La tête ailleurs perdue dans son univers, c'est une étrange demoiselle

Lisandro était heureux d'être à cette soirée, certes ça ne sautait pas aux yeux et il en était conscient, mais il essayait de faire le maximum pour cacher son malaise aux yeux de Maddie. Après tout, elle avait fait le déplacement pour lui, il ne pouvait pas lui dire qu'il était tout simplement paniqué à l'idée d'affronter le regard des autres. L'avantage, c'est qu'avec son fauteuil, il pouvait presque se mêler aux autres, comme si son fauteuil n'était qu'une décoration. Hélas, il aurait préféré que ce soit le cas, mais ça ne l'était pas, il allait sans doute terminer ses vieux jours avec lui pour seule compagnie.

Maddie proposa alors d'aller boire un verre, chose à laquelle ne s'opposa pas l'italien, alors elle poussa le fauteuil en direction du bar, où la queue était déjà visible à plusieurs mètres de distance. Ils devaient connaître un certain succès et tant mieux pour eux après tout, c'était aussi le but de cette soirée.

Avant qu'ils n'arrivent jusqu'à l'endroit où la foule se regroupait la foule, la jeune femme posa une question qui décontenança le jeune basané concernant la célébration d'Halloween. Il est vrai que d'ordinaire cette fête nous vient des américains et est donc plus connue dans les pays anglophones comme Bowen. Mais en Italie, c'est une tradition qui est venue un peu plus tardivement, certains ont accrochés, d'autres non. L'ancien sportif n'y avait pas prêté une grande attention pour être honnête.

" - Oui il est vrai d'Halloween vient plutôt des pays anglophones, ce qui explique que ce soit une célébration qui soit assez connu ici à Bowen comme dans tous autres pays sous influence anglaise ou américaine. Mais il est qu'en Italie, ce n'est pas forcément la fête la plus célébrée dans le pays."

En tout cas, il ne se souvenait pas qu'à ce jour là de l'année, des tas d'enfants traînaient dans les rues pour aller chercher des bonbons chez les autres habitants de sa ville. En tout cas, ce n'était pas une tradition aussi réputée que dans les pays anglophones voisins.

Arrivés à proximité de l'endroit, Maddie devait se rendre à l'évidence, autant elle pouvait se faufiler dans la file seule, autant elle ne pourrait pas se trimbaler avec Lisandro beaucoup plus loin. Elle était donc forcée de le laisser un petit peu en retrait si elle voulait pouvoir obtenir la boisson qu'elle désirait.

" - Non pas de soucis, vas-y."

Il comprenait parfaitement que ce n'était pas chose aisée que de se trimbaler avec lui, que ce soit à cette soirée ou bien même dans la vie de tous les jours. Alors il ne pouvait pas lui reprocher quoique. Elle était déjà bien aimable de l'avoir fait sortir de chez lui, même si pour le coup, il aurait préféré y rester pour se sentir en sécurité, à l'abri de tout ces regards qu'il sentait braqués sur lui comme une bête curieuse.

" - S'ils ont, je veux bien un jus d'orange, sinon un simple verre d'eau suffira. Merci." fit-il en adressant un léger sourire à son interlocutrice.

Lisandro n'était pas très joueur de ce côté là, il préférait rester sur une valeur sûre, plutôt que de devoir se lancer dans des découvertes culinaires assez étranges, mais c'était aussi le but que de goûter à des boissons "uniques".

Cela faisait bien des années que personne ne s'était occupé de ses origines. C'est vrai que c'était une grosse partie de lui, si on voulait l'accepter, c'était avec ses origines, dont il était plus que fier. Il adressa alors un fin sourire à Maddy. Finalement discuter d'un sujet où il se sentait à l'aise lui permettait d'oublier le reste, d'oublier qu'il était entouré de personnes inconnues alors qu'il était coincé dans son fauteuil. Mais là, à l'instant précis, il l'avait presque oublié, parce que la jeune femme avait cet effet sur lui. Ce n'était pas plus mal après tout.

" - On a pas mal de célébrations tout au court de l'année, mais la plus connue c'est le Carnaval. Ce n'est pas unique puisqu'il y a pas mal de pays qui en font, mais celui de Venise est de loin le plus réputé. Après nous avons aussi une fête nationale, des petits concours qu'on organise au sein des quartiers avec des chevaux ou des barques, mais c'est plus du traditionnel et local qu'autre chose."

Le jeune homme était heureux de pouvoir se livrer sur les soucenirs de son enfance dans son pays natal. Cela faisait des années maintenant qu'il l'avait quitté et ça lui manquait énormément. Peut-être qu'un jour il devrait y remettre les pieds, histoire de se ressourcer.

Finalement, la jeune femme s'éclipsa pour aller leur chercher des boissons. De longues minutes s'écoula durant lesquelles le jeune basané essuya les regards des personnes à cette soirée. Sans doute en se demandant ce qu'un homme comme lui faisait ici tout seul. Mais il n'était pas seul. Il était tout sauf seul. La jolie brune était là, devant lui et ne devrait plus tarder à revenir vers lui puisqu'il voyait la file diminuer au fur et à mesure.

Il ne put s'empêcher d'afficher un sourire sincère lorsqu'elle revient au près de lui avec les deux boissons. Visiblement ils avaient du jus d'orange puisque c'est ce qu'elle lui avait pris. Il la remercia et s'empara de son verre avant de se rendre compte de la contrainte que cela impliquait.

" - C'est sur que ce n'était pas rapide, mais il faut dire que cette soirée semble ramener pas mal de personnes, donc forcément, l'attente est de mise. Mais l'essentiel c'est que tu es pu avoir ce que tu voulais." fit-il en esquissant un nouveau sourire.

Ces quelques minutes seul lui avaient permis de réfléchir à tout un tas de choses. Il venait de se rendre compte de certaines choses et il devait reprendre sa vie en main et essayer de vivre avec son handicap, puisque de toute façon, il devra probablement le supporter jusqu'à la fin de sa vie.

Maddie lui donna le choix d'avancer seul ou bien de se faire assister comme elle le faisait depuis leur rencontre. On pourrait croire qu'il aurait opté pour la première option, mais finalement non, il la laissa prendre les commandes, il avait confiance en elle, alors il se laissait faire, c'était déjà un pas vers la guérison non

" - Tu as déjà pu goûter ta boisson ? Elle te plait ?" demanda-t-il en se laissant porter par la belle brunette.

Lisandro ne sait plus vraiment comment se sentir. Dans un premier temps, il était tout bonnement terrorisé à l'idée de sortir et de s'exposer au regard des autres, puis, vient ensuite ce moment où il se sentait assez sécurisé grâce à la présence de Maddie, et puis vient cet autre moment où parler de ses origines fit tout simplement briller ses yeux. Il aimait qu'on s'intéresse à lui, ses racines, son pays natal. Il aime donner envie aux gens de venir en Italie, ça valait vraoment le coup, même si son avis n'avait sans doute rien de très objectif.

" - C'est exactement ça !" répondit-il de manière peut-être un peu trop enthousiaste.

Lisandro avait des origines partagées. Il était aux trois quarts italien, et il se considérait pleinement comme tel, mais il était également brésilien, alors forcément, tout ce qui était carnaval il connaissait relativement bien les traditions et autre.

" - Les italiens savent faire la fête comme il faut, pour certains peut-être même un peu trop." confessa-t-il à la jolie brune.

Que ce soit dans ses anciens camarades de football ou bien dans son entourage, l'italien en connaissait pas mal qui aimaient profiter de la moindre petite occasion pour faire la fête. Lui n'avait jamais fait parti de ce genre de personnes, bien au contraire, il n'avait jamais vraiment mis les pieds dans un bar ou même une boîte de nuit. Finalement Woody avait peut-être raison, il était temps que le jeune homme se mette à vivre, à apprendre à cohabiter avec ce tas de ferraille qu'était son fauteuil roulant.

" - C'est sûr, c'est toujours plus pratique de faire quelques kilomètres et d'avoir une fête gratuite hormis les extras, plutôt que de devoir tout organiser et se fatiguer pour au final, quasiment pas profité de ce qui a été fait."

Lisandro pouvait comprendre ces personnes, même s'il n'avait jamais participé aux fêtes organisées par la ville ou autres jusqu'à maintenant. Que ce soit en Italie ou même ici, mais pour des raisons différentes. Après quelques secondes, lorsque Maddie était revenu auprès de lui, un sourire se dessina inconsciemment sur son visage, jusqu'à cet instant où il faisait face à un nouveau dilemme : reprendre le contrôle de son fauteuil ou bien se laisser porter au gré du vent ? Il opta pour cette dernière et ainsi prit la boisson de la jeune femme pour qu'elle ai ses deux mains de libre afin de pousser son fauteuil. L'italien sentit quelques regards sur lui, mais il avait l'impression qu'ils n'avaient pas le même impact que précédemment. Était-ce du à la présence de Maddie ? Il en avait bien l'impression, cette femme avait un certain effet sur lui, mais il se retient bien de lui en faire part.

Ils finirent par s'éloigner de la foule afin de retrouver un semblant d'intimité pour poursuivre leur discussion. Lorsque ce fut le cas, ils trinquèrent et l'ancien sportif avait retrouvé un air plus gay que celui qu'il avait jusqu'alors.

" - Il est très bon je te remercie. Tu veux goûter ?" demanda-t-il en tendant son verre vers elle.

Bon c'est sûr que question originalité on pouvaient faire mieux, mais Lisandro adorait les jus de fruits et principalement le jus d'orange. Puis soudain interrompu par une petite fille qui venait de faire une grande signe de la main à Maddie. Il observa l'enfant puis le visage de la jeune femme qui semblait s'être éclaircie en quelques secondes seulement. En la voyant ainsi il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire.

" - Tu as l'air d'apprécier les enfants, t'as peut-être loupé ta vocation." fit-il en étouffant un petit rire.

Lisandro aussi adorait les enfants, il se souvenait encore de tout ceux qui venaient le voir lors de des entraînements. Cette pensée le rendit triste quelques secondes avant qu'il ne reporte son attention sur Maddie et chasse cet air triste de son visage.

Maddie a tout à fait raison, le fait d'abuser un peu trop des bonnes choses n'est pas réservé qu'aux italiens. Il y a toute sorte de personne qui abusent toujours. On leur donne une certaine marge, mais il faut constamment qu'elles la dépassent. Comme lorsqu'on interdit à un enfant de faire une chose et qu'au fond, il meurt encore plus d'envie de le faire. C'est aussi pour cette raison que le jeune basané n'avait jamais été très porté fête. Il y avait toujours ces personnes qui ne savent pas se mettre des limites et puis, il y a celles qui viennent dans le seul but de tout saccager. Lisandro trouvait cet état d'esprit lamentable.

" - C'est sûr que l'organisation c'est un sacré travail. À la limite pour des fêtes en famille ou autre, c'est moins grave parce qu'on peut toujours pallier à un manquement, mais lorsque c'est la ville qui organise, ils ont une sacré pression sur les épaules pour que tout fonctionne correctement."

Le risque zéro n'existait pas, et ce, peu importe les domaines. C'était valable pour tout. Au bout du compte, le fauteuil du jeune homme se met à avancer peu de temps après qu'il se soit emparé de la boisson de la brunette. Ils s'éloignèrent de toute cette foule qui rendait Lisandro plus nerveux qu'autre chose. Se retrouver un peu à l'écart lui rendit son sourire, aussi léger soit-il, c'en était tout de même un.

Une fois installés, les deux jeunes purent enfin dégustés les boissons qu'ils venaient d'acheter. D'ailleurs en y repensant, c'était Maddie qui avait payé pour lui, il faudra qu'il la rembourse, il a beau être un connard et agir comme tel, s'il y a quelque chose qu'il a dû mal à accepter c'est de laisser les femmes payer. Non pas qu'il soit macho, mais il estime que c'est plus à l'homme d'inviter la femme au restaurant ou autre, que le contraire. Mais il n'est pas totalement fermé à l'idée que ce soit la femme qui prenne ce genre d'initiatives, loin de là.

Après avoir trempé les lèvres dans sa boisson aux couleurs du soleil, il s'empressa de demander si Maddie appréciait la sienne. Loin de lui l'idée de lui dérober pour goûter. Oui il y avait pensé, mais il ne pouvait se permettre de l'admettre, c'était tout simplement déplacé, et il ignorait la manière dont cela serait interprété.

" - Non ça ira merci." fit-il en lui souriant poliment.

Bon au fond, il aurait dû répondre par l'affirmative, mais il n'en avait pas eu le courage. Chaque chose en son temps, déjà que sortir était tout nouveau pour lui, c'était déjà bien qu'il réussisse à se contrôler et ne pas demander à faire demi-tour pour rentrer chez lui. Dans l'immédiat, il en avait presque oublié son fauteuil roulant, par ce que Maddie lui occupait l'esprit et qu'il se sentait quasiment normal face à lui. Son regard n'était pas rempli de pitié, mais simplement de compassion et de compréhension.

" - C'est sûr que ce ne doit pas être facile tous les jours de travailler avec les enfants." avoua-t-il.

Il était admiratif des professeurs qui arrivaient à tenir bon malgré toutes les crasses que pouvait faire les enfants d'aujourd'hui. À son âge, ils étaient déjà stupides et méchants, mais avec les années, ça ne s'est certainement pas arrangés.

" - Oui, tu veux aller quelque part en particulier ?"

Il ne voulait pas que la jeune femme ne se prive de quelque chose parce que lui, ne pourrait pas y aller à cause de son fauteuil. Et au fond de lui, il craignait que ce soit le cas, qu'elle ne profite pas de la soirée comme elle aurait aimé dans un premier temps.

Il est vrai qu'il y a une grande différence entre une simple fête de famille ou même un mariage, et puis une soirée comme celle-ci, où c'est toute une ville qui est concernée par cette organisation. D'autant plus qu'il y a d'autant plus de choses à gérer, avec les lois et tout le reste, alors qu'une fête de famille c'est à la bonne franquette, il n'y a besoin de faire attention à ceci ou à cela, c'est très libre contrairement à ce genre d'événements où les deux jeunes se sont rendus ce soir. L'italien se contente de hocher la tête aux propos de la jeune femme, elle a raison, des personnes sont payées pour organiser des événements de cette ampleur, tout comme des personnes sont payées pour faire en sorte que la sécurité soit également là. Mais il est vrai que ce doit être beaucoup de travail, même si Lisandro n'a pas vraiment de notions dans le monde du travail pour pouvoir comparer avec sa propre expérience, en repensant à ça, il se dit qu'il allait tout de même devoir se pencher sur son avenir, il ne va pas pouvoir passer le restant de ses jours enfermé chez lui sans faire, mais il ignore quoi faire, et surtout, son handicap allait très certainement lui fermer beaucoup de portes. Mais pour l'instant précis, il préférait ne pas s'encombrer l'esprit avec de telles pensées, autant profiter de la présence de Maddie tant qu'elle était encore là, après il sera trop tard.

Lors de leur discussion, le basané voit Maddie adresser un signe de la main à un enfant, elle lui explique aussitôt de qui il s'agit et l'italien ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire avant de se lancer sur sa vocation à devenir professeur. Ce qu'elle nie bien qu'elle aime les enfants. Mais il est vrai que c'est toujours différent entre ses propres enfants et ceux des autres.

" - Après c'est sûr qu'il y a en a qui ne sont pas facile à vivre, mais je crois que c'est valable à peu près à tout âge. Mais il est vrai que les adolescents ont très souvent tendance à se rebeller et les premières personnes en ligne de mire sont les professeurs, il y a ce genre de défis entre eux, comme pour se prouver quelque chose à eux-même. Ils apprennent aussi à se découvrir et pour ça ils ont besoin de limite, et pour les connaître, ils ont besoin de les tester jusqu'à s'y confronter."

Lisandro se souvient de ses années à l'école, bien qu'il n'avait pas fait d'études supérieures comme beaucoup de personnes, il n'avait jamais été un élève brillant mais il n'avait jamais été un cancre non plus. Il se situait plutôt dans la moyenne de la classe sans non plus être un perturbateur, il était plutôt discret et dans son coin, ce qui ne change pas vraiment de maintenant au final.

Au fur et à mesure, le jeune homme, poussé par Maddie, arpentent les allées où se succèdent plusieurs stands. Le premier est un atelier de découpe de citrouilles où se regroupent beaucoup d'enfants qui semblent s'en donner à coeur joie, accompagnés de leurs parents bien évidemment. Ils continuèrent leur avancée et sur leur gauche se trouvait un petit espace regroupant tout un tas de jeux, principalement d'eau où certains enfants jouaient en groupe. Il surprit le regard de la jeune femme et y vit comme une étincelle, était-ce de malice ou bien de défi ? Il ne savait pas trop comment la décrire.

" - C'est dommage, si j'avais pu tenir sur mes jambes, je t'aurai porté pour te placer juste sous la bassine quand elle se retourne. Je suis sûr que tu dois être magnifique quand tu es trempée." fit-il avec un sourire malicieux.

Puis, il entendit immédiatement l'écho que ses paroles pouvaient avoir, il se sentit soudain très mal de peur que ses propos soient mal interprétés.

" - Enfin, c'est pas ce que je voulais dire, je voulais juste que.. Que tu serais sans doute encore plus belle mouillée.. Enfin.. Oublie ce que j'ai dis.."

À quand remontait la dernière fois où le jeune homme s'était senti si désemparé devant une femme ? Il n'en avait aucun souvenir. Maddie avait ce petit quelque chose qu'il ne pouvait définir, et au final, cette soirée même s'il ne voulait pas s'y  rendre, lui faisait le plus grand bien, un véritable bol d'air frais. C'est dans ce genre de moment qu'il est content d'avoir la peau basané, ça évite que l'on remarque lorsqu'il rougit, ce qui est évidemment le cas à cet instant précis.

Lisandro n'avait jamais vraiment eu à faire à des jeunes à problème ou autre, même si parmi ses anciens coéquipiers, certains s'étaient réfugiés dans le sport pour fuir leur situation familiale compliquée. Dont un qui avait annoncé à ses parents qu'il était homosexuel, suite à quoi, il s'était fait exclure de chez lui, et de sa famille entière. Une situation pas facile, mais heureusement pour lui, le sport lui avait pour ainsi dire la vie. Et aujourd'hui, il était plus épanoui qu'il ne l'avait jamais été. En dehors d'être un simple passe-temps ou passion pour certains, le sport est aussi un échappatoire, c'est ce qui permet d'échapper à son quotidien, de penser à soit l'instant de quelques heures et d'oublier tout le reste. Enfin heureusement pour lui, le sport n'était pas tant un échappatoire pour lui, même s'il se sentait plus vivant que jamais lorsqu'il était sur un terrain, ça c'était une certitude. Alors voilà pourquoi maintenant, il se sentait comme nu, comme si on lui avait arraché une partie de son corps, de son coeur.

Après avoir abordé le sujet des enfants, sur lequel ils avaient plus ou moins le même point de vue hormis quelques petites choses différentes, ils reprirent leur exploration du village hanté. Ils regardaient les différents stands qui se trouvaient tant tôt sur leur gauche, tantôt sur leur droite. Chacun d'entre eux attiraient les commentaires de l'un ou l'autre, tout comme cet espace réservé aux jeux d'eau, où Maddie ne désirait pas aller, de peur ou par manque d'envie. Il avait joué là-dessus pendant quelques minutes avant de finalement tenir un discours au cours duquel il s'emmêle dans ses propres paroles, ce qui le fait bredouiller et perdre totalement toute crédibilité auprès de la jeune femme. Depuis quand il se met à être aussi troublé par une personne, c'était bien la première fois, il savait pertinemment d'où ça venait mais il refusait de l'admettre. Oui Maddie lui plaisait, mais combien de chance il avait pour que ceci soit réciproque ? Il avait été lâchement abandonné par sa précédente copine, il refusait de retenter l'expérience quitte à passer à côté de la femme de sa vie. Il était clairement pas prêt à souffrir encore plus qu'il ne souffrait déjà à l'heure actuelle.

" - Je suis persuadé que ce ne sont que des paroles en l'air, tu n'aurais pas tenu plus de quelques jours." fit-il d'un ton léger pour montrer qu'il plaisantait.

Le jeune homme était assez plaisantin, du moins c'était le cas avant son accident, depuis il avait perdu tout ce qu'il avait, même celui qu'il avait été. Le changement de sujet de son interlocutrice était assez compréhensif, Lisandro savait qu'il n'aurait jamais dû aborder ce sujet, ni même dire de telles choses. Ça lui apprendra d'essayer d'agir comme s'il était comme tous les autres.

" - Allons-y." répondit-il avec un sourire forcé.

À quoi il s'attendait ? Il avait été naïf de s'imaginer quoique ce soit, il devait revenir dans la réalité et accepter ce qu'il était. Sur ce, ils reprirent leur exploration jusqu'au moment où ils s'arrêtaient devant un stand pour les plus courageux. Celui-ci consistait à glisser les mains dans des boîtes camouflées par un tissu, et en deviner le contenu.

Maddie semblait motivée pour ce dernier, et elle proposa à l'italien de participer. Avait-elle oublié qu'il aimait le défi ? Ce n'est pas pour rien qu'il avait été footballeur professeur. La compétition, le dépassement constant de soi-même, c'est pour toutes ces raisons qu'il aimait plus que tout ce qu'il faisait, mais aujourd'hui, il devait trouver un autre moyen de se surpasser, et ce stand était une solution comme une autre.

" - Tu es sûre que c'est ce que tu veux ? Quand on y sera, tu ne pourras plus reculer ! Tu es prête à faire preuve de dépassement de toi-même ?" fit-il en rigolant.

Au bout du compte, cette soirée dépasse les espérances du brésilien en bien des points. Déjà parce qu'il était encore incapable de sortir il y a quelques jours, mais ce n'est pas parce qu'il est sorti cette fois-ci qu'il le fera quotidiennement, c'est encore un terrain qui est un peu trop flou pour lui, il a besoin de faire les choses à sa vitesse, de ne pas être brusquer sous peine de reculer tout simplement. Mais avec Maddie tout à l'air plus simple, plus accessible, était-ce parce qu'il la trouvait séduisante ? Il n'est qu'un homme bien évidemment, et selon ses propres goûts, c'est le genre de femme qu'il aurait volontiers approché s'il n'avait pas été en fauteuil, et pas aussi timide. Parce que sous ses airs de dur à cuire, Lisandro avait un coeur, bien qu'il le montrait très peu, sauf peut-être ce soir, lorsqu'il s'était mit à la complimenter. Était-ce déplacé ? Est-ce que ses paroles n'allaient pas être mal interprétées ? Visiblement non puisqu'elle le remercia et changea de sujet. La gêne était perceptible des deux côtés.

Inutile de tergiverser plus longtemps, ses pensées sont top flous pour qu'il puisse espérer en tirer quelque chose à l'instant présent. Toutefois, un sourire se dessine sur son visage lorsqu'elle dit qu'il la surestime. C'est qu'elle a toujours réponse à tout, c'est peut-être ça qu'il apprécie chez elle, ou bien c'est le fait qu'elle lui parle comme s'il n'y avait aucun obstacle entre eux, pas meme ce fichu fauteuil dans lequel il allait sans doute finir ses jours.

Finalement, ils avancent vers le stand contenant des boîtes masquées où le but est d'en déjeuner le contenu. La jolie brunette l'approche des boîtes tandis qu'elle ne semble pas totalement à l'aise. Un sourire en coin, limite moqueur prend place sur son visage alors qu'il imagine déjà la suite. Maddie va l'y pousser mais participera que de loin à l'activité, mais il en est hors de question, c'est soit tous les deux, soit aucun des deux, sinon c'est beaucoup moins marrant comme ça.

" - Pourquoi je me moquerai ? Regarde la femme là-bas, elle est terrorisée mais y'a aucune raison de se moquer, on est tous là pour s'amuser non ?"

Puis la vérité c'est surtout que Lisandro n'avait jamais été le genre d'homme à se moquer des autres peu importe pour quelle raison. À la proposition de Maddie de découvrir ensemble ce qui se trouve dans leur boîte respective, le jeune homme hoche la tête alors qu'elle l'installe à hauteur pour qu'il n'est plus qu'à plonger ses mains dans la boîte se trouvant devant lui. Il patienta jusqu'à ce qu'elle soit également prête, et lorsque ce fut le cas, il plongea son regard dans le sien, essayant de la rassurer autant que possible, car elle ne se sentait guère à l'aise.

" - Respire, tout va bien se passer, il ne peut rien t'arriver de toute manière, s'ils ont mis cette chose dans la boîte c'est que tu ne crains rien." annonça-t-il pour la motiver à faire preuve de dépassement de soi.

De son côté, il avait enfilé les mains dans la boîte recouverte et essayait de savoir ce qui s'y trouvait. Il retournait l'objet sous toutes ses coutures afin de deviner de quoi il pourrait s'agir. Visiblement pas quelque chose de vivant, mais c'était assez froid et visqueux.

Beaucoup de personnes pensent que depuis son accident, Lisandro est devenu un véritable coeur de pierre, c'est faux. Il ne reste qu'un homme, et il lui arrive parfois de se demander ce qu'il serait devenu s'il avait pu continuer sa carrière de footballeur professeur et garder auprès de lui une femme qu'il a aimé. Mais il n'est pas comme ça, il a des sentiments, bien qu'il les expose très rarement, surtout quand il s'agit de la beauté d'une femme. C'est sûr qu'un compliment fait toujours plaisir et que c'est gratuit, alors pourquoi s'en priver quand on le pense vraiment ? En tout cas, c'est ce que pense l'italien qui n'est pas insensible au charme de la brunette, mais ce n'est pas pour autant qu'il s'imagine autre chose, il s'est résolu à finir ses jours seul de toute manière, mais une infime partie de lui, aimerait être aimé à nouveau, comme il l'a été quand il était en couple avant son accident, et depuis, il ne croit plus vraiment en l'amour, bien qu'il aimerait qu'on lui prouve le contraire.

Lorsqu'ils sont devant le stand en question, Maddie lui propose de commencer à condition qu'il ne se moque pas. Il ne s'est jamais moqué de personne et ce n'est pas aujourd'hui, dans sa situation qu'il peut se permettre d'émettre un quelconque jugement sur les personnes qui l'entourent. Il trouve nécessaire de le préciser pour qu'elle ne se méprenne pas sur ses intentions. Bien sûr, il se peut qu'il se mette à rigoler en voyant la tête de la jeune femme quand elle touchera l'objet en question, mais il n'y aura rien de méchant dans cela.

Après avoir mis les choses au clair et qu'elle est placé le fauteuil du basané devant la boîte, ils se regardent mutuellement comme pour se donner le signal de plonger les mains en même temps. Chacun de leur côté examine le contenu de celle-ci, en essayant de le tourner, de pouvoir s'imaginer ce que ça pourrait être, mais Maddie semble plus paniquée que lui, qui reste d'un sang froid assez imperturbable. Il stoppe ses propres recherches pour essayer de la rassurer avec de simples mots. L'effet désire semble avoir été atteint puisqu'elle semble être un peu plus détendue. Il la laisse poursuivre et reprend ses recherches.

" - Je sais pas trop, c'est visqueux, ça n'a pas l'air de bouger, mais j'arrive pas vraiment à définir ce que c'est." fit-il avec un large sourire.

Le jeune homme poursuit sur sa lancée tandis que Maddie semble avoir trouvé ce dont il s'agit, l'italien lui, essaye toujours de trouver le contenu de sa boîte, quand soudain, ses doigts touchent quelque chose qui le font tilter ! C'est une tentacules de pieuvre avec toutes les ventouses derrière ! Oui ça ne peut être que ça !

" - Et moi je vais dire une tentacules de pieuvre."

Et si ce n'est pas ça, tant pis, au moins il se sera bien amusé en compagnie de la jeune femme. Au fond, ça fait des années qu'il n'a pas pu prendre ne serait-ce qu'une soirée pour lui, comme celle qu'il venait de passer. C'était de sa faute en même temps, il s'était renfermé tout seul dans sa demeure, il refusait d'en sortir, ce soir ça valait le coup d'avoir affronté ses peurs et ses craintes pour passer cette soirée avec Maddie.