The unbreakable vow (Gisella)

Quelle surprise ! Hier soir, Tahlia avait reçu ce message d'un numéro inconnu, d'un expéditeur avec qui elle n'aurait jamais pensé avoir contact. Gisella, l'ex-femme de Ciàran, cette grande brune d'apparence si froide avec qui la première rencontre n'avait pas été des plus chaleureuses. D'abord méfiante, Tahlia lui avait laissé comprendre qu'elle ne voulait pas avoir aucun lien avec elle. Mais Gisella avait su donner un nom, un nom qui changeait toute la donne et qui attisait la curiosité de l'ex-policière. Ciàran. S'il y avait bien un point commun entre ces deux brunes, c'était l'attachement qu'elles portaient à l'italien. Cet attachement qui faisait, qu'aujourd'hui, elles allaient se rencontrer. Ayant rendez-vous à 13h, Tahlia était déjà présente une demi-heure plus tôt. Elle n'aimait pas être en retard. Elle se dirigea vers la terrasse, où elle s'installa sur l'un des fauteuils confortables. Sa main caressait doucement son gros ventre, sentant les mouvements de son bébé. Son regard se perdit à l'instant sur le paysage qui s'offrait à elle, songeuse. Gisella lui avait parlé de problèmes, des problèmes qui pourraient à terme affecter Ciàran. Connaissant le secret de l'italien et le milieu dans lequel il évoluait, il était normal que de tels mots viennent inquiéter Tahlia, dont les questions tournaient en boucle. Mais une chose restait certaine : même enceinte jusqu'au cou, elle était prête à tout pour protéger cet homme. Une demi-heure plus tard, Gisella fit son apparition. La magnifique brune avança jusqu'à elle et Tahlia la salua d'un signe de la tête. "Bonjour, Gisella." Elle l'invita à prendre place face à elle. "Est-ce que tu veux boire quelque chose avant de me dire tout ce que tu as à dire ?" Autant rendre le moment plus agréable, dirons-nous.

Treize heures. Resto-bar près de la plage. C'était le rendez-vous qu'elles s'étaient donné, Tahlia et Gisella. Autant dire qu'à l'aube du premier message envoyé, Gisella s'était sentie nerveuse. La policière aurait eu toutes les raisons du monde d'envoyer balader l'ex-madame Adreani. Leur première rencontre n'avait rien eu de cordial. Une rivale, voilà comment elle la voyait. Comment elles se voyaient, mutuellement. Parce qu'elles avaient toutes les deux été importantes dans la vie de Ciàran. Et l'inverse était vrai aussi. Elles avaient toutes les deux beaucoup compté sur Ciàran, pour diverses raisons multiples, propres à chacune d'elles. Alors, ce rendez-vous, Tahlia aurait pu le refuser. C'est ce qu'elle fit, d'abord, quand elle eut le nom de la mystérieuse personne qui avait gardé son numéro de téléphone. Avec raison. Mais Gisella s'était donné comme mission catégorique de percer l'animosité entre elles pour le bien de leur commun point central. Si elle ne le faisait pas pour Gisella, elle demandait à Tahlia de le faire pour Ciàran. L'Italienne se rendit donc au point de rendez-vous. En entrant, elle vit la silhouette de Tahlia se dessiner au centre de la terrasse, elle aurait pu la reconnaitre entre mille. Belle, somptueuse même, ses grands yeux verts d'un l'un était sensiblement un peu plus foncés, ses grandes mèches brunes qui encadrent son visage telle la vision d'une sirène sur un rocher. Elle est magnifique. Ciàran a du goût, lorsqu'il est question de choisir une femme. Gisella l'imite, s'avance vers elle, et pose rapidement un regard vers son ventre bien rond. Elle fronce les sourcils, remonte le regard vers la policière. « Bonjour, Tahlia. Merci d'avoir accepter de me rencontrer », commence-t-elle en contournant les sièges pour se placer à ses côtés. « Félicitations », fit-elle, un sourire sincère. Elle était belle de nature, Tahlia, mais la grossesse lui allait à merveille. « Bonne idée. Deux cocas, ça te va? », demande-t-elle. Elle attend sa réponse, se propose pour aller chercher la commande et éviter ainsi de faire déplacer son invitée pour rien. Elle revient avec les boissons, les pose sur la table entre elles et regarde longuement la jeune femme. « Comment tu vas? Tu peux toujours exercer les mêmes fonctions avec la grossesse? », se questionne l'ex-avocate. Elle n'achète pas du temps, mais ce qu'elle a à dire est douloureux, pour elle. Vaut mieux mettre son invitée dans un bon état avant de lui larguer la bonne qu'elle lui prépare.

Si on lui avait dit, quelques mois auparavant, qu'elle se retrouverait dans un bar à attendre Gisella, Tahlia ne l'aurait sûrement pas cru. Elle n'était pas méchante, mais quand cela n'accrochait pas avec quelqu'un, l'ex-policière mettait directement cette personne dans la case ignorance. Au début, elle avait voulu ignorer ce message, mais Gisella avait su rattraper son attention en parlant de Ciàran. Et Ciàran était sûrement la seule personne qui pourrait mettre de côté la rivalité entre les deux brunes. Il était le seul intérêt commun qui pouvait les pousser à se rencontrer. Quand Gisella arriva, le regard de Tahlia se perdit un peu plus longuement sur elle. Elle arrivait avec sa démarche assurée, pleine d'élégance et de légèreté. Tahlia se sentait bien pitoyable à côté, avec son ventre de femme enceinte, ses cheveux qu'elle peinait à peigner tant ils souffraient de la grossesse. Mais elle secoua la tête, ne voulant pas se miner le moral avec une jalousie mal placée. Une jalousie ? Oui c'était bien le mot. Tahlia ne savait pas pourquoi Gisella était de retour, mais elle était bel et bien là. Et elle ne savait pas vraiment quel en serait l'impact auprès de Ciàran. La brune s'en voulait d'ailleurs de ressentir cela. Ciàran ne lui devait rien. Et pourtant, quand ça le concernait, Tahlia perdait toute raison possible. La voix de Gisella la fit sortir de ses pensées et esquisser un léger sourire : « Il faut dire que tu as réussi à attirer mon attention. » Sinon elle ne serait pas là, effectivement. La brune s'installa à ses côtés, son regard se posant sur son ventre rond. Elle eut le droit à des félicitations, à quoi Tahlia répondit : « Merci. » Elle aimerait être plus expansive, mais Tahlia gardait une certaine retenue, parce qu'elle ne connaissait pas vraiment Gisella. Afin de préparer au mieux cette conversation, Tahlia lui proposa quelque chose à boire. Ce fut l'italienne qui se leva pour aller chercher les deux boissons. « Un coca, c'est parfait. » Tahlia attendit qu'elle revienne, la remerciant avant de verser son soda dans le verre. Elle releva un regard surprise sur la jeune femme quand cette dernière tenta de faire la conversation, en lui parlant de son état, de sa grossesse. « Je vais bien et toi ? » demanda-t-elle poliment. Puis elle haussa les épaules avant de répondre : « Je ne suis plus policière, la question ne s'est donc pas posée. » Mais à dire vrai, Tahlia aurait sûrement songé à une reconversion par rapport à son bébé. « Et toi alors, comment se fait-il que tu sois de retour à Bowen ? » Elle avait disparu du jour au lendemain. Si elle était là aujourd'hui, c'était peut-être par rapport à Ciàran et aux fameux problèmes évoqués dans les messages de Gisella.

Attirer son attention, c'était le mot juste. Et pourtant, ce n'avait pas été pour faire languir la policière que Gisella s'était montrée aussi évasive par messagerie, mais bien par protection. Et qui d'autre qu'une policière pour comprendre que certaines choses ne peuvent se dire au travers des appareils de communication technologiques qu'étaient les portables? Ce qu'elle avait à dire, les raisons qui poussaient son retour, elles étaient trop dangereuses pour risquer de les dire au travers de sms jusqu'à se voir traquer, déceler, retracer. Tahlia ne s'obstina pas très longtemps. Dès que la brune avait évoqué le nom de Ciàran, l'ex-policière avait accepté de la rencontrer, sans poser plus de questions. Elle serait de toute façon bien vite mise au parfum sur la situation qui justifiait le retour aussi précipité que le départ de l'ex-avocate. « Tu as raison, avoua tout de même Gisella, j'espère que tu comprends qu'il y a des sujets qu'il vaut mieux ne pas aborder au travers d'un portable... » Elle comprendrait, Gisella le savait. Et si Tahlia était sur la défensive, l'Italienne pouvait dire avec certitude qu'elle finirait par lui faire confiance. Tôt ou tard. Peut-être pas cet après-midi-là, mais un jour. Elle finirait par comprendre que l'ex-madame Adreani n'était pas une menace pour elle, mais plutôt une alliée. Quand elle vit le ventre arrondi de Tahlia, une pensée se glissa pour Ciàran. Tous les deux, avaient-ils? Elle ne connaissait pas bien la vie de l'Autralienne, outre que les moments qu'elle avait partagé avec son ex-mari. Et si elle portait son enfant? Cela changerait-il leur probable future alliance? Gisella n'osa pas la questionner sur le sujet, se contenta plutôt de la féliciter, la trouvant ravissante dans la grossesse, avant de leur ramener deux boissons pour rendre leur moment plus agréable. Au retour de l'ex-avocate, Tahlia entra dans les formules de politesse que la brune avait imposées, demandant à son tour de ses nouvelles. « Ça va », assura-t-elle à son tour, un demi-sourire au visage qui se transforma en expression de surprise lorsque son invitée reprit la parole pour l'informer que la police était dorénavant histoire du passé pour elle. « Comment ce fait-il ? », demanda Gisella confuse. Et Tahlia renchérit sur une question qui lui brûlait les lèvres, bien plus que d'expliquer pourquoi elle n'était plus dans le service policier de la ville. « Je sais que c'est ce que tu veux savoir par-dessus tout..., souffla la brune, Je ne te ferai pas languir plus qu'il ne le faut », lui assura-t-elle en hochant la tête. « J'ai dû quitter l'Italie assez subitement. En fait, là-bas, on croit que je suis morte.. J'aurais choisi une meilleure planque pour me cacher, ailleurs que Bowen qui me rattache à mon ex-mari, Tahlia, crois-moi, mais j'ai eu vent de rumeurs qui parlent de le faire payer, ils doutent que je sois réellement morte.. »

Tahlia avait passé la soirée à cogiter, curieuse de savoir ce que Gisella avait à lui dire. Bien sûr, elle aurait pu l'assommer de questions, mais l'italienne lui avait fait comprendre que ce n'était pas un sujet dont on parlait par message. L'expérience de policière de Tahlia l'avait poussée à ne pas insister et attendre patiemment que l'heure tant attendue arrive enfin. Quand la belle brune arriva et qu'elle remercia Tahlia d'être venue, cette dernière lui rappela que c'était surtout la curiosité – et cet instinct de protection qu'elle ressentait envers Ciàran – qui l'avait convaincue de venir ici. Gisella le comprenait très bien, mettant également en avant cette confidentialité du sujet qui réunissait ces deux femmes en face-à-face. « Évidemment que je le comprends. Raison pour laquelle je suis là, aussi. » Elle savait que leurs téléphones pouvaient être de vrais espions technologiques, si l'on savait les détourner comme il le fallait. Et Tahlia connaissait le milieu au sein duquel évoluaient Gisella et Ciàran. Il y avait forcément des professionnels du piratage informatique et technologique au sein de la mafia. Observant le regard de Gisella sur son ventre rond, Tahlia esquissa un léger sourire, se disant que cela devait clairement éveiller quelques interrogations. Elle fut presque tentée de lui lâcher un ne t'inquiète pas, il n'est pas de Ciàran, mais elle se disait que cela pourrait passer pour de la provocation. Après tout, Tahlia ne savait pas quelle était la place de Gisella auprès de l'italien. Mais une chose était certaine et reliait les deux femmes : elles avaient toutes les deux un profond attachement pour le jeune Adreani. Elle garda son sourire aux lèvres quand la brune lui affirma qu'elle allait bien, voyant ensuite son regard se teinter de surprise en apprenant que Tahlia n'était plus policière. « Quelques petits dérapages. » répondit-elle avant de reprendre, sans tomber dans les détails : « Disons juste que j'ai dû choisir entre mon boulot et la protection de Ciàran. » Elle avait volé des preuves à la police, à deux reprises. C'était en effaçant le dossier de Ciàran que l'attention s'était portée sur Tahlia. Mais elle avait seulement fait éclater au jour ce vol d'un dossier en échange de la liberté d'une prostituée. Dans sa chute, elle avait réussi à préserver Ciàran. Et quand Gisella reprit la parole, répondant aux attentes de Tahlia, l'ex-policière comprit que l'italien avait derrière lui des femmes prêtes à le protéger. Pour cela, elles se ressemblaient énormément. Tahlia fronça les sourcils en apprenant que Gisella se faisait passer pour morte en Italie. Ça devait être courant dans la mafia. Mais ce qui l'interpella encore plus, c'était le choix de sa planque. « Attends, il y a quelque chose que je ne comprends pas. » Elle posa son regard sur Gisella, concentrée. « C'est après toi qu'ils en ont ou après Ciàran ? » C'était l'une des questions les plus importantes. « Tu ne crois pas qu'en venant à Bowen, tu risques d'aggraver davantage la situation ? Je veux dire, s'ils se rendent compte que tu es bien vivante, tu ne penses pas qu'ils vont croire que Ciàran était complice de ton subterfuge ? » Alors qu'officiellement, il ne l'était pas...

Jadis, Gisella avait usé de son privilège professionnel pour accéder à des données dont elle aurait dû maintenir secrète. Suite à un dossier sur lequel Tahlia avait été un acteur important, représentant le service policier de Bowen, Gisella s'était permis de garder dissimulé dans son téléphone le numéro de celle qui était une rivale. L'idée de toujours avoir la possibilité de communiquer avec elle, de tenir le gros morceau du bâton, avait été un motif raisonnable pour elle de poser un geste toutefois illégal. Son numéro, elle n'avait aucune raison de l'avoir gardé. Et si cela était venu aux oreilles d'un de ses supérieurs de l'époque, elle se serait sans doute fait irradier du barreau. Heureusement, Gisella avait bien joué ses cartes et maintenant qu'elle ne pouvait plus se faire menacer de perdre son emploi, maintenant qu'elle ne pratiquait plus le droit, elle s'était servie de son arme secrète pour entrer en contact avec la seule personne qui voudrait sans doute la même chose qu'elle, protéger son ex-mari. Ciàran était leur seul et unique lien. Gisella remercia la brune se s'être prêté au jeu, de s'être présenté sans même savoir de quoi leurs échanges auraient question, un peu les yeux bandés, le suspens qui planait dans l'air. Tahlia confirma ce que l'ex-avocate croyait, évidemment elle comprenait que certaines choses valaient mieux être éviter par le biais de leurs appareils technologiques, petites mines à incrimination. Alors que l'ex-policière crachait le morceau sur les véritables raisons de son changement de profession, gardant tout de même soin de maintenir quelques informations secrètes, Gisella posa sur ses lèvres un sourire réconfortant, emprunt d'une douceur infinie. Elles n'étaient pas loin, l'un de l'autre, se ressemblaient à bien des niveaux. Et le geste que la brune avait posé, quitte à perdre son boulot, en était la preuve ultime. Elle était, à Bowen, sa meilleure alliée. Jusqu'à preuve du contraire. « C'était généreux de ta part », fit l'Italienne avec de la reconnaissance dans la voix, comme si elle cherchait à remercier la future maman du risque qu'elle avait pris, quitte à perdre son emploi de vie, pour protéger celui qu'elles avaient toutes les deux à coeur. À l'aube des confidences que Tahlia lui livrait, ce fut au tour de Gisella d'ouvrir la boîte de pandore sur sa vérité qu'elle cachait encore. À ce jour, Tahlia était la seule à être sur le point de l'entendre, la seule à qui la brune se confierait avec une liberté absolue. Et elle lui dit tout. Sa mort, sa planque, ses peurs. Ce sur quoi l'ex-policière eu besoin de demander des précisions. « Un peu des deux, je dirais », avoua-t-elle quand Tahlia lui demanda s'ils en voulaient à elle ou à son ex-mari. « Techniquement, c'est à moi qu'ils en veulent. C'est une histoire de rupture de services. » Elle marqua une pause l'instant de prendre une gorgée de son coca, laissant Tahlia la questionner de plus belle. Gisella hocha la tête à sa nouvelle question. « Peut-être. Mais je ne pouvais pas prendre le risque de disparaître sans veiller sur lui, à ma façon... Je m'en voudrais s'ils s'en prenaient à lui. Et je pense que tu peux le comprendre.. » Sa dernière phrase n'était pas un reproche, mais plutôt une incitation à essayer de comprendre son choix qui pouvait sembler mauvais. « J'ai travaillé longtemps pour la mafia, contre mon gré. C'est mon père qui l'avait demandé, à l'époque. Aujourd'hui, il est décédé. Et si j'ai toujours voulu le rendre fier de moi de son vivant, maintenant qu'il n'est plus de ce monde, je ne me voyais pas continuer à servir une association telle que la mafia. On a refusé ma démission, on m'a menacé de me faire perdre le droit de pratiquer.. »

Elles se ressemblaient bien plus qu'elles ne le pensaient, Gisella et Tahlia. Elles étaient toutes les deux fougueuses, prêtes à foncer la tête baissée pour des causes ou des valeurs qui leur tenaient à cœur. Gisella avait sûrement brisé les règles propres à son métier en relevant le numéro de Tahlia. Tahlia avait aussi brisé les règles propres à son métier en volant des preuves qui auraient pu causer de forts dommages si elles étaient restées dans les mains de la police. La brune l'avoua alors à demi-mots, en disant qu'elle avait fait passer Ciàran avant son travail, sa vocation. Gisella qualifia cela de généreux, ce à quoi Tahlia répondit : « Ce n'est pas généreux. J'étais celle qui avait lancé un dossier contre Ciàran. Il était normal que je rattrape mes erreurs pour ne pas que lui et Gabriel aient à en pâtir. » Il n'y avait aucune générosité, mais une énorme affection qui faisait qu'elle préférait faire disparaître les preuves plutôt que de voir une vérité éclater et faire bien plus de mal. Elle avait préféré perdre son emploi – un simple emploi, finalement – plutôt que d'arracher un père à son enfant. Maintenant qu'elle allait être une future maman, elle se disait qu'elle avait fait le meilleur choix possible. Après ces quelques confidences, ce fut à Gisella de lui faire part des raisons qui l'amenaient ici. Il y avait énormément d'écoute dans cet échange, comme si l'une et l'autre savaient qu'elles pouvaient former une alliance forte et productive. Qui aurait pu croire que Tahlia serait là, face à celle qu'elle avait vu comme un obstacle?! Sûrement pas elle. Elle s'engageait pourtant dans quelque chose qui la dépassait – elle qui avait voulu en savoir le strict minimum sur la vie cachée de Ciàran – mais elle ressentait le besoin d'en savoir plus. Apparemment, la mafia en voulait aussi bien à Gisella qu'à Ciàran. Gisella parla de rupture de services. « Et pour Ciàran ? » demanda-t-elle, doucement. Lui aussi avait voulu rompre les services ? Ou n'était-il qu'un simple appât pour faire tomber Gisella ? Ce fut sur cette dernière idée que Tahlia posa sa question, lui demandant si c'était vraiment une bonne idée de se rapprocher de Ciàran pour le protéger alors qu'elle prenait peut-être le risque d'attirer davantage le danger. Gisella semblait comprendre où Tahlia voulait en venir. Mais Tahlia comprit aussi la prise de positions de la brune. « Oui, tu n'as pas eu envie de fuir et de faire comme s'il n'existait pas. » Elle veillait sur lui, à sa façon. « Tu préfères être dans le coin, au cas où... » ils rappliqueraient... Elle ne termina pas sa phrase, ne préférant pas savoir ce qu'il se passerait si cela était le cas. De nouveau, Gisella se confia sur ce qui l'avait poussé à intégrer la mafia. Ce n'était qu'une histoire de famille, de fierté paternelle. C'était triste de s'engager dans quelque chose d'aussi terrible pour attirer le regard de son propre père. Tahlia posa un regard compréhensif sur la brune, hochant légèrement la tête : « Je ne connais pas grand chose à la mafia italienne... » Après tout, elle avait été flic à Bowen, petite ville de 7000 habitants. Ce n'était pas là où il y avait de telles histoires. « … mais j'ai bien compris que l'on ne quittait pas l'affaire aussi facilement. » Et il était là le problème pour Gisella. « Du coup, qu'est-ce que tu vas faire face à tout cela ? Qu'est-ce que tu vas faire s'ils viennent jusqu'ici ou s'ils découvrent que ta mort n'était qu'un subterfuge ? » Et aussi : « Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? » Gisella avait fait appel à Tahlia. L'italienne avait sûrement une idée en tête pour impliquer Tahlia dans tout cela.

Elles étaient prêtes à tout risquer, Gisella et Tahlia, pour sauver Ciàran. Cette affection qu'elles portaient toutes les deux envers cet homme, qui autrefois les avait mis dans une position peu encline à une amitié, pourrait aujourd'hui les rapprocher. Gisella qualifia l'acte de l'ex-policière de généreux, ce qu'elle réfuta sans attendre, précisant qu'il n'y avait rien de généreux dans sa décision. Seulement, ses excuses ne faisaient aucun sens. Gisella lui sourit. « C'est ce que l'on appelle être généreuse, oui », souffla-t-elle. « Tu as préféré sauver Ciàran et Gabriel d'une exportation possible en mettant en péril ta propre carrière », dit-elle à voix assez basse, pour qu'elles seules puissent entendre. « Ça, c'est généreux. Tu peux t'obstiner à dire que ce ne l'est pas, seulement toi et moi nous le savons. » Elle ne voulait pas sonner arrogante ou insistante, Gisella arrêta la, gratifiant son interlocutrice d'un sourire sincère. « Et je t'en suis sincèrement reconnaissante », finit-elle par conclure. Ce qu'elle ne savait pas encore, Tahlia, c'est qu'elle aussi, elle se mettait en péril pour sauver Ciàran et Gabriel d'un potentiel danger. Et qu'il lui fallait tout son petit change pour oser demander de l'aide, une alliance, à l'ex-policière qu'elle n'avait jamais réellement portée dans son coeur. Seulement, quand elle l'avait contacté, elle ignorait que Tahlia était enceinte à présent. Et ça allait peut-être tout changer. La future maman ne voudrait peut-être plus tout risquer, à présent qu'elle aurait un petit bout d'humain à protéger à son tour. Pour Gisella, c'était simple. Des enfants, elle n'en avait pas. Et elle risquait de ne jamais en avoir, d'ailleurs, avec la vie qu'elle menait, incapable de se caser, incapable de s'imaginer vivre à nouveau un mariage et une vie de couple quelconque. La mafia, son faux mariage et ses déboires amoureux avaient sans doute fragilisé ses capacités à trouver l'amour. « Pour Ciàran ? », répéta-t-elle, incertaine de comprendre la question. « Il n'est question que de moi, dans la démission. », fit-elle simplement. Elle ne savait pas à quel point son ex-mari avait donné des informations à Tahlia, ni même les informations qu'elle-même avait pu trouver sur lui alors qu'elle enquêtait, nul n’était l'idée pour elle de gâcher la confiance qu'il avait en elle ou de rompre des silences qu'il tenait à maintenir. Seulement, elle comprenait que pour tout comprendre de la situation, il lui fallait avoir des informations minimales. Celle-là, Gisella était à l'aise de le lui donner. « C'est exactement ça... », acquiesça-t-elle alors que Tahlia supposait qu'elle voulait rester dans les parages au cas où il aurait besoin d'aide. « C'est exactement pour ça que j'ai choisi la mort », précisa-t-elle quand l'ex-policière lui mentionna que l'on ne quittait pas aussi facilement la mafia. Elle avait raison, Tahlia, ce n'était pas une organisation que l'on pouvait joindre et quittait comme bon nous semblait. Il y avait des règles et l'une d'elles concernait l'implication à vie dans leur criminalité. « C'est là où tu entres en jeu... », confia la brune en posant ses coudes sur la table. « J'ai changé de nom, d'abord. C'est plus subtil, ça attire moins l'attention. » Elle s'était aussi fait retirer ses tatouages, mais elle le tut, c'était superflu dans la situation actuelle. « Je voudrais une arme, pour me défendre. Seulement, je n'ai pas osé apporter la mienne ici. » Les douanes, les détecteurs de métal, elle se serait fait repérer trop facilement. « Je me dis que tu dois avoir des contacts, non ? » Ça ne servait pas à ça, la police, après tout ? « Concernant Ciàran, j'aimerais que l'on fasse... alliance, si on veut, qu'on se promette de veiller sur lui, chacune de notre côté, de se reporter toutes les allées et venues suspectes que l'on pourrait détecter. » Elle lui demandait gros, Gisella soupira. « Quand j'ai pensé à toi, Tahlia, je ne savais pas que tu étais enceinte. À présent, je suis consciente qu'il s'agit d'une très grande implication pour une future maman. Je trouverai une solution. Maintenant, tu sais, c'est le plus important. »

Quoiqu'elle dise, Tahlia n'était pas d'accord avec Gisella. Ce n'était pas de la générosité. C'était quelque chose d'instinctif, de non réfléchi même. Elle n'aurait pas voulu vivre avec des remords, être responsable de l'enfermement de Ciàran. Elle ne voulait pas être celle qui aurait détruit une famille. « Si tu le dis... » conclut-elle dans un sourire, qui montrait toutefois qu'elle n'était pas convaincue. Elle n'avait pas voulu de la reconnaissance de Ciàran. Elle ne voulait même pas accepter qu'il 'lui en devait une'. Alors la reconnaissance de Gisella la fit sourire de nouveau, se contentant de hocher la tête pour montrer qu'elle avait quand même entendu ses mots. De toute façon, elle n'était pas là pour avoir la reconnaissance de l'italienne. Elle était surtout pour avoir les tenants et les aboutissants qui expliqueraient le retour de la brune ici, à Bowen. C'était une histoire de démission, avant tout. Une démission dans un contexte particulier, celui de la mafia. « Je sais qu'il n'est question que de toi dans cette démission. Mais du coup, pourquoi ils veulent s'attaquer à Ciàran ? Il a fait quelque chose lui aussi, ou il n'est juste qu'un dommage collatéral, un appât pour vérifier que tu es morte ? » Elle essayait de comprendre pourquoi la mafia en avait après Ciàran, s'il avait une part de culpabilité dans l'histoire ou s'il allait être jeté dans la fosse aux lions parce que son ex avait décidé de quitter la mafia. Si cela était le cas, elle comprenait mieux la présence de Gisella ici. Il y avait peut-être une part de culpabilité qui subsistait. La jeune femme l'informa qu'elle avait changé de nom, mais Tahlia doutait que cela arrête la mafia. Tout finissait par se savoir, c'était bien connu. C'était une histoire digne des grands blockbusters. Et Tahlia allait être rattachée à cela. Qu'elle était loin la vie paisible dont elle avait rêvé à un moment de sa vie... Ecoutant avec attention Gisella, Tahlia arqua un sourcil quand cette dernière lui demanda si elle avait des contacts pour l'aider à avoir une arme. Hésitante, Tahlia garda le silence en sondant Gisella. Déjà qu'elle n'avait pas confiance en elle, lui mettre une arme entre les mains n'arrangerait pas le cas. Pourtant, dans un soupir, elle répondit : « Je connais quelqu'un qui mène ce genre de trafics. Je te dirai où le trouver. » Qu'elle était loin la flic irréprochable... Puis Gisella lui expliqua vraiment ce qu'elle avait en tête et ce sur quoi Tahlia pourrait agir. Un léger rire jaune s'empara de la brune : « Tu me demandes de surveiller Ciàran, en fait ? Tu sais qu'il risque de très mal le prendre, s'il l'apprend ? » Ciàran, le maniaque du contrôle, celui qui voulait avoir la main sur tout... Puis alors que Gisella parla de la grossesse de Tahlia, cette dernière secoua la tête et soupira de nouveau. « Je tiens à lui, Gisella. » dit-elle simplement. « Enceinte ou non, je ne compte pas rester les bras croisés en sachant qu'on lui veut du mal. » Elle n'avait pas réussi à le faire tomber, elle n'allait donc pas laisser quelqu'un d'autre le faire à sa place. « Je ne vais pas non plus me jeter dans la gueule du loup. Comme tu l'as dit, c'est une grande implication et je ne peux pas mettre mon bébé en danger. Mais je garderai un œil sur lui. Je continuerai à veiller sur lui comme je l'ai fait jusqu'à présent. Simplement, maintenant, je serai davantage vigilante à ce qu'il se passe autour de lui. » Elle était au courant et c'était bien ce qui lui permettait de rester sur ses gardes. Néanmoins, il y avait encore un détail sur lequel elle devait lever le mystère : « Tu lui as quand même dit les risques qu'il encourait, n'est-ce pas ? » Qu'elle ne fasse pas tout cela derrière son dos sans avoir averti le principal intéressé.

Q'importait qu'elles soient d'accord ou non à ce sujet, au fond ce n'était pas bien grave ni même le but ultime de la conversation. Générosité ou pas, tout ce qui comptait, au final, c'était qu'elles étaient toutes les deux prêtes à tout pour veiller sur celui qui les unissait. Dans une autre vie, dans d'autres contextes, sans doute que Tahlia aurait été une grande amie de Gisella. Elles se ressemblaient sur bien des points, bien plus qu'elles ne le pensaient. La vie les avait mises sur un drôle de chemin, les forçant à se connaître dans des situations qui pouvaient créer les plus grandes animosités. Mais pour l'amour qu'elles posaient mutuellement à Ciàran, leur dénominateur commun, et tout l'attachement qu'elles avaient envers ce dernier, elles avaient mis querelles de côté pour engendrer une discussion. Discussion au cours de laquelle l'ex-policière tentait d'avoir des réponses à ses questions. Gisella tentait de lui donner leur juste du mieux qu'elle le pouvait, mais certaines choses lui étaient encore inconnues. « Je dirais plus qu'il est un dommage collatéral de toute cette histoire », avoua la brune en soufflant. « Évidemment, ils n'ont pas avantage à se débarrasser de Ciàran. Mais, ils savent aussi très bien que, dans l'éventualité où je ne suis pas réellement morte, il serait l'un des premiers au courant. » Et c'était vrai. Elle ne pourrait pas rester cachée indéfiniment. C'était sans aucun doute une erreur de débutante qu'elle tenterait d'éviter le plus longtemps possible jusqu'à ce que la tentation ne la gagne et vienne les mettre plus en danger qu'ils ne l'étaient déjà, tous. En danger, Gisella se le sentait. Et c'est pourquoi elle mentionna l'achat d'une arme. Évidemment, elle savait combien s'était risqué pour la policière de lui donner ce genre de contact, surtout qu'avant de la contacter, la brune n'avait aucune idée que Tahlia ne faisait plus partie du service de police australien. Tahlia resta silencieuse un instant devant une Gisella qui soupira. « Tahlia.. Je n'ai aucun avantage à te demander tout ça », avoua-t-elle. « En te confiant la vérité, je me mets à risque. Je mets Ciàran à risque. Tu peux me croire, sur mes intentions. Sans quoi, je ne t'aurais pas demandé de l'aide. » À quoi bon impliquer un tiers parti dans son histoire complexe, si elle ne racontait pas la vérité, si ses intentions étaient mauvaises ? Et si elles voulaient que leur entente fonctionne, elles devaient se faire confiance, complètement. C'est ce que la future maman sembla croire, elle aussi, alors qu'elle lui glissa l'espoir de l'aider à s'armer, puis en lui demandant comment elle pouvait intervenir exactement dans la suite des choses. « Il n'a pas besoin de le savoir », confia Gisella. C'était même important qu'il ne le sache pas. Sans quoi, il s'y opposerait. Elles le connaissaient bien. « C'est tout ce que je te demande, Tahlia. Pas plus... » Parce qu'elle ne pourrait pas supporter qu'il arrive quelque chose à l'enfant de sa rivale. Elle n'avait aucune idée de sa situation familiale avant d'être entrée en contact avec elle. Et si elle avait su, elle aurait trouvé un autre plan. Mais Tahlia savait. Et maintenant qu'elle était au courant, bien trop impliquée déjà sans le vouloir, elle choisit d'accepter, à ses conditions. « Pas encore. Je ne l'ai pas revu », avoua Gisella. « Et quand ce sera fait, je ne lui parlerai pas de toi. »

A son insu, Ciàran avait contribué à la perte de l'insigne de Tahlia. A son insu, il avait contribué à la rupture entre Tahlia et Carter, alors qu'elle se serait vue faire sa vie avec le britannique. Et aujourd'hui, Ciàran était la raison pour laquelle elle s'insérait dans une histoire qui la dépassait, à coup de mafia italienne, de mort déguisée, de représailles. Quiconque de sensé dirait qu'il n'apportait que des soucis à la brune. Mais chance pour l'italien, Tahlia n'était pas une personne sensée. Et surtout, elle voyait ce qu'il lui apportait à côté de cela. Leur relation n'était peut-être pas des plus saines, mais il la poussait à se sentir vivante. Rien que pour cela, elle avait ce besoin viscéral de le savoir en sécurité. Encore plus dans une situation comme celle-ci, où il était un dommage collatéral. Il était évidemment l'un des rares à connaître toute la vérité sur la mort de Gisella. « Donc, c'est certain. Ils vont forcément faire un arrêt ici... » Elle n'avait jamais plongé dans le monde de la mafia, mais elle se doutait qu'ils ne démordaient pas aussi facilement. Et donc pour préparer au mieux cette arrivée, Gisella avait besoin d'une arme. L'italienne dut voir l'hésitation dans le regard de la brune, puisqu'elle vint à se justifier très rapidement. Elle avait raison. En parler à Tahlia, c'était augmenter les risques pour Gisella, pour Ciàran... et pour Tahlia aussi, d'ailleurs. Mais la brune finit par hocher la tête et murmurer : « Oui, je sais que tu te mets à risque. Je te donnerai l'adresse avant de partir. Mais ne dis pas que tu viens de ma part, il risquerait de ne pas t'aider. » Un léger sourire vint s'afficher sur les lèvres de la brune, brièvement. Pendant des années, elle avait joué au chat et à la souris avec cet homme, mais il avait toujours été plus malin que la police. D'ordinaire, Tahlia aurait eu une once de tristesse en se rappelant ses années flic. Le fait qu'elle allait avoir un enfant lui permettait de se détacher pleinement de ce qu'elle avait été, de ce qui l'avait forgé en tant que femme. Parce qu'être policière, devoir faire ses preuves dans un monde masculin, ça forgeait ! Et Tahlia avait eu des valeurs – qu'elle avait peut-être entachées par la suite – qu'elle transmettrait à son bébé. D'ailleurs, en parlant de ce bébé, c'était bien la raison pour laquelle Tahlia resterait quand même en retrait dans cette histoire. Du genre fonceuse, il fallait croire que l'instinct maternel la poussait à enclencher le frein à main. Elle veillerait sur Ciàran, tout simplement, comme elle le faisait déjà. Mais cette fois, il fallait le faire dans le dos de l'italien, ce qui l'inquiètait quelque peu. Gisella lui affirma qu'il n'en saurait rien. « Il finira par le savoir, d'une manière ou d'une autre. » affirma-t-elle. L'italien était très malin. Il finirait par comprendre. Ou Tahlia finira par faire une gaffe, qui le mènera sur la piste. Il lisait en elle comme dans un livre ouvert. « Et je n'ai pas envie qu'il s'éloigne. » confia-t-elle dans un murmure. Ce serait plus simple, pourtant. Mais elle ne parvenait pas à s'y résoudre. Mais pour l'instant, le jeune Adreani n'était pas au courant. Gisella ne l'avait pas encore revu. Tahlia hocha la tête quand elle lui affirma qu'elle ne dirait rien à son propos. « Très bien. » dit-elle doucement. « Et après ? Comment cela va-t-il se passer ? Tu crois que la mafia va réellement croire en ta mort et vous laisser tranquille ? » Ou allait-elle rester à Bowen et continuer à imposer l'épée de Damoclès sur la tête de Ciàran ? Mais cette dernière question, Tahlia la garda précieusement pour elle...

« Certain, je ne pourrais pas dire », avoua Gisella quand Tahlia laissa une question en suspend. La mafia était tout sauf prévisible, difficile d'aviser leur comportement à l'avance. « S'ils ont des doutes, peut-être. Pour le moment, ils n'en ont pas, je le sais avec certitude. Mais je ne sais pas ce qui se passera dans quelques semaines.. » Et, peut-être que pour cette raison, Gisella n'aurait pas dû venir à Bowen au départ. Mais l'urgence d'agir pour son ex-mari avait été trop forte. Elle avait vu son père, deux balles dans la tête, une pour le tuer, une par vengeance, elle savait combien ça faisait mal de voir une personne qu'elle aimait se faire trahir par la mafia. Et elle voulait éviter tout ça. Peut-être trop, malheureusement. Mais pour ça, il fallait qu'elle se protège. Des armes, elle en avait en Italie, enregistrée à son nom. Mais, ici, il fallait se montrer discrète, elle n'avait pas pu les emporter avec elle, tout de suite on l'aurait démasquée. Il fallait être maline, intelligente, le faire dans le dos des autorités. Et, pour ça, la brune pouvait l'aider. Elle doutait, cependant, hésitait. Gisella se montra à nue devant elle, exposant les risques qu'elle rencontrait de lui donner toute la vérité et c'est ce qui donna à Tahlia l'envie de lui donner un coup de main. « Merci », souffla-t-elle en guise de reconnaissance. « Promis », ajouta-t-elle à sa consigne. Elle comprenait, elle qui avait travaillé dans le domaine criminel, elle savait comment ils fonctionnaient et à qui ils pouvaient faire confiance. Une flic, qu'elle soit encore en service ou pas, ce n'était jamais rassurant pour eux. Et Gisella ne voulait pas la griller. Elles parlèrent ensuite de l'intéressé, celui qui les rassemblait, toutes les deux. Tahlia exprima ses peurs, supposant qu'il finirait par l'apprendre et que cela pourrait lui donner envie de prendre ses distances avec elle. Cette dernière phrase lui fit mal, brisa le coeur de l'Italienne qui, elle aussi, avait toujours eu envie qu'il ne s'éloigne pas d'elle. Et, pourtant, elle n'était pas autant importante à ses yeux, elle, pour mériter de l'avoir encore dans sa vie de cette façon là. Gisella pinça les lèvres, ne croyant un jour prononcer ces mots, avant de regarder Tahlia sincèrement. « Je ne le laisserai pas faire. » Pourtant, elle aurait eu tout avantage à l'éloigner de l'ex-policière, pour elle-même s'approcher de lui. Mais elle ne le ferait pas. « S'il vient à savoir, je porterai le blâme. » Elle se sacrifierait, elle ferait en sorte qu'il la déteste elle et pas la future maman. C'était plus simple comme ça. Et si jamais ça allait trop loin, elle partirait, elle les laisserait revenir à la vie qu'ils s'étaient tous créés, ensemble, sans une place pour elle. Parce qu'il fallait l'avouer, à aucun de ses passages à Bowen, il n'y avait eu de place pour elle. Elle s'y était toujours imposée. Il fallait voir la vérité en face, au fond, elle n'était pas la bienvenue ici. Pourquoi alors s'y forcer ? Gisella racla sa gorge, ne voulant pas laisser paraître l'émotion pour le reste de leur conversation. « Ça dépend. Je l'espère... » Mais ça, elle ne pouvait pas le promettre.

Elle hocha la tête quand Gisella lui avoua que, pour le moment, la mafia n'avait pas de doutes sur la prétendue mort de l'italienne. Pour le moment, ils n'avaient aucune raison de venir à Bowen. Pour le moment... ce qui ne voulait rien dire pour Tahlia. Mais elle se mit un instant dans la peau de Gisella, se disant que cela devait être terrible de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Et ce, à tout jamais. Alors, cela l'aiguilla sûrement sur la décision à prendre face  cette demande particulière. Une ex-flic qui refilait l'adresse d'un vendeur d'armes à une mafieuse, c'était décidément le monde à l'envers. C'était peut-être une mauvaise idée, mais si cela pouvait aussi contribuer à la protection de Ciàran et Gabriel, c'était bon à prendre. Elle esquissa un léger sourire quand la brune lui assura qu'elle tairait son nom.Même si elle avait rendu son insigne et son arme depuis longtemps, Tahlia restait une flic aux yeux de ceux qu'elle avait poursuivi. Et ils n'avaient pas tort. Au fond d'elle, elle restait policière malgré tout. Il y avait encore des déformations professionnelles qui subsistaient, des regards insistants sur tout ce qui était illégal, bien avant qu'elle se fasse elle-même dévorer par cette illégalité. Alors qu'elles parlèrent de Ciàran, Tahlia grimaça en apprenant qu'il n'était pas encore au courant de tout. Les deux brunes se mirent d'accord pour que leur 'pacte' reste entre elles, même si Tahlia n'était pas pleinement convaincue. Elle redoutait le moment où Ciàran comprendra que les deux femmes s'étaient liguées pour le protéger et que son seul réflexe serait de s'éloigner de Tahlia. Cette crainte, Tahlia la souffla du bout des lèvres. Gisella lui assurera qu'elle ne le laisserait pas faire, ce à quoi Tahlia répondit : « Tu le connais. Il est buté. » Il s'était déjà éloigné d'elle une fois. Sans doute le referait-il encore. Elle fut toutefois surprise de voir que Gisella était prête à tout porter. « Pourquoi ferais-tu ça ? »... alors qu'elle aurait sûrement tout à gagner. « Je ne te laisserai pas porter le blâme seule. J'ai accepté, j'assumerai jusqu'au bout, même si les conséquences venaient à en être désastreuses. » Quand elle s'engageait, ce n'était pas pour de faux. Et si Ciàran venait vraiment à s'éloigner, cela prouverait qu'il n'avait rien compris à la force de l'affection qu'elle lui portait. Décidément, l'italien savait comment atteindre les femmes qui l'entouraient. Elle n'était pas dupe, Tahlia, elle sentait que Gisella était encore fortement attachée à Ciàran et que cette situation la touchait beaucoup. La jeune femme lui demanda ensuite quels seraient ses projets pour l'après, si la mafia comptait les lâcher pour de bon. Gisella resta évasive, sans doute parce qu'elle ne maîtrisait aucunement la situation. « Je l'espère pour toi. Pour lui. » Elle espérait que la jeune femme puisse vivre en paix et qu'elle puisse s'établir à Bowen, là où elle avait quelques repères. Même si ces repères concernaient Ciàran... Sans un mot, Tahlia fouilla dans son sac et sortit un bout de papier sur lequel elle griffonna une adresse, qu'elle tendit ensuite à Gisella. « Tiens, c'est le contact dont je te parlais. Officiellement, il tient une boutique de cigarettes électroniques. Officieusement... » Elle ne donna pas la fin de sa phrase, sachant pertinemment que Gisella comprendrait. « C'est juste à la sortie de Bowen. Tu devrais trouver facilement. » Elle regarda la brune, se demandant si elle avait encore quelque chose à lui dire. Hésitante, elle finit cependant par demander : « Si... s'il y a le moindre souci, tu pourras me prévenir, s'il te plaît ? Si je ne réponds pas, c'est que je serais sûrement en train d'accoucher. Sinon, s'il faut aider à quoique ce soit, je serais là. »

Ça avait été son choix, pourtant. Elle aurait pu décider de rester en Italie, de travailler pour la mafia jusqu'à la fin de ses jours, comme elle s'y était laissé enrôler. Mais elle avait fait le choix de s'en départir. Et comme démissionner n'avait pas été une solution possible, pour l'avoir testée, la mort n'avait été que la seule façon notable de se débarrasser d'eux. Mais c'était impossible de dire à tout jamais. Si elle vivait avec cette angoisse constante qu'on la retrouve vivante, au fond, ce n'était que de sa faute. Et à force, elle allait sans doute devenir un peu parano. Mais elle serait la seule à blâmer. Pour le moment, c'était la seule certitude qu'elle pouvait avoir. Parce que la suite des choses, elle ne la connaissait pas. Et elle ne pouvait pas la planifier. Ça dépendant de tant de choses. Et surtout de la façon dont elle jouait ses cartes. Elle était bien loin de se douter qu'un jour elle retomberait sur un fantôme de son passé qui lui ferait baisser sa garde. Parce qu'à présent, les seuls à savoir que Gisella était supposé être morte, c'était son complice et Tahlia. Les autres, pensaient qu'elle était morte ou n'en avait aucune idée, mais n'était pas impliqué dans un mensonge aussi gros que celui qu'elle imposait à Tahlia. Et comme elle lui imposait déjà gros, elle lui assura que tout ça ne changerait pas sa relation avec Ciàran. Si Gisella le perdait, il n'y avait aucune raison de Ciàran repousse l'ex-policière. Et pour ça, il ne fallait pas qu'il soit au courant. Ou, du moins, si une telle chose arrivait, il fallait que l'Italienne soit la seule à porter le blâme. Et, ainsi, elle arriverait à les protéger. « Mais je le convaincrai », affirma Gisella. L'idée de se séparer de lui pour toujours ne lui plaisait pas. Mais si c'était ce qu'il fallait pour convaincre Tahlia de bien vouloir accepter de s'allier à elle, Gisella le ferait. Et, de toute façon, quelle place avait-elle à Bowen ? Elle arrivait comme un cheveu sur la soupe, chaque fois, en brisant tout sur son passage. La moindre des choses était de s'effacer, plutôt que de briser encore plus leur vie déjà bien assez entamée. « Pour te prouver ma bonne foi... », souffla la brune. Oui, elle aurait tout à gagner, si Tahlia n'était plus dans le décor. Mais si elle et Ciàran avaient à se retrouver, ce qui était à peu près impossible, ça ne serait pas dans ces circonstances là. Et elle comprenait qu'entre l'ex-policière et le mafieux, il y avait quelque chose de bien plus fort qu'entre elle et son ex-mari. « Je ne t'en laisse pas le choix, Tahlia. Je porterai le blâme, c'est tout. Tu devrais plutôt t'en réjouir. » Non ? Elle ferait tout pour qu'il ne la repoussa pas. C'était pas supposé lui faire plaisir ? Tahlia posa ensuite une question à laquelle il était impossible de réponse. Gisella resta en effet évasive, parce qu'elle n'avait pas la clé de l'énigme, parce que dans cette situation, elle aviserait de jour en jour et que c'était pour cette raison qu'elle avait besoin d'une arme. Elle lui sourit quand la future maman lui confia espérer elle aussi. Pour elle, pour Ciàran. Pour tout le monde. Et elle lui tendit un bout de papier contenant les informations du contact qu'elle lui avait parlé plus tôt. L'ex-avocate hocha la tête, reconnaissante. « Merci », souffla-t-elle avant d'écouter sa prochaine demande. « Je tâcherai de le faire. Et si tu accouches, alors, je me débrouillerai sans toi. Le plus important, c'est que tu sois-là pour ce petit bout de vie. Et pour lui », confia-t-elle. « Oublie-moi », lui demanda-t-elle. « Fait comme si je n'existais pas.. » De toute façon, il fallait faire comme si elle était morte.

A plusieurs reprises, Tahlia s'était dit que son statut de policière aurait pu lui causer de vrais problèmes. Ce que Gisella lui demandait aujourd'hui pourrait très bien se rajouter sur la longue liste. Mais fidèle à ce qu'elle était, Tahlia fonçait la tête la première, parce qu'il y avait Ciàran qui était impliqué dedans. S'il n'y avait pas eu le bel italien, sans doute que la brune aurait refusé de lui donner quelconque contact. Et encore, ce n'était même pas certain. Elle sentait la détresse de Gisella, et même si elle ne la portait pas vraiment dans son cœur, Tahlia ne pouvait pas être insensible face à un tel cas de figure. Sa grande humanité et son empathie finiront par avoir sa peau un jour... Alors elle accepta. Mais elle ne put s'empêcher de lui faire comprendre qu'elle avait à perdre elle aussi. Notamment Ciàran qui ne supporterait pas que l'on garde un œil sur lui sans l'en aviser. S'il l'apprenait, il allait croire qu'elle était restée près de lui uniquement dans ce but. Ou pire encore, il allait croire qu'elle empiétait sur son territoire sans qu'il ne l'ait demandé. Dans tous les cas, elle craignait un éloignement de Ciàran. Elle ne l'avouerait pas, Tahlia, mais ce serait un vrai coup dur pour elle. Gisella sembla tout de même comprendre l'affection qui liait Tahlia à Ciàran. Elle était même prête à porter toute la charge sur ses épaules, ce qui étonna clairement l'ex-policière. Pour lui prouver sa bonne foi... « Pas besoin de ça. » dit-elle en haussant les épaules, alors qu'elle refusait d'être couverte par Gisella. Tahlia assumait pleinement ce qu'elle acceptait aujourd'hui. Elle n'était pas du genre à cacher ses faits et gestes derrière une autre personne. C'était lâche. Et elle n'était pas lâche. Elle fronça les sourcils quand Gisella insista, une phrase la faisant tiquer. Tu devrais t'en réjouir. Elle mettait le doigt sur le problème. Evidemment qu'un tel retour faisait peur à Tahlia. Gisella était l'ex-femme de Ciàran. Elle était belle, intelligente et charismatique. Elle pourrait faire craquer l'italien. Et c'était peut-être ce qui éveillait une jalousie chez Tahlia. Comme s'il n'y avait pas assez avec Harmonie... « Pourquoi devrais-je m'en réjouir ? Tu as des sentiments pour lui ? » demanda-t-elle, sans aucun jugement, afin d'essayer de comprendre davantage les actes de Gisella. Cette femme devait tellement en avoir sur le cœur, et pourtant elle gardait la tête haute. Sans un mot, Tahlia finit par griffonner l'adresse du contact qui pourrait aider l'italienne. Elle hocha simplement la tête quand elle la remercia, esquissant ensuite un léger sourire à la suite de ses mots. Dans tous les cas, elle allait finir par accoucher, alors il était certain qu'elle serait hors jeu pendant un moment. Mais elle fut rassurée de voir que Gisella écoutait aussi sa demande. Evidemment qu'elle voulait être au courant des problèmes, pour ne serait-ce que redoubler d'attention auprès de Ciàran. « Merci. » dit-elle à son tour, avant de répondre, face à son Oublie-moi : « ça ne devrait pas être compliquée. Je sais parfaitement jouer l'indifférente ou celle qui oublie l'existence d'autres personnes. » C'était dit avec légèreté. Là, pour le coup, c'était pour le bien de Gisella. « Ton secret est bien gardé. » dit-elle, sincère. « On se tient au courant, du coup ? »