sa vie. A moins que lui, de son côté, ne la retrouve. « En plus c’est un peu gênant. » avouer qu’on s’est mariée sur un coup de tête à Las Vegas il y a plusieurs mois alors qu’on avait trop bu n’est pas forcément la chose la plus glorieuse du monde. « Disons qu’il y a quelques mois j’ai été à Las Vegas pour l’enterrement de vie de jeune fille d’une amie et...surprise je me suis retrouvée mariée à un inconnu ! » dit-elle en souriant pour mieux faire passer la chose.

Ça aurait pu paraître bizarre, ce qu'elle dit. Mais je parie que la top-référence en matière de bizarrerie est dans la salle d'à côté, donc il faut vraiment y aller pour me surprendre - même si elle dit que c'est gênant. Enfin, à l'entente de ce mot, je m'attends tout de suite au pire... peut-être qu'il vaudrait mieux qu'elle parle à une collègue, mais elle n'a pas l'air assez mal au point pour être une victime de viol d'après mon expérience. Alors j'attends un peu avant d'appeler Tahlia au secours.

Je ne suis pas la personne la plus souriante qui soit, surtout pas aujourd'hui vu toutes les emmerdes qui me sont tombées dessus mais... je ris, je ris de bon cœur et ça se devine au tressaillement de mes épaules et au grand sourire inhabituel étirant mes lèvres. Oubliez ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est elle la top-référence maintenant. Enfin bon, c'est pas si rare que ça ce genre d'histoires, mais qu'est-ce que ça m'amuse ! « Voilà pourquoi il faut pas boire les enfants... » dis-je dans un murmure en soupirant, c'était surement ça. Je croise mes bras contre ma poitrine et poursuis : « Bon et bien, c'est effectivement pas le genre d'affaires dont on s'occupe ici. Vous avez qu'à divorcer, et trouver une bonne excuse pour ce faire. Les juges ne sont pas tous compatissants. »

La première réaction du policier fut de se moquer d’elle et de son histoire peu ordinaire. Candy fut un peu vexée mais resta tout de même souriante, il lui en faut un peu plus pour bouder ou s’énerver. Et puis en général, lorsque les gens rient, ça la fait rire aussi, il est assez facile de lui communiquer des émotions, qu’elles soient joyeuses ou non.
Il est vrai qu’elle aurait peut-être due éviter de trop boire ce jour là mais pour sa défense ça n’arrive pas si souvent de se retrouver à Vegas et elle tient très mal l’alcool au point qu’un verre suffirait presque à la rendre ivre. Le jeune homme lui explique que ce n’est pas franchement le boulot de la police de rechercher les maris perdus, ce dont elle se doute et qu’elle n’a qu’à divorcer. « Ah mais je ne demande que ça. Sauf que le léger soucis c’est que je n’ai aucune idée de qui est mon mari, ce qui est un petit peu problématique pour divorcer. » dit-elle avant de tout de même lui fournir davantage de détails sur cette soirée. On ne sait jamais peut-être que quelque part un type la cherche aussi. Elle lui dit donc la date, l’hôtel où elle a séjourné ainsi que la personne avec qui elle était pour l’enterrement de vie de jeune fille.

Je pense l'affaire réglée. Elle n'a plus qu'à aller voir un juge avec son mari inconnu et espérer qu'il ait le sens de l'humour. Le léger souci, comme elle dit, est cependant le fait qu'elle ne sait pas qui il est. Non mais, comment peut-on être aussi irresponsable. « Mais quel connard. » ouai, c'est le mot juste. Cet idiot ne s'est même pas manifesté, il parait. Il s'en fout ou l'alcool avait vraiment effacé sa mémoire ? Je croise les bras en notant les détails dans un coin de ma tête, commençant à la pencher légèrement sur le côté, c'est que ça me dit quelque chose. « Attends, attends... » je ne me souviens pas avec exactitude de la date, mais... « Je sais que j'étais à Vegas à peu près en même temps. Dans le même hôtel. » Et la tête d'une blonde me revient en mémoire d'un coup. « Coïncidence. Ça doit être une coïncidence ! » Je me dirige précipitamment vers le bureau le plus proche, et allume l'ordi. Nada. J'envoie alors une demande pour avoir accès aux données concernant les mariages à Vegas cette soirée-là et attends patiemment que le nom d'un autre connard s'affiche sur l'écran. Ça ne peut pas être moi, bien que j'en sois tout à fait capable de ce genre de connerie. Ma tête retombe lourdement en arrière suivie d'un grognement bien bruyant et d'une vague d'insultes justifiées. Puis après avoir pesté contre tout et tout le monde, je soupire puis lui souris. Mieux vaut en rire qu'en pleurer.
« Hawaï, ça te va pour notre lune de miel ? » Un connard, je suis un sacré connard. Non mais je me suis surpassé, un mariage, vraiment Collin ?

Visiblement le policier n’a pas l’air d’apprécier les gens bourrés qui se marient sur un coup de tête et se barrent sans rien dire. Candy espère qu’il ne la juge pas trop d’avoir fait ça. Elle ne tient pas l’alcool, Vegas n’a pas aidé. Ce n’est pas son genre de faire ça, si elle avait eu conscience à ce moment là qu’elle se mariait réellement, elle ne l’aurait pas fait. Surtout que maintenant elle en connaît les conséquences : devoir retrouver le fameux mari et divorcer.
Après lui avoir donné des détails sur la fameuse nuit, il lui répond qu’il était dans le même hôtel à la même date mais que ça ne peut qu’être qu’une coïncidence. « Oui c’est sûrement ça. » dit-elle taquine. Bah oui monsieur le policier, on aime pas les gens qui se marient sur un coup de tête mais on en fait peut-être parti ? Bien, c’est du sérieux tout ça. A présent il semble bien plus intéressé de savoir qui est le mari de Candy. Après avoir fait des recherches sur son ordinateur et avoir pesté contre tout le monde, il se tourne vers la demoiselle et lui demande si Hawaï lui convient pour voyage de noces, sous-entendu qu’il est le mari inconnu. Candy saute alors littéralement de joie en apprenant la nouvelle, elle a enfin retrouvé son mari. Elle le prend alors dans ses bras même s’il est assis derrière le bureau. Elle s’en fiche, elle est trop contente de pouvoir enfin divorcer. « J’peux bien te prendre dans mes bras, on est marié. » dit-elle en souriant.

Sa réaction joyeuse me fait sursauter. Quelle personne sensée se réjouirait d'un divorce ? Même si je viens tout juste d'apprendre qu'elle est ma femme - oh God qu'est-ce que j'ai fait - je n'ai pas siii hâte de divorcer. Alors qu'elle me prend dans ses bras, manquant de nous faire tomber au passage, je fais la moue, non pas que ce contact soit désagréable, au contraire. Mais... « Tu sais, tu pourrais au moins faire semblant de ne pas être si pressée de te débarrasser de moi. » Je suis vexé, voilà. Un sourire trouve une place sur mon visage malgré tout. « Mais oui, étant mari et femme, tu fais ce que tu veux de moi. » Clin d’œil suggestif. Bah quoi, c'est elle qui a commencé. Je me lève, disparais quelques minutes dans un autre bureau après lui avoir fait signe d'attendre, puis reviens vers elle. « Je nous ai fixé un rendez-vous pour commencer les procédures du divorce. Il faudra présenter une justification valable lors d'une entrevue avec un juge dans... » je regarde ma montre. « Une heure. Quelqu'un a annulé son rendez-vous au dernier moment. Faudra se dépêcher. » Avant de nous diriger vers ma voiture, je la regarde dans les yeux. « Sûre de vouloir divorcer ? » Ça me parait très important. « Tu voudrais pas en apprendre plus sur moi ou un truc du genre ? D'ailleurs, ce serait cool si tu te présentais. Je me vois mal arriver devant le juge et lui dire que j'ignore le prénom de ma femme. »

Le mari de Candy, parce que oui ils sont encore mariés, semble vexé qu’elle soit si heureuse de divorcer. Mais après tout ils ne se connaissent pas et ce serait une épine qu’elle se retire du pied que de divorcer. Un soucis en moins, plus besoin de chercher qui est l’homme dont elle n’a aucun souvenir. Il accepte son câlin mais fait un sous-entendu qui déclenche une grimace chez la demoiselle. Elle n’est vraiment le genre de femme à faire des choooses. Au contraire elle est plus le genre prince charmant, grand amour et traumatisée sur tout ce qui concerne le sexe. « J’te connais pas assez pour faire autre chose qu’un câlin amical. » répond-elle pour qu’il comprenne que c’est même pas la peine de tenter quoi que ce soit.
Le policier s’en va quelques instants avant de revenir lui dire qu’ils ont un rendez-vous dans une heure suite à un désistement de dernière minute. « Mon mari fait jouer ses relations pour divorcer. » dit-elle avec un sourire pour l’embêter. Il lui demande si elle est bien sûre de vouloir divorcer et qu’ils devraient peut-être faire un peu connaissance avant d’arriver devant le juge. « Oui je suis sûre de divorcer. Peut-être qu’un jour on se remariera et on aura des enfants mais pour l’instant ça va. » dit-elle avant de se présenter. « Bon alors comme je l’ai dit tout à l’heure je m’appelle Candy, je suis étudiante en biologie et en botanique et pour l’instant j’ai pas franchement envie d’être marié. Et toi alors ? »

Ma femme semble vouloir prendre les choses très doucement, ce qui ne m'aurait pas arrangé si on avait pas un rendez-vous pour divorcer dans une heure. Elle a même de l'humour, ce qui me fait sourire. « Il parait que même bourré, j'ai de bons goûts en matière de femmes. » C'est qu'elle est super jolie en plus, et très sage étant donné son speech sur une éventuelle réconciliation. J'hoche affirmativement la tête, d'accord, avant de nous diriger vers la voiture, lui laissant le temps de se présenter. Une future biologiste, pas mal. « Ravi Candy, moi c'est Collin Meers. » J'insiste sur le nom de famille, car ça fait d'elle madame Meers. « Tu sais où je bosse, j'ai 26 ans et j'ai même pas envie d'avoir une copine alors le mariage... » rien pour nous apparemment, trop jeunes, peu responsables.

Mais avant de retrouver notre liberté, il nous faudra l'accord d'un juge, si bien que je conduis comme un ambulancier et à peine 15 minutes plus tard, on est dans le somptueux bureau du juge, Candy assise à mes côtés. « Vous savez qu'il vous faut un motif légalement valable, hein les enfants ? Alors voyons voir ce qui cloche... » son regard se pose sur moi : « Impuissant ? Gay ? Casier judiciaire ? » je sursaute, outré, pendant qu'il regarde la mariée. « Alcoolique ? Ou mentalement malade ? » avant qu'il ne continue de jouer aux devinettes. Je m'approche de Candy pour lui chuchoter à l'oreille : « Dis-lui que tu peux pas avoir d'enfants alors que je souhaite en avoir dix. Aucun mariage ne survivrait à ça. » Je lui fais clairement porter le chapeau mais je ne veux pas qu'un document officiel avec inscrit "psychopathe, alcoolo" et j'en passe s'ajoute à mon dossier.

Il a peut-être bon goût même bourré mais Candy n’en aurait pas dit de même pour lui. D’accord il est plutôt mignon mais même si c’est une fille qui apprécie de manière générale les gens, cela ne fait que cinq minutes qu’elle le connaît qu’il l’agace déjà. Ok elle le trouve drôle et pas méchant mais elle le trouve agaçant et absolument pas son genre d’homme. Ou justement si puisqu’elle tombe toujours sur des emmerdeurs qui la laissent en plan pour aller voir ailleurs ou qui flippe parce qu’elle n’est pas tout à fait normale. « Ça m’aurait arrangé que tu trouves quelqu’un d’autre n’empêche. » Au moins elle n’aurait pas besoin de divorcer.
Ok maintenant elle connaît son prénom, c’est déjà ça, au moins elle pourra dire au juge qu’elle sait ça sur lui. Pas plus le temps de parler que ça, Collin les conduit chez le juge en conduisant tel un personnage de fast & furious ce qui fait littéralement flipper Candy. Elle reste crispée sur son siège se disant qu’elle est trop jeune pour mourir. Finalement ils se retrouvent dans le bureau du juge qui leur demande le motif de leur divorce. Depuis quand il faut une raison pour divorcer ? Bon soit, si c’est ainsi, il faut trouver un truc. Le motif que Collin lui propose ne plaît pas à la blonde. Elle veut des enfants, pas maintenant, mais plus tard oui, elle n’a pas envie de mentir. « Nan, dis que je suis une malade mentale, ça ira. » dit-elle en le regardant. Et si la juge vérifie, elle verra que c’est vrai. Candy préfère ça à dire quelque chose de faux.