In my cold arms you don't sleep + Quinn

Jackson habitait près de la plage pourtant il ne s'y rendait quasiment jamais. Il n'était pas de ceux qui pratiquaient le surf et encore moins la bronzette sur le sable, en vérité, le sable, il n'aimait pas ça, les petits grains s'insinuaient partout et c'était insupportable. Plus que tout, il avait peur de l'océan, cette étendue d'eau, trop vaste, trop sombre, toujours en mouvement, qui pouvait vous happer, vous avaler, il se sentait si petit face à lui et ça lui foutait une trouille monstre, ça lui donnait le vague à l'âme à chaque fois qu'il y pensait, ça faisait ressortir ses idées noires et son besoin de se piquer pour ne plus sentir la peur. Pourtant ce soir il était posé là, non pas sur le sable mais sur un rocher, le regard perdu dans les vagues, comme s'il scrutait l'horizon, une bière à la main. Tamsin était parti, il avait cru qu'elle était revenu, qu'ils s'étaient retrouvés. Mais elle était parti, une fois encore il s'était fait avoir et ça lui foutait le cafard. Parce qu'il avait été assez con pour y croire, lui qui s'était promis de ne plus se faire de mal à cause d'elle. Parce qu'il s'était laissé berner, une fois encore, par ses yeux, son sourire, sa voix, par l'unique fille qui pouvait faire mentir la légende qui disait que Jackson n'avait pas de cœur, qu'il ne tombait jamais amoureux. Evidemment qu'il ne tombait pas amoureux, son cœur était déjà pris et bien qu'il cherche à s'en détacher c'était bien impossible, Tamsin était la seule qui trouvait grâce à ses yeux. Il se détestait d'être aussi faible face à elle, regardez-le, minable qu'il était sur son bout de caillou, parce qu'elle adorait cet endroit, à l'attendre comme si elle pouvait lui revenir par les eaux, à cause d'elle il n'était rien, sans elle il n'était rien et c'était bien ridicule parce qu'elle ne se gênait pas pour prendre le large sans état d'âme... Alors il restait là, à ruminer sa colère d'être aussi faible et stupide, à ressasser sa rage comme si elle seule l'animait à présent et à refouler son manque parce que comme à chaque fois qu'il se sentait triste et misérable, la seule alternative acceptable pour calmer le mal c'était de le soigner par un autre mal, l'héroïne comme pire maîtresse et comme délicieux poison. Ça formait un tableau absurde, il était beau à voir, notre artiste, en parfait cliché risible du ténébreux sur son bout de plage.

Ce furent d'abord ces pas feutrés que le sable rendait presque silencieux, puis cette voix sortie du passée qui brisait la quiétude de l'instant et le regard de Jackson qui croisa celui de Quinn. Elle était là, souriant face à lui qui tirait une mine sinistre. Elle avait tout d'une femme épanouie et heureuse et il eut presque honte que leurs routes se croisent ce soir et qu'elle le voit dans cet état. Ils s'étaient connus tous les deux quelques années plus tôt, lorsque leurs maux respectifs les rongeaient à petit feu, dans dans le cadre idyllique d'un bâtiment d'hôpital aseptisé et impersonnel. Elle avait réussi à s'en sortir et lui non, certainement parce qu'elle le voulait alors que lui ne faisait aucun effort. Il aimait la défonce, il avait peur d'affronter la réalité alors autant se piquer pour ne pas y faire face. Cette cure de désintox lui avait été imposée par la police à l'époque, qui l'avait trouvé la main dans le sac à acheter sa dose et elle avait été couronnée d'un échec monumental. Son seul bon souvenir de ce séjour c'était elle, la blonde avec qui il avait passé le plus clair de son temps, à sécher les rendez-vous avec le groupe de parole, à rire d'un rien sur leurs lits de chambrée, à se draguer gentiment, presque innocemment. Il avait fallu attendre quelques temps pour qu'ils finissent par se réchauffer dans les bras de l'autre, qu'ils sortent de ce contexte, qu'ils se retrouvent presque par hasard et qu'ils prolongent leurs retrouvailles dans l'atelier de l'artiste. Ce qui était bien avec les filles comme Quinn, ces filles qui étaient descendu assez bas pour savoir que la vie pouvait être une chienne, c'est qu'elles n'attendaient pas grand chose des ténébreux comme Jax, un peu de réconfort, un peu de plaisir mais pas d'attache. Et ça lui allait très bien à lui. Voilà quelques temps qu'ils ne s'étaient pas revu, elle ne savait certainement pas que lui aussi avait enfin réussi à tourner la page de l'addiction et qu'il allait beaucoup mieux... enfin, il allait mieux, le beaucoup était peut-être de trop pour aujourd'hui. Quinn, qu'est ce que tu fais là ? Sa question était un peu stupide, après tout cette plage appartenait à tout le monde.

Il était vrai que Quinn avait changé, son apparence auparavant exubérante avait laissé place à une blondeur bien plus sage, devant lui, Jackson avait une femme élégante et lumineuse. Lui ne changeait pas, il avait toujours le même look casual du mec qui se fout ps mal de son image, les seules choses auxquelles il tenait c'était une veste en cuire héritée de sa mère, du genre qui traversait les âges et les modes et sa coupe de cheveux, il avait horreur de les avoir longs, alors, sans avoir la dernière coupe à la mode parce que clairement il ne passait pas de temps devant son miroir à se passer du gel, il allait chez le coiffeur à peu près tous les deux mois. La belle le rejoint donc et c'est du bout du doigt qu'elle lui indiqua où elle habitait. Ah oui, tu as vu sur l'océan dès le réveil, c'est plutôt pas mal. Pour certains c'était presque thérapeutique de voir l'eau, les vagues, à priori ça calmait. Lui ça l'angoissait totalement, mais ça on en avait déjà parlé. Quinn prit Jax dans ses bras et celui qui n'était pas vraiment tactile resta assez raide durant l'étreinte. Même s'ils avaient été plus que proches physiquement cela changeait rien, ce qui se passait dans une chambre restait dans la chambre, à l'extérieur il restait sur sa réserve. Je crois que je n'arriverai jamais à m'échapper de Bowen en fait... Lui qui rêvait pourtant tellement de quitter cette ville, mais depuis ses quatorze ans il restait prisonnier ici, dans sa cage dorée qu'était son atelier, les seules fois qu'il avait passé en dehors de Bowen c'était pour ses cures, parce qu'il n'y avait pas d'hôpital spécialisé dans son addiction ici. Alors comme escapade, on avait vu mieux. Il la laissa s'asseoir à côté de lui, tous les deux face à l'horizon. Comment tu vas ? Comprenez, comment allait son addiction ? Bien que toute son attitude démontrait qu'elle allait bien, elle semblait épanouie, tout le contraire de notre homme.

La jolie Quinn, souriante et enjouée avait presque une joie de vivre communicative, enfin presque, pour un Jackson toujours aussi taciturne il était difficile de se dérider, même quand elle le pris dans ses bras pour une étreinte de retrouvailles. Toujours... Il sourit en baissant la tête, elle avait bonne mémoire. Bowen n'était pas une ville qui le faisait rêver, il ne s'y était jamais bien senti, ça n'était pas chez lui. Mais en vérité il n'avait pas d'aspiration particulière, il n'avait connu que L.A. et ici, autant dire qu'il n'avait rien vu. Et bien qu'il rêve de quitter son Australie d'adoption, il ne saurait dire où il souhaitait aller, retourner dans la ville des ange serait comme remuer trop de souvenirs, bons comme mauvais, trop de nostalgie qu'il n'était jamais bon de réveiller chez Jackson, pour lui nostalgie signifiait surtout broyer du noir et faire resurgir ses démons chéris. Parce que ça n'est pas vraiment chez moi. Il l'écouta lui apprendre qu'elle apprenait la médecine, on pouvait dire qu'elle en avait fait du chemin l'ancienne toxico. Interne, c'est très ambitieux, bravo. Il te reste beaucoup d'années à faire ? Pourtant elle lui avoua rapidement ne pas avoir totalement décroché de ses addictions, ce qui n'étonna pas notre homme, lui-même savait à quel point il était difficile de s'en sortir, combien il fallait de volonté, volonté qu'il n'avait pas, lui qui luttait tous les jours, qui restait sur le fil, prêt à replonger à chaque instant. Ne t'enfonce pas autant, si tu arrives à gérer c'est déjà bien. Regarde-toi, t'es souriante, t'as l'air pleine de vie. Je suis sûr que tu ne t'en sors pas si mal. Il osa fixer l'océan un instant, le défier, juste avant de répondre à Quinn qui attendait son aveu. En ce moment j'suis sur le point de rechuter. Il envoya voler un galet qu'il avait entre les doigts, preuve de sa colère contre lui-même. Ça fait plus de deux ans maintenant que j'm'en suis sorti. Et là j'en peux plus, le manque est trop fort. Pour se calmer il fumait alors clope sur clope, un peu d'herbe, il prenait des cachets ou se noyait dans le rhum, c'était moche, tout ça à cause de Tamsin qui avait foutu le bordel dans sa tête. Sa seule façon de se calmer sans se flinguer la santé c'était de se vautrer dans la luxure, avec n'importe quelle fille rencontrée, il n'y avait rien pour qu'il soit fier de lui en ce moment. Ces vérités il les avouait sans se faire prier à la jolie blonde. C'était surprenant de la part de Jax qui s'ouvrait pourtant si rarement mais Quinn savait tout de lui, de ses démons et de ses nombreux défauts et elle était l'une des rares à ne pas le juger.

Le parcours de Quinn était une réussite, un exemple pour beaucoup de jeunes en proie aux mêmes démons qu'eux et qui pensaient ne jamais s'en sortir, elle était la preuve humaine qu'avec de la volonté on pouvait se relever de tout et même s'engager dans de longues études, dans une voie professionnelle ambitieuse. Il lui offrit un mince sourire, s'il avait été quelqu'un d'enjoué ou de démonstratif il l'aurait peut-être prise dans ses bras, mais il n'était rien de tout ça alors ce sourire c'était tout ce qu'il avait de plus chaleureux à lui offrir. C'est le principal, que ça te plaise, si tu es passionnée tu iras jusqu'au bout je n'ai pas de doute là-dessus. Il finit par se confier à elle de façon très naturelle, il s'ouvrit comme rarement il le faisait, simplement parce qu'ils avaient toujours fonctionné ainsi, Quinn et Jax. Elle lui avait confié quelque chose, il en avait fait de même. La jolie blonde essaya de le conseiller, un rictus se dessina sur ses lèvres. Il avait de quoi se vider la tête, ses peintures étaient son exutoire, habituellement il couchait de rageuses couches d'huile sur ses toiles, il peignait toute sa rage, toute sa tristesse, tout son manque et à la fin il allait mieux, ça devenait même des œuvres qui se vendaient cher à présent. Mais en ce moment à chaque fois qu'il prenait un pinceau chaque silhouette féminine qu'il dessinait le ramenait toujours à elle, Tamsin, chaque visage au traits doux, chaque œil qu'il peignait inévitablement bleu, c'était elle, il la voyait partout et ça lui faisait mal, si mal qu'il en avait lâché ses tableaux pour venir souffler sur cette place... son lieu favori à elle. Pauvre de Jax, il devenait fou à nouveau et il allait encore replonger à cause d'elle. J'ai perdu mon truc je crois. Et courir c'est vraiment pas ma passion. Il avait horreur du sport sous toute ses formes, il était plutôt un adepte du canapé. La proposition de Quinn le pris de court et pourtant certainement que si lui l'avait trouvé dans la même situation il n'aurait pas hésité à la ramener chez lui pour une dose de réconfort, pour éviter qu'elle ne rechute de façon si stupide. Ouais j'veux bien. Il hocha la tête en se levant pour la suivre.