what about now? (elijah)

Les yeux rivés sur son téléphone, les pulsations du coeur qui s'affolent, Primrose se demandait quelle mouche l'avait piqué ou par quelle absurdité elle s'était persuadée que revoir Elijah était une bonne idée. Les brefs échanges de sms qu'ils avaient eu depuis cette fameuse nuit étaient des plus cordiaux et à vrai dire, il n'y avait pas une once de romantisme dans ceux ci. Convenir d'un rendez-vous avait été étrange mais peut être nécessaire. Pour mettre les points sur les i, pour ne pas laisser cette incartade devenir la règle. Pour la jeune femme, tout devait être clair : elle s'était laissée aller à une folie passagère qui l'avait reconduite dans ses bras... sans mesurer les conséquences derrière. Ils n'y en avaient aucune d'alarmante si ce n'est cette gêne qui s'était tout de même ressenti par message. Ils ne savaient tout bonnement plus où se mettre dès qu'ils ne parlaient pas de banalités et de la météo. Il y avait ce non dit, ce souvenir brûlant qui continuait de les consumer. Quelque chose que la Burnett n'avouerait pas, même avec un gros lot à la clé. Elle qui peinait à assumer avoir replongé avec lui -plusieurs fois d'affilée, en plus - , elle ne pouvait pas reconnaître qu'elle en voulait encore plus. Admettre qu'elle avait pris son pied serait la seule et unique confession qu'elle lui donnerait.

Elle attendait depuis dix minutes : le spectre d'un lapin qui se profilait à l'horizon ? Elle ne voulait pas y croire même si le Bishop lui avait donné bien du fil à retordre lors de leur fin de relation. Elle ne voulait pas y penser maintenant, cela l'angoissait plus qu'autre chose. Elle resta à attendre, passant toutes les notifications possibles et imaginables sur Instagram ou même Snapchat, textant tout son répertoire féminin pour ne pas avoir une seconde de répit, pour ne pas penser à lui. Voilà qu'il apparût sans crier gare, face à elle. "Tiens te voilà.". Mince quoi, que pouvait t-elle dire d'autre sans se griller ? Pourtant tout son corps la trahissait : elle brûlait de désir pour lui. Elle tremblait, excitée et intimidée de ce qui s'était passé. De ce qui pourrait se passer.

C'était le bordel. Littéralement le bordel depuis que j'avais replongé avec Primrose. Ca m'avait affecté, dans le sens où j'me rendais compte que j'étais perdu dans mes sentiments et dans ce que j'avais envie. C'était pas malin de notre part de se défier comme ça l'autre soir. On avait réouvert un ancien chemin et on avait passé une nuit incroyable tous les deux. J'avais fini par m'endormir avant même que Primrose ne revienne dans la chambre. J'crois qu'elle était partie comme ça, au creux de la nuit et on avait plus reparlé. Se laissant l'un et l'autre avec un espèce de gout amer, un gout de nostalgie. Ca m'avait vraiment troublé. J'en avais parlé avec Alexis, avec Beckham et avec Elias. Impossible de garder tout ça secret. J'pouvais pas. J'étais trop extraverti pour tenir ma langue. Mais j'aurais peut-être du en parler avec la première concernée.

Elle avait fini par m'envoyer un message, on avait échangé un peu et très vite, on avait conclu qu'il fallait qu'on se voit. Histoire de parler de ce qu'on ressentait. D'où on en était. J'voulais pas replongé avec elle. J'lui avais fait beaucoup trop de mal. J'avais été un incapable et très clairement, Primrose elle méritait mieux. Mais j'pouvais pas non plus ignorer ce que ça me procurait d'être avec elle. J'étais perdu. Tout simplement perdu. Et si ça ne suffisait pas, ma route avait croisée celle d'une fille pour qui je craquais beaucoup. Moi qui avait connu une vide intersidérale dans ma vie sentimentale depuis la séparation avec Prim', j'me retrouvais pris dans une tempête d'émotion et j'arrivais pas à faire le tri. On devait se retrouver dans un bar-resto et j'me sentais un peu stressé. Comment j'allais réagir en la voyant? J'étais arrivé en skate, et comme d'habitude j'étais un peu en retard. J'me dépêchais et j'entrais le bar cherchant Primrose des yeux. J'lui souris une fois que nos regards se croisèrent et je m'avançais vers elle avant de m'assoir à face. "Salut toi, désolé pour le retard." Je posais mon skate et mon sac à dos à côté de moi et j'plongeais mon regard dans le sien. "ça fait longtemps.." Je souris un peu. Putain, mon coeur commençait à s'emballer. J'étais pas à l'aise. J'savais tellement plus où me positionner par rapport à tout ça. "Est-ce qu'on brise tout de suite la glace et on parle tout de suite de l'autre soir?" J'marquais un pause puis je reprenais :"ou on attend un peu?" Je souris un peu, mes yeux ne pouvaient pas se décrocher de Prim'. Quand elle était dans mon espace vital, ça me troublait, de plein de manières différentes.

L'estomac noué, Primrose sentait les secondes s'écouler sans parvenir à reprendre un air relaxant, indifférent. Elle avait été bien trop sûre d'elle, fière pour prétendre tout ce temps que le voir ne lui ferait rien. Les stigmates d'anxiété étaient si visibles qu'il lui était impossible de dire le contraire, même si cela l'embêtait au plus haut point. Le désarroi dans lequel elle s'était plongée était tel qu'elle n'avait pas su comment l'amener aux autres sans être rongée par la culpabilité. Bien évidemment, c'était moins grave que voler un sac de patates mais les remords étaient bien présents. Elle ne pouvait affirmer qu'il s'agissait d'un coup pour rien (vu comme elle avait pris son pied les deux fois successives) mais elle n'avait pas su comment l'admettre, le reconnaître. Sa soeur aînée l'avait grillé, Emi l'avait percée à jour et croiser leurs regards avait été une épreuve pour la jeune blonde. Pas de ce qu'elles pourraient lui dire, plutôt de ce qu'elles pourraient penser sans oser le dire à voix haute. Elle n'avait pas pu garder ce secret trop longtemps mais en parler rendait les choses réelles. Ce n'était plus un énième rêve où elle espérait qu'il revienne, c'était un soir où ils avaient cédé à la tentation... sans rien se promettre.

Sa voix intérieure avait beau la sermonner et lui dire d'être une véritable peste avec lui, le simple fait de l'avoir vu arriver avait mis à mal le fait de le haïr, de lui rendre tout le mal qu'il avait pu lui faire dans le passé. Primrose réalisait qu'il lui était impossible d'être si tenace, si rancunière -même si les blessures étaient là- pour survivre. L'énergie qu'exigeait un tel comportement serait ingérable sur le long terme, elle le savait, elle le ressentait. Elle était également assujettie à tout le non verbal que son ex dégageait et comment elle y était sensible. Cela pouvait paraître incroyable si ce n'était pas si cruel. Le temps ne semblait avoir aucun impact sur eux, sur ce qu'elle avait pour lui. Les sentiments ne se contrôlent pas et pour la blonde, elle était bien trop attachée à lui encore. Son sourire auquel elle répondit presque aussitôt la trahissait un peu plus. Un peu de nerfs, bon sang! Il fallait prétendre être une femme plus forte que ça, c'était impératif. Lui montrer qu'elle avait pris de l'applomb, qu'elle n'était plus si naïve ou si patiente qu'autrefois. Il pose son skate et rien que sa démarche lui fait un petit frisson dans le dos. Les joues pourraient rougir à tout moment. Elle respire un bon coup, se ressaisit.


Soudain, il met les pieds dans le plat. Dur retour à la réalité alors qu'elle ne pensait pas qu'il aborderait le sujet si frontalement. Son air ahuri laisse transparaître son émotion du moment. Elle lui répond, sur un ton assez ironique. "Déjà, sans même un café ou un milshake ?J'avoue que ça fait rapide...". Traduction : elle ne veut surtout pas en parler, espère gagner du temps. La maligne qui ne va pas faire la meuf assurée très longtemps. "Tu...tu veux boire quoi? ". Elle se sent soudainement assez hésitante comme à un premier date pour faire une entrée en la matière. Pourtant, elle le connaît. Elle le sait, elle ne pourra se cacher indéfiniment. "Oui, il faut qu'on en parle". dit t-elle dans un murmure.

Notre histoire, elle avait été belle. Elle avait durée quatre ans. C'est beaucoup quand j'y pense. Mais ces années avaient défilées à la vitesse de la lumière. On s'était aimé, tellement fort. J'crois que si je n'avais pas été lâche, si je n'avais pas agit comme un parfait imbécile, on aurait pu être heureux encore longtemps. Mais j'avais préféré tout arrêter. De peur de m'engager. C'était idiot. Mais j'avais pas pu m'empêcher d'écouter la petite voix au fond d'ma tête. Et j'avais tout envoyé valser. J'me souviens de cet après midi, quand j'avais dis à Primrose que c'était terminé. Ca m'avait brisé le coeur. Et j'avais aussi brisé le sien. J'me souviens de ses yeux se baignant de larmes et de son silence aussi. Abasourdie par cette décision qui venait un peu de nul part. Il n'y avait pas eu d'élément déclencheur, rien de particulier, juste un entretien entre moi et ma conscience idiote. Et puis, notre histoire s'était conjuguée au passé. Pendant, plus de deux ans. On s'était croisé parfois, mais on s'évitait. C'était trop douloureux. Pour elle, comme pour moi. Cette histoire me renvoyait directement à ce que je n'aimais pas de moi mais qui me définissait bien: ma lâcheté.

Cette soirée, chez Elias, ça avait tout changé. On avait laissé éclaté l'attirance qu'on avait toujours l'un pour l'autre. Ce p'tit truc, cette petite étincelle qui ne s'était jamais éteinte et qu'on avait simplement tenté d'étouffer tout ce temps. J'pourrais pas lui dire, droit dans les yeux, que j'ressentais rien pour elle. Ca serait lui mentir. Mais j'pouvais pas me résigner à replonger. Ca serait peine perdue. La confiance avait été brisée à l'instant où j'avais fais voler notre histoire éclat. Mais j'pouvais pas ignorer c'que sa présence me faisait. D'la voir là, face à moi, ça me mettait dans un espèce de confort dans l'inconfort. Parce que de toute façon, on ne pouvait rien de cacher. On s'connaissait tellement qu'on pouvait lire dans les yeux de l'autre toutes les émotions qui nous traversaient. J'voyais bien que Primrose elle était tout aussi nerveuse que moi. C'est d'la nervosité mélangé à un espèce de frisson global à chaque fois qu'on s'retrouve. Rien n'est simple dans mon esprit. Parce qu'entre temps, j'ai rencontré Leyla. Cette fille là, elle risque de tout changer.

J'm'installe en face de Primrose et j'plante mon regard dans le sien. J'peux pas m'empêcher de la trouver belle. A chaque fois qu'on se regarde, c'est comme si tout un pan de notre histoire passée resurgissait. J'mets directement les pieds dans le plat et j'vois que ça la déstabilise. Ca réponse m'arrache un rire. "Ouais, t'as raison, c'était un peu brutal." J'avais posé mon téléphone sur la table et je jouais avec, le faisant glisser dans mes doigts avant d'le retourner, inlassablement, comme pour occuper mes mains plutôt que mon esprit. "Un café, ça sera bien." que je dis en hochant la tête. Finalement, la serveuse vient et prend notre commande. Mon attention se repose sur Primrose qui finalement est d'accord avec moi: il faut qu'on parle. J'me recule un peu sur ma chaise, histoire de tenter de prendre du recul comme je peux et je prends une grande inspiration. "Ok. Bon. Parlons." Maintenant que j'suis au pied du mur, j'aurais mieux fait de prolonger la conversation sur des banalités. Mais de toute façon, on aurait forcément fini par aborder le sujet. On ne pensait qu'à ça. "T'en penses quoi, toi, de c'qu'on a fait l'autre soir?" Ca c'est bien joué mon pote! Reporter la question sur elle, pour lui laisser le loisir de débuter cette conversation périlleuse. C'était pas très cool d'ma part de la laisser avec ça, mais il fallait bien commencer par quelque chose. Et puis j'suis un lâche, doublé d'un con, j'vous rappelle.