"Rencontre fracassante" - Zephyr

Toute information sur Maddy était bonne à prendre. Non seulement pour qu'ils se connaissent davantage mais surtout pour que Zephyr soit un peu plus à l'aise. Parler à des inconnus, il a un peu de mal. Lui qui se trouve toujours enfermé, même à l'extérieur. C'est ce qu'on pouvait voir dans son regard, à chaque instant. Et plus il s'ouvrait à quelqu'un, plus il se sentait vulnérable. Parce que c'était un risque considérable qu'il prenait : il donnait l'occasion à son interlocuteur d'apprendre les clés de sa destruction. Maddy n'avait pas l'air de vouloir lui faire du mal, elle le lui a même clairement dit. Mais pouvait-il lui faire confiance pour autant ? Après tout il ne savait rien d'elle. C'est la raison de sa question, finalement. S'il devait lui donner quelques clés sur lui, elle devrait en faire autant.

En observant son visage, Zephyr constata à quel point elle pouvait paraître jeune. Et lorsqu'elle lui dit son âge, il fut presque étonné qu'elle ne soit pas mineure. Il lui sourit, gardant précieusement en mémoire ce qu'elle lui disait. « Moi, j'ai 25 ans. » Toujours dans cette optique donnant-donnant, Zephyr préféra lui donner aussi son âge plutôt que de la laisser dans le flou. Il lui exposa ensuite le nom de son métier et au vu de sa réaction première, se décida à être plus bavard qu'il ne l'avait jamais été en compagnie d'une presque inconnue.

S'en suivit une tirade expliquant son métier, avec un regard amusé et presque pétillant, signe qu'il aimait ce qu'il faisait. Mais en fait, ce qu'il aimait le plus, c'est d'être ce hackeur que tout le monde déteste. Que les plus grands détestent. Même elle devait s'en méfier, mais elle n'en savait rien, et elle ne le saura peut-être jamais. Les intentions de Zephyr n'étaient pas de la hacker, ni même de faire des recherches sur elle pour la connaître davantage. Cependant, il ne peut nier le fait qu'il ait déjà fait cet acte pour connaître son adversaire. Il lui suffisait de quelques informations que personne ne cache pour en savoir davantage, peut-être même trop. Quelque fois, sa curiosité dépassait la décence et il allait jusqu'à retrouver l'IP de sa victime pour hacker son matériel personnel et en savoir plus. Tout cela n'était qu'un jeu d'enfant pour lui, comme mettre l'étoile dans le creux étoile, ou colorier en fonction de chiffres, ce qu'on a pratiquement tous fait au cours de notre enfance.

Lorsqu'elle lui demanda de lui montrer tout ça, Zephyr leva un sourcil. C'était un peu une sorte de piège qui se refermait sur lui, car lui montrer son ordinateur risquerait de compromettre son boulot parallèle. Heureusement qu'il était consciencieux, qu'il détruisait toutes les preuves et prenait soin d'effacer tout le contenu de ses fichiers juste après une manipulation frauduleuse. Il l'écouta encore et hocha ensuite la tête, cette information était aussi essentielle car elle lui disait qu'elle n'était pas en possession d'un ordinateur. Mais elle devait bien avoir un téléphone, après tout. Il se leva, alla chercher son ordinateur portable dans sa chambre et revint en posant la grosse machine sur la table basse.

Une gorgée de jus d'orange plus tard, il ouvrit et alluma sa machine religieusement. Il aimait beaucoup prendre soin de son matériel, surtout que ce genre d'ordinateur coûte un bras. Avec son seul boulot, Zephyr ne pourrait pas s'en procurer. Mais ses activités illégales ont fait qu'il a pu mettre de côté beaucoup d'argent, plus qu'il n'en faut pour s'acheter ces petits bijoux. Il tapa son mot de passe à une vitesse hallucinante puis entra dans un dossier pour lui montrer le fruit de son travail. Des lignes de code incompréhensibles à ceux qui n'en ont jamais eu affaire s'affichèrent sur le large écran. « Ca, c'est un virus que j'ai récupéré avant qu'il n'affecte tout le réseau de l'entreprise où je travaille. » Il surligna la première partie à l'aide du trackpad. « La première partie sert à s'insérer dans une porte ouverte, ce qu'on appelle une faille. C'est un défaut qu'ont majoritairement les programmes informatiques, une sorte de bug qu'on doit vite réparer pour éviter la propagation d'autres virus. » Zephyr continua sur sa lancée. « Cette partie, elle sert à copier un dossier de fichiers invisible dans le disque dur de la machine. Et c'est là que la troisième partie du virus, la pire, arrive. » Il surligna la dernière partie et tourna son regard vers Maddy, concentrée. Il se mit alors à parler d'une voix lourde, comme s'il racontait une histoire flippante. « Dès qu'on allume la machine, les fichiers invisibles se mettent en route. Ils ont pour but de corrompre les fichiers principaux du système de façon totalement imprévisible. Et l'utilisateur ne le verra même pas. Quand sa machine rendra l'âme, il ne comprendra même pas ce qu'il s'est passé ... » Zephyr laissa quelques secondes de silence s'écouler puis ferma le fichier texte et sourit, continuant sur un ton plus léger. « Évidemment, il existe d'autres virus moins dramatiques. Ils peuvent servir à récupérer des données personnelles, comme des mots de passe ou des conversations privées, photos ou tout autre média disponible. Ils peuvent aussi servir à surveiller des gens, en allumant leur webcam ou microphone à leur insu, ou ils peuvent aussi avoir un but précis, comme celui-là. » Appuyant son dos contre le canapé, il croisa les bras et haussa les épaules. Les gens qui s'y connaissent en informatique sont pour la majorité tarés, lui-même possède ce côté obscur qui ferait peur à bon nombre de gens s'il avouait être en réalité un hackeur.

Zephyr se rendit compte qu'il était beaucoup plus à l'aise. Le mélange médicament et sujet de conversation concernant ce qui le passionnait le plus s'avérait être un bon cocktail pour faire disparaître ses angoisses. Son regard se posa sur Maddy et analysa la moindre de ses réactions. S'il n'était plus dans le malaise, il n'en restait pas moins méfiant. Cette fille avait l'air de posséder une clairvoyance plutôt acérée, alors il continuera à s'en méfier jusqu'à ce qu'il ne sentira plus le danger rôder autour de lui. Pour atteindre ce palier, cela allait être compliqué. Mais ça, il le pensait sans savoir que Maddy cachait un secret, comme lui.

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