J'vais t'faire tourner la page / Tathur

Arthur semblait curieux de savoir ce qu'il s'était passé avec les ex de Tahlia. Ou alors il jouait vraiment bien son jeu, parce qu'au fond, les conversations sur les ex n'étaient jamais vraiment amusantes à mener. Pourtant, Tahlia était mal-à-l'aise face à cette question. Elle n'avait pas envie de donner des détails parce qu'elle n'était pas prête. "C'est une histoire assez sensible, je n'ai pas trop envie d'en parler pour le moment. Mais en gros, à cause de ça, j'ai du mal à m'impliquer totalement dans une relation. Et ça finit toujours par gêner l'autre..." Ou alors, quand elle ouvrait son coeur, cela lui retombait dessus parce qu'elle ne choisissait jamais les bons. Arthur faisait peut-être partie de cette catégorie-là. Elle ne savait pas où ils iraient tous les deux, mais cela valait le coup de s'y pencher peu à peu. Elle n'avait pas vraiment imaginé aller plus loin avec lui, pensant que leur jeu leur suffirait. Mais maintenant qu'il avait évoqué l'idée d'aller plus loin, Tahlia était partagée. Partagée entre l'envie de voir où cela pouvait mener et la peur de perdre sa liberté. Elle n'était pas une croqueuse d'homme, mais il y avait bien autour d'elle quelques relations qui relevaient plus de la simple amitié. Et étrangement, elle les chérissait, ces relations. Tout était plus simple, même si elle savait qu'elles finiraient par la mener droit dans le mur. Parce qu'elle finirait par s'attacher et par devenir insupportable. Insupportable... un adjectif qui ne sembla pas refroidir Arthur, qui pensait qu'elle plaisantait. "Peut-être... ou peut-être pas." Il le verra par lui-même, au moins Tahlia n'aura pas menti sur la marchandise. Mais quand elle entendit sa question et qu'il lui assura qu'il patienterait, le tout avec un petit sourire qui la ferait presque craquer, Tahlia se demanda si elle n'avait pas été trop radicale dans ses paroles. La belle était totalement désarçonnée et c'était bien une situation qui la destabilisait. "Je ne te demande pas d'attendre éternellement, Arthur, ce n'est pas ce que je souhaite. Quand je dis prendre son temps, c'est partager des choses ensemble, apprendre à se connaître davantage, s'apprivoiser un peu mieux pour tenter de monter quelque chose... Ne pas foncer dans le tas. Sinon, je me connais, je finirai par me lasser de toi. Et ça, je n'en ai pas très envie." Elle s'amusa encore à remuer sa cuillère dans sa boisson, sans vraiment se rendre compte de ce geste. "Je ne sais pas si j'ai été bien claire dans mes propos, mais je voulais te montrer que je ne te mettais pas un râteau..." Là, au moins, ça ouvrait davantage les portes.

Tahlia n’eut pas besoin d’en étaler plus sur son passé amoureux. Arthur comprit qu’elle a été déçue par le passé. Il ne sait pas si son ex l’a trompé, mais une chose est sûre, elle a terminé cette relation avec le cœur brisé. Cette idée le froissa, car à chaque fois qu’il s’est comporté comme un parfait connard, il en éprouva d’affreux remords. Son plus gros défaut lui revenait en pleine face. Arthur a toujours été un grand indécis sentimental.

- Ok, je comprends, finit-il par dire pour clôturer le sujet.

Il voulait notamment cacher cette horrible image de Tahlia avec un autre mec. Malgré qu’elle le prévienne sur sa personnalité tranchante, Arthur avait envie de tenter l’expérience. Dès qu’il l’a rencontré, il voulait apprendre à la connaitre. Aujourd'hui il n’en savait pas encore beaucoup à son sujet, mais pour le peu, il la trouvait drôle et attachante. C’était peut-être aussi un challenge de plus : ne pas s’attacher à elle alors qu’elle était merveilleuse.

- Je suis entièrement d’accord avec toi. On va prendre notre temps, assura-t-il.

En lui infirmant qu’elle ne lui fermait pas la porte, Arthur se sentit plus confiant.

- Je ne suis pas doué QUE pour faire des cookies, tu verras.

Il haussa alors un sourcil d’un air entendu et se mit à rire. Il voulait fuir de cette discussion un peu trop sérieuse. Les choses ont été mises à plat et il en était bien content.

Quand Arthur sembla se contenter des explications de Tahlia, cette dernière lui lança un regard bienveillant. Elle le remerciait silencieusement de ne pas se montrer plus curieux que cela. Parce qu'au fond, Tahlia n'avait jamais su mettre des mots sur ce qu'elle avait vécu. Comment pouvait-elle dire et révéler à haute voix qu'elle était une ancienne femme battue ? Comment l'assumer alors que la honte la rongeait intérieurement ? C'était une question à laquelle elle n'avait toujours pas de réponse. Même Jax, son meilleur ami, n'était pas au courant de ce sombre épisode, de ce passé qui agissait tel un venin en elle. Valait mieux passer à autre chose, en effet. Arthur semblait être d'accord sur le fait de prendre son temps. Face à de telles paroles, Tahlia se relaxa et se permit même une petite plaisanterie : "C'est aussi pour toi que je dis ça. Je ne voudrais pas que tu tombes trop vite amoureux de moi..." Alors qu'ils se foutaient du mariage quelques minutes auparavant, les sentiments amoureux allaient sûrement prendre pour leur grade, eux aussi. Pour autant, la dernière phrase du jeune homme intrigua Tahlia, qui arqua un sourcil, avec un petit sourire aux lèvres. "Vraiment ? Et dans quel domaine êtes-vous si doué, Monsieur Delacroix ?" Elle s'était amusée à parler français sur ces deux derniers mots, deux mots français que son accent australien rendaient particulièrement charmants...

A l’évidence, Tahlia ne voulait pas s’attarder sur le sujet. Les « ex » peines amoureuses n’ont jamais rien de bien joyeux. De toute façon, moins ils en savaient sur leur passé mieux ils se porteraient. Ainsi Tahlia et Arthur partaient sur un nouveau départ. Ils prendront leur temps. Comme le disait Tahlia, il ne faudrait pas qu’il tombe trop vite amoureux d’elle.

- Je ne peux rien te promettre. Ça va même être très difficile.

Il en riait, mais il le pensait tellement. Comment ne peut-on pas tomber amoureux de cette fille ? Elle a tout pour elle. Elle est belle, drôle et doté d’un petit caractère. Tahlia pouvait correspondre à son idéal féminin. Il voyait en elle bien plus qu’un challenge. Tandis qu’elle le charmait dans sa langue natale, Arthur releva son accent australien dans un rire puis répondit d’un ton plus sérieux.  

- Je sais changer un robinet, je sais faire une vidange, je sais déverrouiller une porte… il se souvent alors qu'elle était policière. En cas de pépin bien sûr! rajouta-t-il avec malice.

Arthur n’a jamais été un intellectuel. Il n’est pas très cultivé et il n’a jamais aimé aller à l’école. A défaut, il est débrouillard et manuel. Ses amis font souvent appel à son aide en matière de bricolage. Il aimait ça, c’était sa façon de se rendre utile. Il répandait suffisamment le mal en amour, il devait bien compenser ailleurs. A dire vrai, Arthur a un bon fond.

Maintenant que le sujet houleux des ex avait été évité, tout comme celui de la relation sérieuse, la plaisanterie pouvait reprendre sa place. Tahlia taquina Arthur sur le fait qu'elle ne voulait pas qu'il tombe trop vite amoureux d'elle. La réponse du jeune homme la fit rire alors qu'elle ajouta, en haussant les épaules : "Beau parleur !". Elle lui adressa un regard malicieux, avant de se redresser quelque peu, afin de se rapprocher de la table. Ses yeux verts étaient posés sur lui, alors qu'elle tenta quelques mots de français, les plus polis qu'elle connaissait, parce qu'elle se souvenait surtout des insultes. Arthur répondit à sa question, sous le regard curieux de la jeune femme. Elle avait toujours été du genre à s'intéresser aux personnes, alors elle aimait l'entendre parler de lui, de ses points forts, de ce qu'il aimait faire. Pourtant, la fin de sa phrase attira davantage son attention. Déverrouiller une porte. Même lui sembla se rendre compte de sa gaffe puisqu'il ajouta, sur un ton malicieux, qu'il ne le faisait qu'en cas de problème. "Je vais faire taire la policière qui est en moi et qui se demande comment tu as appris à déverrouiller une porte." Elle se mit à rire, joyeusement, avant de reprendre, toujours aussi taquine : "En tout cas, ça tombe bien, je ne sais pas changer de robinet, je ne sais pas faire de vidange. Je sais juste déverrouiller une porte, en cas de pépin, mais ça ne change pas grand chose à ma vie. On était fait pour se trouver, je crois bien." Son air malicieux s'était quelque peu changé en un air plus charmeur. Elle but une gorgée de sa boisson, ses yeux observant la rue qui se vidait peu à peu, les gens reprenant le chemin vers leur foyer où ils se retrouveraient en famille. Bowen retrouvait son calme. Elle reposa son regard sur Arthur avant de reprendre, plus sérieuse : "ça ne te manque pas trop, la vie à Paris ?"

Ce fut la première question d'une longue serie, où ils apprirent à se connaître peu à peu.