(rulfie) dessine moi comme une de tes françaises.

J’aimais bien les croisières. J’aimais bien l’eau de toute manière. Mais la mer avait tendance à attirer les rayons UV et étant rousse… Le soleil et ma peau ne font pas bon ménage. Donc j’avais pris mon habituelle ombrelle pour me poser sur le pont inférieur. C’était là où il y avait le plus d’ombre et puis je ne voyais pas trop pourquoi tout le monde était classé. Ça favorisait la stigmatisation. Vêtue d’une simple robe blanche –pour changer tiens- je m’étais posée sur un transat, mon carnet de croquis sur la main. Je dessinais les gens. Ceux qui jouaient avec leurs enfants, les amoureux, ou alors ceux qui sont tout seuls. Un petit vent frais venait de temps à autre me rafraichir tandis que je m’appliquai à la tâche. Je n’avais pas fait attention à si j’avais des connaissances ou non sur ce bateau. Hormis Freja sans aucun doute mais je la retrouverai plus tard. J’étais seulement venue me reposer ici, profitant de la fin de mes vacances avant de reprendre le plateau de tournage. D’où le fait que je devais garder ma peau d’albâtre telle quelle sans aucun trace de bronzage.

Après s'être installé dans sa cabine, avoir rencontré sa colocataire pour la croisière, Alfie est bien impatient de découvrir que ce bateau a à offrir. Des lunettes de soleil posées sur son nez, il se dirige vers l'extérieur du pont inférieur et s'en va vérifier si il a oui ou non un possible mal de mer. Impossible à savoir jusque là, il n'était jamais monté sur un bateau avant ça. Les mains plongées dans les poches de son bermuda, il s'avance vers une rangée de transats et découvre qu'il n'y a pour le moment pas encore beaucoup trop de monde. Les passagers doivent être occupés  décharger leurs affaires, ou à boire leurs premiers cocktails au bar. Il y a cependant une fille dans une transat, une rouquine qu'il ne tarde pas à reconnaître à force de s'approcher. Immédiatement, un sourire en coin vient se former sur ses lèvres. « Elle peut soigner quelqu'un avec un McFlurry, elle sait dessiner, mais quel talent n'a pas la charmante Ruby ? » Alfie vient prendre place sur un transat à coté du sien et laisse son regard s'attarder sur les autres passagers. « Je t'imaginais pas vraiment comme une fille de troisième classe, » ajoute-t-il avant de porter son attention sur elle.

J’avais proprement calé mon ombrelle pour éviter que les rayons du soleil ne viennent noircir ou rougir ma peau. Le fusain glissait sur le papier avec une certaine facilité et j’étais tout bonnement heureuse. Certes, je ne connaissais pas grand monde mais j’adorai dessiner. Ce passe-temps me manquait beaucoup. Tandis que mes cheveux volaient de temps à autre au vent, je dessinai une femme qui mettait de la crème sur le dos de son enfant. Ce dernier semblait bougon. J’allais entamer les ombres lorsqu’une voix me fit sursauter. Fort heureusement, j’en avais l’habitude sinon ça aurait pu gâcher mon croquis. Je relève donc la tête correctement vers Alfie. Alfie décontracté qui me lance une boutade. Je laisse échapper un petit rire. « Elle est incapable de s’exposer au soleil, dis-je d’une voix douce en le regardant, bonjour Alfie ! » Je le regarde se poser sur le transat d’à côté avant de me tourner vers lui. Je prends une nouvelle feuille blanche, commençant à le dessiner sans qu’il ne s’en aperçoive. « Je suis en seconde, murmurai-je embarrassée et ne voulant étaler mes privilèges devant lui, mais toute cette histoire de classes est ridicule. Nous ne sommes plus en 1912 et cette stigmatisation n’a pas empêché le Titanic de finir au fond de l’océan. » Je glisse une mèche folle derrière mon oreille pour me pencher doucement et déposer un baiser sur sa joue en guise de salut. « Tu veux bien me servir de modèle ? Demandai-je en penchant la tête sur le côté, je n’ai pas de beau garçon dans mon calepin. Que des… des… des gens comme moi, normaux et fades. » Puis, je lui fais un petit sourire avant de lui tendre le précieux objet pour lui montrer ma bonne foi. Je ne suis pas très habile au fusain mais j’ai l’art de retranscrire certaines émotions. Merci mon professeur pour cet enseignement.

« Bonjour Ruby, » lui répond-il avec un sourire avant de prendre place à ses cotés. Pour pouvoir mieux la voir, Alfie retire ses lunettes et les place sur le haut de sa tête quitte à devoir plisser les yeux à cause de la lumière. Heureusement, il ne se sent pas malade. L'air de la mer lui fait du bien, il a l'impression que ses poumons sont en train de se nettoyer de ces dix années de cigarette et autres crasses. Contrairement à elle qui se cache sous son ombrelle, lui peut sentir la chaleur du soleil caresser sa peau, et il est heureux d'avoir hérité de cette peau d'espagnol qui l'empêche de devoir se tartiner de crème. Sans être étonné le moins du monde, il hoche la tête quand elle lui dit être en seconde classe et non en troisième, contrairement à lui. Si il n'avait pas acheté son bar, peut-être qu'Alfie aurait pu lui aussi s'offrir ce luxe. La voir se révolter devant le hiérarchie du bateau lui tire un rire amusé et il se tourne dans sa direction, appuyé sur son coude. « C'est vrai, mais je pense que c'est plus pour une histoire d'argent. Imagine si un bourgeois se retrouvait dans une plus petite cabine, il taperait scandale ! Alors qu'un pauvre dans une mini-chambre, il s'en fiche un peu. Il est habitué. » Il lui sourit et, juste après, Ruby vient poser un baiser sur sa joue comme elle l'a déjà fait quelques semaines plus tôt. À sa question, Alfie hausse un sourcil étonné. « De modèle ? » En réponse, elle lui glisse son calepin entre les doigts et il le prend afin de le feuilleter. Admiratif, il observe chaque page avec grand intérêt avant de relever les yeux vers elle. « Fade ? Si toi t'es fade, alors les autres sont du soja. » Il rit intérieurement de sa propre remarque et se contente d'un sourire amusé en surface. « Et puis, je ne suis pas si extraordinaire tu sais. Mais bon, si t'as envie de garder un souvenir de moi, je ne voudrais pas te retirer ce plaisir. » Il lui rend son carnet et lui offre un sourire taquin par la même occasion.

Lorsqu’il me dit enfin bonjour, je lui adresse un salut de la tête avant de reporter mon attention sur mon dessin. J’avais passé une agréable soirée avec Alfie la dernière fois. Il n’était pas aussi con qu’on me l’avait. C’étaient les gens qui colportaient les rumeurs qui étaient de parfaits crétins. Je finis cependant par tourner une nouvelle page, relever la tête et croiser son regard. Il était entouré d’un halo lumineux dû au soleil qui le rendait encore plus séduisant. Je commence donc à débattre avec lui des classes de ce bateau avant de secouer la tête en entendant sa réponse. « Non mais attends, nous sommes au 21ème siècle. Bon sang ! Je suis outrée qu’il y ait encore de si grosses différences. Si ça n’avait tenu qu’à moi, j’aurai écopé de la 3ème classe. J’ai vécu dans un placard quand j’étais serveuse à New-York donc je peux me contenter d’une petite cabine pendant 15 jours. Mais la production n’était pas d’accord. » Ainsi, je lâchai sans m’en rendre compte que je n’avais pas payé mon séjour. Je me sentis rougir jusqu’aux oreilles avant d’ajouter. « J’ai fait un burn out donc on m’a gentiment envoyé voir du pays pour me reposer. » Ce qui n’était pas mon fort le repos. La preuve, plutôt que de me reposer tranquillement sur un transat, je dessinai ou autre. Je me penchai alors pour déposer un baiser sur sa joue, en profitant pour l’effleurer de mes cheveux. Puis, je reprends ma place initiale. « Oui comme dans la scène où Leo dessine Kate mais garde tes vêtements. » Je me racle un peu la gorge, rougissant de plus belle. Puis d’un geste précipité, je pose ma main sur ses abdos. C’est bien ce qu’il me semblait. « Oui, oui, oui, oui, garde tes vêtements. » Pour changer de sujet, je lui tends mon carnet de croquis avant de regarder ailleurs, passant une main dans ma nuque, nerveuse. #boulet. « C’est gentil bien que peu flatteur pour le soja si tu veux mon avis. » J’éclatai de rire tandis que des gens commençaient à passer devant nous. Les gens discutaient joyeusement comme nous. J’étais contente d’être en sa présence mais la réponse de mon nouvel ami me fait rougir à nouveau. « Bah euh… » Sois plus éloquente voyons ! Je bouge alors, abandonnant fusain et calepin pour attraper délicatement sa main. Avec délicatesse, j’essaie de voir si elle va bien. « Ta main a l’air rétablie, ajoutai-je sans oser lever les yeux. » Puis, j’ose le faire, le regardant au travers de mon rideau de cheveux qui m’offre une échappatoire. Je garde donc ma main contre la sienne, caressant distraitement son avant-bras que j'avais posé sur ma cuisse, oubliant qu’il s’agit d’Alfie pendant un instant.