oh sister, when i come to lie in your arms -r.

Ma sœur, ma confidente, ma complice, celle avec qui j’avais fait les quatre cents coups, celle qui me connaissait par cœur, était enfin revenue à Bowen. Enfin, cela faisait quelques mois déjà, mais encore aujourd’hui je remerciais le bon Dieu de me l’avoir ramenée. Vivre loin d’une personne qui nous comprend tellement et qui nous a vu cheminer dans notre vie, c’est difficile, surtout pour un homme comme moi qui avait les valeurs familiales à cœur. Depuis son retour, on se voyait plusieurs fois par semaine, si ce n’était que pour aller prendre un café rapidement avant le boulot, ou pour aller luncher sur l’heure du midi, ou pour prendre un verre la fin de semaine. Et, évidemment, nous étions forcés (mais de notre plein gré) de nous voir à chaque dimanche soir chez nos géniteurs. Ceux qui avaient permis cette magnifique relation frère et sœur. Ceux qui avaient fait de nous de si bons amis.

Ce soir, c’était aussi pour un repas que j’avais invité ma sœur, mais sans les parents. Il fallait qu’on se parle sérieusement. Il fallait que je cesse de protéger Nalah en lui mentant à propos de mon état général de santé. Cela faisait déjà cinq ans, après tout, que je lui cachais ce lourd secret. Cinq ans déjà. J’avais été incapable de le lui annoncer au téléphone et, à chaque fois qu’elle revenait de Sydney, j’avais tellement envie de profiter de sa présence que je ne voulais pas détruire l’ambiance avec une nouvelle aussi mauvaise. Sauf que là, je n’avais plus aucune excuse. Après des mois depuis son retour, il fallait que je lui apprenne que j’avais la sclérose en plaques. Ma mère avait tenté de me raisonner avant, de me faire comprendre qu’il était plus que temps de le lui dire, qu’elle ne pouvait pas l’apprendre en même temps que de voir mon état physique se dégrader. C’était vrai. Je ne pouvais de toute façon plus le cacher longtemps, car peu à peu je sentais que la maladie s’emparait de moi. Avant, elle dormait paisiblement, attendant que les années passent pour me manger de l’intérieur. Maintenant, la trentaine approchait et je me faisais plus vieux, plus fatigué. C’était son moment de gloire.

On cogna à la porte de mon appartement. J’avais demandé à Soya, gentiment, de me laisser seul avec ma sœur ce soir, lui avouant que nous avions des discussions sérieuses à avoir ensemble et que je préférais que nous soyons seuls. Elle avait compris, évidemment, et n’avait pas posé plus de questions, voyant que le sujet était sensible. J’avais donc eu un bon deux heures pour préparer une bonne lasagne végétarienne, ainsi qu’un potage de légumes en entrée et des brownies pour le dessert. J’avais évidemment rempli le frigo de bières de racine, car je savais qu’après la bombe, on aurait tous les deux besoin de se calmer un peu. J’allai donc ouvrir la porte après avoir fermé le four, voyant que le temps était de toute façon écoulé. Nalah se trouvait derrière la porte. Je lui souris et m’avançai vers elle pour la serrer dans mes bras et lui donner un baiser sur la joue. « Salut ma belle. Entre, fais comme chez toi, comme toujours. » Je m’écartai du chemin et refermai la porte derrière elle. « Tu veux une bière ? » Proposais-je en ouvrant le réfrigérateur et en en sortant deux, persuadé qu’elle accepterait l’offre. J'étais aussi très nerveux, et cela paraissait.

ses talons résonnaient dans les rues sombres, mais chaleureusement éclairées par des néons de bar, de Bowen. une démarche gracieuse, élégante, sexy comme à son d'habitude. elle était belle, Nalah,elle l'avait toujours été. mais personne n'osait l'aborder, sans doute trop sûre d'elle et les autres pas assez. elle ne cherchait pas de relation, elle avait autre chose à penser mais elle aimait plaire, se sentir désirée mais de manière réservée et polie. les gens se retournaient parfois sur son passage mais d'autres se contentaient juste de la regarder.
Nalah se rendait chez son très cher frère, Woody. depuis toujours, les deux jeunes adultes étaient liés par un lien fort. plus fort que que la fraternité plus fort que tout. indestructible lien. ils s'aimaient aussi fort qu'ils le pouvaient et se protégeaient mutuellement et ça, depuis toujours. il l'avait tant de fois protégée des mauvais garçons que la draguaient au lycée. on ne touchait pas à sa sœur, un point c'est tout. elle, elle l'avait tant et tant protégé des mauvaises décisions qu'il s’apprêtait à prendre de temps à autres. ils étaient tous comme ça dans la famille, soudés, protecteurs, aimants, respectueux ... toutes les qualités demandées pour une bonne entente étaient validées.
Nalah arriva devant l'immeuble de Woody. elle composa directement le code sur le clavier pour pouvoir déverrouiller - Woody le lui avait donné, entre frère et soeur, ils partageaient absolument tout, finalement - et elle entra, allant monter quatre à quatre les marches de l'escalier dans le hall. elle avait hâte de voir son frère. dans sa main, elle avait un vieux DVD de film d'horreur. depuis toujours, quand ils se retrouvaient tous les deux, ils passaient leur soirée à regarder des films d'horreur alors ce soir, Woody n'allait pas y couper. Nalah frappa à la porte et immédiatement, son magnifique frangin ouvrit la porte, un immense sourire illuminant étrangement son visage: « Salut ma belle. Entre, fais comme chez toi, comme toujours. ». elle n'eut même pas le temps de répondre qu'il lui propose une bière. à nouveau, il ne lui laissa pas le temps de répondre qu'il l'attendait aveux deux bouteilles. Nalah commença à s’inquiéter à ce moment précis. ce n'était vraiment pas son genre d'être aussi ... pressé. il paraissait même nerveux, angoissé. Nalah tenta tout de même de plaisanté, voyant l'appartement de Woody complètement nettoyé: « eh bah, fréro ... tu m'avais jamais dit que tu savais ranger ! ». elle rit et alla lui embrasser la joue avant de tendre devant elle, le DVD: « regarde ce que j'ai pour ce soir ! « Rec » ! ».

Habituellement calme, décontracté, surtout en compagnie de ma soeur, voilà que je vivais comme si cette soirée était notre dernière et que chaque seconde devait être calculée. Ce qui gâchait cette soirée, justement. Je pense qu'au fond de moi j'avais peur de la réaction de Nalah face à ma maladie. Elle m'en voudrait probablement de lui avoir caché ce venin qui me dévastait de l'intérieur durant toutes ces années. Peut-être m'en voudrait-elle même seulement d'être malade, inconsciemment. J'appréhendais les pires réactions de la part de ma soeur, ce qui faisait considérablement augmenter mon niveau d'anxiété, oui. Elle le remarquerait bien vite ; ma soeur savait toujours quand quelque chose ne tournait pas rond dans ma vie. Et vice-versa, c'était comme ça.  Déjà, quand je lui tendis l'une des deux bières ouvertes, je sentais un regard inquisiteur sur moi. Sauf qu'elle ne le releva pas, pas tout de suite du moins. À la place, elle se moqua de moi en relevant plutôt le fait que l'appartement était bien rangé. Je souris. « Je ne sais pas ranger. Je m'arrange juste pour toujours choisir des colocataires de sexe féminin, comme ça, c'est réglé ! » Je rigolai face à ce commentaire sexiste qui, je savais, allait enrager Nalah. Cependant, comme elle savait que je rigolais, elle n'allait pas m'en tenir rigueur. Quand même, ce genre de stéréotype ne devrait pas continuer à être véhiculé. C'était mon humour machisme qui ressortait. « D'ailleurs faudra que je te la présente, tu vas voir, elle est très belle. Mais trop jeune pour moi. » En effet, Soya était d'une dizaine d'années ma cadette alors ça me faisait quand même bizarre de la trouver à ce point canon. Ma soeur étant plus jeune, ce serait moins étrange de son côté. Nalah rigola et vint m'embrasser sur la joue avant de me présenter le planning de la soirée : Rec. Je tapai dans mes mains, une fois, pour marquer mon enthousiasme. « Avec Manuela Velasco, bon choix ! » Elle était quand même jolie, cette actrice. Ça compenserait pour la tendance prévisible de tous les films d'horreur. « T'as faim ? Tu veux qu'on se mette à table ? » Je lui en parlerais durant le dîner et, plus vite le moment passé, mieux je me sentirais.