Retour de service [Feat. Elio Gallucini]

Elio et Lisandro c'est l'histoire d'une amitié forte et durable. Ils se sont rencontrés lorsque le premier est arrivé en ville, quand le sportif était encore en service. Ils se sont tout de suite bien entendus et les confidences ont été très rapides. Puis, peu de temps après, Lisandro a eu son accident et c'est à ce moment là que les choses ont changés. Son comportement n'était plus le même et pourtant, comme certains de ses amis, Elio est resté auprès de lui.

Il faut dire que lorsque ce dernier est arrivé en ville, c'est l'ancien sportif qui l'a poussé à intégrer la caserne de pompiers, peut-être aussi parce qu'il espérait que ça change quelque chose d'un point de vue personnel. Ayant perdu ses parents dans un incendie, il s'était reporté sur son ami, comme si ça pouvait impacter leur relation d'une quelconque façon. Bien évidemment, Lisandro ne lui a jamais rien dit à ce propos.

Après plusieurs mois à rejeter tout en bloc, même ses amis, Lisandro commençait tout juste à reprendre du poil de la bête. Il avait trouvé une femme qui ne s'était pas arrêté à son fauteuil et des amitiés solides qui l'entourait. Il était prêt à aller de l'avant, mais il fallait pas le brusquer.

Sachant que l'anniversaire de la mort de sa femme approchait, l'italien avait proposé à Elio une petite sortie entre amis, rien de très élaboré, mais simplement histoire qu'ils puissent se retrouver, car ils n'en avaient pas vraiment eu l'occasion ces derniers temps, et puis aussi, qu'ils puissent profiter de ce temps pour se raconter leurs péripéties respectives.

C'est donc en cette soirée d'automne que le jeune homme avait invité son ami chez lui pour dîner. Si Elio le voulait, ils pourraient toujours faire une petite sortie après. Pour prouver son changement et surtout s'excuser silencieusement de ses agissements ces derniers mois, il avait cuisiné. Rien de bien compliqué, mais il espérait que ça conviendrait au jeune homme.

Ton arrivée à Bowen était encore récente, finalement, et pourtant, tu avais tout de suite pu tisser des liens assez forts. Allen t'avait beaucoup aidé dans ce sens mais en ce qui concerne Lisandro, ça c'était fait tout naturellement. Comme si vous étiez prédestinés à être amis tous les deux. Comme si tout vous réunissait, finalement. Malgré quelques moments sombres pour ton ami, votre amitié était restée intacte. Pourtant, ça n'avait pas été facile pour toi d'être continuellement rejeté par le jeune homme. Son accident l'avait poussé à rejeter tout le monde et c'était compréhensible d'un certain côté. Mais d'un autre, tu ne te voyais pas lâcher ton ami dans un tel moment. Les coups durs, tu connais ça toi aussi. D'ailleurs, en ce moment, une certaine date approche et ne fait qu'empirer tes cauchemars. Cette date que tu redoutes chaque année et que tu vis très mal, voire même que tu subis. La date anniversaire de la mort de ta femme. Chaque année tu imagines cet accident et ce moment où son coeur s'est arrêté pour ne plus jamais redémarrer. Un moment terrible qu'elle a passé seule. Tu n'es pas certain de pouvoir t'en remettre un jour mais ça aide, d'avoir Lisandro et d'autres de tes proches à tes côtés pour affronter cette étape. Ce soir, le jeune homme t'a invité chez lui et tu ne peux que t'en réjouir. Au moins, ça te changera les idées, c'est toujours ça de pris. Une fois devant chez Lisandro, tu frappes à la porte et entres. Vous avez vos petites habitudes maintenant et tu connais sa maison par coeur comme lui connait la tienne. C'est ça l'amitié. Tu le trouves dans la cuisine, bien occupé et ça t'arrache immédiatement un sourire. « T'as quelque chose à m'annoncer que tu mets les petits plats dans les grands ? » Demandes-tu avant de venir saluer ton ami et de prendre place à ses côtés dans la cuisine. Au passage, tu déposes cette bouteille de vin rouge que tu as apporté à table.

Lisandro commençait tout juste à aller un peu mieux, il avait eu des périodes très compliquées, mais depuis quelques semaines, ça allait un peu mieux, il reprenait le chemin qu'il aurait dû emprunter dès le début. Heureusement, il avait des amis en or, ce qu'il avait négligé durant tout ce temps, mais aujourd'hui, il en avait conscience et il voulait se racheter.

Et c'est justement dans cette optique que l'ancien sportif avait organisé un repas chez lui, non seulement pour qu'il puisse discuter un peu avec Elio mais surtout, pour lui changer les idées avec la date fatidique qui approchait, et même si son ami n'en parlait pas, il savait que ça lui pesait. Voilà pourquoi il avait fait tout cela, c'était le rôle d'un ami après tout non ?

Lisandro était en cuisine depuis environ une vingtaine de minutes lorsqu'il entendit frapper à sa porte, puis cette dernière s'ouvrir, il savait que c'était son ami, il n'y a que lui qui agissait de la sorte. Un sourire prit place sur ses lèvres avant de le voir débarquer dans la cuisine.

" - Je sais que c'est pas courant, surtout depuis qu'on se connaît, mais ça veut pas dire pour autant que je ne suis pas capable de le faire."

Il aurait pu se vexer si c'était quelqu'un d'autre qui était à l'origine de cette remarque, mais venant d'Elio, ça le faisait plus rire qu'autre chose, il l'avait bien mérité après tout.

" - Mais non, je n'ai rien de spécial à t'annoncer, si ce n'est que j'ai repris mes séances de rééducation, mais je ne pense pas vraiment que ce soit le moment pour en parler."

Certains sujets étaient tabous, pour lui, c'était tout ce qui touchait à son handicap, même si ça allait quand même mieux depuis quelques semaines, le chemin à parcourir était encore énorme.

" - Je voulais surtout.. m'excuser pour tout ces mois où je n'ai pas été cool.. J'ai perdu complètement les pédales, j'avais besoin de repères et je me suis enfoncé dans mon chagrin avant de toucher le fond et remonter progressivement.."

Il espérait sincèrement que son ami ne lui en tienne pas rigueur dans ses agissements.

Lorsque ta femme était décédée, tu avais réagi de la même façon que Lisandro, du moins dans un premier temps. Tu t'étais éloigné de tous, cherchant seulement à noyer ton chagrin dans l'alcool et dans la solitude. Cela avait duré quelques semaines puis quelques mois mais tu avais fini par te reprendre et tu avais trouvé un certain réconfort en intégrant MSF. Pour Lisandro, il avait fallu une période d'adaptation avant de commencer à remonter la pente. Petit à petit. Chacun avançait à son rythme, de toute façon. C'est pour cela que pendant tout ce temps, tu n'avais fait que soutenir ton ami malgré son rejet perpétuel. « Evidemment que tu en es capable. » Dis-tu avec un léger sourire avant de demander : « Qu'est-ce que tu mijotes ? » Tu t'avances un peu pour essayer de voir ce qui se trouve dans les casseroles, curieux. Puis, ton regard se pose à nouveau sur Lisandro qui reprend la parole. Ton sourire s'élargit en entendant qu'il a repris ses séances de rééducation. Tu ne peux qu'être fier et heureux pour ton ami. C'était un pas important à passer mais il l'a fait et c'est ça, le plus important. « D'accord, néanmoins c'est une très bonne nouvelle. » Dis-tu sans trop rentrer dans le vif du sujet mais pour que Lisandro comprenne tout de même que tu es content pour lui. Tu secoues la tête lorsque le jeune homme commence à s'excuser. Il n'a pas à le faire, c'est inutile. Evidemment que tu ne lui en veux pas. Tu ne serais pas un vrai ami si c'était le cas. « Ce n'est rien va. Tu es pardonné depuis longtemps, si encore il y avait quelque chose à pardonner. » Réponds-tu avec un sourire sincère. « Je suis content que tu commences à sortir de cette mauvaise passe. Ça ne peut que s'améliorer maintenant. » C'était une certitude à tes yeux.

Plus d'une fois on avait dit à Lisandro que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne se reprenne et remonte la pente. Il avait mis plus d'un an avant de remonter réellement celle-ci, même les médecins avaient fini par croire qu'il ne serait plus jamais le même, parce que la situation l'avait incroyablement affecté et que ses séances avec le psy n'y changeait rien. Mais c'est comme tout, chacun à sa façon de réagir à une même situation. Face à un accident par exemple ou bien la perte d'un être cher. L'italien avait beau avoir la trentaine, il se sentait toujours coupable du décès de ses parents dans l'incendie qui avait ravagé leur maison. Même s'il n'en parlait jamais, il y avait toujours ces remords qui le rongeaient de l'intérieur.

Lorsqu'Elio s'avance pour voir ce que le jeune homme est en train de cuisiner, un sourire satisfait se dessine sur ses lèvres. Durant quelques instants, il avait eu peur que son ami n'apprécie pas ce geste, et finalement, c'était venu assez naturellement, même s'il n'était pas certain qu'il se debrouillait aussi bien qu'avant, quand il se tenait debout devant son plan de travail à découper des légumes ou bien faire mijoter les repas sur la plaque de cuisson.

" - Je n'ai pas fais dans le repas gastronomique et j'ai opté pour de simples pâtes à la bolognaise. J'espère qu'elles te conviendront."

Souvent, depuis que l'ancien sportif avait repris la cuisine, il cuisinait des repas de chez lui, qui venaient d'Italie, ça lui rappelait un peu ses origines et ça lui permettait de ne pas trop penser durant le temps où il était aux fourneaux.

Une fois que son ami sait ce qu'il y aura dans son assiette, le sujet de la rééducation du jeune homme est évoquée, mais très brièvement parce que pour le moment, il estime que ce n'est pas l'endroit idéal pour évoquer ceci, et puis, il n'a pas vraiment envie de parler de lui ce soir, s'il a invité Elio, c'est pour lui changer à lui, alors inutile de ramener la conversation sur sa convalescence.

" - Oui tu as sans doute raison, mais j'ai peur de faire un pas en avant et deux en arrière.. J'ai peur que tôt ou tard les progrès que j'ai fais ne servent pas et que je retourne en arrière.."

C'était sa crainte parce qu'il n'était absolument pas patient. Lisandro veut des résultats et vite, et c'est déjà plus ou moins ça qui a causé sa perte la première fois. Il a essayé, puis ne voyant aucune amélioration, il avait baissé les bras sans même attendre que son travail porte ses fruits.

" - Enfin c'est pas grave, on n'est pas là pour parler de moi ce soir." fit-il avec un air un peu gêné.

« Si ça me convient ? Tu prends un repas bien de chez nous, évidemment que ça me convient. » Dis-tu avec un large sourire. Vous aviez les mêmes origines, Lisandro et toi et ça vous rapprochait souvent d'une certaine façon. Pour ce qui est de la nourriture en tout cas, il est clair que les italiens aiment manger italien. Et puis, voir Lisandro s'affairer en cuisine pour toi te touche beaucoup et surtout, c'est plaisant de le voir se bouger, profiter un peu des petits plaisirs de la vie. Tu as été tellement habitué à le voir déprimer ces derniers mois que ça te fait vraiment du bien de le redécouvrir. D'ailleurs, l'italien ne tarde pas à te faire part d'une bonne nouvelle, la reprise de sa rééducation. C'est un point très positif même si Lisandro semble encore un peu défaitiste sur certains points. Ce qui est normal, néanmoins. On ne peut pas lui demander de changer du tout au tout, il va encore falloir un petit peu de temps pour qu'il remonte totalement la pente. Mais en tout cas, c'est déjà une belle avancée et c'est là, le principal. « Seul le temps pourra nous le dire. Mais je ne vois pas comment ça pourrait ne pas marcher, tu sembles faire tous les efforts possibles pour que ça fonctionne en tout cas. » Dis-tu en passant une main dans tes cheveux. En effet, Lisandro semble motivé pour que ça marche alors, tu oses espérer que ce sera pleinement le cas. « Ça ne me dérange pas tu sais. » Réponds-tu en secouant légèrement la tête, amusé. En tant qu'ami, tu es prêt à parler de tout avec Lisandro, ce qui est totalement normal. Mais s'il désire parler d'autre chose, tu es prêt à le faire également. D'ailleurs, un sujet en particulier t'intéresse en ce moment. « Et sinon à part ça ? Qu'est-ce qu'il se passe dans ta vie ? » Demandes-tu avec un sourire faussement innocent. Tu veux évidemment parler de la situation amoureuse de Lisandro, tu espères qu'il comprendra le sous-entendu. Mais tu n'en doutes pas vraiment.

Les clichés sont parfois vrais mais il faut savoir temporiser. Les italiens sont reconnus comme étant des personnes, surtout les hommes, machos et qui n'hésitent à jouer de leur charme pour obtenir ce qu'ils désirent. Ils sont connus pour être des coureurs de jupons. Mais tout cela, au final, ça s'applique à beaucoup de personnes sans pour autant qu'ils soient italiens. En revanche, Lisandro ne pourra jamais nier qu'il est plus que fier de ses origines, mais il n'est pas macho ni coureur de jupons pour autant. C'est aussi pour cette raison qu'il avait confectionné un repas bien de chez lui, parce que sachant qu'Elio venait du même endroit, c'était une valeur sûre, plutôt que de tester de nouvelles recettes, au risque que ça déplaise à son ami. Pour le coup, il avait joué la sécurité.

L'ancien sportif n'était pas dupe, même si Elio n'avait rien dit, voir le basané préparer le repas pour eux avaient dû l'étonner. Il s'était certainement attendu à voir Kaya s'affairer à sa place. Et pourtant, c'était bel et bien lui qui avait repris sa place aux fourneaux. Bon certes, il ne le ferait pas tous les jours, mais puisqu'il reprenait doucement du poil de la bête, il essayait de se souvenir ce qu'avait été sa vie d'avant et à quoi il occupait son peu de temps libre. Il avait toujours aimé cuisiner même s'il ne pouvait pas se décrire comme étant un fin cordon bleu. Disons simplement qu'il sait manier les ustensiles de cuisine pour manger varier.

Lorsque son ami essaye de le rassurer quant aux efforts qu'il fournit, ça fait plaisir à Lisandro, mais au fond de lui, il ne cesse de nourrir des doutes concernant son avancée. Est-ce qu'il pourra remarcher un jour ? Voilà la seule question qui le hante depuis des mois. Il fait tout pour, mais est-ce que son corps sera assez solide pour endosser encore tout cela ? Comme le lui a dit son compatriote. Seul le temps lui donnera les réponses à ses questions. Passons à un autre sujet, parce que l'italien refuse que toute cette soirée tourne autour de lui, ce n'est pas le but, sinon il n'aurait pas invité Elio. C'était lui qui devait changer les idées de son ami, pas le contraire. C'était à lui de faire un pas en avant, et non l'inverse, Elio avait fait assez d'efforts et de sacrifices ces derniers temps pour les beaux yeux de l'italien, il y a un temps pour tout, et aujourd'hui, c'est à lui de tendre la main.

Seulement Elio ne semble pas de son avis, puisqu'il continue à le questionner, en allant jusqu'à lui demander des choses plutôt intimes, mais ils n'étaient pas amis pour rien. Un sourire se dessina sur le visage de l'handicapé avant qu'il ne réponde.

" - Oh rien de bien spécial.." dit-il d'un air faussement innocent.

Bien sûr qu'il avait envie de lui parler de Maddie, de leur rencontre, de leur relation naissante, mais Lisandro ne pouvait cesser de se questionner sur ce fameux cap qui lui semblait insurmontable. Il allait devoir combler les envies de sa belle s'il ne voulait pas la voir partir, et pourtant, il s'en sentait incapable, trop diminué pour ce genre de choses. Peut-être devait-il demander conseil ? Mais lui qui a toujours été pudique, ce n'est pas le genre de choses que l'on aborde facilement. Comme pour se donner du temps, il retourne voir la cuisson des pâtes avant de juger qu'il reste environ une dizaine de minutes avant qu'ils ne puissent passer à table. Dix minutes pendant lesquelles il pourrait faire part de son complexe à son ami.

" - Bon.. J'ai rencontré une femme.. Il y a quelques mois de ça. Ça avait plutôt mal commencé puisque je l'ai envoyé balader, mais elle était si différente des autres personnes. Il n'y avait pas de pitié dans son regard quand elle posait ses yeux sur moi.. Puis.. On a fait quelques sorties ensemble, moi qui ne sortait jamais de chez moi, c'était assez étrange au début, puis, j'ai commencé à me sentir mieux, dans un meilleur état d'esprit.. Puis.. Lors de la pluie d'étoiles, je l'ai invité sur la plage et je lui ai fais une déclaration en quelques sortes et depuis.."

Lisandro laissa sa phrase en suspens. Depuis, il était heureux, il se sentait presque normal, s'il en oubliait son fauteuil. Mais son récit cachait également un "mais" et il savait qu'Elio n'allait pas tarder à le questionner sur le sujet.

Toi non plus tu ne fais pas partie des personnes dont les clichés italiens collent à la peau. Tu n’as pas connu beaucoup de femmes dans ta vie ni même d’hommes mais c’est normal puisque tu as été très vite marié à l’amour de ta vie. Malheureusement, on te l’a arraché sans que tu puisses y faire quoi que ce soit. Tu n’as pas pu la sauver, personne ne l’a pu. Et maintenant, tu es condamné à vivre avec cette perte. Chaque année, tu espères que ce sera un peu plus simple mais chaque année, lorsque la date de l’anniversaire de la mort de ta femme arrive, tu es complètement anéanti. Perdu. Aujourd’hui, tu es heureux d’être en compagnie de Lisandro parce que ça te permet de penser à autre chose, de te changer les idées, tout simplement. Et parler de sa vie à lui, ça en fait partie. Au-delà de t’intéresser à lui parce qu’il est ton ami, ça te fait du bien de ne pas penser à ta propre vie. Et de t’oublier, tout simplement, pendant quelques heures. Malheureusement pour toi, la réponse de l’italien se fait mystérieuse et courte à la fois. Il n’en dit pas plus et file à la cuisine pour regarder à la cuisson du repas, sans doute. Tu fronces les sourcils, restant perplexe face à cette réponse. « Q-Quoi ? » Demandes-tu en secouant légèrement la tête lorsque tu vois ton ami revenir vers toi. Finalement, il se décide enfin à t’expliquer dans quelle situation il se trouve. Une situation que tu soupçonnais un peu, à vrai dire. « C’est une bonne chose ça. Elle semble vraiment beaucoup te plaire dis-moi. » Dis-tu avec un léger sourire aux lèvres. Voir Lisandro s’attacher à quelqu’un, ça te fait vraiment plaisir parce que ce n’était plus arrivé depuis son accident. Il ne laissait plus personne entrer dans sa vie jusqu’ici. C’est un bon changement ou du moins un bon début car tu as l’impression qu’il y a un « mais ». « Pourquoi ai-je l’impression que tu vas dire « mais… » ? » Demandes-tu en soupirant doucement, préparé à l’idée que ton ami réfute toute relation amoureuse naissante ou non.

Lisandro ne sait pas si c'est une bonne idée d'avoir évoqué sa rencontre avec Maddie, est-ce que ça n'allait pas raviver des souvenirs douloureux pour son ami ? S'il l'avait fait venir ici, c'était justement pour lui changer les idées, lui tenir compagnie, mais en aucun cas c'était pour lui rappeler qu'il était seul et que sa femme était partie au ciel. C'était pas juste de le lui rappeler de la sorte et il aurait voulu ne rien dire, mais Elio avait insisté, peut-être que ça lui ferait du bien de voir l'ancien sportif heureux.

Il avait donc répondu brièvement à sa réponse, tout en continuant de chercher un échappatoire. Parler de lui n'avait jamais été une tâche facile. Alors il s'était réfugié en cuisine afin de surveiller la cuisson. Plus que quelques minutes, après il allait être coincé à table avec son ami sans porte de sortir. C'est donc en revenant vers lui qu'il lui confia la suite de son histoire.

Oui il était heureux, oui il se sentait bien. Mais. Il y avait toujours un mais, et il savait déjà pertinemment ce que l'italien allait répondre.

" - Oui elle me plait. Elle est ce que les autres n'ont jamais été pour moi. Elle me remet à ma place quand il y en a besoin, elle ne me regarde pas avec pitié. C'est de ça donc j'avais besoin."

Mais comme l'avait si bien souligné Elio, il y avait un mais. Un mais qui occupait la totalité de l'esprit de Lisandro depuis le début de cette relation.

" - Bien sûr qu'il y a un mais.. Tu m'as bien regardé ? Comment veux-tu que j'arrive à rendre une fille heureuse comme ça ? Les sorties qu'on fait, elle est obligée de venir me chercher, m'aider à monter dans la voiture, sans compter que même si ça ne semble pas la gêner, elle doit faire face aux regards des gens braqués en permanence sur ce fauteuil. Et puis, comment je vais faire quand les choses vont devenir plus sérieuses ? Je ne suis pas capable de me mettre sur pied comment tu crois que je vais être capable de la combler ? C'est voué à l'échec Elio. Cette femme est bien trop belle et intelligente pour être avec un gars comme moi."

Lisandro était persuadé que Maddie méritait mieux, qu'un autre homme saura la rendre plus heureuse, pourtant, cette perspective de la voir dans les bras d'un autre le rendait malade. Si seulement il était valide, rien de tout cela ne serait aussi compliqué.

Ce n’est pas parce que tu n’as plus la chance d’être en couple, de côtoyer ta moitié tous les jours, de profiter de ces moments de bonheur avec ta femme, que tu ne peux pas partager son propre bonheur avec Lisandro. Au contraire, même. Après tout ce qu’il a traversé, tu ne vois pas comment tu pourrais te montrer jaloux qu’il voie enfin le bout du tunnel. Qu’il trouve enfin une issue à son mal-être. Et même s’il semble douter pour l’instant, toi, tu ne doutes pas que ce soit exactement ce qu’il lui faut pour le rebooster et pour, pourquoi pas, le remettre sur pieds. « Alors qu’est-ce qui te retient ? » Demandes-tu en haussant légèrement les épaules, ne comprenant pas où est le problème. Peut-être que l’italien s’en cherche, finalement, des problèmes. Peut-être qu’il a peur de s’engager et qu’à cause de ça, il essaie de trouver des obstacles là où il n’y en a pas. « Mais elle sait tout ça Lis’… Elle sait que tu es dans un fauteuil, elle sait qu’il y a des petits aménagements à faire, alors, arrête d’essayer de trouver des excuses. Si elle passe du temps avec toi c’est parce qu’elle aime ça. Tout ce qui est « à côté » ça ne compte pas. Ce qui compte, c’est ce qu’il y a entre vous. » Réponds-tu tout en observant ton ami qui continue à cuisiner. Tu ne veux pas qu’il doute déjà de sa relation naissante alors, qu’à tes yeux, ça ne vaut pas le coup de le faire. Il n’y a aucune raison de le faire, même. « Pour ce qui est du sexe, tu sais, il existe bien des façons de la combler sans avoir besoin d’utiliser tes jambes. Je n’ai pas besoin de te faire un dessin. » Ajoutes-tu avec un léger sourire au coin des lèvres. Il existe des tas de façons de combler une femme même lorsqu’on est limité au niveau des mouvements, Lisandro a juste à faire marcher son imagination et il ne se posera plus de questions. De toute façon, les choses se présenteront comme elles se présenteront, ça ne sert à rien de tout envisager. Et surtout d’envisager le pire.

Lisandro savait parfaitement qu'il avait le droit au bonheur lui aussi, du moins il essayait de s'en persuader. Pourtant, dans sa nouvelle relation avec Maddie, il avait la sensation que tout ceci n'était pas fait pour lui, il avait cette sensation que le bonheur qu'il pensait mériter n'était en vérité pas si mérité que ça. Lui serait heureux de pouvoir partager son quotidien avec quelqu'un, c'est une certitude. Mais la réciproque serait-elle vraie ? Est-ce qu'il sera capable de rendre Maddie heureuse et comblée comme n'importe quel autre homme ? Sous-entendu, n'importe quel autre homme valide.

Mais oui, plus il passait de temps avec elle, plus il l'appréciait, plus il s'attachait et plus il avait peur de la suite. De ce moment fatidique qui, selon lui allait déterminer le reste de leur relation. C'était la première fois qu'il s'autorisait à aimer depuis sa précédente relation, mais surtout depuis son accident. Et même si ça semblait ravir Elio, son ami, il n'était pas certain que lui rappeler que lui, était seul était la meilleure solution afin de lui changer les idées. Mais il ne s'en plaignait pas, alors il poursuivit.

" - J'en sais rien Elio, je crois que tu as raison, j'ai peur. J'ai peur de moi, de ne pas être à la hauteur, j'ai peur d'aimer tout simplement.."

La dernière fois qu'il s'était laissé porter par ce sentiment, il avait terminé seul, en se réveillant d'un coma d'un an. Il redoutait que le même schéma ne se reproduise même si les choses étaient grandement différentes dans le sens où, Maddie savait déjà à quoi s'en tenir. Elle n'ignorait rien de son handicap mais elle avait tout de même accepter de passer du temps avec lui.

" - Oui je sais tout ça mais.. Une fois, deux fois ça passe, après elle risque de s'en lasser et de tomber dans une routine qui ne lui convient pas. Et ce jour là, elle ira voir ailleurs, un autre homme capable de la combler convenablement."

Ce qui l'effrayait le plus c'était d'être autant diminué. D'un point de vue physique pour commencer, mais surtout sexuel, même s'il ne l'avait jamais avoué et que jusqu'alors il s'en fichait pas mal, mais maintenant, les choses avaient changé. Il voulait le meilleur pour sa belle.

Tu peux totalement comprendre cette peur qu'à Lisandro d'aimer. Tu es dans le même mood, si on peut dire ça comme ça. Aimer une autre femme reviendrait à trahir ta femme qui est décédée quelques années plus tôt. Et c'est sans doute faux et complètement stupide de penser comme ça mais c'est ton ressenti. Alors tu peux assurément comprendre l'italien mais il ne doit pas s'arrêter à ça malgré tout. Il semble être tombé sur une perle et il ne doit pas la laisser partir pour des bêtises. « L'amour fait toujours peur d'une certaine façon. Mais si tu ne te lances pas, tu vivras avec des regrets et tu passeras sans doute à côté d'une belle histoire d'amour. » Du moins, c'est tout ce que tu espérais pour ton ami, qu'il vive une belle et grande histoire comme tu avais eu la chance d'en vivre une, toi aussi, quelques années plus tôt. Elle avait été bien trop courte mais merveilleuse. « Tu sais même un couple totalement "valide" tombe dans une routine après un certain moment. Ce n'est pas mauvais pour autant. Et puis il y a des tas de choses à faire pour varier les plaisirs, ça ne sert à rien de te poser toutes ces questions maintenant. Peut-être qu'elle répondra à toutes ces questions pour toi, plus tard, qui plus est. Si ce n'est que ça qui te bloque, c'est stupide. » Rétorques-tu en haussant les épaules. Si elle l'aime et qu'il l'aime, qu'est-ce qu'ils attendent ? Si ce n'est repousser l'échéance d'un très beau moment intime à deux. Tu n'as pas eu la chance de revivre ce genre d'histoires, toi, malheureusement. Tu restes accroché à l'image de ta femme malgré les années et tu ne sais pas si un jour tu seras capable d'aimer une autre personne de la même façon. Et aussi fort. Tu l'espères en tout cas parce que finir tes jours seul te terrifie. Tu ne le supporterais pas. Et un de tes plus grands rêves est d'avoir un enfant... Malheureusement, seul, c'est bien trop compliqué même pour adopter.

Il est vrai que Lisandro avait tout bonnement peur. Mais il ne pouvait pas véritablement décrire cette peur. Est-ce que c'était la peur de s'engager ? Celle de ne pas être à la hauteur ? Ou bien celle de s'attacher pour être de nouveau trahi ? Peut-être un mélange de ces trois là, parce que c'est ce qu'il ressentait et il ignorait comment y mettre un terme. Mais Elio avait raison, il ne pouvait pas s'interdire de vivre uniquement parce qu'il avait peur d'échouer. Des échecs il en a connu dans sa carrière de sportif, et bien que ce ne soit pas comparable à une relation amoureuse, il ne pouvait se permettre d'avancer chaque jour avec un peu plus de regrets et de remords que la veille.

Les propos de son ami mirent mal à l'aise l'italien, et pour cause, il se rendait compte qu'en fait, même s'il essayait de le conseiller le mieux possible et essayer qu'il soit heureux, il ne pouvait cesser de se voir en lui. Lui qui avait perdu sa femme. Lui qui était désormais seul. Et Lisandro comme un imbécile de première lui raconte qu'il a rencontré une femme mais qu'il a tout simplement peur de franchir les étapes. Mais quel con !

" - Elio je suis désolé.. J'aurai jamais dû te parler de tout ça."

Non pas qu'il n'en avait pas envie, Elio était son ami, il lui avait mené la vie dure certes, mais maintenant il était sur le chemin menant au bonheur et malgré cela, il ne cessait de s'interdire de vivre parce que sa peur le tétanisait. Parce qu'il avait peur d'être heureux alors qu'il était persuadé ne pas le mériter. Son ami avait raison, il était stupide.

Cette soirée était censée faire plaisir à Elio, lui changer les idées et au lieu de ça, Lisandro lui remettait les images de sa défunte femme en tête. Le sentiment de culpabilité de l'ancien sportif était à son comble. La prochaine fois, il réfléchira à deux fois avant de se lancer sur un sujet aussi délicat que celui-ci.

" - Et si on mangeait ?" demande-t-il étonnamment enthousiaste.

C'était une bonne idée pour mettre cette conversation de côté, d'éviter qu'Elio lui fasse encore plus la morale sur sa peur irrationnelle d'aimer et être aimé.

Tu ne veux pas que Lisandro culpabilise sous prétexte que tu es veuf et malheureux en amour. Tu désires seulement qu'il entende tes conseils et finisse par les suivre afin d'être heureux. Il semble avoir trouvé le bonheur à travers une femme et à tes yeux, il n'y a rien de plus beau. Alors il est normal qu'il ait encore des doutes mais ce ne sont que des futilités. Il a le droit d'être heureux peu importe ce qu'il en pense. « Ne t'excuse pas, tu n'as pas à le faire. » Dis-tu avec un léger sourire. « Je suis vraiment content pour toi et je ne veux pas que tu te prives de me parler de tes relations amoureuses par peur de me faire de la peine. » Ce ne sera jamais le cas car tu sais faire la part des choses. Tu sais mettre une barrière entre ton ressenti et la vie amoureuse de Lisandro. C'est nécessaire sinon tu prendrais les choses bien trop à coeur et tu serais malheureux de manière constante. A la place, tu préfères te réjouir pour ton ami qui semble enfin apercevoir la lumière. « Bonne idée. » Réponds-tu en t'installant à table aux côtés de l'italien. « Ça ne te manque jamais l'Italie ? » Demandes-tu finalement en commençant à manger. Ce qui te manque en Italie, c'est tes proches, pour commencer. Tu es heureux d'avoir changé de vie, d'avoir tout recommencé à zéro mais tu aimes malgré tout ton pays natal. Et tu serais heureux d'y retourner d'ici peu de temps pour voir ta famille. Le retour à Bowen n'en sera que bien meilleur, tu n'en doutes pas.

Lisandro n'avait pas vraiment sur l'instant. Le fait d'évoquer ses relations amoureuses, et en l'occurrence celle avec Maddie, ne pouvait faire que replonger son ami. Il devait s'imaginer à l'époque où il était heureux, où il avait une femme à ses côtés qui le comblait. Enfin, il n'avait pas connu le pompier à cette époque, mais sans doute qu'ils seraient rapidement devenu amis, peut-être même qu'ils auraient pu partager des soirées ensemble avec leur compagne respective. Les choses avaient bien changé depuis, pour l'un comme pour l'autre.

L'italien jugea bon de s'excuser, s'excuser de penser qu'il était seul et qu'il pouvait faire part de son bonheur alors que son ami est malheureux. Il n'aurait jamais dû aborder ce genre de sujet, mais il était trop tard, et Elio ne semblait pas lui en tenir rigueur, fort heureusement d'ailleurs.

" - Tu sais bien que je ne veux pas te faire souffrir, alors oui, c'est assez drôle de dire ça maintenant avec ce que je t'ai fais endurer, j'en suis conscient.. Mais je sais que c'est dur de voir les autres heureux alors que soi-même on est dans une impasse.. Et je ne veux pas contribuer à ton malheur Elio."

C'était aussi une méthode pour ne pas vraiment parler de lui, il était assez mal à l'aise d'évoquer ses conquêtes amoureuses ou même de parler de lui tout simplement. Mais avec Elio, les choses semblaient si naturelles, si faciles. Et comme pour mettre tout le monde d'accord, il proposa de se mettre à table, généralement ça marche à tous les coups !

" - Si. Enfin.. Seulement les paysages. Je n'ai plus rien à quoi me raccrocher là-bas."

Lisandro avait perdu ses parents dans l'incendie de leur domicile et il n'avait pas d'amis sur place. Sa carrière professionnelle de sportif avait permis de s'éloigner de toute cette douleur qui l'animait.

" - Tu y retournes souvent là-bas ?"

Depuis qu'il en était parti, il n'avait plus jamais remis les pieds là-bas et il est vrai que ça lui manquait énormément. L'Italie c'était ses racines, là où il avait grandi, il aimait plus que tout son pays natal, mais il n'avait pas eu la force d'y retourner, et aujourd'hui, c'était impossible d'y retourner.