Première dispute. ( Devan

daemon ∞ devan

La tournée avait été folle, Devan n’en revenait toujours pas. Il n’aurait pas cru qu’on lui donnerait sa chance, autant Aiden que le public. C’avait été une superbe expérience, d’autant qu’il avait pu la partager avec Daemon qui lui, était plus coûtumier du fait. Et maintenant qu’ils étaient de retour, voilà une autre expérience : emménager avec Daemon. C’était tout autant génial, quoique… probablement plus effrayant que n’importe quelle scène, n’importe quel public. Toutes ses affaires, excepté les meubles qui ne lui appartenaient pas, se trouvaient chez Daemon. Toutes… ou presque. Il avait laissé chez lui quelques vêtements, le strict minimum au cas où il aurait besoin d’y retourner par la suite. Effectivement, comme il l’avait annoncé à Naomi, Devan avait l’intention de garder son appartement quelques jours de plus, peut-être quelques semaines, peut-être quelques mois. Une sorte de cran de sécurité, une précaution pour ne pas se retrouver à la rue si les choses se passaient mal. Car il ne voyait pas tout rose, il n’était pas dans le monde des bisounours et il préférait penser que ça se passerait mal pour être ensuite agréablement surpris, que l’inverse. Ca l’aurait probablement rassuré qu’ils cherchent ensemble une maison, qu’ils emménagent sur un terrain neutre qu’ils posséderaient tous les deux de la même façon. Tandis que là, il emménageait dans la villa de Daemon, ce n’était pas chez lui. Pas légalement, de toute façon il n’aurait jamais eu les moyens de se payer ça. Mais clairement il n’aurait pas pu demander à Daemon de quitter sa villa. Il avait travaillé dur pour l’obtenir et ça devait être compliqué de passer d’une aussi grande baraque à une maison toute simple. D’ailleurs, l’inverse serait aussi compliqué selon Devan mais effectivement, au moins il y avait de l’espace pour deux. Et pour… une éventuelle petite famille mais ils avaient le temps pour ça.

Il déballait ses cartons quand Daemon rentra. Devan était loin de se douter de ce qu’avait découvert le pianiste alors il l’accueillit comme d’habitude, avec un baiser. « C’est génial ça. Mais c’est pas du tout une surprise, c’était certain qu’il marcherait. » Eh oui, il vivait avec une star désormais ! Le jazz ça n’était pas son genre de musique préféré mais il adorait écouter les morceaux de Daemon de temps en temps. C’était le seul pianiste qu’il écoutait d’ailleurs. Devan ne put s’empêcher de rire quand il demanda s’il aurait assez de place pour ses affaires. « Hey. Cette baraque fait dix fois mon appartement, alors oui je pense avoir assez de place. Si tu veux m’aider, il me reste mes fringues à ranger et quelques babioles. » Pas tant, car Devan n’avait pas amassé grand-chose au cours de sa vie. « Oh pis mes ustensiles de cuisine. » C’était ça le plus important. D’ailleurs, il n’en avait encore parlé à personne mais avec l’argent de la tournée, il pensait pouvoir se lancer et ouvrir son propre restaurant. S’il était gérant, il pourrait se permettre de s’absenter à condition d’avoir une bonne équipe, au cas où il y aurait d’autres tournées. Il embrassa encore son homme avant de se reculer doucement pour l’observer. Quelque chose clochait. Ca se voyait à sa tête parce que c’était assez rare que quelque chose le dérange, en fait. « Y’a un truc qui va pas ? »

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Oups. Quand Daemon parla de l’agence immobilière, le cuisinier sut qu’il allait passer un sale quart d’heure. Il s’était attendu à avoir cette conversation tôt ou tard mais n’aurait pas cru que ce serait aussi tôt. Devan n’était vraiment pas bon pour avoir des secrets, visiblement. Liam avait su pour son accident alors qu’il avait tenté de lui cacher et Daemon apprenait sans mal qu’il ne comptait pas réellement vendre son appartement. Du moins, gentil et bienveillant comme il était, Daemon essaya de lui trouver des excuses. Il n’était pas vraiment en colère ou en tout cas pas encore. Devan aurait pu profiter de l’occasion, lui dire qu’il avait effectivement oublié ou qu’il avait bel et bien changé d’agence. Mais ça l’avait déjà miné de garder son appartement sans lui dire, il ne comptait pas en plus lui mentir ou bien c’était leur relation qu’il mettait déjà en danger. Il avait reproché à Daemon son manque de transparence dix ans en arrière, Devan ne pouvait juste pas mentir au risque d’être aussi con que son homme à l’époque.

Il n’y avait même aucune animosité dans la voix de Daemon. C’était une crème ce type. Pourtant, sachant la conversation qui allait suivre, Devan préféra se reculer un peu. Prendre quelques distances. Il inspira doucement. « Je vais t’expliquer. » Ca n’annonçait rien de bon. Il attrapa son bras et l’attira loin des cartons pour s’asseoir tous les deux sur le canapé. « C’est pas une erreur Daemon. J’ai… plus ou moins changé d’avis. Pas sur le fait de vivre avec toi ! J’me suis juste dit que je pouvais peut-être garder mon appartement quelques semaines de plus, histoire d’avoir euh… Une solution de secours, au cas où. » Ca ne sonnait pas si méchant dans sa bouche… « M’en veux pas. Ici on est chez toi et j’ai pas l’assurance que ça va marcher nous deux. Tu m’aimes, je t’aime mais on n’a jamais vécu ensemble et c’est précipité. J’veux bien tenter le coup mais j’suis pas assez dingue pour risquer de me retrouver dehors du jour au lendemain. J’ai pas autant de fric que toi, j’pourrais pas me payer l’hôtel indéfiniment si ça arrivait. Je dis pas que ça ne va pas marcher… J’ai juste du mal à m’imaginer comment ça va se passer et peut-être que oui, je redoute le pire. J’ai du mal à être sur un petit nuage comme toi tu l’es et rien que ça, ça me fait peur. »

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Devan avait beau essayer d’y mettre les formes, l’information ne passa pas pour Daemon. Il se vexait et c’était tout à fait légitime car le cuisinier avait pas mal merdé cette fois-ci. Il avait beau avoir pardonné à Daemon, il n’arrivait pas à lui faire totalement confiance. Il n’arrivait pas à totalement lâcher prise pour se donner corps et âme à une relation de couple. Peut-être parce qu’il n’en avait pas connu depuis très longtemps et qu’il ne savait plus vraiment comment ça marchait. Et puis à vingt ans on n’avait pas les mêmes objectifs qu’à trente quand il s’agissait d’une relation à deux. Il avait simplement peur d’aller trop vite. Alors pourquoi avoir accepté, effectivement ? Parce que s’il avait l’impression que Daemon allait trop vite, ce dernier pourrait trouver que Devan allait trop lentement. Il n’avait pas envie de le faire fuir, de le décourager. Il s’était dit qu’en acceptant de vivre ensemble, il se forcerait un peu, casserait sa routine et ce serait le meilleur moyen d’avancer. Mais il n’était pas fou au point de n’avoir aucun plan de secours, voilà tout. Au fond il avait réellement envie d’être avec lui tous les jours, de se réveiller à ses côtés chaque matin mais peut-être qu’à cause de cette simple prétention, Daemon n’en avait pas l’impression.

« Dam, j’suis désolé. Je sais que ça doit te faire mal, tout ça. Comment je me comporte, les mots que j’utilise. » Il soupira puis attrapa doucement la main de son homme dans la sienne. Il savait que son contact apaisait souvent le brun alors il essayait de mettre tous ses atouts en jeu. « J’ai pas eu le cœur de te dire non. Tu t’es donné tellement de mal pour moi… Tu n’as commis aucune erreur depuis le jour où t’es venu me voir à l’hosto. Mais j’sais pas. J’ai l’impression que c’est trop beau, tout ça. Que ça cache un truc. Même avant que t’ailles voir ailleurs, t’étais pas parfait. On se disputait parfois, on n’était pas toujours d’accord. Et là… j’ai juste l’impression que tu joues à un jeu, que t’oses pas être toi-même parce que t’as trop peur que je te quitte. » En comparaison lui il n’avait rien de parfait. Il le faisait trimer, lui mentait, lui cachait des choses… Il se sentait bien minable en comparaison. « J’ai envie de te voir tous les matins… Mais j’ai peur de plein de choses. De l’amour qu’on ressent l’un pour l’autre, peur que tu ne me supportes pas au quotidien, que tu veuilles aller voir ailleurs encore une fois. Je sais, je t’ai pardonné, je te l’ai dit et j’ai pas menti là-dessus. Mais tu m’enlèveras jamais ce goût amer et cette impression que tu peux recommencer à tout moment. Pas parce que t’es un connard ou quoi, mais parce que j’suis pas fait pour toi. » Triste constatation. « T’es romantique, attentionné, tu es prêt à t’engager. Tu décrocherais la lune pour moi. Et j’en suis vraiment flatté. Mais je… j’arrive pas à te redonner tout ça. Ca fait à peine quelques mois qu’on se retrouve et nous voilà déjà à emménager ensemble. Alors oui j’ai eu peur que ça marche pas. Et j’aurais dû t’en parler, mais j’ai pas encore l’habitude. D’un jour à l’autre j’me dis que tu vas te rendre compte que je suis pas assez bien pour toi et j’ai gardé mon appart en prévision de ce moment. J’essaie vraiment d’nous donner une chance. J’essaie… »

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Devan se figea sur place en voyant Daemon remettre ses affaires dans les cartons. Non, il n’avait jamais voulu en arriver là. C’était comme si le pianiste le foutait dehors tellement il était en colère et c’était une image dont il se serait clairement passé. Et puis maintenant, en plus de se sentir mal, il se sentait con. Il se sentait con parce que Daemon venait d’avouer qu’il avait prévu de faire le nécessaire pour que tout se passe bien entre eux. Soit vendre la villa, soit la mettre à leurs deux noms. C’aurait été plus simple de lui poser la question avant de décider de garder son appartement. Ou tout simplement de lui évoquer cette idée, de lui dire qu’il avait besoin de cette « protection » sans attendre que Daemon le découvre par lui-même. Dix ans auparavant Daemon avait tout gâché entre eux. Et maintenant, c’était au tour de Devan. Il se releva d’un bond et s’approcha du pianiste pour lui prendre les mains et l’empêcher de ranger plus d’affaires dans les cartons. Certes, il avait la trouille de vivre avec quelqu’un. Avec lui plus particulièrement. Mais maintenant que Daemon évoquait la possibilité de rester chacun chez soi, il se rendait compte qu’il était plus attaché que prévu à l’idée de se réveiller tous les matins en face de lui. Chez eux. Oui, il avait été con. Et cette scène de ménages ne suffirait sûrement pas à lui retirer ses doutes, ses peurs, mais un jour ou l’autre il fallait les affronter. Avancer d’un pas valait mieux que de constamment reculer de dix. Et puis merde, il en avait envie. Comme il avait eu envie de pardonner à Daemon pendant toutes ces années, comme il avait eu envie de monter un putain de restaurant pour se lancer. Toutes ces choses qu’il s’était empêché de faire, tout ça parce qu’il n’était qu’un lâche.

« Arrête Daemon. S’il te plaît arrête et calme-toi. » Devan partait toujours au quart de tour et pourtant cette fois, il restait calme. Probablement parce qu’il savait qu’il avait tort et que c’était à lui d’arranger la situation. Mon dieu… Si c’était vraiment à lui de faire ça, on pouvait aisément penser qu’ils ne se réconcilieraient jamais ! Devan était trop maladroit dans ce genre de situations, il ne savait pas comment faire. Il embrassa doucement une des mains de Daemon. « J’suis désolé. Ouais, c’est vrai, j’ai l’impression que ça marchera pas. Et ça me tue autant que ça te fait souffrir. Parce que j’ai envie que ça marche. Je t’aime, Dam. Mais j’ai toujours pensé que je n’avais pas l’droit à ça. Que je n’étais pas fait pour ça. J’suis qu’un gros con et je ne mérite pas l’homme que t’es devenu. C’est vrai, toi t’as changé, t’as évolué. Moi je suis toujours le même qu’il y a dix ans. » Il essayait d’être sincère au possible, de lui livrer le fond de sa pensée. Certes, il aurait dû le faire avant. « J’ai envie de vivre avec toi. De te voir tous les matins. De te gueuler dessus parce que t’auras pas vidé le lave-vaisselle. Des trucs à la con tu vois. J’ai envie que ça marche mais j’sais juste que je vais tout faire foirer à un moment ou à un autre. J’ai plus peur de te saouler plutôt que t’ailles voir ailleurs. J’suis… Je sais pas. J’ai du mal à lâcher prise Daemon. J’aimerais, mais j’ai besoin de toi pour m’aider à le faire. »

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Daemon ne serait pas fâché très longtemps, Devan savait comment s’y prendre avec lui. Il suffisait de se rapprocher un peu, d’initier quelques contacts avec lui pour lui faire perdre toute sa colère. Et cette stratégie semblait marcher – à moins que ce soit parce que Devan avait ouvert son cœur ? « Je sais que je dois tirer un trait sur ce qu’il s’est passé. J’essaie vraiment de le faire. Mais je te le dis, j’ai peur de tout faire foirer comme j’ai bien failli le faire en gardant mon appartement sans te le dire. » Devan soupira doucement. Les conséquences auraient pu être dramatiques. Ca n’avait rien de drôle et pourtant il ne put s’empêcher de rire quand Daemon fit mine de s’énerver pour des broutilles. C’était un peu exagéré, ce n’était pas ce que Devan souhaitait, mais ça restait drôle. Et c’était surtout bon signe, ça voulait dire que Daemon était à deux doigts de lui pardonner son erreur. « C’est vrai je t’ai pas fait de bisou ? Tu crois qu’on peut remédier à ça ? » Il passa ses bras autour du cou de Daemon puis l’attira à lui pour l’embrasser avec douceur. Normalement, le baiser, c’était la dernière étape pour que Daemon arrête de faire la gueule ! « Pour ce qui est du bordel, tu vas m’aider à ranger hein ? Ca n’a jamais été mon truc à moi. Je m’étale, je m’étale. Alors tu arrêtes de mettre dans les cartons, et tu fais plutôt l’inverse ? Avec moi ? » Il se détacha de lui et prit des vêtements au hasard dans son carton pour les mettre dans les mains de Daemon. Par le plus grand des hasards se trouvait la chemise offerte par son amoureux il y avait quelques semaines, lors de leur soirée romantique. « Je suis encore une fois désolé Dam. J’aurais dû te demander ton avis. Est-ce que… tu viendrais avec moi demain à l’agence ? Puis on pourrait passer à l’appart pour récupérer les affaires que j’y ai laissées. » Bah oui, c’aurait été sans intérêt de garder son appartement vide.
Bien sûr que cette histoire le faisait réfléchir. Ils devaient apprendre à communiquer ensemble mais ça ne serait pas toujours facile, les deux n’ayant plus été en couple avec quelqu’un depuis dix ans. « T’en dis quoi alors ? Tu me pardonnes ? »

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Devan avait eu peur en voyant son homme remettre ses affaires dans le carton. Et pourtant, Daemon l’aimait tellement qu’il savait absolument comment se faire pardonner ou le calmer. Il ne voyait pas le pianiste lui faire la tête trop longtemps et peut-être que parfois il en profitait un peu. Contrairement à lui qui était du genre rancunier, capable de lui faire la guerre pendant dix ans à cause de quelques coups de reins dans la mauvaise personne… Ils étaient sensiblement différents, tous les deux. Daemon avait un meilleur fond, était capable de faire plus d’efforts que Devan. Et face à lui il se sentait tout simplement minable, absolument pas méritant. C’était aussi pour ça qu’il hésitait tellement. Si son homme avait changé, lui pas du tout. Il était toujours con, jaloux, peu sûr de lui, rancunier… Heureusement, son envie de retomber dans des magouilles semblait s’être dissipée grâce à tout ce qui lui était arrivé récemment. On ne pouvait pas dire qu’il avait eu des mois banals avec la tournée, l’emménagement.
Il était aussi possessif Devan. Bizarrement, il avait eu un peu de mal à le montrer. Peut-être parce qu’il avait peur d’en faire trop, de déraper. Ou peut-être parce que tout simplement, Daemon se comportait tellement bien depuis qu’ils s’étaient remis ensemble qu’il n’avait pas besoin de se montrer possessif.

Un baiser suffisait souvent à apaiser les choses entre eux. Daemon semblait déjà moins énervé après que leurs lèvres se soient retrouvées. « Je vais faire des efforts Dam. Je vais essayer de te parler quand ça ne va pas. Et… On verra, pour la villa. Je m’en voudrais de te faire vendre. Et puis, c’est chouette ici. » Il avait travaillé dur pour pouvoir s’acheter cet endroit. Et puis ce serait le cadre idéal pour fonder une famille plus tard. « Il faut que je me mette en tête que tout se passera bien entre nous. J’ai un peu du mal à réaliser que je ne suis plus tout seul… Les bons réflexes finiront par arriver. » Il allait tout faire pour. Il embrassa à nouveau son homme et l’enlaça même quelques minutes.

Ils passèrent la fin d’après-midi à déballer les cartons et à trouver une petite place à Devan non sans oublier de faire deux trois pauses pour s’embrasser, comme toujours.