Le loup rode · Arizona

Le loup rode

Décidemment cette ville continue de m’émerveiller, en plus des plages paradisiaques je viens de trouver une grande forêt tranquille. Je me suis levé tôt et ait enfilé mon short et un t-shirt pour aller courir. Il faut quelques minutes de chez moi pour arriver à l’orée de la forêt, je prends ma voiture pour m’y rendre, c’est aussi plus pratique, je peux laisser ma bouteille d’eau et une serviette dedans.

Je me gare et sors. C’est magnifique, le soleil vient juste de se lever, le chant des oiseaux commence à peine et il flotte déjà une odeur de pins. Je m’échauffe contre ma voiture, met mes écouteurs et commence à courir. Ca fait un moment que je n’avais pas couru, entre mon ancien stage et ensuite le déménagement, prendre mes marques dans cette nouvelle ville, je n’avais pas trop le temps. Je mets mes écouteurs et c’est parti, je prends un chemin au hasard et me lance. Après une dizaine de minutes mes jambes commencent à faiblir et j’ai la respiration difficile, il était vraiment temps que je m’exerce un peu !

Au bout de 20 minutes je fais une pause et m’étire contre un tronc histoire de respirer un peu. La sueur colle quelques mèches de cheveux sur mon front et j’ai tellement chaud que j’enlève mon t-shirt et l’accroche à ma hanche. Les rayons du soleil percent la végétation et réchauffent la terre, à ce rythme la température va continuer d’augmenter. C’est déjà un bon début 20 minutes alors que ca fait deux ans que je n’ai pas couru.

Je fais demi-tour et trotte plus lentement sur le chemin que j’ai pris à l’aller. Je profite de mon rythme pour regarder un peu autour de moi, les écureuils qui descendent de leurs arbres, les lapins qui galopent dans les herbes. J’aurai mieux fait de me concentrer sur le petit sentier parce que j’aurai vu et évité cette racine qui dépasse. «  Et merde ! » Fis-je en tombant face à terre, mon pied encore coincé sous la racine. J’essaye de me relever tant bien que mal, mais quand je veux avancer, « Aïe ! », ma cheville est douloureuse.

C’était une bonne idée d’aller courir au milieu de nulle part, je n’ai même pas pris pour portable. Je crie :« Il y a quelqu’un ? » Je n’ai que le chant des oiseaux pour seule réponse. Je sautille sur une jambe pour avancer tout en cherchant des yeux un bout de bois assez solide pour me servir de canne. A cloche pied, j’en aurai pour une heure pour rentrer à la voiture, si entre temps je ne me fais pas mal à l’autre cheville.

Le loup rode

En Australie, il fait toujours chaud. Même si les matins sont plus frais, la température augmente rapidement pour atteindre son maximum dans les alentours de midi. Pour n'importe qui voulant faire du sport, être matinale n'était pas une option. Sinon, la meilleure option restait d'aller à la plage pour nager ou faire du surf.

Après avoir déposé Barry au travail, j'avais pris le chemin de la forêt perdue. C'était plus un nom populaire que son réel nom. La seule raison pour quoi nous l'appelions ainsi était qu'elle se trouvait loin à l'écart de tout le reste. Mise à part, plusieurs randonneurs, joggeurs et cyclistes s'y rendaient tous les jours pour pratiquer leur sport favori. Aujourd'hui, à ma grande surprise, le stationnement était presque désert. Me préparant pour une course, je ne croisais qu'un jeune couple pendant le premier tiers de ma marche. M'enfonçant de plus en plus loin, je me retrouvais entourée par la nature sauvage de l'endroit. Si je continuais, mes pas me mèneraient jusqu'à un petit étang où il ferait bon prendre une courte pause.

M'en allant dans cette direction, j'entendis un bruit sourd derrière moi, une plainte, une voix masculine. Curieuse et intriguée, je fis demi-tour pour apercevoir un grand blond se déplaçant tant bien que mal sur un seul pied.

"Besoin d'aide?"

Demandais-je en reprenant la course jusqu'à lui. Qu'il le veuille ou pas, j'étais déjà là. Il en avait du bol quand même, se blesser et croiser un médecin ce n’était pas tous les jours que ça arrivait.

"C'est votre cheville?"

Demandais-je en lui offrant une épaule en guise de support. Petite et menue à côté de lui, je n'allais pas être capable de le transporter, mais au moins, ainsi, je pouvais l'aider à trouver un coin où s'asseoir le temps de vérifier ce pied tordu.

Le loup rode

Je sautillais depuis un moment au milieu de ce sentier en terre. Si le club d’athlétisme de lycée me voyait dans cette situation…. Quoique, la plupart d’entre eux doivent maintenant être gros et gras.  Le sol inégal rendait la tâche encore plus difficile, je devais bien vérifier où j’allais poser le pied avant de sauter. Ma seule jambe fonctionnelle commençait déjà à fatiguer alors que j’avais à peine fait quelques dizaines de mètres. En général quand on pense aux dangers dans une forêt on imagine un tueur en série vous courir après, mais de toute évidence le plus fréquent c’est de pauvres gens qui pour une raison ou pour une autre se font mal et finissent par mourir de faim et de déshydratation. J’espère sincèrement que ce n’est pas ici que je vais finir ma vie, même si le cadre est super, j’ai encore envie de vivre un petit moment. Non, après tout je ne suis pas si loin de la voiture, il n’y a pas de raisons pour que je n’y survive pas, à part si je glisse et tombe dans un ravin ou m’empale sur un rocher. Corriger tous ces articles sinistres lors de mon stage a vraiment changé ma vision du monde.

Alors que j’étais plongé dans mes pensées, j’entendis une voix derrière moi. Je me retournais toujours en sautillant sur un pied, heureusement que le ridicule ne tue pas, et je vis une jeune femme, un peu plus âgée que moi, en tenue de sport aussi. Je suis un peu gênée de me trouver dans une telle situation devant une femme mais après tout, je ne peux pas refuser de l’aide. « Oui, s’il vous plait, je me suis fait mal en courant ». Elle arriva à ma hauteur et me proposa en soutien son épaule. Du haut de mon mètre quatre-vingt je ne m’appuie pas trop sur elle et utilise son soutien que pour garder mon équilibre « Je me suis pris le pied dans une racine et en tombant je l’ai tordu. Je ne pense pas m’être cassé quelque chose sinon je l’aurai entendu, mais ça fait mal quand je m’appuie dessus ».

Elle me mène vers une pierre plate où je puisse m’asseoir et je me laisse tomber dessus. J'essaye de remettre un peu en place mes cheveux qui doivent être tout ébouriffés par les évènements.« Merci, ma jambe n’en pouvait plus. Désolé de vous déranger pendant votre footing, mais est-ce-que je peux vous déranger un peu plus ? Je pensais trouver un bout de bois pour m’en servir de béquille jusqu’à ma voiture, est-ce-que vous pourriez m’aider ? ». Alors que je scrute un peu les alentours, je me rends compte qu’elle réfléchit à quelque chose tout en me regardant.