Exister pour quelqu'un / Fleurwell

La difficulté de respirer avait pris le dessus et Maxwell du amener Fleur à l’hôpital.  Les médecins décidèrent de l’opérer en urgence. Au vu des circonstances, ils envisagèrent une segmentectomie, c’est-à-dire, retirer une petite partie cancéreuse du poumon.  L’opération fut satisfaisante. La tumeur avait rétréci près de 2,4 mm. Ils envisageaient dans les semaines à venir une chimiothérapie, mais pour cela, Fleur devait récupérer le peu de force qu’elle avait encore. Une hospitalisation de deux semaines était prévue.

Elle connaissait les quatre murs blancs de sa chambre par cœur. Par ennui, elle avait compté la totalité du carrelage. Trente-huit carreaux. La perte d’appétit la fatiguait. Les infirmières la réprimandèrent, et par peur qu’elle ne doive s’alimenter par une sonde, elle mangea un peu. Maxwell l’aidait, moralement surtout. Il venait la rendre visite très régulièrement et si elle avait besoin de ses affaires personnelles il faisait la commission. Il se comportait comme le petit ami idéal mais Fleur culpabilisait énormément de lui infliger une telle relation. Parfois elle s’imaginait l’implorer de la quitter, pour qu’il soit plus heureux. Mais elle n’y arrivait pas, cela pouvait paraitre égoïste, mais elle ne pouvait pas le faire car il était sa seule raison de vivre.

Plus tôt dans la matinée le médecin l’avait prévenu des effets indésirables de la chimiothérapie. Quelques jours avant la procédure, il lui avait conseillé en prévention de couper un peu ses cheveux pour éviter le choc d’une perte massive de cheveux. Et sur un coup de tête, comme ça, elle attrapa les ciseaux de sa trousse de toilette puis coupa de grandes mèches de ses cheveux blonds. Le résultat était abominable. Elle en pleura. Les infirmières la retrouvèrent dans sa salle de bain sur le sol, en sanglot. Affolées, elles leur administrèrent un calmant et essayèrent d’égaliser les longueurs.

Il y a quelques jours de cela, tu avais dû conduire Fleur en urgence à l'hôpital. Tu avais attendu un long moment dans la salle d'attente avant qu'un médecin se décide à venir te voir. Elle allait être opérée en urgence, forcément, tu t'étais inquiété. Tu avais attendu toute la nuit que le médecin revienne vers toi pour te donner de ses nouvelles. Tu avais demandé à la voir mais il était tard et le personnel avait refusé. Tu étais rentré chez toi, sans pouvoir dormir. Tu avais ruminé toute la nuit, attendant le petit matin pour la rejoindre. Et depuis, tu passais chaque temps libre auprès d'elle. L'école serait bientôt fini, mais en tant que remplaçant, tu pouvais finir ton contrat plus tôt. Avec ça, tu réduisais tes chances d'avoir un poste permanent pour l'an prochain, mais ce n'était pas le plus important pour toi. C'était elle. Plus les jours passaient et plus tu avais l'impression qu'elle se refermait sur elle. Mais tu devais aussi comprendre que passer deux semaines à l'hôpital ce n'était pas le rêve. Et la chimio approchait à grand pas. Ce qui semblait la stresser, en arrivant aujourd'hui, les infirmières t'informaient de ce qu'elles avaient vu. La savoir effondrée te fendait le cœur, tu filais rapidement vers sa chambre, tu étais passée à la bibliothèque pour lui prendre un petit amas de livres qui lui feraient sûrement plaisir. Tu poussais la porte, laissant glisser ta tête en premier pour vérifier qu'elle ne dormait pas, tu ne voulais pas la déranger si c'était le cas. Mais elle calme, sûrement encore assoupie par le calment donné plus tôt dans la journée. Tu déposais les livres sur la tablette, avant de t'approcher de son lit, elle ouvrait doucement les yeux. Tu glissais une main sur sa joue, t'asseyant juste à côté d'elle. « Fleur, comment tu te sens ? » demandais-tu en l'embrassant sur le haut du crâne.

Fleur avait littéralement perdu les pédales. Après l'épisode des cheveux coupés, elle s'était aventurée à surfer plusieurs sites qui traitaient du sujet du cancer des poumons. Les statistiques lui donnèrent froid dans le dos. Le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer. Les pronostiques n’étaient guère encourageants : près de 95% des patients atteints de ce type de cancer mouraient dans les cinq ans qui suivent.

Le regard vide, vers la fenêtre, Fleur imaginait ces cinq années. À s'éteindre à petit feu. Elle aura 30 ans. L'âge où on se remet en question sur sa stabilité. Cancéreuse, elle n'aura ni la chance de connaître une grossesse ni même de se marier. Elle brisera le coeur de ses parents qui perdront leur unique fille, ainsi que de ses amis. Et Maxwell? Elle ne sait pas. La vérité est qu'elle est déchirée entre l'envie de le garder près d'elle jusqu'à la fin de ses jours et l'envie d'abréger leur relation qui ne faisait que de l'empoisonner, lui . Il méritait mieux qu'une petite amie en fin de vie, qui ne lui rapportera aucun avenir.

Quand Maxwell entra dans sa chambre, elle se dit immédiatement qu'elle n'arriverait pas à vivre sans lui. C'était lui, sa raison de vivre. Il était l'amour de sa vie. Personne ne pouvait prendre si bien soin d'elle. Il la comprenait au moindre regard. Lorsqu'il lui demanda comment elle se sentait, elle voulut répondre comme une mourante. Mais au lieu de ça...

- Ça va, mentit-elle de sa voix sans émotion.

Il savait qu'elle ne disait pas la vérité. Et elle savait qu'il le savait aussi.

- J'ai coupé mes cheveux, annonça t-elle l'air de rien. J'avais envie de changement. T'aimes pas hein?

Tu effaçais rapidement ton sourire, restant assis à côté d'elle, elle venait de te mentir. Tu n'étais pas dupe, tu savais très bien qu'elle n'allait pas bien. Surtout avec ce que tu avais entendu en arrivant. Mais tu n'allais pas lui faire la moral, tu n'allais pas la gronder parce qu'elle était malade. Elle était malade, une maladie assez grave. Un cancer pouvait être battu, mais en général, les statistiques de rémission n'étaient pas vraiment encourageante. Tu savais que cette relation pourrait finir par sa mort. Et pourtant, tu n'y songeais pas. Tu laissais juste passer. Surtout qu'elle passait à une autre sujet, celui de ses cheveux. « Je le vois ! » Tu passais une main dans ses cheveux en souriant très légèrement. Ça changeait la forme de son visage, tu avais l'impression que ça la vieillissait un poil. « C'est une question piège ? » demandais-tu faiblement. Tu regardais les traits de son visage, essayant de savoir quoi répondre, comme si tu avais l'impression de marcher sur des œufs, mais depuis toujours, tu ne lui avais pas menti, alors tu n'allais pas commencer aujourd'hui. « Tu sais très bien que tes cheveux m'importe peu, c'est pour toi que je m'inquiète Fleur, les infirmières ont dit que tu avais ça un peu "sauvagement". » Tu avais mis un peu de temps à dire le dernier mot, cherchant pendant au moins quelques secondes pour le mot à mettre. Tu ne voulais pas être méchant, tu devais bien te douter que cette étape pour elle était importante. « Mais elles m'ont dit autre chose, elles ont récupéré tes mèches, elles connaissent un coiffeur qui peut faire une perruque avec les cheveux des femmes atteintes d'un cancer, veux-tu que je lui demande de t'en faire une ? » Elle qui semblait tant attachée à ses cheveux, ça pouvait être une solution. Et au moins, ce serait ses cheveux, pas une perruque quelconque.

Ce n'était pas une question piège. Fleur ressentait ce besoin constant d'être rassurée. Maxwell avait une patience démesurée avec elle. Parfois elle se demandait comment parvenait-il à être aussi fort. Il était doux, aussi bien dans ses gestes que dans ses paroles. Fleur ferma les yeux un instant, se laissant guidée par sa voix et sa main dans ses cheveux. Les infirmières lui ont parlé de sa coupe de cheveux désastreuse. Ce fut un geste sauvage, oui, un moment où la folie l’avait emporté. Effrayée par la chimiothérapie, Fleur avait voulu prendre le contrôle de son corps. Avant que les effets indésirables du traitement ne puissent l’affaiblir.

- J’avais envie de les couper moi, insista t-elle sur le dernier mot. Avant, tu sais… Si je devais les perdre.

Les infirmières avaient récupérés les cheveux, elles connaissaient un coiffeur qui pouvait faire une perruque avec ses propres cheveux. L’idée de porter une perruque ne l’enchantait pas, mais elle se disait que c’était une solution envisageable. Ainsi, si jamais elle perdrait ses cheveux, les gens qui la croiseront dans la rue ne la dévisageront pas des yeux.

- Oui je veux bien, finit-elle par dire.

Puis elle prit la main de Maxwell et colla sa tête contre lui. Elle avait attendu ce moment toute la journée, il venait seulement d’arriver mais elle ressentait déjà la peur qu’il s’en aille. Tout sera plus simple quand elle rentrera à la maison. Déjà, elle s’ennuiera moins et n’aura pas cette impression d’être enfermée dans une pièce. Et puis elle essaiera de convaincre Maxwell à rester auprès d’elle, qu’il dorme quelques nuits avec elle. Avant qu’elle n’ait eut cette crise, il lui avait proposé de « camper » chez elle.

- Et toi, comment tu vas ? Comment a été ta journée ? Les élèves ont été sympas avec le plus cool des professeurs ?

Fleur le voyait ainsi, comme le plus cool et le plus mignon des professeurs des écoles. Cette pensée la fit sourire. Entendre sa journée l’évadait de sa triste chambre d’hôpital.

Tu comprenais l'importance de son geste, tu comprenais le besoin qu'elle avait eu de le faire sur cet instant là. Mais la chimio n'était pas encore prévue, elle avait encore un peu de temps avant que ça ne se fasse. Vous auriez pu faire ça par étape, commencer doucement. Couper un centimètre chaque jour ou peut-être deux-trois parce qu'elle avait une assez bonne longueur.  « On aurait pu faire ça ensemble, tu sais. Mais je tiens à te dire, qu'à mes yeux, tu es toujours la plus jolie Fleur qu'il existe sur terre. » Ta main caressait sa joue. Tu approchais ton visage du sien pour venir l'embrasser. Tu avais plus de facilité aujourd'hui pour l'imaginer chauve et ça ne te dérangeait toujours pas. Tu serais même prêt à te raser le crâne toi aussi pour l'accompagner dans cette épreuve s'il le fallait. « J'irais leur demander l'adresse alors ! » Tu affichais un léger sourire, satisfait à l'idée qu'elle ne rejetait pas cette idée. Si elle ne voulait pas la porter, elle n'en aurait pas l'obligation, mais au moins, si elle avait envie de se cacher au monde entier, elle en aurait les moyens. « Je vais bien, la journée a été assez cool, la plupart des élèves sont absents, ils sont partis en vacances donc j'ai quasi plus personne en classe, du coup j'peux faire un programme assez libre et laisser parler les ateliers créatifs ! » Rien que d'en parler, tu avais un grand sourire lumineux sur le visage. Aujourd'hui vous aviez fabriqué votre propre pâte à modeler maison, avec de la farine et de la levure, ils pouvaient la manger si jamais. Vous aviez même jouer avec le colorant alimentaire pour créer différente teinte. Tu avais tâché tes vêtements, mais ça en valait le coup. « D'ailleurs, c'était mon dernier jour, à partir de maintenant, tu vas m'avoir sur le dos toute la journée. » Tu savais qu'elle ne supportait pas tellement d'être enfermée toute la journée, que tu ne passais pas assez de temps auprès d'elle parce que tu devais rentrer dormir chez toi pour être en forme pour les cours et que tu passais à peine 6h avec elle. En sachant que sur ses six heures, elle dormait parfois, affaiblit par son état de santé.

Ce geste, impulsif, aurait pu être évité. Fleur regretta alors de ne pas l’avoir fait avec Maxwell, comme il venait de lui suggérer. Il l’aurait encouragé, vérifiant si elle n’aurait pas coupé trop de longueurs à ses cheveux. Sur le moment elle n’y avait pas pensé, mais maintenant qu’il le disait, cela aurait été une étape plus douce à passer, s’il aurait été à ses côtés. Bien qu’elle ne puisse pas revenir en arrière, Fleur avait toujours la possibilité de porter une perruque avec ses propres cheveux. Maxwell allait prendre l’initiative de demander une adresse spécialisée aux infirmières.

- Merci… Je ne sais pas ce que je ferais sans toi, rajouta t-elle avec douceur.

Il la regardait avec des yeux d’amour. Il la trouvait belle, même avec cette coupe de cheveux pathétique. Quelle chance inouïe elle avait de l’avoir ! Qu’il soit près d’elle ou non, elle se le répétait sans cesse. Elle bénit ce jour, où, il avait pris son courage à deux mains et l’avait embrassé. Ce baiser eut lieu au gala, il y a déjà deux mois lui semble-t-il. Deux mois dans une vie, qu’est-ce que c’est ? Pas grand-chose. Fleur aimerait avoir davantage de temps. Elle savourait donc chacun de ses touchers, chacun de ses baisers.

Elle aimerait débarquer, un jour, à la fin de ses cours de classe. Voir à quel point il doit être un professeur génial. Voir ses élèves ravis, comme ils devaient l’être aujourd’hui car les vacances approchaient à grand pas. C’était son dernier jour.

- C’était ton dernier jour ? répéta t-elle surprise. Trop bien ! Ça veut dire que je t’ai pour moi toute seule ? Je suis une sacré veinarde, rajouta t-elle en fanfaronnant.

Mais bien vite elle reprit un ton sérieux.

- Je te l’ai dit un million de fois, mais t’es pas obligé de faire ça.

Maxwell disait qu’elle allait l’avoir sur le dos toute la journée, mais elle ne le voyait pas ainsi. C’était lui qui allait l’avoir sur le dos, tel un fardeau à porter. Fleur allait avoir besoin de quelqu’un dans son quotidien. Ne serait-ce que pour l’aider à faire ses courses ou la rappeler à l’ordre pour manger. Car elle ne désirait plus s’alimenter, elle n’en ressentait plus l’envie.

« Tu n'as pas besoin d'y penser parce que je suis là pour toi. » Elle pouvait le faire mais c'était se torturer la tête. Toi même tu ne pensais plus à ce que serait ta vie si Fleur ne t'avait pas fait clairement comprendre que tu l’intéressait, c'était une vision déprimante et tu n'en avais pas besoin en ce moment. Tu avais d'autres choses à penser, comme son état de santé, de ce qu'elle mangeait - ou plutôt de ce qu'elle ne mangeait pas. « J'ai demandé à finir plus tôt pour pouvoir être auprès de toi ! » Elle allait peut-être râler mais ça t'était égal. Tu avais jugé que c'était important et l'école avait très bien compris ta situation. Ce n'était peut-être pas ta femme - ou en tout cas, pas encore - mais tu l'aimais pareil. Tu serais prêt à soulever monts et merveilles, à gravir des montagnes pour lui décrocher la lune et faire ce que tu pouvais pour la soulager. « Ou alors tu vas en avoir marre de m'avoir sur le dos et de m'entendre parler comme James Bond, de respirer comme James Bond ou même de penser comme lui. » Cette pensée te fit sourire, tu ne pu même t'empêcher de rire tellement tu trouvais ça drôle. Même si tu ne savais pas trop ce que pourrait faire James Bond dans un hôpital, sauf si un super méchant avait eu une crise cardiaque et qu'il voudrait être aux premières loges pour l'arrêter. Mais dans les films, les super méchants n'ont jamais ce genre de soucis, c'est plutôt James Bond qui a plus de chance de se retrouver sur un lit d'hôpital, qu'il quitterait dans la seconde où il serait apte à marcher même s'il était amoché. Parce que James Bond. Il n'y avait rien de plus à dire. « Plus sérieusement, il va falloir penser à ton retour chez toi, à l'organisation qu'on va devoir adopter, alors je pense que j'ai raison de faire ça. Tu n'es pas toute seule Fleur, je ne te mentais pas quand je disais que je serais présent à chaque étape. Et ton retour va être une des plus importantes ! » Tu plantais ton regard dans le sien, avec un air plus que sérieux sur le visage. Tu ne prenais rien de tout ça à la légère.

- T’aurais pas dû… marmonna Fleur, d’une voix quasi inaudible.

Elle lui lança un regard attristé, se sentant coupable de lui avoir « volé » ce temps de travail. En effet, elle ne voulait pas que, par sa faute, il soit en conflit avec le directeur. Maxwell faisait déjà beaucoup pour elle. Depuis son hospitalisation, il n’y avait pas un jour où il n’était pas venu la voir. Maintenant qu’il était en congé, elle l’aura pour elle toute seule, toute la journée.  

- Je m’y ferais, qui sait ? Elle sourit. Tu vas peut-être réussir à me convertir au James-Bondisme ?

James Bond était le dernier film qu’ils avaient vu ensemble. Maxwell aimait les films d’espionnage, et comme Fleur ne s’y connaissait pas, elle voulut s’y intéressé. Il reprit ensuite un ton sérieux et le sourire de Fleur s’effaça.  Il ne comptait pas la laisser tomber, au contraire, il comptait bien traverser cette épreuve à ses côtés. La chimiothérapie était un traitement lourd qui pouvait provoquer des effets indésirables lourds pour le patient. Il était important, voir fondamental, d’être bien entouré.

- Je sais, ça va être une étape difficile, commença-t-elle par dire d’un air grave, elle aussi. Les allers-retours à l’hôpital, gérer la maison, me gérer moi…

Comme si il allait s’occuper d’une enfant. Maxwell allait l’accompagner à l’hôpital, l’aider à s’alimenter, assurer les tâches quotidiennes habituelles. L’idée qu’il ait autant de responsabilité à porter sur ses épaules, la mettait très mal à l’aise. Pourtant elle ne voyait pas une autre personne qui puisse le faire. Ses amis seront présents pour elle, sa famille aussi, mais c’était lui qu’elle voulait. La présence physique de Maxwell lui était indispensable.

- Mais est-ce que ça veut dire qu’on va habiter ensemble ? Crois-moi j’en meurs d’envie ! se précipita-t-elle de rajouter, les yeux brillants levés vers le plafond. Mais j’aurais préféré que ce soit pour des raisons différentes. Pas parce que je suis malade et que tu dois t’occuper de moi. Je ne voulais pas que ça se passe comme ça. (soupir)

Elle lui prit la main et la caressa, fuyant son regard.

- D’abord, j’voulais qu’on passe des vacances à Bali ou au Japon. Qu’on profite pleinement de notre vie de couple. Puis quand l’envie nous prendrait, on aurait acheté une maison. Notre maison. Et parce qu’on est dingue et follement amoureux on se serait marié. On aurait eu, pourquoi pas, deux ou trois enfants…

Prise d’émotion Fleur s’arrêta de parler. Elle en avait trop dit. C’était plus fort qu’elle, il fallait que ça sorte. Ils avaient un avenir incertain et elle trouvait ça tellement injuste que la maladie lui enlève ses rêves.  Maxwell était l’amour de sa vie, elle l’a su dès leur premier baiser.

Tu optais pour ne rien répondre. Peut-être que tu n'aurais pas dû mais il ne te rester pas plus d'une semaine, et l'école avait été très compréhensive. Pourquoi ne pas en profiter ? Après tout, tu avais beaucoup de mal à penser à autre chose qu'à elle lorsque tu étais au boulot. Et même si tu ne laissais pas transparaître tes sentiments, tu avais parfois la tête dans la lune. Les enfants l'avaient très peu remarqué puisqu'avec la fin d'année, ils étaient plus libres pour les ateliers et du coup concentrés dans leurs créations. « Tu es déjà ma James Bond Girl tu sais. » Rien que cette idée t'emplissait de joie parce que tu te sentais comblé. Il y avait quelqu'un d'assez fou pour t'aimer, pour partager ta vie et accepter tes moments de folies, pour accepter tes moments enfantins. Même si tu n'avais pas eu l'occasion de lui en montrer beaucoup puisqu'il y avait vite eu l'annonce de son cancer et qu'il avait fallu garder son sérieux. « Je t'interdis de le dire comme si ça allait être un fardeau ! Ce n'est pas le cas, crois-moi. » Jamais une idée pareille pourrait te traverser l'esprit. Peut-être que pour un oeil extérieur, c'était une façon de le décrire. Après tout, tu étais amoureux d'une femme malade. Mais elle n'avait pas choisi d'être malade. Elle ne se savait pas malade au tout début de votre relation alors jamais tu ne pourrais lui reprocher de t'avoir menti, piégé ou tout autre chose aussi abominable. Tu l'aimais, c'est tout. « J'en meurs d'envie aussi. Et je ne pense pas que ce soit brûler les étapes Fleur. Je veux dire, on s'aime et même sans ça, je pense qu'on aurait vite passé le cap. » Mais peut-être qu'elle avait raison. Vous alliez vivre ensemble parce qu'elle était malade et qu'elle allait avoir besoin d'aide. Bien sûr, vous pourriez parler d'engager une infirmière pour prendre soin d'elle, mais tu n'avais pas envie de ça. Tu avais envie d'être là, de t'occuper d'elle, de lui apporter tout ce dont elle avait besoin pour combattre ce foutu cancer. Elle attrapait ta main, commençant à te décrire un joli avenir. L'avenir que toi-même tu avais eu en tête dès le premier regard échangé avec elle. L'avenir confirmé dès le premier baiser. « Oh Fleur, c'est tellement ce dont je rêve ! J'ajoute aussi un voyage à Perth, pour que tu puisses rencontrer mes parents, je sais qu'ils vont t'adorer ! » Tu avais un éclatant sourire sur le visage. Tu t'approchais du sien pour lui prendre un baiser. Tu l'aimais, ça il n'y avait pas le moindre doute. « Ne sois pas triste, on pourra faire tout ça, une fois que tu seras guérie. On visitera la Thaïlande aussi, et par la suite, on pourra se choisir une jolie maison, rien que pour nous deux. » Pour commencer votre nouvelle vie, celle qui marquerait le début d'une nouvelle étape pour tous les deux.

Sa James Bond-girl. Fleur sourit tendrement. Elle n’avait rien d’une espionne mais pour lui, elle serait capable de l’être. Maxwell est l’amour de sa vie. Qu’est-ce qu’elle ne ferait pas pour lui / sans lui ? Il était tout pour elle. Comme elle semblait être tout pour lui aussi. Elle se mordit la lèvre inférieure, parce que justement elle était en train de se rendre compte, là, qu’il tenait à elle autant qu’elle tenait à lui. Ils étaient, comme bien souvent, sur la même longueur d’onde.

- Tu ne le vois pas ainsi, mais ça va être difficile, insista t-elle, consciente qu’il allait riposter. Ça va être même très dur. Pour nous deux.

Fleur était malade, parfois elle avait même de vives douleurs à la poitrine. Mais pour Maxwell, ce sera une toute autre douleur qu’il devra supporter. Et comme beaucoup d’hommes le feraient, il ne le montrera pas. Il fera bonne figure pour la soutenir. Rien que d’y penser, Fleur en avait un pincement au cœur. A côté de ça, ils allaient vivre ensemble. Les circonstances ne sont pas idéaux, certes, mais c’est ainsi qu’ils verront la force de leur couple. Comme le dit Maxwell, même sans être tombée malade, ils auraient vite passé le cap.

- Oui peut-être, dit-elle à voix basse, la tête baissée.

Pourtant elle en était convaincue. Tout allait si vite entre eux ! Toutefois c’était une bonne chose… Telle de la bonne adrénaline. Elle aussi aimerait rencontrer ses parents, à Perth. Néanmoins l’idée de le perdre dans ces conditions l’attristait. Seule la mort pourrait arrêter leur amour. Il l’embrassa, et c’est vrai que ça la consola. Surtout qu’il envisageait des projets merveilleux pour eux deux. Elle sécha ses grosses larmes de son visage, serra de nouveau sa main en entrelaçant ses doigts avec les siens.

- J’ai tellement besoin de toi, Max. J’ne pourrais pas y croire si tu n’étais pas là. J’te jure. Y’a que toi qui me donne cette force.  J’ai cette sensation, d’avoir…. (elle désigna quelque chose de son autre main, comme si elle tenait un objet imaginaire) trouvé la dernière pièce du puzzle.

Elle eut un sourire amusé.

- Comme si… t’étais ma moitié, finit-elle par dire avec douceur.

Elle devait avoir l'impression que tu te voilais la face, que tu refusais de voir la réalité telle quelle serait vraiment. Mais ce n'était pas le cas. Tu ne savais pas comment allaient se passer l'avenir puisque tu n'avais jamais pris soin d'une personne malade. Mais tu avais juste un trop plein d'optimiste pour te laisser avoir par la peur. Tu n'avais pas le moindre doute sur ce que tu voulais faire pour elle, ce que tu serais prêt à endurer pour elle parce que ça en valait le coup. « Je sais que ça va être dur mais je suis trop positif pour me dire que ça va être un calvaire. Moi je vois ça plus comme une aventure, un défi. » Tu avais un léger sourire sur le visage, tu avais assez d'espoir pour espérer croire que vous allez combattre le cancer et que bientôt tout cela serait derrière vous. Peut-être qu'elle avait raison, que tu étais dans le déni en refusant de vraiment voir à quel point la situation pouvait être importante. Tu mettais tout ça de côté en l'écoutant parlé. Elle avait attrapé ta main, cet effleurement était doux, agréable. « Alors continues d'y croire, continues de te battre, je te promets que la vie en vaut vraiment le coup. » Tu avais un futur prêt pour vous, un futur peint en mille et une couleurs, un futur qu'il te tardait de vivre. Tu imaginais déjà la tête de vos enfants, tu les imaginais courant autour de vous, jouant avec un ballon, demandant à faire l'avion en levant grand les bras. « Je t'aime Fleur, savoir que c'est réciproque, que tout ce qu'on partage te fait vibrer autant que moi, ça me comble. Et c'est tout ce dont j'ai besoin. Même si l'amour est un faible mot à côté de tout ce que je ressens pour toi. » C'était un sentiment vraiment fort et c'était difficile de le décrire mais tu savais qu'un simple je t'aime ne serait jamais assez fort pour illustrer ce que tu ressentais à son égard.

Maxwell gardait cet entrain, montrant qu'il y avait encore de l'espoir pour vaincre sa maladie. Fleur s'efforça d'y croire, elle voulait y croire même. Autrement, que serait-ce sa vie sans lui? Égoïstement, l'idée de le partager alors qu'elle serait dans un autre monde ne lui plaisait pas. Il n'était qu'à lui. Et à personne d'autre.

- Je vais me battre, dit-elle avec détermination, alors que cette pensée lui traversait l'esprit.

Et alors qu'ils se projetaient dans leur avenir, ils se déclarèrent leur flamme mutuellement. C'est fou à quel point ils s'aimaient. Tout a été si vite et tout allait encore arriver si vite. Maxwell ira emménager chez elle, une grande étape dans un couple.

- On va habiter ensemble! s'exclama-t-elle toute excitée. Tu devrais commencer par amener une valise. suggéra-t-elle.

Il fallait bien qu'ils s'organisent avant qu'elle ne sorte de l'hôpital. Du fait que Fleur réclamait par-ci par-là ses affaires, Maxwell avait le double de ses clés. 

 - Je veux que tu te sentes comme chez toi. Alors n'hésite pas à ramener tout ce qu'il te plaira. Tes céréales préférées, tes chaussons, tes films...

Elle eut un sourire entendu. Quand elle parlait de films, elle entendait par là, tous ses films d'espionnage et y crompris sa panoplie des James Bond. Durant sa chimiothérapie, le temps allait paraître être long. Ils passeront sûrement beaucoup de temps à la maison car Fleur sera fatalement fatiguée. Mais au moins,  il sera là pour être à ses petits soins. Quelle chance elle avait... c'était comme si elle tenait entre les mains le ticket  gagnant du loto.

Fleur allait se battre. Pour toi, pour vous mais surtout pour elle. Il ne fallait pas qu'elle s'oublie dans tout ça. Mais cette nouvelle te faisait sourire, c'était une très bonne chose. Malgré tout tu devais aussi la ménager, ce qui allait suivre ne serait pas une partie de plaisir et tu savais très bien qu'elle avait peur. Tu caressais sa main, dessinant de petits cercles sur sa paume avec ton pouce. « J'ai déjà glissé une brosse à dent dans la salle de bain ! » ajoutais-tu avec un léger sourire sur le visage. Tu l'avais mise depuis quelques jours parce que tu passais pas mal de temps chez elle, avec les allers-retours que tu faisait pour lui apporter diverses affaires. Tu dormais parfois sur le canapé, n'osant pas encore profiter de son lit pendant son absence. Tu le trouvais tellement vide qu'il te faisait peur. « Bonne idée ! Pour mes vêtements y a-t-il un endroit où tu préférerais que je les mette ou je me débrouilles seul ? » Tu ne voulais pas qu'elle rentre dans les prochains jours et qu'elle se sente perdue à cause des affaires qui t'appartiennent ou parce que tu as bougé certaines choses. Ça allait sûrement arriver d'ailleurs mais avoir son avis sur la question etait une bonne base pour toi puisque tu savais ce que tu pouvais faire ou non. « Et pour mes DVDs il va falloir que j'emporte mon petit meuble aussi. » Tu ne te souvenais pas de sa collection à elle, tu avais surtout sa bibliothèque en tête, mais tu avais une sacrée collection de films, pas que des James Bond, beaucoup de romance et d'espionnage. Il y aurait sûrement des doublons. « Mais je veux que tu me dises si jamais je venais à trop m'étaler parce que c'est ton appartement à la base et même si elle est nécessaire et importante, je veux quand même qu'elle se fasse en douceur et qu'on se sente à l'aise l'un comme l'autre, d'accord ? » Vivre ensemble c'était supporter l'autre et l'avoir sur le dos tout le temps, pour certains c'était une étape compliqué puisqu'on ne vit pas de la même façon quand on est seul que quand on est deux.

La brosse à dent de Maxwell devait être posée non loin de la sienne, près de la vasque en pierre granit. Fleur éprouvait un sentiment de réconfort à cette image. Le grand amour de sa vie allait vivre à ses côtés. Il y a des chances que leur histoire se termine de façon tragique. Toutefois cette perspective ne lui parvint pas à son esprit. Le plus important, maintenant, est que Maxwell se sente comme chez lui. Fleur lui suggérait de préparer une valise, ce à quoi il lui demanda où pouvait-il ranger ses affaires.

 - Non, non. Fais à ta manière, je t'arrangerais un espace rien que pour tes vêtements quand je rentrerais à la maison.

Il n'avait pas encore vu la tornade ménagère qui se cachait  derrière elle. Fleur considérait le rangement comme un passe-temps agréable. Elle se sentait indéniablement satisfaite de trier tout et n'importe quoi. Maxwell pouvait être sûr qu'elle liberera suffisamment de places qui lui seront dédiés dans son placard. Fleur fera tout son possible pour qu'il puisse être à son aise.

 - Emporte tout ce que tu voudras! approuva t-elle d'un ton réjoui.

En apportant un peu de chez lui chez elle, ils formaient ainsi leur petit nid douillet à tous les deux. Leur future vie de couple imposait qu'ils se mettent d'accord sur certains points. Maxwell tenait à ce que Fleur soit honnête si, il s'étalerait trop dans son appartement.

- D'accord je le ferais, promit-elle. Mais ne t'en fais pas, tu peux éparpiller tes affaires... Tu devrais plutôt t'inquièter de savoir si tu vas arriver à me supporter... murmura t-elle, les yeux à moitié fermés.

Fleur bailla, elle se sentait de plus en plus fatiguée. Encore une fois, elle s'endormait main dans la main de Maxwell. Il n'y avait pas plus belle façon de tomber dans le sommeil.