Slowly dying / Fleurwell

Quatorze. Quarorze est le nombre de jours écoulés depuis les séances de chimiothérapie de Fleur. La bonne nouvelle, c'est que le traitement semble bien fonctionner. La tumeur se reduit. Même si il ne s'agit que de quelques millimètres, les médecins sont optimistes pour la suite. La mauvaise nouvelle, est, que la chimio agresse énormément son organisme. Nausées, vomissements, fatigue... et comme elle le redoutait tant : chute de cheveux. Pour la réconforter, Maxwell l'avait accompagné dans une boutique spécialisée pour qu'elle se procure plusieurs perruques. L'une était blonde, très ébourrifée. L'autre d'un châtain cuivré qui ressemblait fortement à sa couleur naturelle. Malgré ça, Fleur évitait son moindre reflet. Quand elle allait prendre sa douche, elle ne jetait aucun regard à son miroir.

Au moment du coucher,  lorsqu'elle enleva sa perruque, elle tourna le dos à Maxwell. Sans le vouloir elle se vit à travers la fenêtre de la chambre. Les yeux brillants, elle refusa de faire tomber ses larmes. Mais c'était plus fort qu'elle, elle se trouvait immonde.

Le retour de Fleur à la maison avait été une nouvelle réjouissante pour toi. Tu avais tâché de faire en sorte que son logement soit le plus propre et présentable. Elle n'avait rien dit sur le déplacement de ses objets et elle s'était même réjouis de voir la photo que tu avais posé dans l'entrée. Cela faisait maintenant quatorze jours qu'elle partageait l'appartement avec toi, comme un vrai couple. Elle passait beaucoup de temps allongée, les effets secondaires du traitement étant bien présents. Elle avait même caché ses cheveux sous une perruque. Avec la thérapie, ils perdaient en éclats, ils tombaient petit à petit. Ce n'était pas à coup de touffe de cheveux, mais toujours un par ci ou un par là. Comme à chaque fois depuis qu'elle la mettait, elle te tournait le dos, comme si elle essayait de cacher qui elle était, comme si sans ses cheveux, elle perdait toute son identité. C'était quelque chose de très difficile à comprendre et même si tu y parvenais, tu ne savais pas quoi lui dire pour lui faire réaliser que ce n'était pas le cas. Qu'elle ne s'arrêtait pas à ses cheveux. En t'approchant du lit, tu lui jetais un regard et sans qu'elle n'ait eu le temps de le dire, tu avais compris. Elle avait vu son reflet, tu ne savais pas où, et tu ne voulais pas le savoir. Tout ce qui t'importait, c'était elle. « Fleur, est-ce que ça va ? » murmurais-tu, une fois près d'elle. Tu te glissais dans son dos, posant ses mains sur ses épaules, lentement, tu l'attirais contre toi.

Non ça n'allait pas. Elle était fatiguée physiquement et mentalement. Son corps lui empêchait de descendre et monter les escaliers d'une traite. Son teint pâle et livide lui rappelait la peau des mort-vivants. Et pour couronner le tout, elle perdait la seule chose qu'elle aimait chez elle : ses cheveux.

- Non, me regarde pas, dit sa voix étouffée entre ses mains.

Maxwell savait combien elle y accordait d'importance. Ils en avaient parlé maintes fois. Aussi bien à l'annonce de son cancer, qu'avant le commencement de la chimiothérapie. Dès qu'elle s'accaparait de plusieurs  mèches de cheveux entre ses doigts, elle voyait une partie d'elle s'envoler. Je m'éteins à petit feu, se disait-elle.

A peine étais-tu arrivé vers elle, qu'elle te sommait de ne pas la regarder. Comme si elle avait honte d'être comme ça, comme si elle avait honte d'être ta promise. Depuis sa maladie, c'était le premier sujet où vous étiez tout le temps en désaccord, chacun campé sur ses positions, tu essayais de l'aider à surmonter sa peur mais ce n'était jamais efficace très longtemps. Sa peine la rattrapait toujours. « Fleur.. » Ta main glissait le long de son bras, tu venais l'embrasser dans le haut du dos, puis tu approchais ton visage de son oreille. « Je t’aime, tu le sais ça ? » murmurais-tu avec un léger sourire. Tu voulais qu'elle tourne le regard vers toi, qu'elle laisse ses yeux se perdre dans les tiens, qu'elle puisse voir à quel point tout ça n'avait pas une grande importance. « Je sais que tu n’arrives pas à comprendre pourquoi, je sais que tes cheveux sont très importants pour toi, mais tu es belle. Rien ne pourra le changer. » Tu n'avais jamais aimé Fleur pour son physique. C'était peut-être la première chose que tu avais vu chez elle, mais c'était ce que tu avais vu dans son regard qui t'avait fait chavirer. C'était le sentiment de plénitude qu'elle t'apportait, comme si elle apaisait ton cœur. Tu aimerais pouvoir en faire autant pour elle.

Oui Maxwell l’aimait, elle le savait. Elle aussi, l’aimait en retour. Quand elle plongeait son regard dans le sien, comme à cet instant, elle avait cette merveilleuse sensation d’être unique à ses yeux. Ce sujet de discussion revenait souvent, surtout ces derniers jours depuis que Fleur perdait ses cheveux. Il n’y voyait pas d’importance. Elle, si.

- Je savais que ça allait être dur, expliqua-t-elle. Mais pas aussi dur.

Ce combat contre son cancer, elle n'en voulait pas. Dès le début elle avait nié l'importance de sa maladie et espérait secrètement qu'il disparaisse comme par magie. Ce sont ses proches qui l'ont aidé à faire face à la réalité. Ils avaient tous foi en elle. Tous. Mais elle, elle ne l'avait pas. Ça aussi, c'était insupportable.

- Si tu savais combien je m'en veux de te faire subir ça. T'aurais pu choisir n'importe qui... Et t'es là...   marmonna t-elle plus à elle-même. Pourquoi moi? J'ai besoin de savoir, pourquoi moi?

À présent Fleur ne pleurait plus. Elle était en colère. Il y a un tas de gens qui meurent à cause du cancer. Les statistiques de mortalité montent en flèche pourtant les recherches restent encore très primaires. Cette foutue maladie ôte la vie d'enfants, père ou mère de famille, des cousins, des oncles, des amis... et personne ne peut expliquer pourquoi. Elle trouvait cela tellement injuste.


 

Elle avait tourné son regard vers toi, tu en avais profité pour lui glisser un sourire. Il n'y avait pas de doute, elle était belle ta Fleur, comme un bouton qui bourgeonnait. « Garde en tête que tout ceci n'est que temporaire, une fois que tu iras mieux, tout ça, ce sera derrière toi, derrière nous. » C'était encore difficile à dire, le cancer semblait diminuer mais c'était assez infime et il pouvait toujours revenir, la rechute était assez fréquente dans cette maladie, la rémission totale n'était jamais garantie mais il fallait bien y croire un peu. « Tu ne me fais rien subir Fleur, si je ne voulais pas être là, si je ne me sentais pas capable d'affronter tout ça, je ne serais pas là, tu le sais ? » demandais-tu doucement. Tu voulais qu'elle sache qu'à aucun moment tu ne t'étais senti forcé de l'accompagné, tu étais là parce que tu le voulais, parce que tu l'aimais et que tu voulais la soutenir dans cette épreuve. Beaucoup auraient pris la fuite en apprenant la nouvelle, ne voulant pas d'une mourante mais pas toi. « Tu es merveilleuse. Tu me combles, j'aime la façon dont tu souris, la façon dont tu me regardes, tu me donnes l'impression d'être le seul à exister, je ne pourrais jamais être jaloux avec ce regard parce que je sais qu'il n'y a que moi. » Ce n'était jamais évident de dire pourquoi on aimait une personne, c'était quelque chose d'assez flou en général, surtout que tu étais tombé amoureux de Fleur bien avant de la découvrir en tant que personne. « Tu es douce, tu es gentille, tu as tout un tas de qualité et ça ne me fait que t'aimer plus mais tu sais comme moi que l'amour est le sentiment le plus rebelle au monde, il ne se contrôle pas, il ne se choisit pas. » L'amour ça choisissait deux personnes et parfois c'était suffisant, parfois le destin s'y mêlait, provoquant des situations amoureuses compliquées voire impossibles. Ce n'était pas votre cas, puisque dans malheur, tu faisais son bonheur. « C'est toi, personne d'autre et ce sera ainsi jusqu'à ce que je meurs. Et honnêtement si ce n'était pas précipité les choses, je t'aurais demandé de m'épouser depuis des semaines parce que je n'ai jamais été aussi sûr de mes sentiments. » Pas à un seul instant tu avais remis en doute tout ça, même pas après son baiser avec Noah parce que ça n'avait pas la moindre importance. C'était juste le destin qui voulait se mettre sur votre chemin mais il n'avait pas réussi à vous séparer, au contraire, il ne faisait que vous renforcer.

Dès l’annonce de son cancer, Maxwell a évoqué son désir d’être présent pour elle. Il s’est installé chez Fleur, un endroit qui était devenu leur « chez eux ». Elle adorait ça : la vie de couple. Heureusement que Max était là, pas seulement pour l’aider dans les tâches quotidiennes mais aussi pour les moments de déprime. Ce soir, il s’agissait d’un de ces moments. Elle ne portait plus sa perruque et on voyait par quelques parcelles de son crâne. Néanmoins, Maxwell n’y accordait pas d’importance. Il dû, une fois de plus, la rassurer. Ses mots tendres et justes essayaient de la réconforter. Il avait un don pour faire de belles déclarations enflammées.

- C’est vrai, il n’y a que toi, confirma Fleur en essuyant ses larmes.

Maxwell n’avait aucun doute à se faire concernant sa fidélité. D’ailleurs ce n’est pas son passé qui la remettrait en cause, car Fleur n’a jamais - ô grand jamais, fauté. Au contraire, elle portait plutôt le rôle de la fille trompée. La fidélité était un principe qu’elle chérissait. Persuadée qu’un cœur ne peut appartenir qu’à une seule personne, elle dit aussi « ne fais pas ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse ». En dehors de ce principe, Fleur aimait éperdument Maxwell. D’un amour incroyable, immense et intense. Ainsi que le faisait justement remarquer Maxwell, l’amour ne se contrôle pas. C’était arrivé comme ça, pouf, boom, et elle était tombée amoureuse de lui. C’était avec lui, qu’elle voulait pour toujours. Alors lorsqu’il lui révéla que, pour ne pas précipiter les choses, il lui aurait demandé de l’épouser depuis des semaines ; Fleur cessa immédiatement de pleurer. Elle crut sentir son cœur bondir hors de sa poitrine.

- Vraiment ?

Elle était si heureuse de l’entendre, qu’elle ne savait pas quoi dire de plus. Elle se contenta de chercher son regard, avec un sourire béat.

Fleur acquiesçait ce que tu disais, elle n'avait d'yeux que pour toi et ça ne risquait pas de changer du jour au lendemain, ça tu en avais bien conscience et tu n'en aurais jamais douté. Mais ce n'était pas tout, elle semblait emballée par ce que tu avais fini de dire. Tu étais prêt à l'épouser, prêt à passer à l'étape supérieure si jamais elle l'était elle aussi, mais elle venait juste de rentrer à la maison. Il fallait commencer à savourer votre vie de couple. Elle n'était pas facile tous les jours parce que vivre avec une Fleur malade n'était pas la même chose que vivre avec une Fleur en bonne santé. Mais ce n'était pas un problème pour toi, tu l'aimais assez pour surmonter tout ça. « Bien sûr que oui Fleur ! » Tu venais l'embrasser sur la tempe avant de lui voler un léger baiser au coin des lèvres. Elle était belle ta Fleur avec un sourire sur le visage, un véritable petit ange. Sa réaction était plutôt agréable à entendre et tu avais une idée en tête. Une idée que ta soeur n'approuverait pas du tout mais que Théia et Cleo te pousseraient à réaliser parce qu'elles voulaient ton bonheur et tu étais heureux. « Tu te sens comment maintenant ? » Tu passais une main le long de son dos, essayant de capter son regard. Ses larmes étaient sèches, elle semblait aller mieux mais tu voulais en avoir le cœur net.

Certes, elle savait qu'il était amoureux son Maxwell. Sinon il ne l'aurait pas soutenu aussi bravement dans son combat contre le cancer. Mais au grand jamais Fleur n'aurait douté que l'idée de se marier avec elle lui avait traversé l'esprit. Maxwell était, tout comme elle, un romantique dans l'âme. Selon elle, il s'agit d'une de ses plus belles qualités. Elle en est tombé amoureuse ainsi, ayant la certitude qu'ils avaient la même vision de vie.

- Merci. murmura-t-elle d'un ton apaisé.

Fleur se sentait mieux. En sécurité. Ses bras l'attrapaient chaleureusement et elle avait l'impression d'être dans un cocon. Pour rien au monde elle voudrait qu'on lui retire ce sentiment de bien-être. Maxwell était son pilier, bien plus qu'une simple épaule sur qui se reposer.

- Maintenant, ça va mieux. elle le regarda droit dans les yeux. Je t'aime, plus que tout.