behind the stars -r.

Soirée de la Saint-Valentin oblige, tu avais trouvé une baby-sitter pour la soirée puisque les parents de Nelligan avaient aussi des projets pour la soirée et que tu ne voulais pas leur imposer votre fille. L'année dernière c'était une Lara Croft qu'il avait eu l'occasion de voir. Le soir où Lexi avait dû être conçue. En y repensant, tu chérissais vraiment cette soirée et l'éclat de folie qu'il y avait eu en toi pour te donner à fond, pour faire plaisir à ton époux. C'était dire à quel point tu l'aimais. Mais cette année, tu avais choisi de faire plus romantique. Ça allait sûrement être un gros événement publique, mais vous trouveriez bien un endroit au calme, où vous pourriez tout autant admirer le spectacle. Tu avais l'impression de n'être qu'une maman ces derniers temps. Quand tu sortais c'était pour être une femme. Mais tu oubliais aussi ton troisième rôle, celui d'épouse. Même si vous viviez le parfait conte de fées, tu avais l'impression que vous profitiez moins d'être que tous les deux. L'occasion ce soir de rectifier le tir. « J'ai l'impression que ça fait un bail qu'on s'est pas retrouvés juste tous les deux ! » Tu installais la nappe de pique-nique au sol. Tu venais t'asseoir à côté de lui le temps de sortir tout ce qu'il y avait dans le panier. Cette année, tu avais cuisiné et pour une fois, ce n'était pas cramé. C'était parfaitement cuit et ça semblait succulent. On remerciera surtout Jake qui t'a vraiment aidé à concocter tout ça pendant les leçons de cuisine. D'autant plus que le salé ce n'était pas son domaine. « J'avoue que là je n'ai pas trop d'idées si je devais faire un vœux ! » Parce que ceux que tu avais souhaité jusque là s'étaient tous réalisés. Et tu étais la plus comblée du monde. Tu avais un mari que tu aimais comme jamais, d'un amour réciproque. Vous étiez prêt à tout pour l'autre. Et aujourd'hui, tu avais une famille avec cet homme là. Une petite fille Lexi qui avait repris du poil de la bête malgré son accouchement un peu précipité. Elle grandissait un peu plus chaque jour qui passait mais tu ne te lassais pas. Pour la première fois de ta vie, tu étais prête à abandonner ta librairie pour pouvoir t'occuper d'elle. Tu voulais être présente pour chacune de ses étapes, comme ta mère l'avait été pour toi. Si tu voulais lui faire honneur, tu te devais d'être une aussi bonne mère qu'elle.

Deuxième Saint-Valentin officielle, et pourtant on aurait dit que leur vie à deux était lancée depuis tellement longtemps. Ils étaient mariés, ils avaient une petite fille, ils vivaient dans une maison … un vieux couple, jusque dans leurs habitudes. Mais ce soir, ils n’allaient pas rester confinés entre les murs de leur maison non, cette routine-là ils avaient grand besoin de s’en défaire, Lily-Anaëlle et Nelligan. Ils ne feraient pas de folie pour autant, ils n’allaient pas faire dans la grande originalité : ils allaient au contraire suivre le mouvement de la plupart des couples de la ville et se rendre à la falaise pour admirer les étoiles filantes. C’était une activité des plus romantiques, et Nelligan se fichait bien de ne pas avoir d’idée qui surpassait celle-là. Ils étaient tous les deux assez excités à l’idée d’avoir une soirée à deux sous le ciel étoilé. Lexi restait avec une babysitter trouvée par miracle par cette soirée où les gens étaient soit en couple, soit entre amis pour fêter leur célibat. Ils avaient trouvé cette adolescente qui avait bien voulu garder leur bébé, et même si Nelligan savait fort bien qu’ils téléphoneraient sans doute à chaque heure pour s’assurer que tout allait bien, il était quand même ravi d’avoir cette pause. Le temps de quelques heures. Le temps de retrouver son épouse. Un enfant changeait énormément la dynamique d’un couple, et Lily-Anaëlle le fit elle aussi remarquer, à voix haute. Il l’aida à étendre la nappe de pique-nique correctement. « J’ai l’impression d’avoir seize ans à nouveau et d’m’être enfui de chez mes parents pour aller te retrouver en douce. » Il rigola tout légèrement. Ça ne le rajeunissait pas, tout ça, d’être un mari, un papa, un futur diplômé – enfin ! Mais ce genre de soirée lui redonnait cet éclat de vie, de folie. Et pourtant, il ne s’agissait bel et bien que d’un pique-nique. Une fois tous les deux assis au sol, sur la nappe, Lily commença à sortir de son panier tous les plats qu’elle avait préparés, et Nelligan sortit la bouteille de jus de pomme pétillant. Avec l’allaitement, ils n’avaient pas retrouvé leur consommation d’alcool habituelle. De toute façon, ils se devaient d’économiser, alors s’ils pouvaient épargner un peu en mettant de côté les bouteilles de vin, c’était tout aussi bien. Avant de commencer à manger, ils contemplèrent tout de même le ciel un moment, et la remarque de son épouse le fit sourire. Il savait fort bien ce qu’elle voulait dire par là, et lui aussi était l’homme le plus comblé de ce monde. « On peut souhaiter que rien ne change … » Il esquissa un sourire, avant de porter une main à sa bouche. « Est-ce que, en disant ça, j’viens de foutre notre vie en l’air ? » Ne jamais dire à voix haute ses vœux, tout ça …

Cette escapade amoureuse avait tout l'air d'un échappatoire pour vous deux. Un moyen de pouvoir se retrouver seul en tête à tête. Vous n'aviez pas souvent l'occasion de le faire depuis que Lexi était arrivée dans vos vies. Certes, vous étiez heureux et la vie était belle pour vous, mais il ne fallait pas nous plus vous oublier. Nelligan sortait parfois avec Aaron tandis que toi, tu fréquentais Isaiah. Chacun s'amusant de son côté. Mais il était temps ce soir, que vous vous amusiez ensemble. « C'était la bonne époque, on avait pas toutes nos responsabilités d'aujourd'hui ! » Pas que tu n'aimais pas les avoir mais parfois tu aimerais pouvoir revivre tes seize ans, ne pas avoir à gérer ta vie de maman, ta vie de libraire. Tu aimerais juste pouvoir vivre ta vie de femme amoureuse et ne te soucier de rien d'autre. Bon, des années en arrière, ça aurait été catastrophique, comme à chaque fois que tu avais un rendez-vous. Aujourd'hui, le fait d'être mariée à Nelligan te permettait de savoir ce qu'il aimait vraiment et comment le surprendre. Tu sortais la bouteille de vin pour qu'il l'ouvre ainsi que les amuse-bouches que tu avais préparé. Le repas serait un vrai succès ce soir ! « Non, je peux le souhaiter pour nous, je l'ai pas dit moi ! » Tu rigolais à sa remarque. De toute façon, tu savais bien que les vœux ça n'existait pas, sinon tu aurais été entendu il y a des années de ça, lorsque tu souhaitais la guérison de ta mère. Au lieu de ça, elle t'avait été enlevé. Aujourd'hui, tout allait bien dans ta vie mais tu savais que tout pouvait basculer. Tu préférais cependant ne pas tomber dans ses idées sombres parce que c'était se faire du soucis pour rien. « Est-ce que tu crois qu'on en est là dans nos vies, comme on aurait voulu l'être y a dix ans de ça ? » Tu ne savais pas si c'était vraiment clair mais tu avais cette pensée qui te trottait dans la tête. Comment tu voyais ta vie dix ans en arrière et est-ce que tu as tout ce que tu avais toujours voulu ? Cette interrogation venait de te traverser l'esprit et tu ne savais pas trop quelle serait ta réponse.

Il était vrai que s’ils ne s’oubliaient pas en tant qu’individus, chacun vaquant à ses occupations et à ses activités de leur côté, ils ne se retrouvaient que rarement comme ça, juste eux deux. Pourtant, Nelligan prenait effectivement le temps d’aller voir Aaron, de jouer à ses jeux de temps à autre, et Lily-Anaëlle faisait de même avec ses propres centres d’intérêts et ses amis. Mais quand ils rentraient le soir dans ces moments qu’ils passaient autrefois à rattraper ce temps passé loin l’un de l’autre, c’était maintenant Lexi qui accaparait toute leur attention. Il ne s’en plaignait pas, Nelligan, il était comblé avec cette belle vie de famille. Sauf qu’ils avaient peut-être un peu négligé l’amour pourtant toujours présent entre eux. Il était grand temps de redonner un peu d’oxygène à la flamme. « C’est clair … Mais on n’avait pas la même maturité, non plus, et regarde où ça nous a menés ! » Enfin, ça, c’était pour avant. Heureusement, les erreurs du passé étaient réparées à présent. « Bon, en bout de ligne, on s’en est plutôt bien sortis. » Il tendit sa main vers la sienne avec un sourire, pour la serrer un moment, avant de s’en détacher pour terminer de préparer leur petit nid d’amour – un parmi tant d’autres sur la falaise. Quand Lily-Anaëlle parla des vœux, Nelligan sembla avoir trouvé la parfaite chose à souhaiter et pourtant, le fait de l’avoir dit à voix haute venait un peu de gâcher leurs chances que ça se réalise, si on se fiait aux dires des gens superstitieux. « Bien ! Avec un peu de chance, ça annulera ma gaffe ! » Lança Nelligan en rigolant à son tour. À la question de son épouse, Nelligan plongea en elle un regard brillant, replongé dix ans en arrière, et il n’y avait aucun doute dans sa réponse quand il déclara : « Dans mon cas, je suis exactement là où je voulais être. » Avec elle. Ça avait toujours été elle, pour Nelligan. Lily-Anaëlle était sa finalité. Il avait passé sa vie à vouloir la retrouver, et maintenant que c’était enfin fait, il ne voulait plus rien changer sauf si c’était pour avancer à ses côtés. « Y’a dix ans, j’avais vingt-et-un ans, j’vivais au sous-sol chez mes parents, et j’passais mes journées à ne pas trop penser au futur, justement parce que j’en avais peur. J’en avais peur parce que, y’a dix ans, je venais à peine de te perdre que déjà je voulais te ravoir dans ma vie. Alors si mon moi d’il y a dix ans me voyait en ce moment … » Il prit une pause, une émotion dans la voix. Il se faisait plus en plus sensible avec l’âge, le Nelligan ! « … Il affronterait la vie avec bien moins de timidité et de retenue. Parce qu’il saurait que la plus belle fin l’attend. » Et ce n’était même pas la fin, ce n’était que le début, mais déjà Nelligan savait qu’il n’avait plus besoin d’avoir peur.

Pour la maturité, ça il avait bien raison, ça ne volait pas très haut. Mais c'est toujours difficile pour des enfants de se comporter comme des adultes quand on ignore ce que ça veut dire, d'être adulte. Il fallait prendre le temps de faire des erreurs, de vivre différentes expériences pour se découvrir et connaître ce qu'on voulait vraiment. Tu l'avais voulu lui, et aujourd'hui, tu ne regrettais toujours pas ce choix. S'il y avait bien une chose que tu avais comprise, c'est que tu ne pourrais jamais être heureuse sans Nelligan. Et sans Lexi, maintenant qu'elle était aussi dans vos vies. « Oui, je dois avouer qu'on a plutôt bien tourné. » Tu affichais un grand sourire sur le visage. Tu lui avais proposé de faire son souhait à sa place, comme ça, ça marcherait peut-être. Même si tu restais un peu sceptique. « Mais tu sais, je ne suis pas sûre que les vœux ne se réalisent vraiment. » Tu haussais doucement les épaules. Maintenant que tu le disais à voix haute, ça donnerait l'impression que tu n'y croyais pas vraiment. Et si on n'y croit pas vraiment, est-ce que ça pourrait fonctionner ? Sûrement pas. Tu aurais dû garder tes doutes pour toi. Tu avais ensuite posé la question qui te trottait dans la tête depuis quelques temps. La réponse de Nelligan était vraiment touchante. « C'est vraiment beau ! » Tu t'étais approchée de lui pour l'embrasser, serrant sa main dans la tienne. Pour ce qu'il avait dit, tu étais parfaitement d'accord avec lui. Mais il te restait quand même un point à clarifier concernant ta vie à toi. « Moi je ne sais pas si je suis là où je voudrais l'être mais plus professionnellement parlant. » Tu ne savais pas vraiment comment expliquer ta pensée. Tu restais silencieuse un petit moment, le temps de mettre en place tes idées dans ta tête. Tu voulais que ta pensée soit la plus précise possible. « J'aime ma librairie, c'est le métier que j'ai toujours voulu faire depuis que je suis toute petite mais maintenant qu'il y a Lexi, je ne sais pas si j'ai envie d'y passer 35H par semaine et ne pas profiter de ce temps auprès de notre fille.. » Ce n'était pas une décision facile, pas une décision évidente. Ce n'était peut-être pas non plus une bonne idée que de rester enfermée à la maison avec votre enfant et ne faire rien d'autre que t'occuper d'elle. Tu allais sûrement finir par te refermer sur toi-même et t'isoler de tout. 

Il avait mis du temps, Nelligan, aussi, à atterrir sur terre. À prendre ses responsabilités en main. À ne plus agir comme le gamin qu’il n’était plus depuis bien longtemps déjà. Peut-être que ses parents y étaient pour quelque chose là-dedans, un peu. Évidemment, il était le principal fautif, mais il faut dire qu’en le laissant vivre dans le sous-sol alors même qu’il n’allait plus à l’école, qu’il était testeur de jeux vidéo et ne faisait à peu près rien d’autre de ses journées, ils l’avaient comme conforté dans cette vie sans tracas. Puis un jour, Nelligan avait dû se réveiller un peu et grandir. C’était probablement sa rupture avec Tara qui l’avait le plus projeté vers l’avant. Il avait énormément changé depuis, et il n’aurait sans doute jamais pensé ainsi aujourd’hui, mais ce qui leur était arrivé avait finalement été bon pour lui. Il aurait quand même souhaité qu’elle ne soit jamais blessée, et souvent encore aujourd’hui il pensait à elle. À ce qu’elle était devenue. Ça n’était jamais avec regret toutefois, non, parce que maintenant il avait enfin Lily-Anaëlle, et puis Lexi, et il n’avait besoin de rien d’autre pour le combler. « Tout va bien ? T’es tombée sur la tête, ou … ? » Demanda Nelligan en posant sa main sur le front de son épouse quand elle releva qu’elle n’était pas certaine que les vœux se réalisent vraiment. Il fronça légèrement les sourcils malgré la blague. « T’es toujours la première à croire en la magie. » Mais Lily-Anaëlle aussi avait changée, avec les années, quoiqu’on en dise. Peut-être que sa douce naïveté et son émerveillement envers tout se transformait, peu à peu. La jeune femme lui demanda alors s’il se trouvait là où il aurait voulu être il y a dix ans de cela, et sa réponse sembla plaire à son épouse, qui vint l’embrasser et se lover dans ses bras. Nelligan sourit. Le but n’était pas de l’impressionner, seulement de dire la vérité, mais c’était certainement un bonus. Lily-Anaëlle se montra elle aussi bien honnête, mais sa réponse n’était pas tout aussi positive que celle de son mari. « Qu’est-ce que tu veux dire ? » Elle ne regrettait rien en ce qui concernait leur vie à deux, mais pour sa vie professionnelle, c’était autre chose. Et ça prenait de court Nelligan. « Tu voudrais quand même pas tout arrêter ? Y’aurait pas moyen que quelqu’un d’autre tienne les rennes et que tu continues à y être à temps partiel ? » Demanda Nelligan. Les livres, les mots, la librairie, son rêve, c’était une partie de Lily-Anaëlle, et il avait évidemment peur qu’elle se perde si elle s’en séparait. Et, surtout, lui qui commençait à peine à réellement travailler, avaient-ils les moyens de se permettre de n’avoir qu’un seul parent au travail ?

Il était le premier surpris par tes mots. Tu les avais dit avec une telle aisance pourtant. Il s'était approché de toi, posant sa main sur ton front pour vérifier si tu n'avais pas de la température, il devait te prendre pour une folle. Le voir agir ainsi te fit rire aux éclats, tu ne t'y attendais vraiment pas. Même s'il n'en restait pas moins abasourdi. « Il faut croire que prendre de l'âge ça n'aide pas ! » Tu le disais avec sourire et légèreté mais dans le fond tu pensais que ça ne devait pas être loin de la vérité. Tu avais l'impression qu'être maman, qu'approcher de la trentaine te faisait ouvrir les yeux sur le monde, aussi hideux qu'il pouvait être parfois. Comme si ton merveilleux conte de fées se fissurait au fur et à mesure. Tu étais heureuse mais tu prenais conscience que tout n'était plus aussi beau qu'au tout début. La routine et Lexi y était sûrement pour quelque chose. « Je ne sais pas Nelligan, je me dis que c'est maintenant qu'il faut passer du temps avec Lexi, pendant qu'elle est petite, pendant qu'elle n'a pas ses journées occupées par l'école, par les loisirs et tout ce qu'elle pourrait éventuellement faire. » Tu haussais simplement les épaules, ne sachant pas quoi dire de plus pour justifier ton idée. Mettre des mots dessus, le dire à voix haute, ça te semblait être un délire. Comme une crise de la cinquantaine alors que tu étais encore bien loin de les atteindre. Peut-être un petit coup de mou, un genre de baby blues en retard. Tu ne savais pas vraiment ce qui pouvait motiver cette envie qui malgré toi s'installait de plus en plus. « Mais je pense qu'on ne pourrait pas gérer financièrement, ça serait de la folie ! » Et c'était le genre de folie que vous ne pouviez pas vous permettre. Même si la maison t'appartenait, à côté il y avait toutes les factures et elle ne pouvait pas se payer toutes seules. Et puis il fallait aussi mettre de l'argent de côté pour Lexi, commencer à lui offrir la chance d'avoir l'avenir qu'elle désire. 

Normalement, Nelligan était celui qui trouvait toujours le truc derrière le tour de magie, il était celui qui critiquait la fantaisie quand elle aurait dû le faire rêver, il était celui qui ne croyait pas en les superstitions. Et elle était celle qui lui ouvrait les yeux sur ce monde magique qu’on ne voit pas vraiment, si on ne s’y attarde pas, si on n’y croit pas. Mais ce soir, alors que toute la beauté du ciel s’opérait au-dessus de leurs yeux, Lily-Anaëlle semblait baisser les bras face à ces idéaux. Évidemment, quand Nelligan blagua quant à sa condition actuelle, il n’arriva pas à cacher une réelle inquiétude derrière. Ça ne lui ressemblait pas, à son épouse, et si un jour cet éclat de lumière dans son regard en venait à s’éteindre, il se perdrait. Ça avait toujours été ce qui lui rallumait la sienne ; de croiser le sourire de Lily, de lire l’espoir et la vie dans son regard. « Qu’est-ce que ce sera quand tu auras soixante ans … tu seras la vieille chipie qui déteste tout ? » Demanda Nelligan, mi-amusé, mi-inquiet. Il la regarda alors avec un regard un peu plus soucieux. Ils avaient beau se cacher derrière la légèreté, il n’en restait pas moins que quelque chose clochait. « Qu’est-ce qui se passe vraiment ? » Avait-il alors demandé, parce que l’âge n’y était sans doute pas pour tout, non. Lily-Anaëlle avait toujours eu ce brin de folie, de naïveté, d’épanouissement face à tout. Ça ne pouvait pas avoir changé du jour au lendemain, pour une année de plus au compteur. Elle lui avait alors parlé de son désir de, peut-être, passer moins de temps à la librairie pour en passer davantage avec Lexi. Et de ce qu’il comprenait de ses explications supplémentaires, elle songeait à complètement arrêter. « Je suis d’accord que ce sont des années … des années avec elle qu’on ne pourra jamais ravoir, qui sont importantes, et qu’elle a besoin de nous. Je suis d’accord avec toi. Mais … » Il cherchait ses mots, Nelligan. Comment dire à son épouse qu’elle ne pouvait pas être mère à la maison comme elle le désirait, parce qu’il n’avait pas le salaire nécessaire et suffisant pour payer les factures ? Lily-Anaëlle lui allégea la tâche, complétant elle-même sa pensée. Financièrement, ce serait de la folie. « Lily, j’aimerais … j’aimerais tellement pouvoir te donner ce que tu veux. J’aimerais tellement qu’on puisse fonctionner comme ça. Je ne sais … je ne sais juste pas si … pour le moment, tu sais, je viens tout juste de commencer à travailler, un vrai boulot, alors … » Il secoua doucement la tête, cherchant à cent miles à l’heure une solution. Ils pourraient toujours faire des emprunts bancaires, avoir une marge de crédit un peu plus remplie … mais s’endetter, était-ce vraiment une solution raisonnable ?  

Tu voyais bien dans le regard de ton mari qu'il était inquiet pour toi. Qui ne le serait pas après tout ? Le jeune fille rêveuse et têtue qui veut son happy end et qui fini par oublier la magie de ce monde. Toute la beauté qui se trouvait juste au dessus de vous. Tu ne saurais dire combien de fois tu avais prié pour qu'une telle chose se produise et maintenant que c'était le cas, tu te sentais à peine emballée. Alors que c'était toi qui avait proposé de faire un vœu. « Et pourquoi pas hein ? Je serais pas une adorable chipie ? Et tu m'aimerais tout pareil non ? » demandais-tu en rigolo. Peut-être que c'était tout simplement un coup de mou. Un moral un peu miné à cause de l'idée qui ne cessait de revenir. Une idée que tu venais d'exposer à ton époux. Une idée qui l'avait un peu pris de court. Tu savais bien qu'il ne réagirait pas de façon enthousiaste et emballé à une telle idée. Ce serait une ruine financière et c'était inconcevable avec ce que vous vouliez léguer à Lexi. « Je ne sais pas Nelligan, j'ai juste cette idée dans la tête qui me trotte et qui revient sans cesse. Un peu comme une obsession et on sait qu'elles ne sont pas toutes bonnes. » Tu pensais surtout à ton envie de chips pendant ta grossesse. Peu importe le moment de la journée, tu avais toujours un paquet sous le coude au cas où. Tu avais pris du poids après la grossesse à cause de cette obsession. Elle avait tenu bon pendant presque deux mois. Celle là, ça faisait déjà plusieurs semaines. « J'en suis consciente, je crois que j'avais juste besoin de te l'exposer, pour que tu m'aides à remettre les choses dans l'ordre ! » Tu avais besoin qu'il te dise non, besoin qu'il te mette une limite. Tu te sentirais peut-être moins coupable de ne pas le faire. Il fallait parfois faire des concession. Et puis tu pouvais toujours faire comme il avait dit, prendre une personne de plus à la librairie et te libérer du temps. Ce serait toujours ça de gagner, pour le moment. Et peut-être qu'à l'avenir la situation pourra changer. Il ne fallait pas être pessimiste. Même si aujourd'hui tu semblais d'humeur bien maussade. « Je crois qu'on devrait oublier tout ça autour d'un bon repas et promis, cette fois-ci rien n'est brûlé ! » ajoutais-tu en rigolant. Tu voulais ajouté un peu de légèreté dans votre conversation. Votre première soirée en amoureux depuis des mois, tu ne voulais pas tout gâcher.

Nelligan pensait, qu'avec leur mariage et l'arrivée de Lexi dans leur vie, son épouse l'aurait enfin eu, son happy end. Que ce serait enfin l'accomplissement final, la réalisation d'une vie dont ils avaient toujours rêvé. Il pensait que ce petit bonheur-là au quotidien, celui si simple mais qui fait tellement de bien, aurait été suffisant. Malheureusement, ça n'était pas toujours aussi rose, pas toujours aussi facile, ni pour eux ni pour les autres. Il y avait plus à leur vie que le simple fait d'être un époux et un père. et une épouse et une mère dans le cas de Lily-Anaëlle. Nelligan, de son côté, avait continué la poursuite de ses rêves en devenant concepteur de jeux vidéo, et même si c'était bien plus difficile de se faire un nom que ce qu'il l'aurait pensé, il faisait au moins ce qu'il aimait. Se lever le matin était tellement plus facile maintenant qu'il avait l'impression d'avoir accompli quelque chose au niveau de sa carrière. Jamais il n'avait pris le temps de songer à l'impact de tous ces changements sur Lily-Anaëlle. Jamais il n'avait pensé que ça pouvait être différent pour elle. « Justement, t'es trop adorable pour être une chipie. » Releva Nelligan avec un léger sourire. Puis, il songea à sa question. Aimerait-il toujours autant Lily-Anaëlle sans cette flamme, cette petite étincelle de douceur qui l'avait toujours animée ? C'était un élément tellement essentiel à sa personnalité, ça faisait partie d'elle. Il l'avait toujours connue ainsi, et ce soir était une grande exception à la personne qu'elle était. Mais si ça n'était justement plus une exception ? « Mais oui, bien sûr que je t'aimerais quand même. » Affirma-t-il enfin, un sourire aux lèvres malgré toutes les questions se bousculant dans sa tête. Et les réflexions de son épouse n'aidait en rien ce chaos émotionnel et rationnel qui se créait en lui, se livrant un combat sans merci. « Si elle te revient sans cesse, cette idée, c'est que c'est important pour toi. On peut au moins prendre le temps d'en parler ... » Et pourtant, plus Nelligan réfléchissait à voix haute, plus il réaliserait que son maigre salaire de débutant ne subviendrait jamais à leurs besoins à tous les trois, pas sans quelques changements à leur mode de vie. Et ils n'étaient pourtant pas dans l'excès ... « Je n'aime pas avoir le rôle de celui qui doit te refuser quelque chose, tu sais ... » Lui laissa-t-il savoir avec une pointe de culpabilité. Il trouverait une solution, si c'était pour revoir le soleil dans les yeux de sa femme. « Laissons-la de côté, plutôt. Laisse-moi un peu de temps pour penser à ça. » Parce que si elle avait l'idée qui lui trottait en tête depuis un moment, pour Nelligan, c'était tout nouveau. Il avait besoin de temps pour faire de l'ordre dans sa propre tête avant d'en faire dans celle de Lily. « J'espère bien que rien n'est brûlé, si tout se mange froid ! » Finit-il par lâcher en riant, narguant légèrement son épouse tout en terminant de déballer le repas devant eux.  

Trop mignonne pour l'être, sa phrase eu le mérite de te faire rougir. Depuis l'arrivée de Lexi dans vos vies, vous preniez soin d'elle, mais pas trop de vous. Tu ne te souvenais pas de la dernière fois où il t'avait dit qu'il te trouvait belle. Tu te sentais gênée à chaque fois qu'il te le disais parce que tu n'avais pas assez confiance en toi pour y croire, mais ça te faisait toujours plaisir de savoir que tu lui plaisait toujours autant après toutes ces années. « C'est toujours ceux qui paraissent adorables qui sont les pires, en réalité ! » Des exemples tu en avais à la pelle, merci tous les films d'amour avec un peu l'intrigue, tous les films avec des groupes de filles qui finissent par tirer les autres vers le bas. Pendant la fin de ta grossesse, tu avais eu le temps de regarder la télévision, peut-être même un peu trop si tu venais à penser que tu étais une chipie, toi aussi. Nelligan semblait mal à l'aise avec tout ce que tu venais de lui confier. Tu lui avais tout balancé au visage sans même lui laisser le temps de penser à tout ça. Peut-être parce que Tu pensais que c'était plus simple d'avoir un non tout de suite qu'un peut-être qui te donnerait de l'espoir avant de se voir anéantir. Un moyen pour toi de te préserver du moindre espoir. C'était injuste pour lui de lui demander de tuer l'oiseau dans l'oeuf. Ce que tu pouvais parfaitement comprendre. « Tu n'es pas le méchant, tu es la voix de la raison, c'est plus important. Et tu as raison, il faudra qu'on en parle, mais au calme, ce soir on est censé profiter d'une soirée en amoureux, profiter de n'être que tous les deux ! » Tu t'approchais de lui pour venir l'embrasser. Un vrai baiser passionné, pas un simple smack comme vous aviez pris l'habitude de vous faire en rentrant du boulot. Il te taquinait sur ta cuisine et tu ne pu retenir ton rire. Cette fois, tu avais suffisamment confiance en toi et en ce que tu avais dans ton panier. « C'est toi le seul juge ce soir, mais tu ne devrais pas trouver le moindre défaut dans mon panier repas. » Tu avais déjà goûté toi-même à plusieurs reprises, Jake aussi avait été ton cobaye, ce qui était important vu que c'était à lui que tu devais tout ça. « Tiens, goûte-moi ça ! » Tu approchait un petit muffin au chorizo près de ses lèvres, impatiente qu'il en prenne une bouchée.

Même lorsque leur peau serait ridée, que leurs regards se feraient plus absents, plus effacés, que leurs mains trembleraient en cherchant celle de l’autre, que leurs cheveux prendraient une couleur grisâtre comme pour souligner la grande finale, Nelligan tomberait encore et toujours sous le charme de Lily-Anaëlle. Elle était son idéal de beauté, et quelle chance avait-il eu de pouvoir la marier ! Il la trouvait magnifique sous toutes ses coutures. À chaque fois qu’il se réveillait avant elle le matin, il se donnait cinq minutes à la contempler, le temps de laisser son coeur fondre complètement avant de se réorganiser pour la journée à venir. Parce que du temps pour ça, du temps pour eux, pour s’aimer, pour se redécouvrir, il était vrai qu’ils en avaient drastiquement moins depuis la naissance de Lexi. C’était tout à fait normal, c’était dans l’ordre naturel des choses et, surtout, c’est ce qu’ils avaient voulu : donner naissance à petit être composé d’eux deux, pour l’aimer inconditionnellement et leur donner tout ce qu’ils avaient. Ils avaient peut-être sous-estimé, toutefois, le manque que cela occasionnerait au sein de leur amour pourtant si fort. « C'est effectivement ce qu’on dit, oui ! Mais tu ne m’as jamais laissé voir cette partie-là de ta personnalité. » Dit-il avec un sourire, même si son coeur n’était plus tout à fait aussi léger. Nelligan avait toujours eu l’impression de connaître Lily-Anaëlle mieux que quiconque, et vice-versa. Il s’était la plupart du temps montré comme un livre ouvert à elle, surtout depuis qu’ils étaient adultes en fait. Il pensait que c’était pareil du côté de son épouse, mais il apprenait aujourd’hui qu’elle avait son jardin secret, ses doutes qu’elle ne gardait que pour elle pour les ruminer en silence dans la nuit. Il savait qu’ils en apprendraient toujours un peu plus l’un sur l’autre jour après jour, mais il ignorait qu’il pourrait s’agir d’aussi gros morceaux du casse-tête. Peu importait, au fond, il l’aimerait quand même comme il venait d’ailleurs de le lui affirmer. Ça ne l’empêchait pas d’entrevoir le tout avec un soupçon d’inquiétudes. Puis ce fut la tristesse qui s’empara alors de son être, alors qu’il devait refuser à Lily-Anaëlle son désir de cesser de travailler. Ce n’était pas parce qu’il ne voulait pas son bonheur, non, seulement ils ne pourraient être heureux s’ils en venaient en manquer de quelque chose. Et avec le salaire de Nelligan pour toute la famille, ils ne feraient sans doute pas long feu. « Je te promets que d’ici-là, je songerai à ce qu’on peut faire, à ce qui est possible, ok ? Et quand on en reparlera, on pourra avoir des informations concrètes et organisées, pour en parler correctement, sérieusement. » Il pourrait faire des calculs, élaborer des budgets, des plans financiers. Nelligan ne s’y connaissait pas vraiment, mais il pourrait faire appel à quelqu’un. Lily-Anaëlle s’approcha alors de lui pour l’embrasser, rangeant cette idée-là dans un coin de sa tête le temps de cette escapade nocturne sous les étoiles filantes. Ils déballèrent ensemble le panier de pique-nique, non sans taquiner la jeune femme quant à tous ses échecs culinaires précédents. « Pas le moindre défaut ? Vous mettez la barre haute, madame Malinowski. » Répondit-il en riant, avant de prendre une bouchée du petit muffin au chorizo. Une explosion de saveurs salées et délicieuses se déclencha dans sa bouche. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise et de bonheur. « Qui êtes-vous, et qu’avez-vous fait à mon épouse ? Lily, c’est … j’ai rarement mangé quelque chose d’aussi bon ! » Comme quoi, c’était une toute nouvelle Lily-Anaëlle qu’il avait en sa compagnie cette nuit.  

C'était une facette que tu n'avais pas souvent connu, toi non plus. La première fois qu'elle faisait surface depuis des années. Tu te sentais tout aussi surprise de ressentir une telle lassitude. Les rares moments où tu te dis que la magie de la vie n'existe que dans ta tête. Que tu embellis la réalité pour ne pas voir la laideur qu'elle pouvait dégager. Un sentiment qui ne durerait pas longtemps. Pas en étant en compagnie de ton mari. Il avait toujours quelque chose qui te faisait rire, qui te donnait conscience de la chance que tu avais de l'avoir dans ta vie. Qui te rappelait à quel point tu l'aimais, il n'y avait alors plus que ça qui comptait. « Peut-être que j'attendais que tu m'épouses, maintenant tu peux plus faire marche arrière ! » ajoutais-tu avec un grand sourire sur le visage. Tu étais contente de savoir que même après toutes des années, tu pouvais encore le surprendre. Dans votre situation actuelle, ça te réconfortait. Cette soirée allait te combler pour plusieurs à venir. « Ça je n'en doute pas. » Pour ce soir, tu lui avais demandé de mettre ce sujet de côté. Une sorte de pause, pour pouvoir profiter du moment présent. Il était important pour toi de renouer avec ton mari. D'avoir des conversations futiles, de rire. Et surtout de s'aimer sous les étoiles. « Et je peux me le permettre ! » Tu n'étais pas du genre à te vanter, bien au contraire, trop modeste pour vouloir obtenir de la reconnaissance. Tu avais fait tout ces efforts pour faire plaisir à ton mari. Pour lui montrer que tu étais capable de lui offrir un peu plus. Savoir faire la cuisine, c'était un gros plus. Tu savais qu'il existait un adage qui dit qu'on rend amoureux un homme si on rend heureux son estomac. « J'ai signé un pacte avec le diable. » Une nouvelle fois tu étirais un large sourire sur ton visage. Un sourire de bêtise, celui d'une personne fière de ce qu'elle vient de faire. Tu avais juste envie de le faire rire, qu'il soit heureux d'être là, avec toi. « Non en vrai tu peux envoyer une carte de remerciement à Jake, ces cours de cuisine font des merveilles ! » Tu étais diablement heureuse de t'être inscrite à ses cours. Déjà parce que deux fois par mois ça te permettait de rencontrer quelqu'un et de discuter avec plaisir. Et d'un autre côté tu apprenais à être rigoureuse et tu comprenais comment réussir un plat. Ce qui changerait probablement votre routine culinaire, composée de plats à emporter presque tous les soirs de la semaine. Et des petits pots bio pour Lexi alors que bientôt tu pourrais les faire toi-même.