Bienvenue à Bowen, petite ville côtière du Nord-Est de l'Australie, abritant moins de 7 000 habitants. Si vous recherchez le calme, la bonne humeur et la joie de vivre, vous serez au paradis. Tous les habitants vous le diront, Bowen est l'endroit idéal pour se ressourcer. Et puis ne vous inquiétez pas pour l'intégration, ici tout le monde se connaît et les habitants adorent accueillir les nouveaux. › suite.
I'm not looking to be found, just want to feel (un)lost.
Bonnie poussa la porte du petit appartement qu’elle partageait avec Elijah, la mine déconfite. Elle venait de passer une heure avec son père et son frère et cette visite de courtoisie avait vite tourné au règlement de comptes. Comme d'habitude, en fait. Comment pouvait-elle espérer se sentir bien alors que ses proches désapprouvaient pratiquement tous sa relation avec son copain ? Elle était accablée, déçue et complètement paumée. Son père n’aimait pas Elijah parce qu’il le trouvait trop possessif, trop collant. Il avait l’impression qu’il l’enfermait dans un monde où plus rien d’autre que leur couple n’existait. « Tu ne vis plus que pour lui. Tout ce que tu fais, tu le fais en fonction de lui. Il t’empêche de vivre ta vie. Et c’est malsain », avait-il dit. Malsain. Ce mot était sorti une bonne dizaine de fois au cours de leur conversation et à présent, il résonnait dans sa tête comme l’une de ces chansons horribles qu’on ne parvient pas à oublier, peu importe ce qu'on fait pour y parvenir. Est-ce que sa relation avec Elijah était malsaine ? Elle n’en savait rien. Elle ignorait comment on mesurait cela. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle était amoureuse. Et que toutes ces remarques sur son couple la blessaient - et commençaient inévitablement à la faire douter. Faisant son possible pour afficher un sourire plus ou moins crédible, elle déposa ses affaires dans l'entrée puis rejoignit son copain dans le salon. « Hey. Ça va ? » Elle déposa un baiser sur ses lèvres pour le saluer avant de s'installer à côté de lui sans rien ajouter, trop préoccupée pour faire la conversation. De toute façon, elle ne savait pas si Elijah avait envie de parler. C'était peut-être l'une de ces soirées où il s'enfermait dans le silence parce qu'il n'était pas d'humeur.
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Elijah attendait le retour de Bonnie. Il avait terminé sa journée de boulot assez tôt et s'était installée dans le salon avec son ordinateur pour bosser ses cours. Son quotidien classique. Une tasse de café au lait sur la petite table, la télé en fond pour ne pas être dans un silence de mort, il était parti pour assez bien bosser. Quand il faisait des lignes de code, il ne voyait pas le temps passer. Il les enchaînait, réfléchissait à la manière logique d'assembler les éléments, créait, testait, modifiait. C'était un jeu infini qu'il changeait à sa guise. Perdu dans ses lignes de code, il n'entendit pas la porte d'entrée et ne s'aperçut du retour de Bonnie que lorsqu'elle fut près de lui. Il ferma aussitôt l'écran de son ordinateur sans scrupules et le posa à côté, se tournant vers sa copine avec un petit sourire. « Hey, babe ! Ça va, et toi ? » Il lui jeta un œil alors qu'elle s'asseyait près de lui et fronça les sourcils. Il vit tout de suite que quelque chose n'allait pas. Le visage habituellement ouvert et radieux de Bonnie était ombragé, il décelait dans ses traits une préoccupation inhabituelle. Posant une main sur son épaule, il se pencha vers elle, inquiet. « Bonnie, quelque chose s'est passé ? » Sachant qu'elle avait rendu visite à sa famille, il craignait une énième engueulade à propos de leur relation. Les Rockwell n'en perdaient pas une pour parler de ce qui ne les regardait pas et critiquaient depuis neuf ans leur couple. La belle-famille dont vous rêvez tous.
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La jeune femme resta immobile quand il posa sa main sur son épaule, toujours aussi pensive. En fait, elle se demandait s'il était judicieux d'en parler à Elijah. Elle avait peur qu'il le prenne mal ou pire, que ça l'affecte plus que ça ne l'aurait dû. Il était tellement sensible qu'elle devait toujours prendre des gants quand elle lui parlait de ce genre de sujets. Elle ne voulait le heurter. Elle se tourna vers lui et secoua la tête, se voulant rassurante. « Non, enfin... Rien de plus que d'habitude, quoi. » C'était un petit mensonge. Dans le fond, c'était vrai : il n'y avait rien de nouveau. Juste son père et son frère qui s'obstinaient à vouloir lui prouver qu'elle foutait sa vie en l'air en accordant autant de temps à Elijah. C'était comme ça depuis qu'ils étaient gosses, ils se permettaient toujours de donner leur avis sur leur relation sans qu'on ne leur demande rien. Ce qu'elle ne lui disait pas, c'est qu'ils avaient été encore plus infectes que d'habitude. Et qu'elle commençait à se dire que certains de leurs arguments n'étaient peut-être pas si tirés par les cheveux que cela... Elle était complètement paumée. Prise en deux feux, incapables de savoir où donner de la tête. Et croyez-la, c'était le pire sentiment qui puisse exister ! Elle avait l'impression de lutter en permanence et d'être jugée pour tout ce qu'elle faisait, ce qui, au final, était ridicule. Sa famille n'avait rien à dire sur ses choix amoureux. C'était sa vie, merde ! Si elle voulait s'installer avec Elijah, l'épouser et lui faire douze gosses, c'était son problème. Et si elle "gâchait sa vie" comme ils aimaient à le répéter, c'était tant pis pour elle. Ils n'avaient rien à dire. Marquant quelques instants de silence, elle regarda son copain avec un léger sourire pour éviter qu'il ne s'inquiète inutilement. « T'inquiètes, c'est rien. » Elle passait son temps à essayer de le protéger parce qu'elle voulait le préserver de tout cela. C'était justement ce que sa famille lui reprochait : de trop s'impliquer dans son couple au détriment de sa propre vie. Son père prétendait qu'elle s'oubliait à force de tout faire pour Elijah - et dans un sens ce n'était pas faux.