One step closer (Tathur)

La tête relevée, les yeux verts de Tahlia s'étaient posés vers la seule fenêtre de cette immeuble où il y avait encore de la lumière. Un sourire se dessina rapidement sur les lèvres de la brune qui s'empressa d'entrer dans l'immeuble après avoir entré le code qui servait à ouvrir la porte. Elle était sûre de trouver Arthur ici. La vie du jeune homme avait énormément changé depuis qu'il avait plaqué son ancien boulot. Et le moins que l'on puisse dire, c'était qu'il était l'exemple d'un succès fulgurant. Tout semblait réussir au jeune Delacroix. Tahlia avait suivi l'évolution du français de A à Z. Et alors qu'elle s'était persuadée que cela allait finir par les séparer, il avait fait en sorte de l'intégrer au mieux à ce grand changement pour lui. Evidemment, cela les avait rapprochés. Grandement même. Si bien que tout devenait léger et naturel avec lui...

 Elle monta les marches d'un pas léger, arrivant au bureau d'Arthur où son assistante était en train de rassembler ses affaires. C'était une grande brune, type mannequin, à l'image de ces films américains où le gérant s'avérait être un loup des finances. Secrètement, Tahlia espérait que le jeune homme ne sombrerait pas dans de tels travers , que le succès ne lui monterait pas à la tête. Parce que Tahlia, elle, elle avait connu le Arthur dont la vie était banale, et elle l'avait apprécié comme cela dès le début.

L'assistante toisa Tahlia du regard, lui affirmant que son patron était occupé. Un sourire déterminé sur les lèvres, Tahlia répliqua, sur un ton qui laissait voir qu'elle avait son idée bien en tête : "Ne vous inquiétez pas, ma chère, je ne serai pas longue." La jeune policière leva les yeux au ciel alors qu'elle prit le couloir qui menait au bureau du jeune homme. Il avait la tête baissée sur une haute pile de dossiers et semblait hautement concentré. Tahlia tapa légèrement sur la porte, le regardant avec douceur : "Fais attention, le cerveau risque de surchauffer à force de travailler...". Elle lui adressa un sourire malicieux alors qu'elle montra le sachet qu'elle avait en main et qui contenait de la nourriture chaude. "Je me disais, qu'à cette heure là, tu risquais d'avoir un peu faim."

Depuis qu'il connaissait l'univers impitoyable du marché financier, Arthur n'avait jamais vu autant d'argent sur son compte. Il avait aussi découvert son don pour la négociation. Il vendait des transactions qui ne valaient pas un sous. Cependant, il n'y avait rien d'illégal là-dedans. Il n'y avait que sa culpabilité qui pouvait en prendre pour son grade.

Et de fil en aiguille, Arthur monta les échelons. Il avait même sa propre assistante. Non seulement elle gérait toutes les tâches administratives, mais elle lui apportait aussi le café et allait chercher ses costumes au pressing. Elle représentait une image importante aux yeux de potentiels investisseurs. Belle, grande, blonde, avec des tailleurs impeccables. Certes, Arthur lui donnait parfois des tâches pénibles et ingrates, mais elle était payée en conséquence.

Néanmoins il y avait une seule femme dont il pouvait remercier de son statut actuel. Il s'agissait de Tahlia. Elle avait fait preuve d'énormément de soutien à son égard. Alors qu'il ne croyait pas en lui, elle, croyait en lui. En principe, il voulait juste la séduire. L'avoir dans son lit, parmis ses innombrables trophées. En sa présence, il cachait sa facette d'escroc et son déguisement d'homme d'affaires arrogant. Elle faisait ressurgir le meilleur en lui. Le Arthur simple et rigolo. Tahlia n'était pas qu'une très belle femme. Elle lui faisait rire aussi. Parfois il avait l'impression de s'attacher. Dans ces moments, il culpabilisait. Dans ces moments, il prétendait être engouffré par le travail. Juste pour se détacher d'elle. Car quoi qu'il en soit, Arthur restait dans sa friendzone. C'était un jeu dangereux, qui lui plaisait autant qui l'effrayait.

Vingt heures passées, Arthur était encore dans son bureau. Il avait passé la journée entière à chercher de nouveaux clients. Il cherchait également de nouveaux collaborateurs. Alors qu'il jetait à la poubelle une dizaine de cvs qui ne correspondaient pas à ses critères, on toqua à la porte. Une apparition lui fit immédiatement sourire 《 Tiens, ça c'est une bonne surprise! 》 dit-il aussitôt. Il regardait Tahlia comme un rayon de soleil. 《 Ça tombe bien, je commençais à avoir la dalle. Qu'est-ce que c'est? 》 lui demanda-t'il en désignant le sachet dans ses mains. Il retira de nouveau son costume d'homme d'affaires arrogant.

Quand Tahlia avait tapé à cette porte, elle n'était plus certaine d'avoir eu une bonne idée. Peut-être allait-elle vraiment le déranger, à l'image de ce que son assistante avait sous-entendu ? Mais alors qu'il releva la tête et qu'elle vit le sourire qu'il affichait, les craintes de Tahlia se dissipèrent immédiatement. Elle entra donc dans le bureau, d'un pas léger et avec un énorme sourire sur le bout des lèvres. Arthur lui rendait le sourire, même si Tahlia était bien loin des réelles motivations qui animaient le jeune homme envers elle. Elle déposa le sac de nourriture sur le bureau du jeune Delacroix, en prenant soin de pousser légèrement les dossiers qui prenaient tout l'espace. "Ce sont des pâtes au pesto rouge. Avec un tiramisu fait maison, du traiteur italien au bout de la rue. Je sais, ce n'est pas très light." Elle se mit à rire, bien qu'elle était l'une des premières à se moquer des restrictions alimentaires, régimes et compagnie. Et puis, on ne pouvait pas passer à côté de l'un des meilleurs restaurateurs de Bowen ! "Je t'aurais bien invité chez moi pour te faire moi-même un petit plat, mais je sais que tu es bien occupé. Du coup, j'ai pris l'initiative de venir ici." avait-elle ajouté, un léger sourire sur les lèvres. Plusieurs fois, le jeune homme avait annoncé qu'il avait beaucoup de travail, si bien qu'elle commençait à se demander s'il ne l'évitait pas un peu. "Et puis... ça me donnait l'occasion de te voir..." lança-t-elle avec un regard qui en disait long. Parce que ce bougre l'avait habitué à sa présence. Le voir un peu moins ces derniers temps avait provoqué un manque chez la jeune policière. Mais comme elle ne faisait jamais dans la facilité, il était certain qu'elle ne l'avouerait pas aussi facilement.

On tapa de nouveau à la porte. Tahlia tourna la tête et observa l'assistante-mannequin faire son entrée, sur ses hauts talons, avec une grâce et une délicatesse que la jeune policière n'aurait sûrement jamais. Elle déposa une pile de papiers sur le bureau du courtier et annonça qu'elle avait terminé toutes ses tâches. Il était sûrement temps pour elle de rentrer à son domicile. Après l'accord du jeune homme, l'assistante lui souhaita une bonne soirée et quitta le bureau, toujours avec aise et assurance. Tahlia l'avait suivie du regard, sans un mot, puis prit place sur la chaise, en face du bureau d'Arthur. Sans vraiment réfléchir, elle lâcha : "Elle est vraiment jolie, ton assistante." On sentait un peu d'amertume dans les propos de la brune. Voire même une pointe de jalousie. Comment ça ? De la jalousie ? Ce qui était peut-être révélateur de l'affection qu'elle portait au jeune homme et qu'elle dissimulait du mieux qu'elle le pouvait.

Peu importe ce qu'elle aurait ramené, Arthur fera honneur au repas apporté par Tahlia. Pâtes au pesto rouge et tiramisu étaient au menu. 《 Toi, tu veux faire exploser mon costume Armani ! 》 lui reprocha-t-il en rigolant. Il avait tendance à prendre du ventre quand il enchaînait des écarts - ce qui arrivait souvent en ce moment avec ses dîners d'affaires.

Tahlia avait organisé cette rencontre car elle avait envie de le voir, et au vu de ce regard très intense, Arthur ne put qu'offrir un grand sourire de ses dents blanches. Avait-il retiré un pied dans la friendzone? Lui qui prétendait être très occupé (ce qui était à moitié vrai), avait-il parvenu à manquer à Tahlia? Fuis-moi, je te suis. Suis-moi je te fuis. Foutrement véridique! Il était tellement heureux de cette initiative qu'il aurait tout jeté sur son bureau pour installer Tahlia. Bien entendu il s'en retint, et lui désigna une des chaises face à lui.  《 Ici c'est très bien.》 Il écarta l'autre chaise pour qu'elle puisse se mettre à son aise. 《 Attends je vais faire un peu de place. 》 lui dit-elle ensuite en rangeant soigneusement ses dossiers en faisant une pile pour les ranger dans une de ses armoires. 

Puis on toqua à la porte. L'assistante fit son apparition, rayonnante et gracieuse à souhait. Elle avait terminé toutes les tâches dont Arthur lui avait délégué. Il examina brièvement un par un les dossiers qu'elle posa sur son bureau. 《 Oui, oui, très bien. Parfait... Bon travail. Vous pouvez rentrer. À demain. 》 Il fit un bref signe de la main pour lui montrer qu'elle pouvait disposer. Selon lui, le plus important quand on est patron, c'est de complimenter le travail fourni par ses salariés. Il préférait également garder de la distance. Parfois Arthur pouvait se montrer rude et froid avec ses collaborateurs.

Une fois seuls, Tahlia complimenta la beauté de son assistante. Distrait, Arthur ne saisit pas tout de suite l'amertume au son de sa voix. 《 C'est ce qu'on me dit souvent.》 dit-il tout content, comme si on l'avait complimenté sur sa tenue. Il était à côté de la plaque.

"Je pense que ton costume Armani supportera encore un repas italien." Lâcha-t'elle, amusée en  reprenant la marque du costume du jeune homme. Il avait développé quelques réflexes de ce genre, mais elle ne lui en tenait pas rigueur. Il devait sûrement profiter de sa nouvelle vie... Et il avait bien raison. Quoiqu'il en soit, l'explosion de son costume Armani n'était pas près d'arriver. Elle avait toujours trouvé qu'il était un très bel homme, que ce soit dans son jogging ou dans ce costume.

Alors qu'il fit de la place sur son bureau, la brunette sortit ce qu'elle avait amené et prit place sur le fauteuil en face de lui. Ce fut à ce moment-là que l'assistante fit son apparition, toute en grâce. Tahlia resta silencieuse alors que les deux collègues faisaient le point sur les tâches à mener. Arthur était parfait dans son rôle de patron. Il avait su trouver rapidement ses marques. Ce qui était fascinant. Alors qu'ils finirent leur débriefing, la grande blonde s'en alla, avec assurance. Tahlia profita de cet instant pour vanter la beauté de cette demoiselle. En somme, elle tendait une perche à Arthur. Une perche qu'il ne parvint pas à saisir puisqu'il confirma pleinement les paroles de la policière, fier de lui. Était-ce fait exprès ou n'avait-il pas saisi le message ? La brune leva les yeux au ciel, dans un geste fait inconsciemment. Mais quand elle reporta son regard sur lui, un étrange sourire vint se dessiner sur ses lèvres. ""Ça doit être plaisant, dans ce cas." Elle sembla réfléchir aux propos qui allaient suivre, ne sachant pas vraiment comment enchaîner. Alors elle fit ce qu'elle savait faire : user de la légèreté pour parler plus sérieusement. "Est ce que tu crois que je dois me soucier d'elle ?" Elle s'était penchée légèrement, s'appuyant sur le bureau du jeune homme, ce sourire rayonnant toujours sur les lèvres.

Arthur ne saisit pas immédiatement la subtilité dont Tahlia faisait part. Est-ce qu'elle s'imaginait qu'il pouvait être potentiellement attiré par son assistante? 《 Hein? 》 s'étonna-t-il. Il comprit seulement quand elle lui lança ce regard profond.  《 Je rêve ou t'es jalouse? 》 la taquina-t-il avant d'éclater de rire. 《 Les blondes ce n'est pas mon truc. 》  lui dit-il d'un ton plus sérieux avant de se jeter sur le sachet de repas et de les servir. Mais comme il se doutait que réponse n'était pas la plus rassurante, il rajouta : 《 Il y en a qu'une qui me plaît vraiment. Elle m'a dit qu'elle voulait qu'on prenne son temps. Du temps on en a passé beaucoup ensemble. Mais bon... je sais pas ce qu'elle attend de moi. J'ai pas envie de me lancer dans une histoire sans lendemain. 》 Arthur essayait de lui prouver qu'il était un mec bien. Il ne sait pas si le jeu en valait la chandelle mais il était persuadé qu'il n'arriverait pas à la séduire en restant entièrement lui-même.

Arthur semblait avoir compris où elle voulait en venir. Mais quand il évoqua le mot "jalouse",  la jeune femme l'observa avec malice : "Jalouse ? Moi ? Noooon...". Au fond, ce n'était pas de la jalousie pure, mais un profond attachement qu'elle lui portait. Elle ne voulait pas qu'il lui échappe. Alors, il lui affirma qu'il n'aimait pas les blondes, un nouveau sourire se dessina sur les lèvres de Tahlia. "Ça va, je ne comptais pas me teindre en blonde." Pourtant, ce qu'il ajouta par la suite attisa la curiosité de la brune. Elle savait qu'il parlait d'elle. Pour le coup, Tahlia avait perdu toute son assurance. Le moment était plus sérieux. Elle se doutait que, si elle n'agissait pas, il risquait de se lasser. "Peut-être que, sur le coup, cette femme a pris peur, Arthur." Elle se mordilla la lèvre, jouant nerveusement avec ses doigts. "Ce que je veux dire... c'est que cette femme, elle a peut-être vécu des choses, dans le passé, qui l'ont brisée physiquement et moralement. Et qu'elle a perdu toute confiance en les hommes." Tahlia était à nue, elle venait de lui avouer à demi-mot qu'elle avait été une femme battue, durant son adolescence. C'était bien une chose qu'elle n'avait jamais dite, à qui que ce soit. Mais là, ça s'était fait naturellement, comme pour se justifier de son attitude si distante à son égard. "Peut-être que cette femme avait besoin de temps pour s'assurer que tu ne jouais pas avec elle. Mais... peut-être que, maintenant, elle sait vraiment ce qu'elle veut." Elle releva la tête et plongea son regard dans celui du jeune homme. "Moi aussi je ne veux pas d'une relation sans lendemain, Arthur. Je n'ai plus envie de me prendre la tête, de me méfier dès qu'on me présente un peu d'intérêt. Je me suis rendue compte, au fur et à mesure que l'on passait du temps ensemble que c'était toi que je voulais... c'est peut-être complement fou mais oui, j'ai envie de vivre quelque chose avec toi...si tu veux bien de moi, évidemment."

Elle ne savait pas ce qui lui était passé par la tête, en lâchant cette bombe qu'elle avait toujours gardé pour elle. Même Jackson n'était pas au courant de cela, alors qu'il était celui dont elle avait été le plus proche à cette époque. Pourquoi le dire à Arthur ? Cette confidence semblait montrer qu'elle tenait à lui, plus qu'elle ne le pensait. La réaction du jeune homme surprit Tahlia. Elle s'était attendue à de la pitié, voire à une gêne, mais pas à une forme de protection. Il la surprenait de jour en jour. Elle secoua cependant la tête, tentant d'afficher un léger sourire pour alléger l'atmosphère, même si c'était davantage un sourire crispé. Pour le coup, c'était Tahlia qui était gênée. "Il n'y a pas grand chose à dire, Arthur. Je suis tombée amoureuse d'un con et on s'est détruit mutuellement, c'est tout. Pas la peine de le terminer, il n'est plus à Bowen." Elle ne savait pas où vivait Elias, mais elle espérait qu'il soit loin, très loin d'elle. "Mais merci..." ajouta-t-elle cependant. Elle voulait rattraper le coup. Elle ne voulait pas que cette nouvelle soit la seule qui subsiste durant cette soirée. Tahlia avait ouvert son coeur une première fois et elle sembla de nouveau s'engager sur cette pente, en lui affirmant que, malgré son passé, malgré ses prises de têtes, c'était avec Arthur qu'elle voulait construire quelque chose. Alors qu'il s'était relevé, Tahlia fit de même et se planta face à lui. Arthur lui fit une belle promesse, comme quoi il ne comptait pas lui faire de mal. Au fond, c'était uniquement ce qu'elle demandait. Elle ne demandait pas la lune. Certaines femmes détruisaient leurs relations parce qu'elle voulait la présence H24 de leur homme, du confort, de l'amour, des projets d'avenir qui ne tenaient pas la route. Tahlia, elle, voulait simplement être bien dans les bras de l'homme qui la ferait défaillir. Les doigts d'Arthur contre sa joue étaient les prémisses de ce doux défaillement. C'était électrique. "Je le sais..." répondit-elle dans un murmure. Elle avait envie d'y croire. L'un face à l'autre, les deux se tenaient, tels deux adolescents face à leur premier émoi. Le coeur de Tahlia tambourinait dans sa poitrine. Et sans réfléchir, elle combla la distance qui restait entre eux et posa ses lèvres sur les siennes, dans un geste toute en délicatesse, presque timide. Mais qu'importe, il était là et c'était tout ce qui comptait.

L'image d'une Tahlia battue lui était insupportable. Il bouillonnait. 《 Quel fils de... 》 répéta-t-il, d'un ton féroce. Ce salaud n'était plus à Bowen. Encore heureux, il lui aurait foutu la rouste de sa vie. Arthur était dégouté. Il ne sait pas comment la situation s'était dégradée mais aucune raison ne pouvait être valable pour en venir aux mains. Surtout sur une femme. Et cette femme-là, il tenait à elle. Ce n'était pas n'importe qui, c'était Tahlia. Tahlia, qui avait un regard à tomber. Jamais il n'avait été autant déstabilisé par une femme. Il ne parvenait pas à se convaincre qu'elle ne serait qu'une conquête parmis tant d'autres. Non, elle était bien trop belle. Bien trop envoûtante. Lui promettre qu'il ne lui fera jamais de mal était une promesse qui lui était futile, car tellement évidente.


Il voulut la complimenter mais sa bouche trembla. La peur le submergea et le paralysa sur place. 《 Toi non plus, ne me trahis pas. 》 souffla-t-il, les sourcils froncés. Il prit ensuite ses mains et l'attira contre elle. Puis il se pencha pour l'embrasser.

On avait souvent reproché à Tahlia d'être inaccessible, de ne pas s'ouvrir suffisamment. Mais avec Arthur, c'était différent. Il avait été son ami, avant d'être vu comme davantage. Elle lui faisait confiance et c'était pour cette raison qu'elle avait parlé de choses qu'elle n'évoquait jamais habituellement. Elle se mettait à nu face à lui, quitte à se montrer vulnérable. Tahlia était avant tout humaine, un fait qu'on avait presque oublié. Elle aussi avait besoin de soutien, de réconfort, de se sentir femme dans les yeux d'un homme qu'elle respectait et qui la fascinait. La réaction du jeune homme lui avait fait chaud au coeur, comme si elle avait désormais la preuve qu'elle pouvait compter sur lui. Son secret était bien gardé, elle n'en doutait pas, mais elle savait qu'elle avait désormais un soutien infaillible, une personne qui la comprendrait. Alors qu'elle se trouvait face à lui, les mots n'étaient plus assez forts, mais leurs regards parlaient pour eux. "Je ne pourrais pas te trahir" souffla-t-elle pourtant, à demi-mots. Quand il l'attira contre lui et que leurs lèvres se rencontrèrent enfin, ce fut une explosion de sensation. Elle avait ces papillons dans le ventre, le coeur emballé et un étrange sentiment de bien-être. Contre lui, elle se sentait bien. Protégée. Passant ses bras autour de son cou, elle partagea ce baiser dans un mélange de douceur et de passion. Rien ne pouvait ruiner ce moment... Rien, hormis, la sonnerie de son téléphone. Tahlia avait oublié de dire qu'elle pouvait être appelée au commissariat à n'importe quel instant. Elle râla contre les lèvres du jeune homme et s'en éloigna à contre-coeur. Un rapide regard sur son téléphone confirma ses doutes. "Il faut que j'aille bosser..." annonça-t-elle avec un air dépité. Mais son regard pétillant et ses joues rosées montrèrent qu'elle ne s'était pas encore remise de ce baiser partagé. Elle qui était pourtant pleine d'assurance semblait déstabilisée à cet instant. Elle rassembla ses affaires et, fidèle à elle-même, se permit une petite réplique humoristique : "Si j'avais su que je repartirai avec le patron, j'aurai posé un jour de congé." Elle n'avait pas envie de le quitter mais le devoir l'appelait. Après avoir posé quelques baisers sur ses lèvres, elle s'éloigna enfin de lui et reprit, en souriant : "Je t'appelle demain. Ne bosse pas trop..." Et elle disparut tout aussi rapidement qu'elle était apparue. Du Tahlia dans toute sa splendeur, qu'il commençait sûrement à connaître.