i'd like to cook but i can't ‹ free

Pourquoi fallait-il que tu t'y prennes au dernier moment ? Tu ne saurais pas répondre à cette question. Tu avais décidé de faire un gâteau, Fleur était sortie avec des amis et elle n'allait pas tarder à rentrer. Mais tu voulais lui faire une petite surprise, lui cuisiner quelque chose, pour quand elle rentrerait. Tu n'avais pourtant ni œufs et ni farine. Tu aurais pu trouver une recette alternative avec d'autres produits pour remplacer ceux qui manquaient mais tu ne voulais pas faire de cette façon. Tu voulais faire les choses bien, ça te tenait à coeur. Tu aurais bien filer au magasin, mais il était déjà 22h passé et plus rien n'était ouvert à cette heure là. Ta seule option ? Frapper à la porte du voisinage, espérant que quelqu'un pourrait te porter secours. Pour cela, tu attrapais les clés et tu sonnais à la porte de droite, où personne ne te répondait. Tu filais à gauche, jetant un coup d’œil derrière toi pour vérifier que la porte ne s'ouvrait pas mais ce n'était pas le cas. Tu sonnais donc à la nouvelle porte où un jeune répondait mais ne pouvait pas te venir en aide parce que son frigo était encore plus vide que le tien. Tu le remerciais te dirigeant vers une nouvelle porte. Tu y passais au moins un bon quart d'heure à faire toutes les portes de ton palier. Tu n'avais plus qu'à changer d'étage. Tu montais donc au dessus pour essayer de trouver quelqu'un prêt à t'aider. Tu entendais du bruit derrière la porte et tu sonnais rapidement. Attendant avec un grand sourire idiot devant le judas.

C’était à n’y rien comprendre, la dernière fois qu’elle l’avait utilisé elle l’avait déposé exactement là où elle planquait tous les autres : dans le premier tiroir de sa commode, dans sa trousse violette, à l’abri des larcins. Cela faisait dix sept minutes qu’elle s’escrimait à chercher son flacon de vernis à ongles doré  MAC – dans le fouillis innommable qui dévorait sa chambre, sans grand succès. Eeva pila, poussa un long et profond soupire – par ce biais là, elle exprimait surtout la terrible frustration qui lui faisait clairement la nique et contre laquelle, aucune des techniques de relaxations apprises à côtoyer Nicole ne pouvaient grand-chose. Elle se surprit, trente secondes plus tard, à fixer le vague ; elle avait essuyé là une mini crise , lorsqu’elle reprit ses esprits, elle se tenait debout face à son reflet, sa coiffeuse à son image, bordélique, en cette soirée où tout semblait vouloir apprécier le sens du mot « chaos ». Elle prit une inspiration, suffisante pour lui permettre de pousser une gueulante monumentale, avec des décibels pareils, impossible que ses bons à rien de colocataires poursuivent leur petite routine minable sans orienter toute leur attention sur elle. Elle sortit en trombe de sa chambre et croisa la première tête relativement amicale , passée par l'entrebâillement d’une porte : « Merde, il t’arrive quoi , Eeve ? J’prenais ma douche » - et effet, le sommet de son crâne portait encore les traces de son shampoing bon marché préféré ; elle grimaça et agita les doigts, l’air de suggérer que si sa petite copine actuelle avait encore eu la mauvaise idée d’aller fouiner du côté de son antre, il allait prendre cher. « Nan, me regarde pas comme ça. Sally a retenu la leçon, elle a tellement la trouille maintenant qu’elle n’oserait même pas respirer ton air »  - fit-il, l’abandonnant aussitôt à sa furie. « Betty » - siffla-t-elle aussitôt, enjambant les fils du téléphone vintage que la seule autre nana de la colocation avait eu l’idée d’installer ; pour se donner un genre qu’elle n’atteindrait jamais (Hepburien classique). Betty était en grande conversation, avec ce qu’elle s’évertuait à ne pas qualifier de « mec », car très réfractaire à l’engagement et tout ce que ce mot plutôt abscons pouvait impliquer (se réveiller dans le même lit au petit matin, sortir diner parfois, pouvoir qualifier la relation de « relation de couple », par exemple). « Argf » - la sonnette de la porte d’entrée avait raisonné et Eeva s’était appliquée à l’ignorer, priant intérieurement pour que le quatrième luron décolle ses couilles d’Ektorp et aille ouvrir. Lorsqu’elle retentit une seconde fois, elle se vit contourner le canapé-convertible (et le troisième bon à rien qui composait la joyeuse brochette) pour atteindre la porte qu’elle ouvrit, sans ambages, de manière assez brusque ; non sans afficher un sourire poli, pour faire face à un brun (plutôt pas mal) qu’il lui était déjà arrivé de croiser. Un voisin lambda – tous ceux qu’elle ne connaissait pas se retrouvaient affublés du qualificatif « lambda », elle ne pouvait pas se payer le luxe de fraterniser avec tout le monde. « Des œufs, de la farine , du détergeant ? Une petite culotte ? Ou les quatre ? » - ce n’était pas la première fois qu’un péquenaud débarquait pour « emprunter » un ingrédient ou un produit ménager (ou un truc complètement insolite) pour ne jamais saisir l’intérêt de le rendre. C’était simple : elle faisait ses courses pour l’immeuble tout entier. « Excuse la mauvaise humeur, quelqu’un a eu la merveilleuse idée de me piquer un vernis à plusieurs centaines de dollars » - il avait une tête sympathique, ce qui concourut à tempérer son humeur bileuse.« Entre , en attendant que je mette la main sur ce que tu veux ».

Tu avais sonné à plusieurs portes, soit te disant qu'on avait pas ce que tu voulais, soit en ne te répondant pas du tout. Finalement, une nouvelle personne t'avait ouvert sa porte et tu lui avais fait un grand sourire. Mais avant même que tu ne puisses dire quoique ce soit, elle te proposait plusieurs propositions. Elle devait être prévoyante, à croire que ce n'était pas la première fois qu'elle aidait quelqu'un dans cet immeuble. Alors que toi, tu n'avais jamais eu l'impression qu'on venait sonner chez toi pour te faire ce genre de demande. Ce n'était pas toujours très évident d'avoir ce qu'il faut, en temps et en heure. Elle enchaînait rapidement, prétextant une humeur maussade parce que tu étais arrivé au mauvais moment. C'était le genre de chose qui arrive, tu haussais doucement les épaules, te disant que ce n'était pas pas très grave. Chacun ses problèmes après tout. « Je.. Pas de soucis, je connais ça. Enfin pas pour le vernis, mais ce que ça fait de pas pouvoir mettre la main sur quelque chose qu'on veut. » Souvent, c'était plutôt parce que tu étais un peu du genre bordélique, que tu en mettais partout et que quand il fallait retrouver quelque chose en particulier, c'était un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Parfois ça pouvait prendre 30 secondes et parfois, tu pouvais y passer des heures sans réussir à le trouver. Dans son cas à elle, ça semblait être un emprunt sans consentement et là, c'était plus dérangeant parce qu'elle ne devait pas savoir vers qui se tourner et par où commencer sa recherche. Elle t'invite alors à entrer et tu le fais sans plus attendre. « J'avais besoin d'oeufs et de farine, mais soyez sûre que demain à la première heure, je file en acheter pour vous rendre ce que je vous ai pris ! » Tu estimais que c'était la moindre des choses. Elle n'avait pas a payé pour le gâteau que tu voulais entreprendre ce soir. Peut-être même que tu pourrais aussi lui faire un gâteau en plus pour la remercier. Avec Aino, vous n'aviez pas trop sympathiser avec les voisins, peut-être parce que les maisons étaient assez éloignées les unes des autres. Tandis que là, en moins de vingt minutes, tu avais découvert de nouveaux visages. Et si tu n'allais pas tous les retenir, tu savais à peu près où les trouver.