the last stage of consumption (thylane)

Les rideaux volaient doucement à travers le vent qui s’engouffrait par la fenêtre ouverte, filtrant les rayons du soleil qui se faisaient de moins en moins timides en ce début de journée tardif. Adán ouvrit doucement ses yeux endormis par une longue nuit d’amour et contempla le silence régnant dans l’appartement. Seule la lente respiration de Thylane, encore assoupie, venait briser ce dernier. Le mexicain se tourna sur le matelas, afin de faire face à la jeune femme qu’il fréquentait, en quelque sorte, depuis quelques semaines déjà. Rien d’officiel, surtout pas exclusif. Adán ne jouait pas sur ce tableau-là, lui préférait vivre ses relations avec épanouissement et liberté, ne se limitant jamais. Il était plutôt bien tombé avec Thylane, elle partageait son amour de la découverte et de l’indépendance. Et elle était magnifique, sauvage, mais tout d’un coup si adorable et innocente lorsqu’elle dormait. Adán la regarda un moment, avant de se lever et d’aller à la cuisine pour ramener à la chambre deux verres de jus d’orange. En repassant par le salon, il jeta un coup d’œil à l’heure indiquée sur l’horloge accrochée au mur, et fronça les sourcils en retournant à son lit. Il déposa les deux verres sur la table de chevet et s’assit à côté du corps allongé de la jeune femme. Il posa une main sur son épaule et la caressa tout légèrement, avant de se pencher vers elle pour l’extirper de ses rêves. « Hey, la bella durmiente … » Il esquissa un sourire en sentant l’esprit de la jeune femme remonter à la surface, jusqu’à ce que son corps s’éveille à son tour. « Je pense que tu avais cours … il y a … une heure. » Déclara-t-il, ne sachant pas s’il devait s’attendre à voir une Thylane sortir des draps comme une fusée, ou si elle déciderait plutôt de faire un grand doigt d’honneur à la vie et de rester au lit.

Thylane récupérait ses heures de sommeil perdues dans un repos profond, entre des draps soyeux et un oreiller moelleux qui n'étaient pas les siens. Son corps était là, aux côtés d'un homme brun et barbu avec qui elle avait partagé la nuit. Mais son âme, elle, se baladait paisiblement au pays des songes. Main dans la main avec un inconnu dont elle ne parvenait pas à discerner les traits. Sans doute son petit-ami du moment. Ils discutaient en marchant sans but à travers les hauts chênes d'une forêt. Une promenade comme une autre, avec quelques éclats de rire, des petites attentions, les doigts qui s'emmêlent. Et puis le bruit d'une feuille qui craque. Une silhouette à quelques mètres d'eux. Une jeune femme les regardait, les yeux étincelants, la peau scintillante sous les rayons du soleil. D'étonnantes boucles brunes flottaient au dessus de ses épaules. Thylane, sans savoir pourquoi, se sentit inexorablement attirée vers elle. Elle fit un pas en avant, mais quelque chose la retint en arrière. Son bras. Elle se retourna vers l'homme qui se tenait toujours prêt d'elle. Sa propre main était scotchée au bras de ce dernier. Elle prit son élan, tira, se secoua dans tous les sens. Rien à faire, une force étrange la retenait à l'homme, pendant que le regard de l'inconnue se faisait du plus en plus insistant. Thylane se mit à se débattre. Celui à qui elle était accrochée était figé en un sourire presque narquois. Ses lèvres s’entrouvrirent dans un murmure : «... bella durmiente... » La forêt se mit à vaciller. Les décors s'évanouirent peu à peu, pour se transformer en une pièce claire et beaucoup plus rassurante. Au lieu de l'inconnu sans visage et de la femme mystérieuse se dressait dorénavant devant elle un homme aux yeux foncés plus âgé qu'elle d'une bonne dizaine d'années. « Je pense que tu avais cours … il y a … une heure. » « QUOI ??! » La grande brune aux yeux encore gonflés de sommeil se leva d'un bond, soudainement paniquée. « Meeeeeeerde ! » Elle sauta hors du lit, s'emparant de son pantalon jeté au sol la veille. Une des jambes du jean alla fouetter le verre qui se trouvait sur la table de chevet et le liquide orange se répandit jusqu'à ses pieds. « Fait chier ! Désolée. » Elle ramassa ses dernières affaires et courut en direction de la douche après avoir embrassé rapidement Adán au coin des lèvres. Ce n'était absolument pas la bonne période pour louper ses cours. Ses notes étaient en chute libre dernièrement, et il fallait à tout prix qu'elle se rattrape si elle voulait rester à l'université et surtout à Bowen. Enfin sous le jet d'eau tiède, l'étudiante lança à travers l'écoulement de la douche : « T'aurais dû me réveiller plus tôt, en plus j'étais en plein cauchemar ! »

La première option. C’était la première option qui s’était réalisée. Thylane était sortie du lit, envoyant valser les draps qui s’étaient lentement redéposés sur le matelas comme un parachute. Dans sa panique, la jeune femme envoyer également au sol le verre de jus d’orange qu’Adán avait posé là pour elle. Par chance, il ne brisa pas, et ce ne fut que le liquide coloré qui se répandit sur le plancher. « C’est rien, je m’en occupe ! » Lança-t-il, pas vraiment fâché par cet incident. Il lui fallait bien plus qu’un jus renversé, à Adán, pour se mettre en colère ou râler. De toute façon, Thylane était déjà en direction de la douche, mais elle prit quand même le temps de s’arrêter et de l’embrasser au coin des lèvres, ce qui lui arracha un doux sourire. Il ne la quitta pas du regard jusqu’à ce qu’elle ait disparue derrière la porte de la salle de bain de l’autre côté du couloir, qu’il partageait avec Mathilda. Heureusement, cette dernière n’était pas là ce matin, elle avait déjà quitté pour le travail sans doute. Elle était épargnée de cette petite scène matinale un peu stressante. Quand il entendit l’eau se mettre à couler, Adán attrapa sa serviette de bain toujours accroché à la porte de sa chambre, depuis la veille au soir. Il l’étendit au sol, sur le jus d’orange qui attendait patiemment en laissant lentement sa flaque s’agrandir. La serviette, qui n’était pas blanche rassurez-vous, absorba le liquide et Adán essuya tout ce qu’il restait de liquide avant d’étendre la serviette sur la chaise de son petit bureau, qui ne servait pratiquement à rien d’autre que d’accueillir ses vêtements portés au courant de la semaine. Il entendit alors Thylane lui crier qu’il aurait dû la réveiller plus tôt, et il s’approcha de la salle de bain, s’adossant à la porte close de celle-ci et tournant la tête en direction de l’autre côté du mur, afin que sa voix porte mieux jusqu’à la brunette. « Tu sais, je dormais, moi aussi ! J’viens à peine de me lever, je t’ai réveillée dès que j’ai vu l’heure. » Lui assura-t-il. Il esquissa un faible sourire en regardant devant lui, avant de tourner la tête à nouveau en direction de la douche. « T’avais qu’à ne pas m’épuiser à ce point cette nuit ! » La nargua-t-il, même si ça n’était visiblement pas le moment de rire face à son retard.

Thylane faisait de son mieux pour se dépêcher, la chaleur de l'eau faisant tout son possible pour la retenir un peu plus sous la douche. Pas facile de résister, mais toutes les bonnes choses ont une fin, et ça lui apprendrait à passer la nuit chez des hommes en pleine semaine ! Elle savait pertinemment que c'était le genre de choses qui la mettaient facilement en retard que ce soit en cours ou dans ses révisions, mais la solitude était toujours plus forte et dans ces moments là il était rare qu'elle ne cède pas à l'appel d'une nuit passée dans les bras d'un autre que Morphée.

« Tu sais, je dormais, moi aussi ! J’viens à peine de me lever, je t’ai réveillée dès que j’ai vu l’heure. » La jeune femme n'y avait même pas songé. Comme s'il avait passé la nuit à l'observer dans son sommeil tel un prince Disney devant sa princesse ! « Ah ouais, pas con... » murmura-t-elle simplement. « T’avais qu’à ne pas m’épuiser à ce point cette nuit ! » Ses paroles lui décrochèrent un sourire. « Ça en valait la chandelle non ? » répondit-elle d'une voix coquine. Leur étreinte charnelle avait été torride. Thylane appréciait généralement ses rapports avec les hommes plus vieux. Ils avaient plus d'expérience, plus de connaissances en anatomie féminine. Adán faisait partie de ces hommes qui parvenaient à lui procurer du plaisir. Et dieu sait comme elle n'était pas facile de ce côté là. Même un expert en câlins érotiques ne saurait lui faire atteindre l'apothéose. Mais quelques instants de plaisir, c'était déjà énorme comparé aux moments partagés avec certains autres partenaires.

La jeune femme nue et ruisselante de gouttes d'eau sortit de la douche. Elle s'empara d'une serviette, effleurant Adán sur son passage, puis essuya rapidement chaque parcelle de sa peau en pensant qu'elle devrait envoyer un message à son camarade de classe actuel. « Tiens tu pourrais envoyer un message à Andrew avec mon tel s'il te plaît ? Préviens le que j'arrive. » Si seulement elle s'était souvenue que leurs derniers messages évoquaient ce fameux refus d'entrée en boîte à cause de son âge...

Elle n’avait rien répondu – ou plutôt Adán ne l’avait pas entendue - quand il lui avait affirmé qu’il dormait, lui aussi, tout comme elle, et qu’il n’avait pas perdu de temps à la réveiller quand il avait vu l’heure. C’aurait pourtant été son genre, à l’homme, de s’en foutre et d’aller se recoucher à ses côtés pour la regarder dormir. Il aimait tellement les visages endormis, cette douce innocence sous chaque trait de l’autre, une sorte d’aura si paisible et si calme. Ça le faisait fondre à chaque fois, Adán, et il ne comptait même plus le nombre de fois qu’il était tombé amoureux les lendemains matins. Le jeune homme, pour palier au silence, rajouta que Thylane aurait tout simplement dû s’abstenir de l’épuiser à ce point cette nuit. Comme ça, il aurait pu se réveiller avant même les premiers rayons du soleil, comme il en avait l’habitude en raison de son horaire de travail. « Ça en valait toutes les chandelles, oui ! » Répondit-il d’un ton amusé, ne comprenant pas grand-chose à cette expression mais voulant faire comprendre à la jeune femme qu’elle l’avait épaté, cette nuit. Elle l’épatait, point. La porte s’ouvrit sur une Thylane magnifiquement nue et ruisselante des gouttes d’eau qui s’accrochaient à son corps et la caressaient en roulant le long de sa peau. Adán aurait tellement voulu être une goutte d’eau, là, maintenant. Il posa la tête sur le cadre de la porte, croisant les bras sur son torse et prenant un air de petit chien abandonné. « T’as vraiment besoin d’aller à ce cours ? » Une sorte de plainte, il était à deux doigts de s’agenouiller pour la supplier de rester, et il aurait profité de cette hauteur pour la convaincre par d’autres moyens, d’ailleurs. Sauf que Thylane lui demanda d’envoyer un message à Andrew, un de ses amis dont le nom était déjà venu dans quelques conversations, pour le prévenir qu’elle arrivait. Il soupira. « Oui, oui … Je m’en occupe. » Il esquissa un sourire en la regardant du coin de l’œil avant de s’éloigner vers la chambre pour prendre le téléphone portable de Thylane posé sur sa table de chevet. Il chercha Andrew dans les derniers messages et ne tarda pas à retrouver leur plus récente conversation. Il n’avait pas voulu lire, Adán, pas volontairement, mais son regard avait tout de même aperçu quelques mots du dernier message alors qu’il s’apprêtait lui-même à en écrire un. Et les mots boîte de nuit, fausse carte et 18 ans, pour Adán, et dans cette situation, ça n’était pas des mots à prendre à la légère. Il garda le téléphone dans sa main serrée alors qu’il se tournait vers Thylane qui s’habillait. « Tu m’as dit que t’avais vingt-trois ans. You lied to me ? » Demanda-t-il d’une voix fâchée, brusque, ce qui faisait un clash assez grand par rapport à sa désinvolture habituelle.