L'inconnu à la porte [Feat. Devan Matthews]

Malgré sa carrière de footballeur qui désormais était derrière lui, Lisandro n'a jamais eu confiance en lui. Certes sur le terrain c'était un autre homme, il savait ce qu'il devait faire, il endossait le rôle de capitaine pour ses coéquipiers, mais au fond, lorsqu'il sortait du terrain, son masque retombait aussi tôt. Toute la confiance qu'il avait en lui, disparaît et il redevenait cet homme peu sûr de lui et de ses choix. Cet homme qui parfois, se dénigrait parce qu'il avait été habitué à ce genre de critiques. Alors forcément que le regard des autres sur lui était important. Pas important dans le sens, où avec sa célébrité il en avait besoin, il avait toujours tout fait pour rester en retrait des projecteurs. Désormais qu'il est handicapé, le regard sur sa personne est différent. Il voit de la pitié de le regard de ceux qu'ils croisent, parfois même ils se moquent de lui. Il se souvenait encore de sa première rencontre avec Wyatt qui l'avait surnommé la roulette. Tout ça faisait qu'aujourd'hui, il n'était pas prêt à affronter le regard des autres. Pas seul en tout cas.

" - Les clichés y'en aura qu'on soit footballeur, gay, médecin ou bien musicien.. C'est la société actuelle qui veut ça. On vit dans un monde stéréotypé, il faut que tout le monde rentre dans des cases."

Il n'avait jamais véritablement compris ce principe de cases où tout le monde doit être rangé. Il savait que Daemon était homosexuel, et alors ? Tant qu'il est heureux avec la personne qu'il avait choisi, en quoi ça devait poser problème ? L'italien s'en fichait pas mal de savoir s'il était homosexuel ou autre, c'était sa vie et il restait son ami peu importe ce qu'il était.

" - Peut-être oui que ça a joué, mais tu ne peux pas nier que si j'avais été valide, même en étant l'ami de ton copain, tu ne te serais sans doute pas retenu. Je le sais, et moi-même j'aurai sans doute réagi de la même manière. On ne peut pas le nier, dès qu'on voit quelqu'un diminué, on agit en conséquences. Dans d'autres circonstances, tu n'aurais certainement pas agit pareil."

Il ne lui en voulait pas, il décelait ce même sentiment dans les yeux de beaucoup. Bien qu'il y voyait peu de pitié, il en avait tout de même aperçu à un moment. Mais pouvait-il réellement changé le regard des gens sur lui ? Non c'était impossible, il allait devoir composer avec.

" - Daemon a déjà essayé une fois de me faire sortir, résultat des courses, j'en étais malade. Il faut que j'accepte le regard des autres, tant que ce ne sera pas le cas, il est inutile de forcer.."

Il commençait tout juste à accepter son handicap, chaque chose en son temps. Il allait falloir être patient, bien qu'il ne l'était pas du tout, mais s'il voulait avancer il allait pourtant lui falloir du temps. Reste à savoir si Daemon serait aussi patient que lui pour le faire sortir de cette prison dans laquelle il s'était enfermé depuis tout ce temps.

" - Je suis désolé qu'on en soit arrivé là, je voulais pas ça. Mais.. Je ne contrôle pas toujours tout, j'essaye d'accepter ce truc métallique, mais c'est pas facile tous les jours.. Daemon à toujours été là et je le sais, mais c'est débile parce que si j'ai agis comme ça, c'est tout simplement que j'avais peur qu'il m'abandonne comme tous les autres l'ont fait.."

Est-ce qu'il lui en tiendrait rigueur ? Non sans doute pas, peut-être que s'il le revoyait une ou deux fois au départ, il éprouva un certain sentiment de colère et de frustration, mais au fond, il n'était pas mauvais, tout comme lui ne l'était pas non plus, il fallait juste creuser plus loin que les apparences.

Devan avait beau dire ce qu'il voulait, même si peut-être que oui, s'il s'était retenu c'était pour toutes les raisons qu'il venait d'évoquer, mais il ne pouvait pas totalement exclure que le fait que Lisandro soit handicapé et coincé dans un fauteuil, ne fasse pas parti de ce qui l'a retenu. Et puis de toute manière, il est inutile de tergiverser sur le sujet plus longtemps, on ne saura jamais vraiment ce qui se passe dans la tête des autres.

Cependant le discours de Devan était plutôt clair, il y vit même une menace même si elle n'avait pas été dite de cette manière. En quelque sorte, il venait de faire comprendre à l'italien que s'il s'en prenait encore à son petit ami en le faisant souffrir, alors peut-être que cette fois-ci, il ne se montrait pas aussi "tendre" et qu'il n'hésiterait pas à lui incruster dans le cerveau pour qu'il comprenne. À moins, que ce soit la manière dont lui l'interprétait qui était fausse ? Peut-être aussi, il n'en savait trop rien. À dire vrai, ses pensées n'étaient pas spécialement claires à cet instant précis, alors peut-être qu'il se trompait sur toute la ligne.

Un sourire se dessina sur les lèvres de Lisandro aux paroles de Devan. Le même caractère de merde. Au fond, il n'était pas comme ça, mais c'était un peu comme un animal, lorsqu'il se sent menacé, il sortait les griffes, mais il n'avait jamais eu de mauvaises intentions avec qui que ce soit, et encore moins à l'égard de Daemon.

" - Au fond, je ne suis pas comme ça.. Je sais que ça peut paraître difficile à croire avec ce que je viens de montrer, mais.. Avant j'étais différent. Quand tout a basculé j'ai changé, comme pour me protéger, comme pour éviter de souffrir encore plus que ce n'était le cas, et je suis devenu comme ça.. Tu pourras demander à ton copain, je n'ai jamais eu de mauvaises intentions.."

Lisandro venait de livrer son plus grand secret à quelqu'un qu'il ne connaissait quasiment pas. Bien sûr c'était le copain de Daemon, donc il ne pouvait pas être mauvais, mais il venait de lui donner l'occasion de saisir la brèche qu'il avait ouvert pour s'y engouffrer et détruire l'italien une bonne fois pour toute. Voilà pourquoi il ne s'ouvrait jamais, il avait cette peur que chaque détail qu'il relève donne l'opportunité de le détruire.

La situation était des plus étranges, jamais l'ancien sportif aurait misé sur cette fin là. Il y a encore quelques instants, ils étaient limite prêt à se taper dessus, et maintenant Devan voulait devenir ami avec lui. Bien sûr que ça pouvait être une opportunité pour lui, de se faire de nouveaux amis, de sortir un peu, mais il ne cessait d'avoir peur. Cette peur qui lui tordait le ventre et l'empêchait de faire les choses simples de la vie. Il s'était terré chez lui, dans l'espoir que tout cela ne cesse, mais ça ne faisait qu'augmenter cette dernière. Lisandro était pris au piège, mais au fond, il n'était pas un mauvais garçon, et c'est la raison pour laquelle il accepta d'une part les excuses de Devan mais aussi d'oublier ce qui venait de se passer, même s'il ne l'oublierait sans doute jamais complètement.

" - Sans rancune." fit-il en serrant la main tendue de Devan.

Maintenant que la paix était instaurée entre les deux hommes, l'handicapé se décida à être plus serviable et plus aimable, comme l'ancien Lisandro, celui d'avant l'accident.

" - Tu veux un truc avant de partir ? À boire ? À manger ?" demanda-t-il avec un léger sourire.

Jusqu'à il y a encore quelques heures, Lisandro n'aurait pas pensé être dérangé durant son après-midi, il avait tendance à passer tout son temps chez lui, et ce n'était pas plus mal. Au moins, il était à l'abri, oui mais de qui ? De lui-même ou bien des autres ? Ça c'est une question à laquelle il n'avait aucune réponse. Peut-être qu'au fond tout cela n'était que pour se protéger de lui-même. C'est vrai qu'il était parfois dangereux, des pensées suicidaires bien sûr qu'il en avait eu puisqu'il avait tenté de mettre fin à ses jours, mais personne n'en a jamais rien su, même pas Daemon. L'italien avait fait en sorte que son séjour à l'hôpital ne se résume qu'à son "simple" accident et les médecins avaient joué le jeu en ne révélant pas ce détail. Est-ce que ça aurait changé quelque chose dans leur amitié ? Est-ce que Daemon aurait été auprès de lui jour et nuit s'il l'avait appris ? Il n'en savait rien et ne le saurait jamais, mais il est vrai que durant les mois qui ont suivi, il avait souvent eu cette idée de mettre un terme à son existence, et ça, son ami le savait.

Durant cette conversation un peu houleuse avec Devan, Lisandro s'était confié à lui, comme si un lien les unissait, alors qu'il n'y avait rien, sauf peut-être le fait qu'ils côtoient tous les deux Daemon. Mais cela ne donnait pas le droit à son copain d'intervenir comme ça, chez les gens pour leur remonter les bretelles, mais maintenant, il comprenait pourquoi il avait agit de la sorte. À sa place, l'ancien Lisandro aurait sans doute fait la même chose pour un ami, qui plus est, un petit copain. Était-il conscient que tout cela aurait-il finir en drame ? Sans doute, mais c'était un risque qu'il avait été prêt à prendre pour défendre Daemon, tout comme l'aurait fait Lisandro à une époque.

Histoire de détendre l'atmosphère, l'ancien sportif avait demandé à son invité s'il désirait boire ou manger quelque chose, dans l'ordre logique des choses, ça aurait dû se faire lors de son arrivée, mais à cet instant là, il n'avait qu'une idée, le foutre à la porte et ne plus s'en préoccuper. Finalement tout cela n'a pas eu que du mauvais.. Il fallait quelqu'un pour lui remettre les idées en place, et quelqu'un d'extérieur avait beaucoup plus d'impact qu'une personne proche.

Une fois que Devan lui eut demandé un verre d'eau, il se déplaca sans trop de mal jusqu'à la cuisine, pris un verre et le remplit d'eau du robinet. Le plus compliqué était de revenir sans en mettre partout, il mit donc plus de temps, mais au bout du compte, il réussit tout de même le périple qui le séparait du salon. Certains meubles avaient déjà changé de place grâce à l'aide de son ami pianiste, mais cela faisait déjà plusieurs jours que Lsiandro se demandait s'il pourrait rester ici. Il y avait trop de souvenirs qui le saisissait dès lors qu'il rentrait dans une pièce, s'il voulait essayer de repartir à zéro, alors cette maison, il devait la vendre.

" - Ce n'est pas de la pitié je le sais, son regard n'a jamais changé sur moi, simplement quand tout le monde te traite comme si tu étais incapable de faire le moindre geste, tu finis par penser que tout ceux qui te regardent ne te considèrent qu'avec pitié.."

Tendant le verre à Devan, il se réinstalla près du canapé et continua sa tirade, sans même savoir ce qui l'obligeait à se confier à lui, alors qu'il y a encore quelques instants, il s'apprêtait à lui mettre son poing dans la figure.

" - Après mon accident, j'ai tout perdu. Mes amis, enfin ceux que je pensais l'être, ma raison de vivre qui était le football, mais surtout, ma petite amie. J'ai passé un an dans le coma où chaque jour je me battais pour revoir la lumière du jour. Un an s'est écoulé quand j'ai ouvert les yeux et que les médecins m'ont dit que je serai paralysé à vie alors je.. J'ai essaye de mettre fin à mes jours, personne n'en a jamais rien su et encore moins Daemon. J'ai été rejeté toute ma vie, alors avec la situation dans laquelle je me retrouvais, je pensais que Daemon allait m'abandonner comme tous les autres. J'avais cette impression constante que quoique je fasse, je ne méritais pas d'être heureux, d'avoir des perspnnes qui veillaient sur moi, alors j'ai commencé à tous leur mener la vie dure, parce qu'au fond, il n'y a que tout seul que j'ai appris à vivre.. Et j'ai agis pareil avec Daemon malgré tout ce qu'il a fait pour moi. Je sais bien que le simple fait de m'excuser n'effacera pas tout ce que je lui ai fais endurer, s'il n'avait pas été là j'aurai sans aucun doute essayer de me suicider une seconde fois, en prenant soin de ne pas me rater.."

Lisandro pensait qu'il avait tout perdu, mais la seule chose qu'il le maintenait encore en vie, c'était Daemon, et si ce dernier l'avait abandonné, alors il n'aurait plus hésité à en finir avec sa vie.

Au fond de lui, même en y réfléchissant, Lisandro ignore pourquoi il a confié un tel secret à Devan. Cet homme ne connaît rien de sa situation, il n'a pas été à ses côtés comme l'avait été Daemon, et pourtant, c'est à lui qu'il avoue une telle chose. Il n'en est pas fier non, mais c'est une des épreuves qu'il a dû surmonter seul.

Finalement, s'il a caché tout ça à Daemon ce n'est pas par manque de confiance, c'est sans doute, parce que déjà à l'époque, malgré son comportement qui portait à croire le contraire, Lisandro avait cherché à le protéger. Lui annoncer qu'il avait tenté de mettre fin à ses jours n'aurait fait que le faire souffrir encore un peu plus, et il avait déjà eu sa dose de souffrance depuis que l'ancien sportif avait été victime de cet accident.

Le jeune homme haussa les épaules aux propos de Devan. Lisandro devait-il l'avouer à son ami ? Il craignait qu'il ne lui en veuille de lui avoir caché ça. Bien évidemment, il ne lui dira pas de la sorte, mais il sait que tout cela ne risque pas d'arranger les choses, alors dans l'immédiat, il le gardera pour lui, comme il le fait depuis ces longs mois. Est-ce qu'il avait eu de nouvelles pensées sombres depuis ? Oui, mais il n'en avait jamais averti personne, il s'était dit que ce n'était que l'histoire de quelques temps, et même s'il avait grandement envie de passer à l'acte, il n'en a jamais eu le courage.

Tandis qu'il avait le regard un peu perdu, Devan finit son verre d'une traite et se leva. Il s'excusa de son mauvais jugement, mais qui aurait pu lui en vouloir ? Depuis qu'il était dans son fauteuil, Lisandro avait tout fait pour montrer qu'il était le connard par excellence, alors forcément, on en pouvait que difficilement imaginer ce qu'il cachait derrière son masque. Mais maintenant que c'était chose faite, peut-être que les trois hommes pourraient faire quelques soirées ou sorties ensemble. Enfin, pas dans l'immédiat, parce que l'italien n'était pas encore prêt à affronter le regard des gens, mais il avançait petit à petit, il fallait juste un peu de patience.

" - Ce sera avec plaisir dans ces cas-là. Et.. Merci Devan.."

Il pouvait désormais montrer son vrai visage, celui qu'il cache sous son masque pour ne pas montrer ses faiblesses. Il sait désormais que Devan ne le jugera plus s'il lui demandait de l'aide, et même si c'était encore compliqué pour lui de le faire, parce qu'il s'était toujours débrouillé seul, il savait qu'il pouvait compter sur un nouvel allié à ses côtés, et ça lui faisait du bien au fond. Ils se serrèrent la main, puis il le raccompagna jusqu'à la porte. Un fin sourire aux lèvres, il le regarda s'éloigner puis referma la porte de sa maison pour se retrouver seul avec lui-même, en proie à des réflexions qu'il n'avait jamais eu auparavant.

FIN    .