Home sweet home

Aaaah Noël !! Une période absolument merveilleuse. Plus que trois semaines. Mais on peut déjà voir fleurir certaines décorations de-ci de-là. Alors certes, on est loin d'un Noël norvégien ou canadien. Ici, pas de neige, ce qui est fort dommage. Mais cela n'en reste pas moins magique. J'aime cette ambiance. J'aime notre faux sapin annuel parfaitement décoré. La réunion de toute notre famille pour un repas et un moment magique. Une seule fois nous n'avons pu être tous présents. La faute à Tom. Il n'avait pas pu revenir. Mais cette année il sera là. Pas de la manière dont je l'espérais néanmoins. Il n'aura peut-être pas le coeur à la fête mais je pense qu'il fera un effort en ce jour. Les enfants seront tous là et j'espère qu'ils arriveront à faire sourire tonon Tom. Hihi. Il a pu sortir de l'hôpital ce week-end. Non sans moult  précautions. Ca va lui faire un bien fou de sortir de là. De passer une nuit à la maison. De retrouver une véritable vie. Le parfum de la cuisine quand on fera à manger. Le confort du canapé. On a pas prévu énormément de choses. On doit juste décorer le sapin ! J'avais promis à Juliet qu'on le ferait ensemble mais je vais devoir rompre ma promesse. Vilaine marraine. Hihi. De toute façon elle a le sien à sa maison. Pas encore fait car mon frère et Maya attendent la semaine prochaine. Et je lui dirais de venir pour le mien à l'appartement. Peut-être même qu'on fera ça avec mon coloc Adrian. Inutile de se prendre la tête donc. Qu'est-ce que t'en dis ? On fait ça maintenant ?? Je sens qu'il va pester car il est limité dans ses mouvements mais je sais aussi qu'il va tenter de m'aider. Et puis une ou deux boules de cassé ce n'est pas bien grave. On en a de trop en plus. Certaines retourneront au grenier. Heureusement il y a beaucoup de place autour du sapin. Tom peut en faire le tour sans avoir à faire attention pour sa jambe. Qui dit grande famille dit beaucoup de place pour mettre toouuut les cadeaux ! Hihihi. D'ailleurs pour les cadeaux il va falloir qu'on s'arrange. Tu me dis ce qu'il faut acheter pour tout le monde et je m'en occupe. Il n'y en a pas tant que ça. On a pas mal de cadeau « en commun ». On met tous de l'argent ensemble pour offrir un vrai joli cadeaux plutôt que des babioles. C'est toujours ce qu'on a fait pour papa et maman. Même si ça m'empêche de leur acheter un petit truc personnel. D'ailleurs … Vous m'avez acheté quoooiii ?? Je lui fais un joli petit regard et sourire d'ange. Hihi. Essayant de le prendre par les sentiments. Ce qui ne marchera pas. Dommage. Plus que 21 jours à attendre. Je devrais m'en sortir. Hihi.

La famille c’est quelque chose de sacré chez nous, c’est donc naturellement que les fêtes de fin d’année sont tout autant sacrée. Nous avons nos rituels, nos traditions, mais parfois ce ne fut pas aussi simple que pour tout le monde, en effet soldat, on est jamais sur d’être rentré pour les fêtes, beaucoup le souhaite, mais ce n’est pas toujours possible, je ne suis pas papa, alors je n’étais pas prioritaire, mais j’avais souvent la chance de ne pas être déployé quand venais les fêtes, donc avec une courte permission et en cas de problème la certitude d’être rappeler, je parvenais malgré tout à être avec ma famille. Sauf une fois, et sauf cette année, enfin si je n’aurais pas eu cet incident. En effet j’avais dû passer Noël en Afghanistan, avec ma seconde famille, mais finalement ils se passeront de moi…

J’ai plutôt toujours apprécié les fêtes, chez nous c’est convivial, amusant, y a rarement des prises de tête… Mais bien évidemment cette année je ne suis pas vraiment d’humeur, j’ai peur de plomber l’ambiance, avec mon ouïs en vrac, j" ai peur de ne pas pouvoir m’adapter au bruit ambiant, peur de ne pas pouvoir suivre une conversation correctement… Et avec ma vue guère mieux, je ne pourrais même pas voir mon voisin de table correctement s’il me parle., alors en plus de ne pas l’entendre je ne le verrai pas… C’est cool ! Et puis avec ma jambe, je ne sais même pas comment je vais pouvoir me mettre à table, sans que mon voisin d’en fasse ne risque de frapper dedans. Tout un tas de détailles qui fond que j’ai juste pas envie. Mais ma famille ne l’entends pas de cette oreille et surtout toi.

C’est ainsi que je me retrouve à la maison pour une permission de 24 h, pas plus, car j’ai des soins encore réguliers. Et que tu me bassines les oreilles, enfin mon oreille, pour qu’on fasse le sapin. Je finis par céder, car je sens bien que j’ai de toute façon pas trop le choix, si on ne le fait pas là ce sera plus tard, alors autant que j’en sois débarrassé. Les cadeaux… C’est pas que je n’ai pas envie de faire plaisir à ma famille loin de là, mais il est vrai que dans mon état ce n’est pas facile, et puis faire acheter les cadeaux par quelqu’un d’autre même si c’est toi c’est pas facile surtout si on n’a pas d’idée précise. Et puis et puis avec mes missions je ne connais même pas les gouts des petits derniers.

« Je ne sais pas quoi offrir à qui que ce soit Didi… »

Oui je suis vraiment d’une humeur assez morose depuis quelques semaines… Je hausse les épaules à ta plainte pour savoir ce qu’on a acheté.

« Et moi vous m’offrez une nouvelle jambe… »

Soupirais-je en prenant l’une de ces satanées boules à mettre dans le sapin.

On fait déjà le sapin oui. Personnellement je trouve que c'est le bon moment. Certains disent que c'est trop tôt mais au moins il reste plus d'une semaine. Sinon à quoi bon. Surtout qu'il s'agit pas d'un tout petit sapin de cinquante centimètres. Là non, ça va en jeter. Les enfants vont encore être super content. Et moi aussi ouiiii. Hihi. J'ai même hâte de faire celui de l'appartement. Mais on verra ça plus tard. Je vois bien que ça fait pas hyper plaisir à mon frère. Que je le force un peu. Mais si je le fais pas bah … que fait-on ? On … reste juste là ? Comme ça ? Je n'imagine pas ce qu'il traverse. Moi je veux juste qu'il aille mieux. Je vois bien que son moral est atteint. Je ne fais pas comme si de rien n'était mais … Je ne vais pas non plus lui donner des pseudos-leçons. Je me suis dit que faire le sapin serait un bon petit moment. Histoire qu'il oublie. Même si … même si tout lui rappelle sa jambe, son fauteuil. Son côté gauche duquel il n'entend rien, voit moins bien. Son état qui ne s'améliore pas. Qui ne s'empire pas non plus. Forcément ça me fait énormément de mal. Mais … j'encaisse. Je ne dis rien à personne. Je veux juste que ce noël se passe bien. Et s'il veut que j'aille faire les courses pour lui je le ferai avec plaisir. Surtout que je dois acheter mes cadeaux. Et il y en a un paquet. Mais il n'est pas d'humeur. Il n'a pas envie de réfléchir. Il n'a plus le goût de rien. Mais siii. Jack n'arrête pas de parler de super-héros. Et Juliet de ses poupées. Pour les grands n'achète rien mais pour les enfants fais … Fais un petit effort. Oui, j'ose lui dire. Il suffit de les écouter cinq minutes quand ils viennent à l'hôpital et il saura. Ou bien qu'il me dise que j'achète tout pour lui. Même si je suis d'accord ce n'est pas idéal. Et il n'aimerait pas le faire. Je plaisante en demandant ce qu'ils m'ont acheté mais … ma blague tombe complètement à plat. Pire que ça même. Tom … soupire sa petite phrase qui ne me fait pas du tout plaisir. Tom … Dis-je aussi tout bas. Quand les petits t'offriront tes cadeaux j'espère que tu leur esquisseras un petit sourire. Même si tu ne le « penses » pas. J'ai de plus en plus de mal à encaisser son humeur. Mais comment pourrais-je lui dire ? Comment pourrais-je me montrer … moralisatrice ou que sais-je. Il me fait penser à Lisandro. Est-ce qu'il deviendra comme ça ? A ne plus vouloir sortir. A être désagréable avec tout le monde. Non. Il remarchera un jour. Dans un an, tout sera rentré dans l'ordre. En plus cette année papa se déguise encore. Juliet y croit encore dur comme fer. C'est mignon. Hihi. Cette innocence chez les enfants. J'en suis gagate oui. J'assume. Hihi. D'ailleurs je me demande toujours comment vous avez fait pour garder le secret du père Noël et compagnie pour moi. C'est parfois tellement « facile » de se moquer ou d'être « méchant » en révélant la vérité. Enfin, les grands frères ont toujours été au top avec leur petite sœur. Hihi. Leur petite sœurette adorée. Hihihi. C'est peut-être la dernière année en plus. Moi c'était à 5-6 ans que j'ai compris non ? Perspicace la petite Maddie ! Hihihi. Et pourtant, personne n'appelait le père noël « papa » ou « chéri ». Hihi. Ce qui m'aurait mis la puce à l'oreille !

Ce n’est pas que je n’aime pas passer du temps avec ma petite sœur, loin de là, j’adore ça, enfin je dirais que j’adorais ça. Car depuis l’incident faut être honnête, plus grand-chose ne me fait réellement plaisir. J’ai besoin d’aide pour presque tout et cela me saoule. Je pensais qu’aux files des semaines, je m’y habituerais. Mais non… Je me sens toujours aussi diminué, aussi incapable de rien. Quand je vois que rien que pour aller aux w.c. c’est tout un cirque, la je suis rentrer pour le week-end à la maison, mais je suis en stress, de savoir commet je vais pouvoir me débrouiller…. La maison n’est pas du tout adaptée pour un handicap. Alors oui mon moral est digne du néant, les fêtes me semblent bien moins importantes à cet instant précis. Alors décorer le sapin avec toi me semble tellement futile et je me force pour te faire plaisir. Mais alors quand tu me parles cadeau, c’est un désastre. Tu me parles pour les enfants, sauf que je ne suis pas le tonton le plus présent, j’ai eu plus d’un mois d’absence et depuis mon retour, on ne va pas dire que les hôpitaux sont faits pour les enfants, même s’ils sont venus plus d’une fois, mais j’ai toujours cette sensation d’être plus le même, même avec eux…  

« Prends donc ce que tu penses qui leur feras plaisir. »

Je sais que depuis l’incident je vraiment imbuvable… Je n’arrive pas à rire de chose qu’habituellement je ris. Je n’arrive plus à trouver quelque chose de bien, je reste malheureusement focalisé sur ma jambe… Et cette fois, je comprends réellement que tu ne comprends pas réellement ceux que je vis, que pour toi c’est dur, mais que tu ne te rends apparemment pas bien compte de la vie que je mène à présent ! Je lâche un soupir.

« Je ne suis pas idiot Maddie. Je sais que ce sont des enfants. »

Je t’appelle rarement pas ton prénom complet, mais quand je le fais c’est généralement, car cela me gonfle réellement. Tu essayes malgré tout de continuer comme si de rien n’était, mais en réalité je ne suis plus réellement présent… Je me suis refermé et je tente juste de continuer à décorer ce fichu sapin, l’écoutant que vaguement.

« On fait beaucoup de choses pour préserver les êtres qu’on aime. »

Un petit pique pour lui faire comprendre que même si je vais mal, je ne suis pas idiot et les préserverais toujours au mieux… Même si à cet instant, je suis loin de te protéger.

Je pensais que le retour à la maison, le sapin, serait une bonne occasion pour … Pour sortir mon frère de son quotidien. Lui changer l'idée. Peut-être pas jusqu'à lui rendre le sourire mais … Enfin si. Idiote que je suis, je pensais bien le faire sourire un peu. Le faire rire. Qu'on se raconte nos anecdotes rigolotes quand on était petit. Qu'on … Qu'on passe juste un agréable moment. Qu'on parle de Noël. De cadeaux. Pas … Pas qu'il me dise d'acheter n'importe quoi. Pas qu'il … Pas qu'il s'en foute presque. Il n'a pas le coeur à ça je sais. Il n'a le coeur à rien … Je ne peux pas dire que je le comprends parce que … Parce que ce n'est pas le Tom que je connais. Le Tom que je connais est … Est un super tonton qui leur fait faire l'avion. Mais … Mais oui, mon frère a changé. Peut-être qu'il faut que … Que je commence à l'accepter. D'accord. J'irai faire les boutiques pour acheter un petit truc à tout le monde … Je le ferais avec plaisir ce n'est pas ça. Mais … J'imagine la tête qu'il fera quand on leur dira que c'est tonton qui a commandé ce cadeau au Père Noël. Une tête … Neutre. Absente. Et oui, ça me fait mal. Ca me fait mal quand … Quand il me parle de la sorte. Oui oui … Excuse moi. Je baisse à moitié la tête. Me retourne pour aller chercher quelques boules et les placer sur le sapin. Avant de reprendre. Et de … Parler toute seule c'est ça ? Parce que … mon frère n'a pas l'air très réceptif à ce que je dis. Ses mots à lui m'atteignent … Il parle de son cas n'est-ce pas ? Du fait qu'il … garde certaines choses en lui pour me préserver ? Je n'en sais rien. Peut-être que je me fais des films. Peut-être pas. Oui. Et parfois … Parfois on pense … faire une bonne chose en le faisant alors que non … Et oui … Moi aussi je parle de … De mon frère. De nous. Du fait que j'aimerais qu'il me parle. Vraiment. Et je retourne vers le sapin pour accrocher un petit père Noël. Sans regarder Tom. Je ressens … J'ai comme un gros gros coup de blues . Là. Maintenant. Parfois on préfère garder des choses pour nous alors que … Que c'est bête. Qu'on se fait du mal. Et qu'on fait du mal. J'hausse à moitié les épaules et me déplace derrière le sapin. A l'opposé de mon frère. Pour … cacher un peu plus mon visage. Mes sentiments. Même si … Même si je ne vais craquer. Pas maintenant. Pas comme ça.

Cela fait presque 3 mois que l’accident à eut lieu, 3 mois que je me bats avec moi-même pour ne pas tomber fou… Que j’essaye de me rassurer, me disant que ce temps de covalence, de soin va m’être utile et que je vais pouvoir remarquer. Que toute cette souffrance tant physique que psychologique n’est pas vaine. Mais chaque mois, chaque semaine et maintenant chaque jour me semble être un jour de trop, car je prends de plus en plus conscience que c’est long, trop long, et que le résultat espérer sera pas le résultat obtenu… Et mon humeur est de pire en pire et je peine à protéger ceux que j’aime.

Je te laisse alors me prévenir que tu iras acheter ce qu’il faut pour les cadeaux, comme je te le fais comprendre de le faire. Je comprends bien que plus la conversation et de plus en plus difficile. Que mes paroles te plaisent de moins en moins et que je te blesse. Mais je n’arrive même plus à faire autrement en réalité… À l’hôpital je parviens à vous protéger, car je ne suis pas constamment avec vous, j’ai les professionnels de santé qui recueille tout mon ressentit, et cela me permet de vous protéger, mais ici, je me sens mis à nu. Dans cette maison qui jusqu’à présent m’a vu sur mes deux jambes… Je m’en rends compte que le quotidien sera différent et difficile. Une conversation détourner commence alors, pendant que continue de décorer ce sapin.

« Crois-moi, tu n’as pas envie d’entendre ce que ressens… »

Cette sensation de n’être plus rien, cette pensée que va et viens parfois que je ne peux plus rien attendre de la vie dans cet état… Non je ne peux pas lui dire tout ça.

« Tu sais… Quoi que je dise, cela ne changera rien à la situation… C’est comme ça, je dois faire avec et rien ne peux change ça… Alors cela ne sert à rien que je m’étende sur mes états d’âme. »

Ca me fait mal. De l'entendre dire ça. Oui ça me fait mal. Comme un coup de couteau en plein coeur. Ou plusieurs. Peut-être que … Que je ne veux pas savoir. Je n'ai pas envie d'imaginer toutes les choses qui se passent dans sa tête. Des pensées dont … j'ai déjà été « témoin » par le passé si je puis dire. Mon ex. L'ancien amour de ma vie. Même si … c'était différent. Lui était juste … Je n'en sais rien. Je n'ai jamais su. Comme s'il était déprimé sans raison. Forcément je pense à Ezra. A sa tentative. Mais je refuse de croire que mon frère pense à cela. Il est … Il n'est pas comme d'habitude. Il n'est plus lui-même … D'accord. Je ne sais parfois même plus quoi dire. Pensant que chacun de mes mots le saoule. Qu'il me répond juste par un oui ou non. Parce que je l'ennuie. Mais il a tort. De penser comme il pense en ce moment. Ca ne peut faire que du bien de parler. Ca sert oui ! De poser les bons mots sur les choses. Il … Il retient tout ça depuis tellement de temps. Je reste « cachée » derrière le sapin alors que je lui parle. Comment tu peux le savoir si tu ne le fais pas ? Je suis pas bête Tom. Je sais bien que … Que des mots ne … n'amélioreront pas ta … ta jambe. Mais pour le reste … J'hausse les épaules. Bien qu'il ne me voit pas. Ca lui fera peut-être du bien dans la tête. Qu'il me parle. Ou crie s'il le veut. Je ressens … un nouveau gros coup de blues. Je suis désolée. Vraiment. De parfois faire comme si … Comme si c'était pas grand-chose. Comme si … Comme si rien n'avait changé … Les larmes me montent eux yeux. Moi je veux juste passer du temps avec mon frère.. Ma voix déraille sur les derniers mots. Je suis incapable de garder mes émotions. Comme il le fait lui. Je me frotte rapidement un œil du bout des doigts pour ne pas … Pour ne pas craquer. Et sécher ce début de larme.

Je ne sais pas si c’est le temps, ou bien encore est-ce que c’est juste la période de fin d’année, cette sensation que tous sont heureux que les fêtes de fin d’année… Et que moi je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à me réjouir de tout ça. Et je crois que cela me mine le moral, mais totalement et que… Bah je n’arrive pas à être celui que je suis, je n’arrive pas à être le battant que j’ai toujours été. Pourquoi je l’ignore, ce n’est pas dans mes habitudes d’être si défaitiste, mais je crois que je suis dans un trop plein, je suis dans un moment ou tout me semble trop long … Cela fait trois mois que je vis dans une incertitude totale de mon futur et je crois que c’est de trop. J’essaye alors de te faire comprendre à ma façon que je ne sais pas moi-même ce que j’attends à présent de la vie… 



« Et pour l’instant, rien ne compte plus que ma jambe, je m’en fou du reste. »

Ah quoi bon avoir tout un tas de choses, si je ne peux plus marcher, si dois trainer une jambe morte tout le long de ma vie, qu’est que je peux espérer pour le futur ?! Mais je crois que malgré la douleur que je te fais endurer, cela est bénéfique d’une certaine manière, pas que cela me plaise, mais parfois il faut ce qu’il faut…

« J’aimerais juste qu’on accepte le fait que c’est plus pareil… Pourquoi vouloir faire comme si de rien n’était alors que je suis même plus capable d’aller pisser tout seul ! Comment tu veux que je sois le même !? Comment veux tu j’ai envie de faire la fête… Je sais déjà que le repas sera un supplice, car je ne pourrais pas suivre les conversations de chacun, je risque même d’avoir la migraine, comment veut que je sois content de voir les personnes ouvrir leur cadeau alors que je ne vois pas correctement… Je serais obligé de reste le cul dans mon fauteuil et de demande de l’aide pour si ou ça… »

Oui la vie ne sera plus pareille…

« Vous voulez tous que je réagisse comme avant, vous voulez tous que j’aille mieux, c’est bien hein… Mais c’est trop tôt, j’ai besoin de temps. »

Plus les secondes s'écoulent et plus … je n'en sais rien. Plus j'ai le cœur lourd. Plus je me sens idiote. De cette idée de sapin, de tout, de rien. Idiote et … peinée donc. Me cachant derrière le sapin. Comme si de rien n'était. Bien que mon frère doit parfaitement comprendre ce qu'il se passe. Il se fout de tout hormis de sa jambe. Et ça … Ca ça fait mal à entendre. Peut-être qu'il dit cela mais qu'il ne le pense pas. On ne peut pas dire que je le comprends non. Je sais … Je manque de mots. Comme souvent j'ai envie de dire. J'essaye de lui parler. De le faire parler. Je peux encaisser ses mots. Oui, je le peux. Et puis … Et puis je me laisse un peu trop aller. Lui disant que … Que oui, moi je veux simplement mon frère. Ma gorge se noue. Mes yeux sont humides. Il prend la parole. Vide son sac. Et si je ne le vois pas, je l'écoute plus qu'attentivement. Chacun de ses mots. Et bizarrement je … Je n'en pleure pas. Il décrit là une vision pas très chouette de la soirée à venir. Mais une vision réaliste. Je sors enfin de ma cachette pour le regarder.. Comme presque soulagée qu'on … Qu'on se parle enfin. Sans s'épargner. Tu vois ? Ce … Ce n'est pas si difficile de me dire ce que tu as sur le coeur. Et … je peux l'encaisser. Ca me fait mal oui. Mais je ne suis pas que la petite sœur qui rigole tout le temps ou qui est parfois trop sensible. Qu'il faut protéger. Si seulement il savait certaines choses que j'ai pu traverser … J'admets volontiers que … je suis parfois un peu sotte. Que mon rire peut casser les pieds. Mais je sais aussi être sérieuse. Tu sais, je ne crois pas que personne ne te forcera à rester tout le long du repas. Si tu as envie d'aller te coucher plus tôt ou simplement de t'isoler, on comprendra. Alors oui, peut-être que je te retiendrai un tout petit peu. Mais pas plus que ça. Je me sens comme soulagée. Vraiment. Peut-être qu'on avait besoin de ça tous les deux. Parce qu'on est proche. On l'a toujours été. Sauf peut-être ces dernières semaines. Et je … Et je n'aime pas ça. On est pas comme ça normalement. Je sais. On te laissera le temps qu'il faut. Mais on restera quand même chiant. Un peu. Parce qu'on est comme ça. Et que tu serais comme ça aussi. Tom Ryan.

Je n’aurais pas dû accepter cette permission, je suis idiot… Je n’ai pas assez le moral, pas assez l’habitude pour accepter cette réalité. Je n’étais pas prêt à me rendre compte que cette vie n’est pas adaptée à mon nouveau moi… Malgré les encouragements de tous, je n’aurais pas dû céder, et cela même si c’est les fêtes de fin d’année, car cela me mine plus le moral qu’autre chose… Mais voilà comme d’habitude je vais me plier aux exigences de tous, je serais assis à cette putain de table pour Noël. Tu me tannes pour que je te dises ce que j’ai le cœur, je ne veux pas, mais je finis par un peu céder, même si tout ne sort pas, mais une partie tout de même, ce qui est le plus urgent à mon gout pour le moment. Je ne sais pas ce qui se passe dans ta tête, mais, te petit réflexe sur le faites que dire ce que je pense n’était pas bien compliqué, me plait pas vraiment.

« Je n’ai jamais dit que tu n’es que la petite sœur fragile, et il n’y a pas que toi que je protège… Je cherche à protéger tout le monde, tu sais. »

Toi plus que nos frères bien évidemment, mais je cherche a protéger papa et maman aussi. Car il se retrouver avec un fils en situation de handicap présent… Je n’aime pas ce mot, mais c’est la vérité… Tu essaies alors de ma rassurée sur le repas, mais encore une fois tu t’arrêtes sur simplement mes mots et pas ce que tout ça cache. Oui bien sûr il y a tout ça… Mais je n’ai juste pas l’envie de vivre les fêtes ainsi, j’ai tellement pas envie que dans quelques années on ressort les photos de famille et qu’on me revoit ainsi, de me revoir ainsi… Mais tant pis.

« Et même pour quitter la table je vais avoir besoin d’aide… Me couche demande trois plombe… Et puis tu crois que je vais ressentir quoi en sachant que je saurais coucher dans la pièce d’accoté pendant que vous saurez en train de vous réjouir de si ou ça… »

Non, bien que non, je ne vous interdis pas d’être heureux, bien au contraire, mais c’est ce sentiment, cette lourdeur sur mon cœur qui me rend en colère, de plus être capable de sourire pour le moment… Je mets un dernier truc dans le sapin.

« On a terminé… J’aimerais aller me reposer, rien que le trajet fut éprouvant… »

Je me sens si faible à présent, c’est frustrant.  

PS:

Il ne me le dit pas non. Et je suis certaine qu'il ne le pense pas non plus. Que je suis une petite sœur fragile qu'il faut protéger de tout. A qu'il ne faut pas dire certaines choses. Peut-être qu'il était comme ça plus jeune, sûrement même, mais depuis … j'ai eu le temps de grandir. Et de traverser des épreuves à mon tour. Deux épreuves. Ou trois. Ca dépend un peu comment on considère la chose. Plus cette dernière à présent. Voir Tom dans cet état c'est … Oui, ça me fait. Pire encore que son état physique, c'est surtout son état mental. Alors il nous protège … Ou il se protège ? Je n'en sais rien. Je le sais bien. Je ne sais pas pourquoi j'ai dis ça. Et je sais aussi que tu es comme ça avec tout le monde. Alors qu'avec Kris ou Matt il pourrait sans doute un peu plus se lâcher. Les fêtes ne seront pas joyeuses pour lui. Je m'en doute bien. J'espère juste qu'il … qu'il préfèrera être avec nous plutôt qu'à l'hôpital. Oui, ça va regorger d'amour. Et de joie. On ne peut pas interdire aux enfants d'être contents de leurs cadeaux. Oui, Tom risque de nous quitter plus tôt. Surtout qu'il ne pourra pas s'éclipser sans que personne ne le remarque. A moins de prétexte un besoin urgent mais … Mais comme il a encore du mal à s'en sortir tout seul. Ce n'est pas que le fauteuil, c'est surtout ce truc autour de sa jambe. Et sa dernière phrase sonnerait presque comme un reproche. Crois-moi on ne va pas se réjouir que tu sois couché dans la pièce d'à côté. Tout comme on ne se réjouissait pas de ne pas t'avoir la fois passée. Même si … Même si là encore, ce n'était pas grave. Et puis une fois que … Une fois que tu seras débarrassé de ça, tu recouvreras un peu de liberté. Ca lui fera le plus bien grand. Même s'il y aura beaucoup de rééducation. Le sapin est bien garni. Et il … veut aller se reposer. Au moins, il aura attendu que tout soit décoré. D'accord. Viens, je vais t'aider. Et ne me dis pas que ça va aller ! Non, il a besoin de mon aide. Alors qu'il ne me dit pas de « dégagez ». Ou je ne sais plus quel autre mot avait employé Lisandro ce jour là. Car dès la fois passée à Halloween, il n'avait plus été si ronchon. Et on avait passé une bonne soirée. Tu ne veux pas boire quelque chose avant ? Je m'occuperais de ranger les caisses après. Sans trop faire de bruit. Et ensuite … Je n'en sais rien. Mais je ne quitte pas la maison.

Spoiler:

Je n’aime pas du tout la conversation que nous avons, non pas parce que j’ai l’impression de lui faire du mal, même si cela ne me plaît pas trop, mais je sais aussi que généralement la vérité fait mal de toute façon… Mais c’est bien parce que je suis obligé de verbaliser ce qui ne va pas et verbaliser ça fait mal, car pour moi ça veut dire prendre clairement conscience de mon état et me le rappeler constamment. Je suis malgré tout un peu soulagé que tu comprennes que ce n’est pas juste que toi, que je réagis ainsi avec tout le monde. Je sais aussi que tu tentes de faire au mieux, mais que c’est compliquer, je sais, je le comprends aussi, mais c’est frustrant et je n’arrive pas à gérer moi-même les choses alors faire en sorte de comprendre la douleur des autres, sans façon. Je te regarde, je sais que tu feras toujours au mieux, même si c’est peine perdue. Je comprends alors rapidement que mes mots ont été assez maladroits, je sais que c’est normal que les enfants soient ravies, que vous puissiez rigoler, ce n’est pas le problème en soi. C’est moi le problème, c’est moi qui ne parviens plus à tout ça. Quand tu m’annonces qu’une fois je serais débarrassé de ma jolie armure cela ira mieux, j’ai envie d’y croire aussi, même si j’en suis plus si sur, j’ai l’impression que je suis qu’au début des problèmes, après je serais plâtrer, surement réopérer et après toute la rééducation qui m’attend…

« Je crois que j’en suis loin de la liberté… »

Mes paroles sont dites sur un ton plutôt résignées en réalité. On termine le sapin, mais je suis vraiment fatigué tant par le trajet que par cette discussion. Je la laisse alors me mener à la chambre au rez-de-chaussée, car les portes sont limite assez large alors je ne peux pas trop passé aisément. Je suis obligé d’avoir de l’aide pour me coucher de toute façon alors je te laisse faire. C’est compliqué et je n’aime pas ça ! Je me cale alors.

« Non, je prendrais un bon café après la sieste. »

Je le pense aussi, qu'il n'est pas tout proche de remarcher correctement. Qu'il va y avoir de nombreux jours de rééducation. De là à dire que cela est « loin », tout est relatif. Et puis … nous ne savons pas encore vraiment ce qu'il en est non plus. Ses progrès seront peut-être fulgurants. Ou moins fulgurants … Mon frère est un battant alors je ne me fais pas de soucis à ce niveau. Là il se laisse un peu aller. Mais c'est parce qu'il ne peut rien faire. Une fois les multiples opérations effectuées, une fois arrivé le jour-J, il sera le premier en salle de rééducation. Ca ira déjà mieux quand tu pourras bouger … Avec un plâtre et des béquilles, il n'aura plus à rester à l'hôpital. Alors le temps passeras beaucoup plus vite. Parce que l'hôpital je comprends que … Que c'est pénible. Et que les secondes s'écoulent lentement. Qu'on ai qu'une envie, sortir. Mais là il est fatigué. Ou alors … ou alors il fuit un peu cette discussion. Je n'en sais rien. Ce ne serait pas non plus si étonnant. Je pousse le fauteuil jusqu'à sa chambre. La chambre un peu improvisée. Et l'aide à se mettre dans le lit. Une petit boisson mon frère ? Non, rien. D'accord. Il sera temps de le préparer après coup, quand il sera réveillé. N'hésite pas à m'appeler. Je reste pas loin. Ce n'est comme s'il avait le choix non plus. Je le regarde avec un petit sourire. Un peu teinté de mélancolie. Ca aurait pu être pire. C'est ce que je n'arrête pas de me dire. A toute. Et je quitte la pièce. Le laissant se reposer. Ou simplement rester seul. Une oreille à l'écoute, s'il a besoin de moi.