New home (Pv. Barry)

Bien que j'appréciais passer du temps avec mes parents, je réalisais aussi que revenir chez eux n'était pas la meilleure idée qui soit. Ils ne me laissaient pas une seconde de répit tentant sans cesse de m'occuper l'esprit d'une manière ou d'une autre. En quelques jours, nous avions visité toute la famille élargie. Ma mère se persuadait qu'ainsi elle pourrait m'aider à guérir plus rapidement. Autrement dit, je n'avais eux aucun instant de repos depuis le jour de mon retour.

Décidant de me trouver un appartement, j'avais épluché les petites annonces. Je pouvais largement m'acheter une maison avec l'argent que j'avais de côté, mais je n'étais pas prête à m'établir ou à m'avouer que je ne retournerais pas travailler à l'étranger. La colocation? Pas question! Je voulais la paix, le calme! J'avais habité avec plus de dix personnes dans la même pièce pendant plus de 4 ans. Maintenant, je voulais mon havre de paix.

Je trouvais la perle rare dans une tout autre section que celle de l'immobilier. Je rêvais depuis des années d'avoir un bateau, un voilier, dans lequel je pourrais vivre. Comme par hasard, il y en avait un à vendre. Il avait besoin de quelques travaux, mais n'avais-je pas tout mon temps pour apprendre à m'occuper de ce petit bijou. Une visite et je signais le contrat d'achat. Il s'agissait d'un navire assez grand, une chambre principale, deux petites à l'avant, un salon pouvant faire office de salle à diner adjacente à une cuisine et bien sûr, une miniature salle de bain. Je n'en demandais pas davantage.

Ma première nuit à bord me sembla plutôt longue. Déjà que l'insomnie faisait parti de mon lot quotidien, la nouveauté ne m'aida pas à trouver sommeil. Finalement, c'est dans le hamac attaché sur pont avant que je m'étais endormie. La veille j'avais envoyé un petit message à Barry afin de l'inviter à venir déjeuner dans mon nouvel appartement.

Emmitouflé dans de chaudes couvertures, je dormais profondément bercée par le doux vas et vient des vagues. Tôt, le soleil grimpait dans le ciel et forçait mon réveil. Je battais des paupières et regardait autour de moi, l'horizon doré, le ciel qui prenait peu à peu des teintes azurées, les bateaux, tous déserts pour la plupart à une heure aussi matinale. Je remontais la couverture sous mon menton et inspirait profondément, trouvant en cet instant de calme un peu de paix intérieure. Je n'avais pas regardé mon portable depuis la veille et j'ignorais si Barry m'avait répondu ou non. Nous n'avions cessé de nous écrire depuis mon retour. Sans cesse, mon esprit me ramenait à lui, au moment où nous nous étions retrouvés à l'aéroport et où, encore une fois, je m'étais empêchée de lui avouer mes sentiments. Tant de fois, j'aurais pu lui révéler la vérité, mais la crainte de le perdre en tant qu'ami me paralysait.

Je ne remarquais pas que quelqu'un venait de monter à bord et c'est la voix de Barry qui me fit sortir de ma rêverie. Quelle heure pouvait-il bien être? Débarquant sans trop de mal du hamac, je suivis le pont jusqu'à l'arrière du bateau où je le retrouvais.

"Hey! Tu es là! J'étais juste... je m'étais endormie à l'avant!"

Je portais encore mon pyjama, un short de coton quadrillé et un mince chandail blanc à manche longue. Quoi qu'il en soit, j'étais tout sourire de le voir ici ce matin. Qu'est-ce que je donnerais pour me réveiller avec lui pour le restant de mes jours? Venant à lui, je lui faisais une bise amicale sans manquer l'odeur de brulé qui imprégnait sa barbe. Venait-il tout juste de quitter la caserne?

"Tu viens de terminer de travailler?"

Dans son sourire, je vis une étincelle différente. Il était heureux de me voir, mais quelque chose, dans sa manière de me regarder, me laissait deviner qu'il appréciait mon look matinal. Ses lèvres en coin lui donnaient un petit air espiègle qui lui donnait tout son charme. Jamais avant cette nuit où nous avions couché ensemble il n’aurait osé me regarder ainsi. Après ce soir-là, ça avait été monnaie courante. Littéralement, il me déshabillait des yeux. C'était à la fois flatteur et gênant, d'autant plus que nous partagions secrètement la même envie sans nous les avouer.

"Non non, tu es parfait! Je veux dire, l'heure est parfaite. Je n'avais rien spécifié et c'est moi qui me suis endormie."

Je décelais dans sa barbe cette odeur distinctive de la fumée mélangée à celle du gel douche. Une odeur masculine qui ne me déplaisait aucunement.

"Ça va, je dois m'habituer!"

Lui avouais-je quand il me questionna sur ma première nuit en bateau. Je ne dormais jamais bien alors ici ou ailleurs, je ne changeais pas mes habitudes. Je lui faisais signe de me suivre me dirigeant à l'intérieur pour préparer du café. Après une nuit de garde, Barry en aurait plus que besoin.

"On aura tout le temps d'apprendre. Mon père en avait un voilier quand j'étais petite et ça m'avait pas l'air trop compliqué. J'ai tout mon temps. "

Je ne partirais au large demain, mais j'allais lire quelques bouquins et préalablement prendre quelques classes de navigation avant. Inconsciemment, je l'incluais dans mon équation. Il faisait partie de ce rêve fou, comme ami ou comme amoureux, je le voulais près de moi. Je nous versais à chacun une grande tasse de café puis sortait la crème du réfrigérateur.

"Tu as faim?"

Un petit rire secoua mes épaules. C'est vrai qu'un voilier n'était pas un appartement standard. Pourtant, on y retrouvait tout ce dont il fallait pour vivre. Une grande maison ou un petit voilier, je n'y voyais aucune différence mise à part de l'espace en plus. Avec un voilier, je pouvais habiter n'importe où dans le monde, ici, dans un port à New York comme au beau milieu de l'océan.

"Tu apprendras aussi! Je te montrerai..."

Appuyant mes reins contre le comptoir, je trempais mes lèvres dans la tasse de café chaud. Ce petit matin en compagnie de mon meilleur ami allait être plus qu'agréable. De suite, il offrait d'aller à la boulangerie, mais j'avais déjà tout prévu. Déposant mon breuvage, je sortais une boite pleine des viennoiseries de la boite à pain.

"J'y suis allez hier soir avant la fermeture. J'ai pris des croissants aux amandes, des chocolatines et brioches à la cannelle. "

Nous ne mangerions pas tout ça immédiatement, mais j'avais fais la réserve pour les prochains jours.

"Allons manger dehors.... il fait bon!"

L'invitais-je prenant avec moi les pâtisseries. À l'arrière du bateau, on trouvait une grande banquette et une table sous un auvent. Nous nous y installions confortablement. J'allais encore devoir aménager les lieux à mon gout, rajouter des coussins colorés et faire en sorte que ce bateau soit un peu plus à mon image.

"Alors, tu me dis que la nuit a été tranquille à la caserne, mais tu n'as pas mangé depuis hier et ta barbe sent la fumée!"

À chacun son rêve. Pour lui, c'était un mustang, pour moi, ce bateau. Ces derniers mois, la vie m'avait offert des citrons, me dérangeant dans mes habitudes et dans mon confort. En achetant ce voilier, j'essayais de faire un peu de limonade avec ce fruit acide. Je ne voyais pas là, la solution à tous mes maux, mais il s'agissait d'un premier pas vers la guérison. Devant cette retraite forcée, je devais trouver autre chose que la médecine pour m'occuper l'esprit. J'avais tout mon temps pour apprendre à faire voguer ma nouvelle maison.

La simple idée de me retrouver seule avec lui, en pleine mer, me fit sourire. Je ne souhaitais que ça depuis mon retour, depuis le moment même où il m'avait débarquée devant la porte de mes parents. Je dus pincer les lèvres, me retenant de lui faire part de mes idées et envies les plus salaces. Je m'obligeais à prendre une gorgée de café, évitant momentanément son regard. Pourquoi n'étions-nous pas capables d'être honnêtes l'un envers l'autre? Après tant d'années, la flamme était vive et brulante, la tension n'avait jamais été aussi grande, comme si un champ magnétique nous attirait l'un à l'autre.

Brusquement, il me ramenait sur terre. "La meilleure amie!" C'est tout ce que j'étais et tout ce que je serais indéfiniment. Aussitôt, il replantait le doute en moi. Notre relation était-elle vraiment vouée à une simple amitié alors que, viscéralement, j'avais envie de plus. Indéniablement, l'attirance physique était présente, mais ce que je désirais allait au-delà du corps. J'avais envie qu'il m'avoue ses sentiments, qu'il me rassure sur nous, qu'il me fasse croire en l'amour, qu'il me fasse frissonner, sourire, rire et que nous puissions partager nos nuits, nos matins, nos jours, notre lit, notre amour. 4 ans plus tôt, nous n'avions pas été capables de franchir le cap et je me demandais tristement si nous n'étions pas condamner à n'être rien de plus que des amis. Mais allais-je être capable de faire semblant encore longtemps? Serait-ce suffisant?

J'essayais d'orienter la conversation dans sa direction, mais il me relançait les dés. Terminant de mâcher, je me rinçais la bouche avec une gorgée de café avant de lui répondre.

"Hier! C'était déjà tout meublé... clef en main. Ce n’est pas au goût du jour, encore moins à mon goût, mais pour l'instant ça me va. C'est beaucoup mieux que le petit lit simple de ma chambre chez mes parents."

Je ne pouvais pas croire que nous en étions encore là, à se tourner autour sans être capable de se dire la vérité. Presque 5 ans plus tôt, c'était l'une des raisons qui m'avaient poussée à partir. La frustration de toujours revenir au point de départ. Étions-nous vraiment des amis? Avais-je encore envie d'être seulement sa meilleure amie? Non. Je voulais plus et cette fois-ci, je ne pourrais pas me contenter d'une relation comme celle-là. On ne pouvait pas continuer à vivre ainsi, à se limiter et à s'aimer silencieusement. Qu'avais-je à perdre? Comment réagirait-il se je prenais les devant et je disais tout haut ce que nous pensions tout bas.

"J'en pouvais plus de mes parents, je les adore, mais je ne suis plus une enfant."

La famille Lombardie avait toujours été tissée serré, mais n'empêche que je tenais à mon indépendance comme à mon intimité. Habiter avec eux, c'était trop de proximité et beaucoup trop de temps pour discuter de sujet que je préférais encore taire.

Le regard perdu sur l'horizon, ma tasse près des lèvres, je dégustais cet instant. C'était presque irréel d'être ici avec Barry alors que la semaine dernière, j'étais encore là-bas à soigner les victimes de la guerre. Quand il me demanda ce que je comptais faire aujourd'hui, je haussais les épaules. Je n’en avais aucune idée. J'étais libre comme le vent, je pouvais bien faire tout ce qui me tentait.

"On pourrait... faire l'amour toute la journée?"

Sérieuse comme tout, je disais cela en guettant sa réaction du coin de l'oeil. Je me moquais, mais n'empêche que l'envie était réelle. Puis si je ne me lançais pas, qui le ferait? Certainement pas lui!

Une partie de moi aurait souhaité lui faire savoir le fond de mes pensées et avouer qu'une partie de ce que je lui proposais me donnait vraiment envie et que non, c'était une pas une blague. L'expression sur mon visage est moqueuse et je ne pouvais pas m'empêcher de rire, ironiquement parce qu'en même temps, je me sentais insulté. Mon regard fuit et mes lèvres se pincent, j'espérais masquer mon embarras dans l'humour. Je haussais les épaules et mordais dans mon pain au chocolat, gagnant du temps pour réfléchir, prenant le temps de bien mâcher avant de lui offrir cette réponse.

"Bien... tu sais! Si tu préfères on peu aussi faire comme d'hab."

Commençais, sans me presser et m'assurant d'être nébuleuse à souhait. À vrai dire, j'en  avais un peu marre de ce jeu du chat et de la souris. Notre amitié ne nous suffisait plus et c'est cette façon qu'il avait de repousser l'inévitable qui m'avait forcée à le quitter pour l'Irak. Aujourd'hui, je n'avais plus rien à perdre. Nul par où aller et fuir. L'enfer, je l'avais vécu là-bas, j'avais assisté à la fragilité de la vie humaine et vue sont plus sombre dessein.

"On peut ... faire comme si rien n’était. Papotez en buvant notre café, tu repars, tu reviens demain, on refait la même chose. En attendant, je me trouves un autre mec que j'aimerai pas vraiment, toi, une femme qui portera tes enfants, mais avec qui tu te divorceras parce que sérieusement, vous serez pas sur le même diapason. On sera amis, malheureux et toujours incapable de se dire la vérité!"

À mi-discours, une once de colère était venue secouer mon discours, me forçant à me lever et m'éloigner. À la fin, je ne parlais plus, ma voix était montée d'un ton et mes mots filaient les uns après les autres.  Je brulais, incapable de supprimer le tumulte qui s'agitait en moi. Le bleu de mes yeux posés sur lui s'agitait comme le torrent d'un océan. J'étais perdue, entre lui et l'Irak, entre mes rêves et la réalité. Fatiguée, je flanchais comme peu de fois je l'avais fais devant lui. Étais-je la fille qu'il avait abandonnée sur le tarmac de l'aéroport de New York? Non! J'étais une autre femme, toujours aussi forte, mais gravement blessée.

"J'ai 30 ans Barry, on est plus des enfants. Si ce que tu veux, c'est autre chose. Dis-moi! Parce que je vais changer de cap. Je peux plus t'attendre... Aussi surprenant que ça puisse te sembler, je veux me placer. Je veux une vie... comme celle de mes parents. Je veux un bébé et un vie de couple tranquille. Alors si ce n’est pas ce que toi tu veux, faut arrêter de jouer ensemble."

Je n'analysais pas la portée de ma parole et l'émotion m'emportait sur une piste glissante. Pourtant, tout ça, c'était la vérité. Maintenant que j'avais perdu mon refuge, mon travail, j'étais rien d'autre qu'une femme comme les autres, une femme comme ma mère, à la recherche d'un peu de réconfort dans les bras d'un homme et avec le désir ardant de fonder une famille.

"Je ne veux pas que de ton amitié... "

Ajoutais-je froidement, prête à le perdre si je me trompais. Il m'aimait, autant que je l'aimais et depuis trop longtemps, on s'était forcé à ignorer nos sentiments. Aujourd'hui, je donnais le tout pour le tout, quitte ou double. À lui de choisir.

Aussitôt, je regrettais cet excès de colère qui m'avait fait rugir toutes ces bêtises. Mais voilà, que tout ça, ce n'était rien de moins que la vérité. Soit nous décidons de faire le chemin ensemble, soit nous prenions chacun une direction opposée. Je mettais les cartes sur la table et il avait le pouvoir de décider s'il restait ou partirait. Je me taisais et nous plongeais dans un lourd silence. Sondant son visage et j'essayais tant bien que mal de deviner ses pensés. Il est stupéfait, sans mot, sans doute un peu mal à l'aise même. Un goût amer me tord la gorge. Peut-être m'étais-je trompée? Ne m'aimait-il pas à ce point? L'angoisse me prenait d'assauts, la peur de perdre mon meilleur ami pour tant de bêtises. S'il prenait la porte? S'il m'abandonnait? S'il préférait se contenter d'une simple amitié?

Il se lève et vient à moi. Mon souffle est court et mon coeur s'accélère quand sa main se glisse sur ma joue. D'un coup, je me sens plus calme, rassurée. Il ne partirait pas. Ses mots parviennent à me faire rire et au fond, il n'a pas tord, ma déclaration est maladroite et carrément minable. Il accroche son regard aux miens et je peine à le supporter alors que mes joues s'empourprent d'embarras. Je ne peux pas dire que mes mots ont dépassé ma pensée au péril de lui mentir. Ma vie, ici, je veux la partager avec lui et avec personne d'autre. Il est le seul homme assez fou pour m'aimer dans toute mon extravagance.

"Je sais... mais depuis New York. Je ne croyais pas te l'entendre dire un jour."

Avouais-je maintenant qu'il me déballe son sac maintenant que je l'en ai obligé. La nervosité me tord le ventre, son visage est si prêt du mien et j'ai l'impression d'être dans un de ces rêves, trop beaux, trop vrai et desquels ont se réveil en sursaut dans une autre réalité.

"Tout ce que je veux, c'est que tu sois à mes côtés!»

Oui, je sais! Je me contredisais, mais l'essentiel, c'était ça. Je le voulais près de moi et si on emménageait ensemble, si on décidait de se marier, de fonder une famille ou d'avoir un chat, ce serait un bonus.

"Je t'aime, depuis trop longtemps. Je n'aurai pas dût partir là-bas... J'aurai dût rester avec toi à New-York."