En cette journée ensoleillée, Lila décida de s'extirper du canapé et de venir prendre l'air à la plage. Cette fois, elle n'était pas en compagnie de son colocataire. Cela faisait quelques jours qu'elle était arrivée dans le coin et elle ne voulait pas être un poids pour Zackary. Même s'il ne lui déplaisait pas, elle voulait prendre ses distances de façon à ce qu'ils profitent davantage des moments passés ensemble. Et puis, cela ne lui ferait pas de mal de s'aventurer seule dans Bowen. Peut-être serait-ce l'occasion de rencontrer de nouvelles têtes. Ici, à Bowen, personne ne la connaissait. Il était donc plus facile de s'ouvrir aux autres, qui ne pouvaient avoir d'aprioris sur Lila. Cette dernière quitta le glacier, une gourmandise dans la main, se dirigeant vers une place libre au bord de l'eau. Là, elle déposa ses affaires et ôta ses vêtements, révélant son corps un peu trop mince, vêtue d'un joli bikini. Autrefois, elle aurait été mal à l'aise de s'afficher ainsi aux yeux de tous. A présent, c'était le cadet de ses soucis. Les pieds dans l'eau, elle jeta un œil autour d'elle, dans l'espoir que quelqu'un vienne la saluer.

Alors qu'elle savourait les douces caresses des vagues sur ses jambes, elle fut amusée par l'arrivée d'un chien qui sauta dans l'eau, tout excité. Elle vit celui-ci se rapprocher dangereusement, se secouer devant elle, jusqu'à ce qu'elle finisse toute éclaboussée. Puisqu'elle adorait les animaux, elle garda son calme en suivant attendrissement ce petit être du regard, découvrant son maître à quelques pas. Il semblait lui aussi amusé par la situation. C'était un jeune homme aux cheveux bruns, plutôt jeune et très avenant. Lila lui donna la vingtaine. Comme elle l'avait prévu, elle allait pouvoir parler à un inconnu. Il lui adressa des excuses avant d'appeler son chien dans une autre langue. Lila devina qu'il était français. Elle était allée à Paris dans le cadre d'un voyage scolaire. Très bel endroit, la seule chose qu'elle connaissait de ce pays. Plantant ses yeux dans ceux de l'inconnu, elle esquissa un joli sourire. « Bonne jour. » lança-t-elle, avec un accent assez ridicule. « Je m'appelle Lila. Comment ça va ? » poursuivit-elle, en français, tant bien que mal.

L'inconnu n'était pas dérangeant. Il était même plutôt mignon. Une bonne occasion pour rendre son colocataire jaloux. Quoique... elle ne savait pas trop comment il la considérait, et inversement. Leur dernière entrevue avait été assez particulière. Zackary n'avait pas l'air d'un type très bien pour elle. C'était plutôt le genre à cavaler partout, à sauter sur la moindre proie. Cela ne l'empêchait pas de l'apprécier. Mais en ce moment, elle espérait faire connaissance avec le prénommé Maxim, afin de côtoyer d'autres personnes. Peut-être irait-il à la même fac qu'elle. Tout dépendait de son âge. Il se remit à parler anglais, ce qui rassura Lila, pas trop à l'aise avec la langue de Voltaire. « Non, mais j'ai passé une semaine à Paris y a très longtemps. » Elle hocha la tête suite à sa question. « Bien sûr, vas-y. Ca fait longtemps que tu es à Bowen ? » Elle enfouit ses mains dans le sable pour se pencher en arrière, mais le gros chien accourut et elle manqua de perdre ses appuis. Elle tendit la main vers son museau pour qu'il la renifle, et accepte d'accueillir ses caresses.

Spoiler:

Elle a déjà visité la France ? ça ne m’étonne qu’à moitié en fait. Les rares personnes que j’ai croisé sont déjà aller en France ou en sont originaires.  Contre toute attente, elle accepte ma compagnie. Je lui souris, et installe ma serviette de plage à côté d’elle et je me laisse tomber dessus. Lokhen vient aussi se coller à moi et je passe machinalement ma main sur le flanc de mon chien. «  ça fait un peu plus d’un mois maintenant, et toi ? Tu es originaire d’ici ? » demandais-je curieux. Elle n’avait pas d’accent étranger, du moins rien de perceptible a mon oreille, j’en déduisis qu’elle était donc australienne. Je regardais vite fait en direction de la mer, m’apercevant qu’il n’y avait pas grand monde dans l’eau, la plupart des personnes présentes étaient occupées à faire bronzette sur la plage. «  Tu es déjà allé te baigner ? L’eau est bonne ? » lui demandais-je curieux. J’étais pas vraiment fait pour rester inactif. On m’avait souvent reprochait de ne pas tenir en place plus de cinq minutes, alors même si nous parlions un peu, j’avais l’intention de piquer une tête dans l’eau, un peu plus tard.

HJ:

Tandis qu'elle l'écoutait parler, Lila avait les yeux rivés sur l'horizon qui s'étendait à perte de vue. De temps en temps, elle l'observait sagement. Lila n'avait peut-être pas d'accent, mais elle ne venait absolument pas d'ici. Elle avait quitté le sol norvégien il y a peu, mais se débrouillait plutôt bien en anglais. Depuis le temps qu'elle regardait ses séries en anglais, elle était relativement à l'aise à l'oral.  « Pas du tout ! J'habite à des milliers de kilomètres, à Oslo. Je suis là depuis une semaine, donc j'essaie de prendre mes marques. Pourquoi tu es ici ? » Puis il sembla l'inviter à se baigner. Lila ne tenait pas non plus en place, surtout à la plage. Elle ne comprenait pas toutes ces filles qui restaient allongées, sous le soleil, à attendre que ça passe. « Je vais te le dire tout de suite. » Sans hésiter, elle se leva, recula de quelques pas et s'élança dans l'eau fraiche. Elle tremblota quelques secondes puis plongea la tête dans l'eau pour s'habituer à la température. En remontant à la surface, elle se plaqua les cheveux en arrière et fit signe à Maxim de la rejoindre.

Bowen était une ville pleine de diversité. Lila ne connaissait personne, mais elle avait entendu dire que chacun de ses habitants avait un vécu différent, qui l'avait plus ou moins poussé à s'installer ici. Qu'est-ce qu'il y avait de si spécial dans cette ville ? Lila l'appréciait, certes, mais il était difficile de concevoir une ville où tout va mieux, où l'on peut se reconstruire sereinement. Ca n'existe pas. Tout se passe dans la tête. Le mal être n'est pas dû à l'environnement dans lequel on se trouve. Il prend naissance à l'intérieur de nous-même, suite à de mauvaises expériences. Lila avait touché la corde sensible et elle fut prise de court à l'entente des mots de son locuteur. Dans l'eau, elle reprit la conversation. « Oh, désolée... » Ce fut la seule chose qu'elle trouva. Tout le monde serait désolé en entendant une telle chose. « ...c'est une longue histoire. Je voulais rejoindre mon frère, Andreas. Et prendre l'air, aussi. Rencontrer des gens, explorer de nouveaux horizons. » Maxim se rapprocha d'elle. Lila put examiner ses traits de plus près, et il paraissait un peu plus jeune qu'elle. « Tu te plais ici ? » demanda-t-elle, curieuse.

Après avoir disparu sous l'eau, le jeune homme surgit derrière Lila, qui se retourna en sursautant. Il lui posa des questions à propos de sa venue, visiblement curieux. « Rien de grave. C'est juste que depuis quelques temps, c'était insupportable chez moi. Andreas est gay et mon père l'a totalement jeté après son coming out. J'ai pas accepté de vivre avec quelqu'un d'aussi fermé d'esprit. Et j'avais pas grand chose qui me retenait là-bas. Alors j'ai préféré rejoindre mon frère et sortir de la routine. » Elle marqua une pause pour s'assurer que son locuteur était toujours attentif. Elle était en train de déballer sa vie, après tout. « Du coup, j'ai trouvé un coloc ici et je reste un an. » Maxim lui confia qu'il n'était pas à l'aise à Bowen, et que la France lui manquait. Il parut nostalgique et cela fit de la peine à Lila. Jusqu'à la mort de ses parents, il avait dû être un garçon heureux et insouciant. Sa triste mine prouvait qu'il avait dû faire face à de tristes évènements. Soudain, il l'aspergea d'eau et elle croisa les bras, le regardant avec un air énervé. Puis sans qu'il ne s'y attende, elle mit les mains sous l'eau et les ressortit vivement pour se venger et l'éclabousser à son tour.

Lila n'avait pas trop à se plaindre, dans le fond. Surtout en face d'un jeune adolescent qui a perdu ses parents. Et puis, elle avait eu le luxe de venir ici avec les sous de papa maman, alors que, il faut le rappeler, elle leur avait menti au sujet du colocataire. Lorsqu'elle est partie, ils n'avaient aucune idée que leur fille s'apprêtait à loger chez un inconnu. Quelle serait leur surprise d'apprendre, en prime, qu'elle tomberait dans les bras de cet homme. « Sympa ? J'en sais rien. Il est mignon, hein. Mais je sais pas, la dernière fois il m'a invitée au bar et c'était... bizarre. Il m'a fait du rentre-dedans toute la soirée. Pour qui il se prend ? » Elle soupira en repensant à cette fameuse soirée, où Zackary ne cesserait de faire des sous-entendus et de la gêner. Sans qu'elle ne puisse l'esquiver, Maxim se jeta sur elle et elle se retrouva les quatre fers en l'air. Cela ne dura pas, néanmoins: elle se sentit glisser sur l'épaule de Maxim, bascula en avant et se retrouva dans l'eau, telle un vulgaire déchet. Ce contact la troubla légèrement. Elle n'était pas très tactile, Lila. « D'accord, j'abandonne. » Elle soupira puis surprit quelques baigneurs qui riaient devant la scène. Puis elle rappliqua en essayant de le couler, mais il resta immobile. Pas très forte, la demoiselle !

Qu'en était-il de Maxim ? Souhaitait-il la séduire lui aussi ? Pour le moment, il ne déplaisait pas à Lila. Elle n'imaginait rien avec lui - ils se connaissaient à peine -, mais passer du temps à ses côtés lui faisait du bien. Elle était ravie de rencontrer une nouvelle tête. Cela la rassura pour la suite. Elle allait entrer dans une université où elle ne connaissait personne. De ce fait, ce n'était pas facile de se mettre dans le bain. Concernant la sexualité de Lila, la jeune femme se disait attirée uniquement par la gente masculine mais en était à un stade où elle se posait beaucoup de questions à ce sujet. Toutefois, elle avait le temps d'être fixée, ce n'était pas un problème. Maxim lui posa des questions certes naïves, mais pertinentes. Avant ce rencard, elle avait déjà considéré l'idée d'aller plus loin avec son colocataire mais leur rendez-vous remettait cela en question. « C'était un rencard à la base. Le truc c'est que Zackary est le genre de type trop sûr de lui, pas très respectueux envers les femmes. J'ai bien compris ce qu'il voulait... » Lila eut beau insister sur sa prise, elle ne parvint pas à l'enfoncer dans l'eau et il ne tarda pas à se moquer d'elle. « Roh, te la pète pas comme ça... » Elle lui tira la langue telle une enfant. « Au fait, tu vas où à la rentrée ? A l'université ? » Qui sait, ils pourraient se retrouver ensemble et se voir régulièrement.