Les monstres de la nuit [Feat. Gisella Monti]

Quatre ans que Shelby vivait un véritable enfer, sa seule bouée de sauvetage, c'était son fils. C'est pour lui qu'elle se battait au quotidien, mais parfois, même en pensant à lui, ce n'était pas suffisant pour retirer toute la peine et la souffrance à laquelle elle faisait face.

Elle passait le maximum de temps avec lui, avant que de devoir l'abandonner pour aller travailler. La blonde n'avait jamais trouvé la force de lui avouer ce qu'elle faisait et lui, n'avait jamais posé de questions, et elle devait bien avouer que ça la soulageait grandement. Mais c'était reculer pour mieux sauter, l'allemande ne pouvait pas échapper à ça, elle en était bien consciente.

Après s'être assuré que son fils dormait correctement, elle s'était apprêtée comme tous les soirs d'une jupe noire couvrant à peine le haut de ses cuisses, un haut déboutonné, découvrant le haut de sa poitrine et des talons. Elle était prête à affronter cette nouvelle nuit de travail avec des clients toujours plus difficiles les uns que les autres.

Depuis qu'elle travaillait pour des hommes dont elle n'a jamais vu le visage, Shelby avait une place attitrée où elle devait se tenir en essayant d'être la plus attirante possible afin de récolter le maximum de clients. En dessous un certain seuil, elle risquait de recevoir les remontrances de ses patrons, et elle serait prête à beaucoup de choses pour ne pas passer par-là.

Debout, dans le noir, au pied d'un lampadaire, le sourire collé aux lèvres, elle se devait d'être souriante et attirante. Elle avait appris à faire semblant pendant toutes ces années, c'était comme un réflexe maintenant. Elle connaissait les tarifs par coeur, tout comme les hôtels qu'elle pouvait fréquenter sans attirer l'attention. Et c'était reparti.

La soirée ne faisait que commencer quand un homme l'aborda, persuadé qu'elle était là pour une simple partie de jambes en l'air, il refusait de payer pour faire quoique ce soit. Shelby essaya de se défendre mais, elle ne faisait clairement pas le poids face à cet homme qui devait la dépasser d'au moins deux têtes. En plus de la serrer fort, il lui asséna une violente claque tout en lui jurant qu'il reviendrait. Les insultes ont fusé et l'homme était parti aussi vite qu'il n'était arrivé.

Pas une larme, pas un mot. Rien. C'était le genre de scène que Shelby avait appris à gérer en pensant uniquement à Noah, c'est comme ça qu'elle arrivait à rester forte. Elle ne pleurait jamais devant lui, ni jamais devant les autres d'ailleurs. Elle s'assit quelques instants, histoire de reprendre une certaine contenance puis, elle s'apprêtait à repartir à la chasse quand une voix surgit derrière elle.

Il était tard, trop tard pour être seule sur les terrains abandonnés de Bowen. Surtout pour une femme ne connaissant pas encore la ville comme le fond de sa poche. Gisella s'y était pourtant aventurée, sans se poser de question. Elle avait rarement peur de danger, il fallait le dire. Ou du moins c'est ce qu'elle semblait démontrer. Il est rare qu'elle s'arrêtât devant des peurs irrationnelles comme celles de passer, seule dans le noir de Bowen, sur des terrains à priori vides. Et, il fallait l'avouer, c'était le meilleur endroit pour aller terminer son jogging en paix. Le jogging, c'était sa nouvelle passion. Elle s'y était mise, dans l'espoir de libérer son esprit durant quelques minutes. C'est ce qu'elle avait lu, sur internet, lorsqu'elle s'était renseignée. Il parait que l'activité physique la plus efficace pour se libérer les pensées était la course à pied. Gisella avait l'habitude de pratiquer des sports solitaires. La cour n'était qu'un nouvel ajout à son éventail de talent sportif. À le regarder, il était possible de penser qu'une femme comme elle ne s'abandonnait pas aux joies des activités sportives, et pourtant c'était faute de s'y tromper. Mais la course à pied, ce n'était pas dans l'optique de se remettre en forme ou de vivre sainement, pas comme le kickboxing ou encore le yoga, deux de ses sports favoris, au contraire. La course lui servait d'échappatoire. Du moins, elle allait l'essayer.

Courir en plein jour, ou le matin, c'était impossible pour l'Italienne qui travaillait déjà beaucoup plus que nécessaire. Elle se levait tôt, trop tôt même, pour se rendre au boulot et faisait de longues journées. Le soir, c'était le meilleur moment pour elle pour faire un jogging. Et épuisée, elle trouverait le sommeil plus rapidement sans penser à son coeur qui était pris au piège. Alors qu'elle terminait sa course, là où elle ne devait pas se trouver, elle aperçut au loin deux silhouettes. Deux personnes qui, elles aussi, n'avaient rien à faire à cet endroit. Alors qu'elle s'approchait d'eux, Gisella ralentit le pas observant que leur altercation n'avait rien de très amical. Ils semblaient, l'homme et la femme, se disputer. L'Italienne enleva ses écouteurs et avança discrètement vers les deux inconnus. L'homme racla une violente gifle au visage de la femme qui resta là, sans rien dire. Gisella avait manqué le début de la discussion, ne sachant pas comment la dispute s'était déclenchée. Elle resta muette, derrière un arbre, à observer la scène. Des insultes s'en suivirent alors que l'homme menaça la femme que cette histoire n'en resterait pas là. Il quitta les lieux et, seulement lorsqu'il était assez loin, Gisella sortit de sa planque pour aller rejoindre la femme qui n'avait pas bronché une seconde. Comment allez vous? s'inquiéta-t-elle alors que la dame venait de subir des chocs physiques et mentaux à la fois. Je m'appelle Gisella, je faisais mon jogging lorsque je vous ai aperçus de loin. C'était votre mari ? Son instinct d'avocate n'était jamais bien loin, toujours prête à faire valoir la justice.

Shelby n'avait plus vraiment de limites maintenant qu'elle bossait pour ces hommes qui n'avaient aucune morale. Ils s'occupaient certes de leurs filles, ils les protégeaient contre des clients s'ils s'en prenaient à elles, mais ils se fichaient pas mal d'une gifle. La blonde n'était pas abîmé au point d'être défigurée, alors ils passaient au-dessus. Mais quitte à choisir, elle aurait presque préféré que cet homme s'en prenne à elle bien plus violemment, ça lui aurait permis de tenir sa vengeance, même si elle n'était pas de ce genre là, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle aimerait tant pouvoir faire quelque chose, pour pourtant, elle avait les mains liées. Subir. Voilà tout ce qu'elle pouvait faire. Elle n'avait aucun échappatoire et elle se devait d'encaisser encore et encore jusqu'à ce que son corps tout entier lâche et que son esprit ne tient plus le choc. Ce qui ne devrait plus tarder à arriver, à moins que son esprit et son corps soient beaucoup plus forts que ce qu'elle pensait jusqu'ici.

Après cette intervention de son client en colère, Shelby ne bougea pas. Pourquoi ? Parce qu'elle n'avait rien pour rétorquer. Comme on dit vulgairement dans le domaine du commerce "le client est roi", et c'était aussi le cas, même si ce n'était pas du commerce à proprement parlé. Alors, elle l'avait laissé s'éloigner, s'apprêtent à se diriger ailleurs pour trouver un nouveau client. Faire un nouveau sourire. Charmer de plus belle avec sa belle bouille. Il lui arrivait de de demander si ça ne dérangeait pas tout ces hommes de coucher avec une femme qui avait l'âge de leur fille s'ils en avaient, mais à croire que ce n'est même pas quelque chose qui leur traversait l'esprit.

L'homme violent s'était éloigné et Shelby fit quelques pas avant d'être interrompue par une femme. D'où sortait-elle ? Avait-elle vu la scène en entier ? Les yeux apeurés de la blonde se tourna vers elle comme si elle cherchait à obtenir un quelconque réconfort sans pour autant oser le demander.

" - Je.. Ça va.."

Avait-elle vraiment le droit de dire qu'elle était au bout du rouleau ? Qu'elle avait longuement pensé au fait de mettre fin à ses jours sans pour autant faire trop souffrir son fils ? Elle ne savait plus quoi faire pour avoir une vie heureuse, si toutefois elle le méritait encore. Alors, elle esquissa un sourire parce que c'est la seule chose qu'elle savait faire. Même s'il était factice. Dans d'autres situations, elle aurait sans doute rigolé nerveusement, mais elle n'en avait même plus la force. Est-ce que cet homme était son mari ? Mariée à quasiment vingt trois ans ? Non. Cet homme était seulement son client. Un parmi tout ceux déjà présent dans son calepin.

" - Non.. Je ne connais pas cet homme.."

N'aurait-elle pas mieux fait de dire qu'il s'agissait de son mari ? Désormais son interlocutrice allait poser des questions beaucoup plus gênantes, mais il suffisait de la regarder pour comprendre. Quelle jeune demoiselle irait sur ce terrain abandonné, vêtue comme elle l'était ? Il n'y avait pas trente six mille possibilités.

Dans le cadre de son travail, Gisella en avait vu de toute les couleurs. Ayant, bien plus souvent qu'autrement, à représenter des criminels, elle avait eu affaire à des histoires à glacer le sang bien plus d'une fois. Des histoires de vangances où les hommes avaient violé des femmes pour les punir, où tuer à coup de balles était la solution à la peine ou même où le vol semblait la seule avenue possible. Des histoires saugrenues, elle en avait entendu. Plus rien ne lui faisait peur à l'avocate italienne nouvellement arrivée à Bowen. Donc, ce soir alors qu'elle pensait faire un jogging inoffensif pour perdre les kilos de trop qu'elle avait emmagasinés, elle n'hésita pas à intervenir lorsqu'elle surprit une altercation entre une femme et un homme non loin d'elle. Bien évidemment, avant de daigner s'approcher, Gisella avait attendu que l'homme quitte les lieux. Elle n'avait pas peur des histoires, non, mais elle ne voulait pas se confronter à un homme en colère. Qui sait de quoi il aurait été capable face à elle, alors qu'il avait violemment frappé la blonde qui se retrouvait désormais seule. Une fois le champ libre, l'Italienne sortit de sa cachette pour se diriger vers la femme qui semblait apeurée.

La femme avait l'air jeune, du moins plus jeune que Gisella. Elle était habillée d'une façon un peu trop provocatrice pour faire qu'un simple jogging, mais la brune ne la jugeait point. Elle lui demanda si tout allait bien pour elle, s'inquiétant de la gifle qu'elle avait reçue. C'est tout un coup que vous avez reçu. Ajouta-t-elle pour lui démontrer qu'elle était de son côté. Vous ne connaissez pas cet homme ? Gisella se doutait bien que, si la blonde ne connaissait pas son agresseur, cette dernière ne devait pas être ici pas pur hasard. Pourtant, Gisella ne lui mentionna pas qu'elle avait compris ce qu'il s'était passé, il lui revenait à elle de se confier. Je suis avocate,si vous avez besoin de quelque chose.. Des conseils ou autre.

Shelby n'avait jamais été bien difficile. Elle avait toujours été sociable, souriante, avenante et d'une extrême gentilesse, mais toutes ces qualités avaient fini par se retourner contre elle. Pour la jolie blonde qui n'avait jamais connu l'amour, le vrai, celui avec un homme qui vous regarde comme si vous étiez une merveille, comme si le moindre geste pourrait vous briser. L'allemande n'avait jamais eu cette chance, cela faisait quatre ans qu'elle était obligée de vendre son corps pour survivre, pour donner une existence assez digne à son fils qui ignorait encore tout du quotidien de sa mère.

Comment expliquer à la jeune femme d'à peine vingt deux ans que la vie ce n'est pas ça ? Que les hommes ne sont pas tous comme ça et qu'il en existe certains qui seraient prêt à lui venir en aide ? Son quotidien avait fait en sorte qu'elle avait pris pour acquis certaines choses qu'elle vivait, alors qu'au fin fond d'elle-même, elle savait que la vie ne se résumait pas à ça.

Avec le temps justement, Shelby avait pris pour acquis qu'elle n'était vu que comme un bout de viande pour ces hommes aux pulsions sexuelles incontrôlables. Qu'elle ne trouverait jamais le bonheur qu'elle espérait secrètement. Mais surtout, qu'elle ne méritait pas mieux que ce qui lui arrivait, que ce soit ces clients violents ou même ceux qui prennent un malin plaisir à la rabaisser plus bas que terre. En plus du choc physique, elle subissait constamment un choc émotionnel énorme, faisant en sorte qu'elle perdait le peu d'humanité qui lui restait. À tel point qu'elle était réduite à obéir si elle voulait vivre, vouloir à quoi se résumait son quotidien aujourd'hui.

L'homme qui venait tout juste de partir après l'avoir giflé ne faisait que confirmer tout ce qu'elle pensait déjà d'elle-même. Et elle était perdue dans ses pensées sombres quand une jeune femme l'avait interrompue et lui avait expliqué qu'elle avait assisté à la scène de loin. Était-il son mari ? Bien sûr que non, mais Shelby n'avait pas le courage de lui dire qu'elle était payée pour ça et qu'elle venait de se faire frapper par un client mécontent. Elle avait tellement honte de ce qu'elle était devenue, du rang auquel elle s'était rabaissée.

Une simple coup d'oeil à son interlocutrice et l'allemande avait compris qu'elle avait compris ce qu'elle faisait ici. Cette étincelle dans son regard qui lui signifiait qu'elle savait pourquoi elle était ici ainsi que la raison pour laquelle elle portait cette tenue, mais par politesse ou par courtoisie, elle ne jugea pas nécessaire de le lui faire remarquer. À la place, elle lui proposa de l'aide de manière quelque peu détournée.

" - J'ai besoin de tellement de choses, mais je doute que vous puissiez me les fournir."

En commençant par la sortir d'ici, mais les honoraires d'avocat étaient beaucoup trop élevés pour la blonde qui payait difficilement son loyer et les fournitures pour Noah, son fils de trois ans. Avoir un enfant demande énormément de finances, et elle le savait parfaitement, elle s'était sacrifiée pour lui offrir une existence décente.

" - Et puis, je ne serai jamais en mesure de vous payez pour les conseils ou autre.. Je ne suis pas une bonne cliente pour vous."

C'était certain qu'elle aurait beaucoup à perdre à s'occuper de Shelby, et puis, même si elle acceptait, que pourrait-elle faire ? Freja avait déjà prévu de faire rencontrer la blonde avec sa colocataire qui est aussi policière, ce qui n'était déjà pas aisée parce qu'elle prenait le risque de mettre en danger son fils et que celui-ci lui soit retiré.

Téméraire, Gisella l'était. Au loin, lorsqu'elle aperçut cette jeune femme dans ce qui semblait être une dispute de couple, elle ne put qu'accourir à sa rescousse. Elle n'était pas assez folle pour s'interposer dans une altercation, elle connaissait bien trop la loi pour cela, cependant elle restait aux aguets jusqu'à ce qu'elle puisse venir en aide à la jeune femme. De fil en anguille, l'Italienne compris ce qu'il en était de l'altercation, de la dispute et de la gifle. Elle n'avait pas besoin qu'on lui explique. À regarder la blonde, on comprenait très bien qu'est-ce qu'elle fabriquait sur le bord d'une route abandonnée. Des cas comme elle, Gisella n'en avait pas vraiment eu. Elle se consacrait surtout aux criminels, à ceux qui faisaient les crimes et non aux victimes. Cependant, elle connaissait bien le moule. Autant les clients que les proxénètes. Elle était donc quelque peu équipée pour lui venir en aide, les lois restant tout de même les lois. Et puis, évidemment, elle serait en mesure de la référer si elle avait besoin d'aide plus spécifique. Mais pour le moment, le but n'en était pas là. Gisella cherchait simplement à rassurer la dame qui, malgré l'allure solide qu'elle essayait de se donner, devait être apeurée et démunie à l'intérieur, ne sachant pas comment se sortir d'une pareille affaire. Essayez tout de même, on verra ce qui est possible de faire. Comment puis-je vous aider ? Dit-elle avec un large sourire, rassurante. Mais la blonde déclina l'offre sous prétexte qu'elle n'aurait pas les moyens de s'offrir les services. Gisella rit légèrement en baissant la tête. Puis elle releva le regard vers elle. On ne parle pas d'argent ici, je ne suis pas en service. Je ne me cherche pas des clients. Tout ce que je veux c'est vous aider. Il est vrai que les honoraires des avocats étaient assez exorbitants, mais Gisella ne cherchait pas du travail ni même à faire la charité. Elle avait été témoin d'une situation, elle cherchait simplement à la résoudre.

Shelby était obligée de vivre dans un environnement malsain. Chaque matin lorsqu'elle se levait, elle essayait de ne pas passer à la soirée qui l'attendait, alors elle s'occupait de son fils, l'emmenait faire des balades et visiter le zoo par exemple. Mais tout cela n'était rien comparé aux menaces qui planaient au-dessus d'elle. Elle sait que les hommes qui travaillent dans l'ombre, l'observent au quotidien, peu importe combien ils sont et où ils sont, ils ont un oeil sur elle et sur son fils. Sa plus grande force mais aussi sa plus grosse faiblesse. Et si elle ne faisait son quota pour la soirée ou si un client venait à se plaindre, elle mettait la vie de son fils en danger, et c'est la dernière chose qu'elle souhaitait.

Cet homme qui avait eu un excès de violence, elle aurait pu lui cracher tout ce qu'elle avait sur le coeur, mais elle n'était pas comme ça, et même si elle souffrait à l'intérieur, elle n'avait pas le droit de le montrer. Tant qu'elle n'avait pas retiré cette tenue, elle devait arborer un sourire sur son visage, elle se devait d'aguicher les hommes d'une manière sensuelle, mais au fond, tout cela n'était qu'un masque. Shelby n'était pas cette femme là, elle était timide, renfermée et réservée mais aller draguer des hommes du double ou triple de son âge, ce n'était pas sa vraie nature.

Immobile après avoir reçu cette claque, elle ferma les yeux pour contenir cette colère et cette souffrance. Mais elle avait été rapidement rejointe par une femme qu'elle ne connaissait pas. Elle avait assistée à la scène et inutile de dire que simplement en la voyant, Shelby avait compris qu'elle savait. En même temps, il ne fallait pas être dupe. Une jeune femme sur un terrain abandonné en tenue aussi courte, avec un homme, il n'y avait pas non plus des centaines de possibilités.

" - J'ai besoin que mon fils soit en sécurité.."

Et même si elle avait besoin d'énormément de choses, comme de l'aide pour s'en sortir, ce n'était pas la première chose qu'elle voulait. Si Noah courrait le moindre risque, elle ne pourrait jamais entamer quoique ce soit, même si Freja lui avait dit qu'elle la soutenait et qu'elle en discutait avec sa colocataire. Il fallait avant toute chose qu'elle obtienne une protection pour son fils, que ces hommes ne puissent pas l'atteindre. Était-ce réellement envisageable une telle protection ? Ces hommes avaient le bras tellement long qu'elle en doutait.

" - Je ne sais pas si c'est possible de m'aider.. Je suis ce qu'on appelle un cas perdu et je n'ai pas envie de vous faire perdre votre temps.. Mais.. J'aimerai me sortir de tout ça." fit-elle en murmurant doucement de peur que quelqu'un ne puisse entendre leur conversation.

C'était la première fois que Shelby avouait qu'elle voulait se sortir de tout cela. Ça avait toujours été son choix, à aucun moment elle n'avait été travailler parce qu'elle en avait envie, mais elle n'avait aucun papier et elle était prostituée, jusqu'alors, elle avait toujours fuit tout ce qui porte un uniforme, c'est synonyme d'ennuis pour elle et toutes les filles comme elle.

Ce que la blonde vivait, Gisella n'en avait aucune idée. Mais, elle pouvait se l'imaginer. S'imaginer dans quel était elle devait se trouver le soir avant de se coucher lorsque tout ce qu'elle avait en tête, malheureusement, était les images de ces hommes qui la touchaient. Gisella frissonnait à cette idée et une vague de compassion s'empara d'elle. La blonde semblait démunie, sans savoir comment se sortir de cet enfer qui, ce soir, semblait en être trop. Mais, Gisella pensait peut-être sans réellement savoir. Elle lisait le désespoir dans les yeux bleus de la blonde, sans pour autant être assurée qu'elle avait besoin de son aide. Lorsque l'Italienne lui proposa, la blonde sembla refusée. Elle avait souvent vu des gens refuser son aide, retrouver l'offre du revers de la main, simplement par peur des représailles ou de l'implication que cela impliquait. Voilà pourquoi, contre son habitude, Gisella insista. Elle voulait mettre en confiance l'étrangère, lui assurer qu'elle l'aiderait réellement et non pas par des promesses peu sincères. La jeune femme lui parla alors de son fils et de ses craintes pour sa sécurité. Gisella s'approcha un peu de la blonde, brisant la distance qu'il y avait entre elles, et lui sourit tendrement. Je peux vous assurer que votre fils sera hors de tout danger.... Elle marqua une pause, cherchant à connaitre le nom de la blonde qui lui faisait face, les larmes presque aux yeux. J'en ferai me devoir personnel. Continue-t-elle, en appuyant sur chaque mot prononcé. Quel âge a-t-il ? demanda-t-elle, tentant de créer tant bien que mal un lien de confiance entre elles. Ce qui sembla marcher puisque la jeune femme s'ouvrit un peu plus à l'avocate, lui précisant qu'elle voulait se sortir de tout ça. Ne dites pas cela, vous êtes loin d'être un cas perdu, j'en suis certaine. Je peux vous aider, mais vous allez devoir m'aider aussi. Vous allez devoir me raconter votre histoire pour que je puisse faire quelque chose pour vous.

Shelby ne savait pas vraiment si elle avait bien fait de de confier, de montrer qu'elle était faible finalement, parce que c'est ce qu'elle était, mais devant Noah elle faisait toujours semblant, elle lui devait ça. Elle était sa mère et elle ne devait pas se plaindre, mais si c'était mentir à son fils concernant la beauté de la vie, elle n'avait pas eu cette chance et elle ferait tout pour qu'il ne manque de rien et ne fasse pas les mêmes erreurs qu'elle. Noah c'est ce qui lui ai arrivé de mieux durant cette période où elle cherchait sans cesse quelque chose, quelqu'un à qui se raccrocher. Mais en même temps, c'était aussi une cible extrêmement facile, il suffisait qu'on la menace de s'en prendre à lui pour qu'elle se mette à effectuer les pires tâches. Parce que son seul but c'est de mettre son fils à l'abri de tout ce qu'elle vit. Même si tôt ou tard, il sera forcé d'apprendre la vérité, que ce soit de sa bouche ou d'une autre.

Quand la jeune femme face à elle lui assura que son fils serait hors de danger, elle voulait y croire, sincèrement parce qu'elle avait l'air de l'être vis-à-vis d'elle, mais pouvait-elle vraiment le protéger contre ces hommes ? Avait-elle des contacts qui pourraient l'aider ? Autant de questions qui passaient dans la tête de la blonde sans qu'elle n'ose en poser aucune.

" - Il vient d'avoir quatre ans.. Il devrait rentrer à la maternelle en fin d'année.." confia-t-elle à son interlocutrice.

Raconter son histoire, outre la honte qu'elle ressentait à en parler, elle savait que la jeune femme, aussi intelligente qu'elle semblait l'être, n'allait pas rater le fait que Noah avait été conçu ave un de ses clients, maintenant qu'elle connaissait son âge. Shelby n'avait pas envie de se perdre dans tous les détails, alors elle opta pour la version courte de sa courte et misérable vie.

" - Je suis issue d'une famille avec deux grands frères, mon père avait décidé que son entreprise reviendrait à ses enfants. Les deux grands ont refusé alors il ne restait plus que moi. Je faisais des études pour lui faire plaisir, mais un jour, c'était trop compliqué alors j'ai tout arrêté. Il a très mal supporté que je ne souhaite pas reprendre l'entreprise, alors il m'a mise dehors à seize ans. De là, j'ai quitté mon pays natal pour m'installer ici à la recherche d'un petit boulot. D'abord serveuse, puis suite aux avances de mon patron que j'ai refusé j'ai été viré. Alors j'ai poursuivi mes recherches jusqu'à ce qu'un homme me propose un boulot bien payé et pas compliqué. Naïve et avec un besoin urgent d'argent pour payer le loyer, les courses et le reste, j'ai foncé tête baissée. Le lendemain je me retrouvais sur le trottoir à devoir aguicher des vieux dégoutants et en prime je n'avais plus mes papiers. Donc aucun moyen de faire marche arrière ou même de fuir.. Puis Noah est arrivé.. Ça a été la plus belle chose qui me soit arrivé, mais aujourd'hui, les menaces contre lui sont nombreuses pour m'obliger de faire quelque chose dont je n'ai pas envie.. C'est ma plus grande force parce qu'il m'aide à tenir au quotidien, mais aussi ma pire faiblesse parce que ces hommes l'utilisent contre moi, tout comme la police lorsqu'ils veulent obtenir des informations que je ne détiens pas.."