natanaël. - manger de la glace à l'eau.

Manger de la glace à l'eau.

La patinoire. Quel endroit maudit. Orson ne savait même pas ce qu'il y faisait. A vrai dire, elle était installée là depuis peu et Orson avait juste voulu se détendre en regardant les gens se ramasser pendant qu'il siroterait un chocolat chaud dans les gradins, en sécurité. C'était sans compter l'obligation de passer par la glace pour y aller. Il chaussa ses patins en affichant un air désespéré et serra les lacets de toute sa petite force de mioche pré-pubère qui n'a jamais évolué. Se lançant comme bambi apprend à marcher, il traversa la petite pièce avec encore un peu de sol normal et s'accrocha à la barrière de sécurité en se maudissant d'être venu. Mais dans son esprit, ça en valait encore la peine. Il prit le temps avant de s'élancer sur la glace sans lâcher la barrière. Il n'arriva même pas tourner pour sortir vers les gradins, il dût faire le tour de la patinoire avant de savoir comment tourner. Mais cette opération délicate échoua lamentablement quand un corps inconnu le frappa de plein fouet, le faisant alors se rétamer sur le cul. « Ouch !! Merde ça fait mal ... » Orson grimaça et releva le regard sur l'inconnu qui l'avait bousculé en constatant qu'il avait également subi les mêmes dégâts. « Ca va ? Pas trop mal ? »

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Manger de la glace à l'eau.

Sur le sol, Orson se demandait bien pourquoi il avait décidé de venir. Si cette activité pouvait être amusante quand on est accompagné de ses amis, tout seul, ce n'était pas le même délire. De plus, personne pour rire de ses chutes, et personne pour le relever non plus. D'ailleurs, il galéra un maximum à se remettre debout sur ses patins, en glissant parfois, tentant de ne pas se ramasser de nouveau. La patinoire était un excellent endroit pour qu'il se retrouve à l'hôpital. De plus, ce gamin était un peu inconscient : il n'avait même pas mis de gants. Il pourrait se faire couper un doigt à tout moment, mais après tout, il n'y avait pas de risque puisqu'il comptait passer son temps dans les gradins à se foutre de la gueule des gens qui comme lui avaient des difficultés à tenir debout. « Ca va, juste ma jambe et mon cul qui ont pris cher mais ça va, je pense. » Finalement debout et agrippé d'une main à la rampe sur le bord, il soupira et passa une main dans ses cheveux en désordre. Il était un peu blasé et dans sa tête, il râla contre les propriétaires de ne pas avoir aménagé d'entrée directe aux gradins, sans passer par la patinoire. Ou alors, peut-être qu'Orson ne l'avait pas vu. Ce serait pas étonnant. Lorsque son interlocuteur lui parla d'un verre, son regard intéressé se releva sur lui. « Je crois qu'avec cet impact on peut se tutoyer, j'suis pas si vieux. Mais je suis d'accord pour le verre. Si tu m'aides à rejoindre la buvette, par contre. » S'il ne l'aidait pas, il avait de fortes chances de devoir l'emmener à l'hôpital de toute façon. Orson n'était pas un radin, il avait assez pour se payer un verre, pour s'en payer plein d'ailleurs. Mais il n'était jamais contre une invitation, car cela signifiait surtout pour lui de faire de nouvelles rencontres et ça lui plaisait.

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Manger de la glace à l'eau.

Heureusement pour lui, il y a eu plus de peur que de mal. En tout cas, il n'avait rien de cassé ce qui était une aubène pour Orson. Il imaginait déjà la réaction de son cousin s'il lui demandait d'aller le chercher à l'hosto à cause d'une mauvaise chute. « Pas grave, j'suis un vrai danger moi aussi. » Et c'était vrai. Si Orson préférait la marche à tout autre moyen de transport, ce n'était pas pour rien. Bon, en voiture, il assurait quand même assez, il conduisait plutôt prudemment et avec agilité ce qui avait tendance à lui faciliter la vie pour les trajets un peu plus longs. « Boh, je crois pas. J'ai dû y aller quand j'étais petit mais ça m'a jamais vraiment attiré ... Tu sais, c'est trop ... Glissant. Pas stable du tout. Mauvaise idée. » Orson secoua lentement la tête d'un air grave en s'accrochant au bras de son interlocuteur qui l'emmena près de leur chaussures. Le garçon soupira longuement et s'installa pour enlever ces chaussures de malheur. « Et moi Orson, enchanté. Ouais, allons-y, ça donne soif ce truc ! » Orson le suivit jusqu'à la buvette après avoir mis ses chaussures à la va-vite et s'installa ensuite sur le tabouret en face de celui de Nate. Quand il lui demanda ce qu'il voulait, le gamin haussa les épaules. « Une bière, s'te plaît. » Eh oui, Orson ne changera jamais. Il ne ratera jamais, sous aucun prétexte, une occasion de boire de l'alcool, qui plus est dans un endroit aussi frais que celui-ci. Il suivit ensuite du regard le bras de Nate et grimaça en voyant quelques autres bras cassés. « Parle pour toi, perso je suis juste nul à chier. » Orson ricana, se foutant ouvertement de sa propre gueule. Il assumait toutes ses qualités autant que ses défauts et surtout, il avait énormément d'auto-dérision. « Bon, et qu'est-ce qui t'amène à la patinoire tout seul ? Normalement c'est censé être un truc qu'on fait entre amis ou en famille. » Histoire de bien rire du plus nul de la bande.

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Manger de la glace à l'eau.

Maintenant qu'il avait quitté ses patins, Orson sentait de nouveau ses pieds. Ces chaussures du diable, il les avait trop serrées. Soulagé d'être enfin sur la terre ferme, il s'installa sur un des tabourets alors que la discussion s'entama d'elle-même. Le garçon secoua la tête, pour une fois qu'il avouait l'une de ses faiblesses. « Ah si, je peux te l'assurer. Pas faute d'avoir essayé, pourtant. » Il haussa les épaules. Ca ne le dérangeait pas, de toute façon. Il n'aimait pas le froid ni tout ce qui y était associé. Lui préférait largement la chaleur du soleil. Se balader en short sur la plage, avec ses lunettes de soleil, comme le ferait un beau garçon finalement. Buvant quelques grosses gorgées de sa bière, il la reposa ensuite en fixant son regard sur son interlocuteur. « T'as eu raison. Si déjà nous on se casse la gueule comme ça ... » Orson grimaça. Ce n'était en rien une remarque misogyne, il pensait juste que cet endroit était trop dangereux pour une femme enceinte. « Moi je suis venu pour me marrer des gens qui se pètent la gueule. Des gens comme moi quoi. » Nul doute que s'il s'était vu tombé, il aurait éclaté de rire. Un sourire étira ses lèvres charnues et ses doigts se mirent à jouer avec son verre. « Peut-être ... Ou peut-être que vous me seriez tous tombés dessus. »

Sa langue venant absorber le liquide restant sur ses lèvres, le jeune auteur fourra ses mains dans ses poches pour tâter son paquet de cigarettes. Et évidemment, l'envie de fumer se montra comme un automatisme. Pour la soulager, il prit un bâton de nicotine qu'il coinça entre ses doigts pour donner l'illusion à son cerveau qu'il était en train de fumer. « Euh .. Ouais d'accord, si tu veux. » L'enthousiasme n'était pas présent mais après tout, il allait bien falloir qu'il apprenne un jour ou l'autre s'il veut pouvoir en faire avec ses amis. Son regard balaya la patinoire tandis qu'il étira ses bras en baillant légèrement. « Ouaip. Étudiant en langues. Et auteur. Enfin, j'ai pas encore terminé mon oeuvre, ceci dit. Et toi ? »

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Manger de la glace à l'eau.

« Mouais ... Je reste persuadé que je serais mauvais, quoi que je fasse. » Il y avait des sports faits pour certains mais pas pour d'autres. Le patinage était un des sports qui n'étaient pas faits pour Orson et il le savait très bien. Il l'assumait d'ailleurs parfaitement. Ce n'était pas qu'il était pessimiste, c'était juste qu'il n'aimait pas ça. La glace, le froid ... C'étaient des choses qu'il n'appréciait pas. « T'as eu raison de pas l'emmener. J'aurais fait pareil à ta place. » Le malheur tombe toujours quand on s'y attend le moins. Alors autant être prévoyant, bien que d'emmener sa copine enceinte à la patinoire soit juste une question de bon sens. « Bah pour l'instant pas tellement. Je venais d'arriver quand on est tombés. Mais t'inquiète, je vais bien me rattraper, je le sens. » Le regard rivé sur les patineurs, Orson était à la recherche de quelques casse-cous. Il ne manquait pas d'y en avoir, il y en avait toujours à la patinoire.

Une gorgée de bière plus tard, Orson leva les yeux au ciel. « Je reste pas sur un échec. Je compte rester sur leurs échecs à eux ! C'est pas si mauvais pour le moral que tu le penses. » Il rit de bon coeur. De toute façon, il n'avait aucune envie de recommencer à patiner. Nate n'aura qu'à voir ce que cela donne quand il s'y remet quand il sortira de là. C'était certain qu'il tomberait encore une fois. Ils se mirent à parlent du bouquin d'Orson et celui-ci eut une étincelle brillante dans les yeux dès lors qu'il commença à le décrire. « C'est un livre fantastique. Du genre, avec des pouvoirs magiques et tout, un gouvernement magique, et ça tourne autour des quatre éléments. Je compte en rajouter d'autres, d'ailleurs ce n'est que le premier tome de la saga. Mais j'écris aussi des petites textes ou des poèmes, ça m'arrive en tout cas. Et toi, tu fais quoi dans la vie ? Tu m'as pas dit. » Son regard se tourna ensuite sur la buvette qui proposait effectivement des choses à manger. Il secoua la tête pensant que c'était une mauvaise idée. « Vas-y, prends toi quelque chose mais je préfère éviter. Si je commence à manger ce genre de conneries, je vais finir par vider toute la buvette. » Et c'était vrai. Orson était un véritable ventre sur pattes. Et il raffolait tout particulièrement de la junk food.

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Manger de la glace à l'eau.

« T'as tout compris. C'est un fait, je suis nul à ça ! J'suis plutôt un artiste, moi. » Le manuel, c'était pas son truc. Et il le prouvait constamment, il n'y avait qu'à voir ses talents en patinage pour le croire ! Nate parla de sa compagne et Orson l'écouta en hochant la tête. « C'est jamais le moment de prendre des risques quand on aime une personne. Enfin, je suppose. » Il disait ça, mais après tout, il n'en savait rien. Il avait d'énormes difficultés à s'attacher et ne parlons même pas du verbe aimer. Il était tout bonnement incapable de ressentir de l'amour pur, tout simplement parce qu'il aimait bien trop sa liberté pour le vouloir. Peut-être qu'un jour, il rencontrera une personne qui le fera se sentir libre et seulement à ce moment-là, il arrivera à aimer. « Je pense aussi, certains ont l'air de patiner aussi bien que moi. » Il rit et but dans sa bière. Visiblement, le patinage n'était pas pour tout le monde.

Orson ne releva pas la suite. Il était convaincu de ses paroles cependant, mais ça ne servait à rien d'essayer d'en convaincre les autres. La conversation dévia sur le livre d'Orson qui aimait beaucoup en parler, mais n'en parlait néanmoins pas tant que ça. Pas qu'il n'aimait pas se vanter, c'est juste qu'il n'y trouvait pas d'intérêt tant que celui-ci n'était pas publié. « Ca marche. Je te ferai signe quand il sera publié. » De toute façon, Orson était sur le point de l'avoir terminé, et c'était plutôt une bonne chose pour lui. Bientôt, il pourrait passer au deuxième tome ... Ou faire une petite pause, car il consacrait la plupart de son temps libre à l'écriture, quand il ne fait pas la fête, bien sûr. Lorsque Nate vint à lui dire qu'il était mécano, Orson leva un sourcil. Il venait de tilter. « Attends, est-ce que t'es Natanaël Devon ? T'as pas un jeune du nom de Maxim dans ton garage ? » Pour un hasard, c'en était un, mais des plus heureux. Un large sourire aux lèvres, il but une nouvelle gorgée avant de hausser les épaules. « Il m'a parlé de toi. Je te dirais bien de lui faire la misère mais je préfère te demander d'y faire gaffe. C'est un p'tit con mais au fond c'est un gros nounours. » Orson tenait beaucoup à ce gamin. Il se mit à penser à leur dernière sortie qui fut haute en couleur et en émotions. Mais la voix de son nouvel ami le fit sortir de ses songes et il rit de plus belle. « Mais justement ! Si je me mets à manger, pas sûr qu'il reste quoi que ce soit pour les autres après. Nan, crois moi, vaut mieux éviter ce carnage, sinon je vais rouler sur la glace pour ressortir. »

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Manger de la glace à l'eau.

Non, en effet. Orson n’était tellement pas doué en patinage qu’il galérait déjà à rejoindre la terre ferme une fois sur la glace. Ce n’était pourtant que l’affaire d’une dizaine de mètres. M’enfin, il comprit bien pourquoi sa copine ne voulait pas venir ici. Ce qu’il comprenait moins, c’était pourquoi lui-même était ici. Car même si se moquer des cascades improbables des gens faisait du bien au moral, il aurait préféré rester chez lui. « Je la comprends parfaitement, tu peux me croire ! » Orson haussa les épaules. Il laissa son regard balayer la patinoire et les gens dessus, s’arrêtant surtout sur les plus maladroits d’entre eux. « Ben non, on est en Australie après tout. Ici c’est plus le surf et ce genre de trucs là. D’ailleurs le papa noël va arriver en jet ski ! » C’était souvent le cas parce qu’il faisait beaucoup trop chaud pour avoir la moindre glace, vu qu’on était en été.

Ils parlèrent ensuite de son livre et Orson secoua la tête. « Non, j’ai préféré me concentrer d’abord sur la fin plutôt que de chercher. J’ai le temps, je ne suis pas pressé. » Et puis Daemon lui serait d’une grande aide. Orson était certain qu’il avait déjà commencé à chercher de son côté, sans même lui dire. Orson reconnu Nate qui s’avère le patron de Maxim. Il hocha la tête et sourit largement au souvenir de ce petit con. « Plus ou moins. Depuis cet été. Mais on a passé pas mal de temps ensemble. C’est un vrai petit con quand il s’y met mais il est intelligent et au fond, c’est un gros nounours qui ne demande qu’un peu d’attention. » Parfois, Orson s’inquiétait pour lui. Il n’aimait pas de le voir tout seul, vivre à ses dépens. Mais il ne pouvait pas non plus juger ses choix ou se mettre en travers d’eux. Il fallait qu’il se fasse son expérience, même s’il était un peu jeune pour ça. « Mouais, j’suis tellement doué que même allongé je pourrais tomber alors je préfère pas essayer. » dit-il avec un rire. Il avait beaucoup d’auto-dérision. Même s’il savait qu’il était réellement nul, que ses paroles n’étaient pas fausses. Sa bière terminée, Nate lui proposa de retourner sur la glace avec un de ces machins qu’on donne aux gosses. Et Orson en grimaça. « Alors là, plutôt crever que de prendre ce truc-là. Je me donne déjà l’air ridicule, j’ai pas besoin de ce truc ! »

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Manger de la glace à l'eau.

L'auto-publication semblait être une option bien trop simple pour Orson. Enfin, ça n'était pas si simple que ça finalement mais il voulait seulement que son bouquin soit assez bien pour qu'une maison d'édition accepte de le publier. Il voulait se prouver des choses en faisant ça, il voulait se prouver qu'il était capable. « T'inquiète pas, j'en ai pas l'air comme ça mais je sais jouer de mes relations. Et mon cousin m'aidera très probablement. Il est connu, tu sais ! » Pas connu comme un écrivain, certes, mais il avait son milieu à lui. La musique, le piano. C'était un artiste accompli qui avait déjà quelques albums à son actif. Les deux cousins étaient passionnés par ce qu'ils faisaient et c'était souvent ça qui permettait de percer, Orson le savait.

Ils parlèrent ensuite de Maxim. Ce petit con qui travaillait chez Nate. C'était comique de retrouver son patron à la patinoire, quand Orson le lui dira, il n'en croira certainement pas ses yeux. Il lui sortirait certainement une phrase du genre « Oh tiens j'ai vu ton patron à la patinoire et je lui ai dit de te faire la misère » juste pour le faire flipper un peu. « Ouais, c'est un bon gars. Ne l'exploite pas trop alors hein ! Il faut qu'il puisse avoir le temps de faire ses devoirs. » dit-il en riant. Maxim était encore jeune, encore au lycée. Et Orson se préoccupait de son avenir sans pour autant le lui dire. Il était comme ça, Orson. Il aimait ses proches mais ne le disait jamais et en prenait soin dans leur dos. Quand Nate lui proposa l'accessoire pour les gosses, Orson se renfrogna. Il était nul mais hors de question pour lui de se ridiculiser, en plus, grand comme il était, ça serait vraiment pas pratique. Il risquerait surtout de se blesser plutôt que ça ne l'aide réellement. Il hocha la tête et attrapa ses patins avant de se lever. « Ouais, si je me casse quoi que ce soit ce sera ta faute et tu devras m'emmener à l'hosto et servir des explications à mon cousin-pitbull. » Il plaisantait mais il savait aussi que Daemon rappliquerait en gueulant s'il lui arrivait quoi que ce soit. Enfin, il enfila ses patins après s'être installé au bord de la patinoire et laissa ses chaussures sur le banc.

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