[MAXYM & FELIX] New life

FELIX & MAXYM
new life

Si Isaak risque d'être difficile à vivre, Chad lui aussi peut s'avérer compliqué.
Il a toute une énergie qu'il parvenait à canaliser dans ses entraînements intensifs. Elles est juste plus silencieuse, moins évidente que celle de son mari. Celle du colosse est plus lourde mais n'en reste pas moins capricieuse et dangereuse. Autant pour lui que pour eux. Il le suit alors dans un silence discret jusqu'à la terrasse. Malgré l'Australie, un air de déjà vu le prend aux tripes. Dieu qu'il avait souffert à une table comparable à celle là. Il ressent tout avec la même intensité et plonge son regard dans celui d'Isaak lorsque celui-ci enlève ses lunettes. Ce n'est que là que Chad remarque son anxiété et sa main traverse instinctivement la table pour se poser sur la sienne, tenter de le rassurer par un mouvement simple. Calme-toi, c'est rien. Pas quelque chose qui puisse les mettre en danger alors techniquement, oui, ce n'est rien. En réalité, depuis la mort de Perry, peu de choses possède son importance, tout est futile à ses yeux. Puisque le pire des monstres n'est plus là, à quoi bon se faire du sang d'encre pour le reste si ce n'est les flics ? Il inspire, laisse encore traîner en longueur. Il hésite parce qu'il aurait du lui en parler le soir-même.

Chad se revoit, nettoyer ses conneries avant qu'Isaak ne rentre du bureau, mettre tout en oeuvre pour ne rien laisser paraître. Il avait même pris le temps de lui cuisiner un petit quelque chose pour que son mari puisse avoir quelque chose à se mettre sous la dent. L'ours est presque énervant dans cette façon qu'il a de prendre son temps pour annoncer les choses. Il ouvre le menu, jette un coup d'oeil avant de redresser ses yeux vers sa moitié et de lui avouer, un brin honteux. Quelques jours avant de partir, j'ai été aux urgences. Mike est venu me ramasser chez nous, je pouvais plus me relever après un malaise. Merde, ce qu'il peut détester se plaindre. Pour compenser, Chad emploie une froideur à faire pâlir le soleil. Il veut lui montrer que c'est derrière, qu'il s'en fiche, qu'il veut juste qu'il sache, au cas où ça recommence ... mais ça ne recommencera pas. Il est assez fort. C'est la merde, je suis sous anxio', je pense arrêter parce que tu connais le cercle vicieux que c'est ... Maxym soupire, caresse sans même s'en rendre compte la peau d'Isaak. Juste ... Si j'ai l'air maussade parfois, c'est pas contre toi. Et il ne peut s'empêcher de rajouter cette phrase qui lui importe plus que sa propre vie : Je ne regrette rien de ce que l'on a fait. Il me faut seulement du temps pour réaliser.
La mort de Perry est une libération.
Culpabiliser, Chad n'y arrive pas.
C'est ce qui l'angoisse le plus parfois. Et tout un tas d'autres choses.

C'est rien.
Ben tiens ! S'il y a bien une chose que tu as apprise à son contact c'est que rien n'est jamais rien pour Chad Graham. Anxieux, tu refermes tes doigts sur les siens et attends qu'il enchaîne, prenant sur toi pour ne pas lui arracher le menu des mains. Ce qu'il t'avoue t'inquiète autant que ça te culpabilise. Un malaise ! A l'appartement ; pendant ton absence ... Instantanément, tu repenses à toutes les fois où ses bras se sont refermés autour de toi pour te rassurer lors de tes crises d'angoisse et t'en veux terriblement de ne pas avoir été là. Tu imagines sans mal le visage de l'entraîneur, taillé dans le même genre de bois que celui qui constitue Chad, incapable de lui faire un câlin où de passer sa main dans ses cheveux pour le rassurer et lui dire que tout ira bien. Encore une fois, l'empathie dont tu fais preuve à son égard te saute à la gorge. Tu ne réussiras probablement jamais à prendre ce qui concerne ton époux avec suffisamment de recule pour ne pas en être affecté émotionnellement. C'est tout bonnement impossible. Et puis Chad qui fait un malaise : depuis quand ? Si Parkinson t'a appris à le voir diminué lors de ses périodes coton, tu n'arrives pas à te l'imaginer vacillant pour autre chose que cette saloperie de maladie. Chad est un roc, un héros, un dieu. Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver pour qu'il s'effondre au sein même de votre paradis sur terre ?

Gesticulant sur ta chaise, tu t'efforces de contenir ton tourment, de le laisser parler et expliquer le problème. Le tableau qu'il te dépeint t'arrache un frisson. Tu croirais entendre une version de toi dans le creux de la vague, lorsque les anti-dépresseurs se mariaient à l'alcool et à l'extasie pour rendre le monde plus supportable. S'il n'y a plus de médicaments à ce genre, l'ivresse reste l'un de tes vices. Quant aux poudres et aux pilules magiques, tu sais qu'il suffirait de peu pour retomber dedans. Les joies des paradis artificielles ont toujours été plus fortes que ta volonté d'être clean.

- Tu vas avoir tout le temps que tu veux, ici. La réponse se veut rassurante. Tu évites de revenir sur le malaise pour ne pas prendre le risque de le replonger dans le tourment déclencheur de tout ça, ne pas le faire se sentir faible d'avoir été un homme que l'angoisse paralyse. Quelqu'un vient prendre vos commandes, tu le laisses choisir sa part et demandes une salade. A croire que c'est le plat qui accompagne tous vos coups durs. A nouveau seuls, tu ne peux t'empêcher de chercher des solutions, refusant d'être ce genre d'époux qui ne sert à rien, sans inspiration, sans réponses à apporter. Tu as beau être Felix Twist, désormais, Isaak Coalman reste bel et bien présent derrière ta façade. Qu'est-ce que tu veux d'autre ? La question est poignante, pleine d'enjeux et d'une dévotion palpable. Sous-entendu : je te donnerai tout. On reste enfermés à l'hôtel si ça peut te rassurer. Je nous trouve de la coke, du champagne, des films gay ... Un canapé, une machine à barbe à papa, des brownies, toute une ménagerie magique pour tenir compagnie à Maurice et donner à Chad l'impression d'être à son refuge pour animaux, n'importe quoi pourvu qu'il soit heureux.

Tu réalises à quel point il doit se sentir perdu ici, sans repères, hanté par les images des horreurs que vous avez commises et qui semblent s'incruster en lui proportionnellement à la manière dont elles glissent sur toi. Peut-être que cette nouvelle vie est une libération, mais tu commences te dire que c'est aussi le début d'un chemin difficile, pour ton homme comme pour toi. A-t-il perdu son identité au moment où tu as retrouvé la tienne ? Est-il angoissé au point de perdre les pédales comme tu étais en train de les perdre lorsque tu l'as rencontré ? Le sentiment d'impuissance est là, pesant, te rend prêt à n'importe quelle folie pour te rassurer quant au fait que cette vengeance n'a pas signé sa descente aux enfers en même temps que ta résurrection.

FELIX & MAXYM
new life

S'il lui parle de son malaise, c'est avant tout pour être au clair avec son mari, ne pas porter de vieux secrets que l'on garde pour soi par peur d'effrayer l'autre. Chad sait qu'à ce stade, ce n'est pas une petite faiblesse physique qui poussera Isaak à le voir autrement. S'il n'en a pas parlé de suite, c'est avant tout pour garder un maigre équilibre les jours suivants la mort de Perry. Tout était si étrange qu'ils n'ont pas bougé de l'appartement. Des jours entiers à ruminer, essayer d'oublier, se soulager, se dire que c'était la meilleure solution. Jamais le couple Twist n'a jamais autant fait de brownies que durant ces longues heures. Ce doit être pour ça qu'instinctivement, Chad se contente d'une salade et d'une grosse part de gâteau au chocolat en dessert. Il a besoin de ce goût sucré et un peu amer sur la langue, d'avoir des bulles dans la gorge et d'être assoiffé après l'avoir mangé. Il s'en veut de voir son mari si agité, si paniqué pour lui, par cette idée de malaise. Peut-être que le blond n'aurait pas eu besoin d'aller aux urgences s'il avait appelé sa moitié. Il sait qu'Isaak aurait trouvé les mots juste pour le calmer, faire taire ces monstres dans sa tête qui en veulent au peu de moments calmes qu'il lui reste.

Un sourire se dessine sur ses lèvres alors qu'il prend une première bouchée. Son coeur bat si lentement dans sa cage thoracique qu'il peine à croire que son corps n'est plus qu'un noeud indomptable. Il a la sensation d'être sur un petit nuage, doux paradis à l'illusion parfaite. Chad tique un peu lorsqu'il vient à lui parler de coke, sent bien qu'il pourrait accepter la proposition parce qu'après plusieurs prises, chaque cellule de sa peau commence à l'accepter, à en vouloir encore pour bénéficier de la force qu'elle lui donne. Sous coke, l'ours ne ressent plus ses mains en difficulté, Parkinson est mis au tapis durant quelques heures. Là où il morfle, ce sont les jours après la prise. Il se sent plombé de la tête aux pieds, tout juste capable de quitter son lit pour tenir sur ses jambes. Ses mouvements partent dans tous les sens, n'en font qu'à leur tête alors que lui n'est qu'un pantin pathétique. Et comment tu ferais pour nous trouver tout ça ? On vient à peine d'arriver. Chad se sent curieux. Il sait son mari capable des pires magouilles mais aussi des plus décalées pour atteindre le point culminant de ses désirs.

Dans un sourire complice, le colosse mange sa salade avec une rapidité qu'il ne contrôle pas. Sortir était une idée de lui mais maintenant qu'il s'imagine pouvoir s'exiler aux côtés de son mari, ses instincts de survie se mettent en veille. Alors cette salade ? Laisse-moi goûter. Il tend son bras pour piocher une fourchette et y goûter sans lui demander l'autorisation. Chad sait qu'Isaak ne terminera pas son assiette de toute façon, il ne la termine jamais. Lui est ce que l'on appelle une poubelle de table. Le regard plus brillant mais orné de cernes, l'ours dégage un aura plus détendu. Avoir confiance, c'est tout ce dont il a besoin pour se reconstruire.
Mais aussi de brownies.
Surtout de brownies.
Leur péché mignon. Les mois passés ensemble a fait d'eux des copies en parfaite osmose ; ils ont à présent les mêmes goûts pour tout si ce n'est en matière de vêtements.

Les plats arrivent et tu te mets à manger par mimétisme, parce qu'il le faut bien. Comme toujours lorsque tu es stressé : l'appétit n'y est pas. La salade pourrait n'avoir aucun goût que tu ne t'en rendrais pas compte, trop occupé à détailler chaque mouvement et chaque expression de Chad pour t'attarder sur quelque chose d'aussi secondaire que de la verdure. Pourtant, ce plat est plutôt bon ; tu ne le réalises que lorsque ton blond s'interroge sur tes capacités à trouver ce que tu lui as proposé. Le voir sourire te soulage instantanément, dénoue ton estomac. C'en serait presque ridicule. Tandis que tu te mets à rire avec suffisance - maladivement imbu de ta personne - Chad en profite pour te piquer ta bouffe. Tu laisses faire, toujours partant pour partager avec lui, quelque soit la nature de la chose.

- Tu oublies que je suis programmé pour trouver ce genre de choses ! Après tout, qui de mieux placé qu'un inspecteur des stup pour flairer de la came partout où il va ; qu'un alcoolique pour trouver du champagne à toute heure du jour ou de la nuit et qu'un obsédé sexuel pour dégoter un film où des cowboys jouent à touche pipi ? Le nez en l'air, tu feins d'épousseter ton épaule. Monsieur Twist n'a pas prévu de devenir un civil comme tous les autres ; Monsieur Twist envisage de garder une certaine qualité de vie qui commence par ne rien se refuser.

Comme il a déjà terminé son assiette, tu pousses ce qu'il reste de la tienne dans sa direction et le regardes manger comme s'il s'agissait du plus beau spectacle du monde (après celui de le voir jouir). Le soleil lui va bien au teint. Contrairement à toi, Chad semble fait pour se gorger de ses rayons et resplendir à son contact. Il a toujours été le rat des champs et toi celui des villes. Lui la terre, toi le macadam. Ici, dans cette ville où le sable semble être une religion, tu te dis que vous parviendrez à trouver un équilibre. Savant mélange de ce que vous fûtes et de ce que l'avenir vous fera devenir. Ensemble, c'est tout ce qui compte.

- Alors ? Qui tu vas être ici, Maxym Twist ? La question est bancale pour quiconque ne connait pas votre passé mais c'est l'un des privilèges d'être en couple : tu n'as pas besoin de développer pour faire passer une idée simple de ton cerveau jusqu'au sien. Les gens vont te poser des questions sur ton job, c'est la deuxième chose que l'on demande à quelqu'un en société. Politesse et faux semblant : tu connais mieux que personne. C'est pourquoi tu sais que ne pas avoir de réponse à apporter à ce genre de question éveille d'entrée de jeu les soupçons d'un interlocuteur. Un peu comme lorsque quelqu'un répond par un " mal ! " au " comment ça va ? " d'un étranger.

FELIX & MAXYM
new life

La condescendance d'Isaak ne lui fait plus rien, il y a pris goût plus qu'il ne s'y est habitué. Chad n'est pas du genre à se faire à quelque chose. Non, en réalité, il a simplement appris à apprécier les différentes facettes de son mari, qu'elle soit bonne ou mauvaise, l'ours a toujours été là. Les cicatrices sur les bras de sa moitié en témoigne. C'est lui qui les a pansé des semaines durant, qui a vérifié qu'elles ne s'infectent pas, paniqué lorsque c'était le cas et l'avait obligé à prendre des antibiotiques qui traînaient dans leur pharmacie du temps où il en prenait pour sa blessure par balle. Il ne sourit pas face à la confiance qu'il dégage, ne méprise pas non plus cette part de lui. Chad se contente de l'admirer dans son entièreté, sans trouver la perversité de certains de ses sentiments plus beaux que d'autres. Un éclat traverse ses pupilles tandis que le colosse se penche vers l'avant pour le piquer dans son orgueil, éveiller ses sens avec une technique bien à lui. A ce stade t'es surtout programmé pour trouver ce qui se cache dans mon boxer. Tu serais pas rouillé pour le reste ? Accompagné d'un sourire tendre alors qu'il attrape l'assiette d'Isaak pour la poser sur la sienne, vide. Il ne lui faut que quelques minutes pour en venir à bout et attendre patiemment que sa part de chocolat ne vienne à lui.

Le blond fronce les sourcils à sa question accompagné d'un argumentaire pour le forcer à se dépêcher pour retomber sur ses pattes. Déjà qu'à New-York la vie de Chad ne se résumait qu'à ses poings, ici il a la sensation d'être un fantôme sans cervelle. Peut-être est-ce le cas finalement ? Et s'il était complètement abruti par son amour pour Isaak et qu'il sonnait creux ? Son coeur ne panique pas, reste dans son calme olympien tandis qu'il hausse les épaules. Tu m'as vu ? Je me résume à mes poings. Ces derniers temps du moins parce qu'avant il était professeur mais s'en souvient à peine. Il soupçonne son cerveau de dissimuler volontairement certains passages pour ne pas le blesser. Mon organisme est pas aussi rapide que le tien. Il fait tout plus lentement mais rassure-toi, je ne compte pas devenir ton boulet ici. Le décor change, pas qui nous sommes. Enfin si, un peu, Chad est devenu un assassin à ses côtés et ses mains ont commises des horreurs atroces. Le colosse a évolué sur certain point mais bataillera encore longtemps pour garder son indépendance.

Alors qu'une serveuse apporte les desserts et que le colosse ne l'attend pas pour croquer dans sa part de gâteau, le goût du chocolat l'apaise. En attendant on brodera. On commence à devenir bon pour ça, tu trouves pas ? Sa voix est naturellement plus basse. Pas blasée, seulement réaliste. Chad n'a jamais autant joué avec la réalité qu'aux côtés d'Isaak. Tout ce qu'il fait à ses côtés est dans l'unique but de les préserver, d'empêcher leur entourage de les broyer. Même si ici personne ne les connaît, le colosse sait que le danger peut venir de nulle part. Même l'herbe pousse sur le béton.

- Tu ne seras jamais un boulet pour moi. Affirmation incisive, sans agressivité mais tellement tranchée qu'il faudrait être fou pour la remettre en question. Chad est une véritable muse à tes yeux, même assis sur une chaise à ne rien faire, il t'inspire et te stimule plus que n'importe qui d'autre. Tu aimerais qu'il s'estime plus que comme deux poings qui frappent toujours juste mais te dis que le changer ne servirait à rien, que ce n'est pas ça l'amour et qu'il n'a de toute façon pas besoin de toi pour évoluer comme il l'entend. Tes questions n'étaient là que pour le préparer à ses prochaines rencontres, une façon comme une autre de le protéger des agressions extérieures. Il est ce que tu as de plus précieux au monde, aucune entreprise, aucun club de strip-tease et aucun compte en banque ne lui arrive à la cheville.

Lorsqu'il te répond que broder est devenu votre spécialité, tu soupires avec amusement et attrapes ta cuillère pour prendre une part de gâteau. Le goût du chocolat te transporte à New York, dans la cuisine de votre appartement où tu vous vois dénoyauter les dattes et préparer tous les autres ingrédients nécessaires à la confection de vos brownies. Un petit rire t'échappe lorsque ton esprit divague en se demandant si ici aussi on ajoute un ingrédient secret à la pâte ... Je dirais même plus : les rois de l'illusion.

Et là tu prends conscience du fait que, à presque dix ans d'intervalles, te voilà redevenu ce menteur échevelé, évoluant sur la corde raide. Instantanément, l'excitation te prend, portée par des démons que rien ne fera jamais taire. Ceux qui étaient présents bien avant Chad et bien avant Perry ; qui font de toi une tête brûlée et un accro aux prises de risques. Chad a raison, le décor change, mais pas vous. Instinctivement, alors qu'il devait y avoir d'autres solutions que de fuir et de tout abandonner, tu t'es tourné vers la cavale, l'adrénaline, les sensations fortes. Peut-être est-ce une preuve que le joueur qui vit en toi n'en finira jamais d'orienter ta vie pour la rendre la plus compliquée possible. A croire qu'une existence sans challenge à relever n'est pas acceptable, que tu restes cet éternel insatisfait qui préfère tout recommencer à zéro plutôt que de t'enfoncer dans une routine trop confortable. Si la magouille n'est pas une affaire de famille, elle est devenue une façon de faire tout à fait personnelle pour pimenter ton existence. Tu t'en rends compte, désormais, et te mets à fixer Chad avec intensité. Une pointe de culpabilité t'obliges à la jouer carte sur table :

- C'est la vie que tu veux mener ? Le ton est grave, preuve que sa réponse te tient à coeur. Soudain, le poids du pacte pèse plus que jamais sur tes épaules, celui de tes promesses de faire de son existence un enchantement également. C'est tout un filtre d'amour et d'abnégation qui tombe sur l'objectif pour t'obliger à percevoir la situation d'un point de vue différent du tien. Est-ce vraiment une bonne chose de l'avoir embarqué dans cette fuite ? N'aurait-il pas préféré vivre une vie plus paisible, à profiter de sa jeunesse avant que la maladie ne le rattrape ? D'une part tu sais qu'il te serait impossible de vivre sans lui, d'une autre tu t'interroges sur la qualité de ce que tu lui proposes comme existence. Le noeud de ton estomac revient à la charge, te fait poser ta cuillère. J'ai réagi comme si nous n'étions qu'une seule et même personne, mais je réalise que tu n'avais peut-être pas envie de t'exiler à l'autre bout du monde. Regard tombant, plein du même apitoiement que celui qui t'avait fait fixer le feu, dans le Wyoming, en te retrouvant confronté au fait que tu es quelqu'un de superficiel et d'égoïste. Je peux changer ça, tu sais. Tes doigts tripotent la nappe en signe de nervosité. Rentrer à New York, assumer mes conneries, m'arranger pour qu'il ne t'arrive rien ... Ce serait difficile, certain même que tu y laisserais des plumes car votre fuite est un aveu en soi, mais tu préfères ça à l'idée que Chad ne soit pas heureux dans cette nouvelle vie faite de mensonges et de faux semblant, lui qui a toujours été partisan de la vérité.

FELIX & MAXYM
new life

Chad se rend compte qu'il ne sait plus bien comment interpréter ses sentiments,  y mettre des mots et forcément, Isaak n'y comprend plus rien lui aussi. Il voudrait pouvoir le rassurer, lui demander d'arrêter d'être si anxieux mais rien n'y fait. Son mari dépose sa fourchette, signe qu'il ne peut plus rien avaler et qu'il se sent mal. Par prolongation évidente, le blond ne se sent pas mieux et s'abandonne dans un soupir désespéré. Il s'excuse en silence d'être si bête, de ne pas savoir exprimer ce qu'il pense réellement de tout ça. Ses larmes après le meurtre de Perry lui reviennent en tête; Est-ce qu'Isaak se souvient de la force avec laquelle il l'avait serré et aimé ? Aujourd'hui, rien de tout cela n'a changé et l'unique chose qui compte reste leur amour mais son esprit se débrouille toujours pour foutre la merde. C'est devenu vital pour lui de les tourmenter. Chad prend le temps de terminer son gateau, laisse durer le silence alors qu'il fronce les sourcils, plus sévère, plus colérique.

Qu'il ne m'arrive rien ? Felix, j'ai fait tout ça pour qu'il ne t'arrive rien et même ça j'ai pas été foutu de le réussir. Je m'en fiche de finir en taule. C'est évident, pourquoi est-ce si difficile pour lui de le comprendre ? Chad termine par poser un billet sur la table avant de se redresser. Il lui tend la main pour le forcer à le suivre. Non, ils ne peuvent définitivement pas parler ici, à cette table, à la vue de tout le monde. Le colosse est trop pudique pour parler de ses sentiments en terrasse et change le décor de ce qui les entoure. La rue brûlante les accueille à nouveau et sa main moite ne lâche pas la sienne. Je suis désolé d'être si apathique. J'ai envie de reconstruire quelque chose avec toi, c'est sincère. C'est juste que là ... je sais pas ? J'ai pas envie d'être séparé de toi, de reprendre le même train de vie que New York où j'attendais toutes les nuits que tu veuilles bien me rejoindre. Je sais que je te demande beaucoup mais je supporte mal la solitude en ce moment. La solitude qui inclut tes absences. Le reste je m'en fous. J'ai peur qu'on commette à nouveau les mêmes erreurs. Celles qui auraient pu nous séparer. Chad parle beaucoup et compense cela par le fait de ne pas le regarder, de balancer ces mots si importants avec une pointe de détachement. Sa façon à lui de se préserver, de prouver qu'il est encore loin de devenir cette bête que l'on dompte de quelques coups dans la tronche.

On est pas si mal ici en plus ... Le soleil, les paysages hors du commun, la tranquillité, Maurice, bientôt leur nouveau chez eux. Que demander de plus si ce n'est sa tranquillité psychique ? Chad ne l'obtiendra pas avant un moment mais il accepte de faire ce sacrifice en sachant que New York ne l'aidera pas à aller mieux. S'il y a bien un endroit où il peut se réparer, c'est ici. A ses côtés. Dans ses bras. Au creux de son amour dont il ne peut se lasser. La lumière fait ressortir tes yeux. Ses yeux, la première chose qui l'avait fait tomber dans son filet ce soir là sur le perron de cet immeuble. Il était vêtu d'une énorme veste informe, un bonnet sur la tête alors qu'Isaak était déjà beau comme un dieu. Un présentateur télé qu'il avait suivi au coeur de la nuit sans se soucier de son sort. Son départ avait brodé son âme de rêves nouveaux jusqu'à le retrouver par hasard et se laisser submerger par l'affection.
Il est pas plus intelligent que ce soir là aujourd'hui. Chad est complètement amoureux de lui, ça le rend terriblement bête et perdu.

Le problème c'est que toi tu ne t'en fiches pas du tout qu'il finisse en taule. Égoïstement, parce que tu ne supporterais pas d'être séparé de lui, mais aussi de manière altruiste, parce que tu supporterais encore moins de le savoir catapulté dans le même enfer que celui que tu as vécu. Sûr qu'il ne le vivrait pas de la même manière que toi, peut-être même qu'il ferait partie de ceux qu'on ne vient pas tourmenter dans les douches, mais qu'importe : il ne serait plus libre. Enfermé, entravé, mis en cage comme un animal sauvage avec sur le dos une cible portant ton nom, comme pour mieux attirer les foudres de tous ces mecs qui dorment au frais à cause de toi. S'il est capable d'être un monstre, cela ne constitue pas un crime à tes yeux, bien au contraire. Sa violence et la noirceur de sa colère, tout ce sang sur le corps de Perry, ce n'était que justice. A aucun moment il n'a été question de tenir Chad pour responsable du mauvais tourment qu'ont pris les événements. Encore une fois, tu déplores qu'il s'accuse de tous les maux, alors qu'il est évident que le plus coupable des deux sera toujours toi. Toi qui l'a entraîné dans tes délires malsains, toi qui l'a poussé dans la drogue et remercié d'avoir pété les plombs pour venger ton honneur. L'impression d'être la plus mauvaise chose qui lui soit arrivée dans la vie te saisit parfois, souvent la nuit, avant que ses bras ne se referment sur ton corps pour chasser ces pensées dangereuses.

Tu es au plus bas de la tourmente lorsqu'il t'attrape la main pour vous éloigner de tout ce monde qui, tout à coup, devient oppressant. C'est toujours délicat de parler de vous en public, de vous sentir épiés, même si ici tout le monde se fout du lien qui unit Felix à Maxym Twist. Docile, tu le suis sans un regard en arrière pour ton gâteau à peine entamé. Dans la rue, tu lèves le visage en direction du soleil dans une tentative évidente de te ressourcer, d'éclairer un peu la noirceur des pensées qui t'habitent. Ce qu'il t'avoue tandis que vous remontez l'avenue en sens inverse t'apaise autant que cela te fait réfléchir. Ne pas reproduire les mêmes erreurs ; ne pas redevenir cet oiseau de nuit qui l'a trop souvent laissé seul au début de votre relation. Tu t'en sens capable et, pourtant, le doute reste là, tapis dans l'ombre de tes démons. Ce n'était pas par manque d'amour que tu rentrais tard, c'était par manque de conscience du temps qui passe. Tel un enfant qui s'amuse, tu oublies tout quand les tentations te prennent entre leurs griffes. Certaines se sont dissipées au contact de Chad ; l'infidélité, par exemple, s'est vu reléguée au rang de lointain souvenir qui ne te manque pas un seul instant, mais la fête et la folie des grandeurs, elles, évoluent dans des univers parallèles qui percutent le tien sans jamais s'annoncer, te précipitant tête la première dans ton incapacité à leur faire face autrement qu'en te laissant prendre au jeu.

On est pas si mal ici en plus ... Sorti de ta culpabilité par sa remarque, tu tournes le regard dans sa direction pour voir s'il est sincère lorsqu'il dit ça. C'est là qu'il fait fondre ton cœur et rougir tes joues en parlant de tes yeux. Gêné, tu détournes le regard en souriant, dépité de constater à quel point un seul compliment de sa part te renvoie à ton statut de midinette complètement sous le charme. Je ne rougis pas. C'est le soleil. Peu crédible, tu tires sur sa main pour l'attirer du côté ombragé de la rue. L'hôtel n'est plus qu'à quelques pas, tu attends donc d'être de retour dans la chambre pour reprendre la conversation. Une fois à l'intérieur, tu reproduis le même schéma, t'avances et te laisses tomber sur le lit, le visage dans l'oreiller, une main tendue à l'aveugle pour l'inviter à te rejoindre. Lorsque le matelas s'affaisse sous son poids, tu viens nicher ton nez dans le creux de son cou. L'odeur de Chad est celle de ta maison ; elle est plus rassurante que toutes celles qui existent sur cette Terre. Tes lèvres s'approchent de son oreille pour y murmurer des promesses pleines d'un amour sincère : On ne reproduira pas les mêmes erreurs. Je ferai des efforts pour ne pas déraper et j'aimerais que tu ne te sentes pas coupable de me recadrer quand mon comportement ne te plait pas. Je sais que j'ai trop de travers, j'ai besoin que tu m'aides à les canaliser. Ta main caresse son torse, masse ses côtes et finit par passer sous son t-shirt pour trouver plus de contact. Un bâillement t'échappe : c'est le décalage horaires qui se fait sentir.Cette nuit on dort mais, demain, tu me fais l'amour toute la journée.

FELIX & MAXYM
new life

Il lui adresse un sourire à sa remarque sur sa gêne et Chad resserre instinctivement ses doigts contre les siens. Il le trouve attachant, là, dans toute sa faiblesse émotionnelle, ne le lâche pas du regard, incapable de se fixer ailleurs maintenant qu'il vient de céder. Son silence ne le dérange pas, le colosse le respecte, l'accepte sans paniquer comme il aurait pu faire autrefois. Aujourd'hui, la communication est plus fluide entre eux. Ils en ont bavé pour en arriver là, ont manqué d'exploser trop de fois tout en trouvant des forces supplémentaires pour réparer les pots cassés. Main dans la main, il sent que les sentiments sont en harmonie avec les siens. Les fourmis dans ses doigts ne sont pas là par hasard, leur amour fait des allers et venus entre leurs organes, se partage l'espace, ronronne contre son coeur avant de revenir vers celui de Chad. Douce entreprise qu'est leur tendresse commune.

L'hôtel les accueille à nouveau et le sentiment du Hilton persiste en lui. Il y a bien évidemment le stress en moins. Fin si mais ce n'est pas le même, il a enfilé un autre masque, plus colérique, plus vicieux. A New York, s'ils vivaient dans une chambre qui  ne leur appartenait pas c'était avant tout pour enfin être ensemble et fuir la réalité qui ne cessait de leur mettre des coups de poing dans la gueule. Aujourd'hui, si on lui donnait l'occasion de retourner au Hilton, là où leur vie de couple avait commencé, Chad n'irait pas. L'intrusion de Nero dans leur univers a déposé une bombe, réduit à néant les longues heures de solitude passées dans ces draps à attendre un homme qui ne reviendrait pas, trop occupé à courir après ses fantasmes pour s'intéresser à son mariage.

Son corps rejoint celui d'Isaak. Il enlève ses vêtements, les pose sur une chaise et s'avance sur le lit en silence. Le regard posé sur le plafond, Maurice qui les rejoint déjà pour réclamer un semblant d'amour. Les doigts tremblants, l'anxiété le hante encore mais il ne cédera pas à la panique. On fera de notre mieux. Ils ne sont pas parfaits, ne le seront certainement jamais. Il y a d'un côté Chad et son silence insupportable et de l'autre Isaak et son besoin perpétuel d'adrénaline. Deux opposés qui ont pourtant trouvé des points d'attache, des passions communes et surtout un amour sincère. Il termine par se tourner contre lui, inspirer son odeur, le caresser du bout des doigts. Demain, oui ... Il fera ce que sa moitié désire, ne se mettra pas de chaînes. Il acceptera de lâcher la bride. Tu peux dormir, je tiens la garde, t'en fais pas. Léger sourire à référence en ces nuits cauchemardesques qu'Isaak passait au début de leur relation. Chad sentait son corps se débattre avec de vieux démons alors que ses bras l'entouraient pour chasser l'horreur qui forçait toutes les barrières de protection. De longues heures d'insomnie à discuter pour ne pas le laisser repartir dans la profondeur de ses souvenirs nébuleux.

Maurice participe à la douceur du moment en se lovant entre eux dans des ronrons sincères.

Sa réponse t'arrache un sourire déjà à moitié endormi. Sans ouvrir les yeux, ta main cherche son visage à tâtons et vient le caresser dans son entièreté, de haut en bas, comme tu as pris l'habitude de le faire pour caresser son âme. Chad, ton héro, ton roi, le gardien de tes nuits. Ton corps se resserre contre le sien, écrase un peu Maurice qui râle et se tortille pour mieux s'imbriquer entre vous. Finalement rien ne change. Une chambre, ton homme, ton chat. Cette nouvelle vie ne pourra qu'être bonne : tu as tout ce qu'il te faut pour être heureux. Sombrant dans les limbes, tu soupires un " je t'aime " inarticulé, souffle tiède et mesuré de celui qui se sent en sécurité et se laisses couler dans le sommeil l'esprit léger, le visage serein. Faire de votre mieux ... Quand on sait ce dont tu es capable, l'avenir promet d'être grandiose.