(emilie) à l'aube naquit notre rencontre.

Les journées filaient à une vitesse ahurissante depuis notre retour de Disneyland, à Violet et moi. J'avais repris le travail, ainsi qu'un certain rythme calé sur le métro/boulot/dodo qui permet au temps de s'écouler sans qu'on ne le remarque. Cette même routine trop bien huilée, qui nous amène à l'aube de nos 39 ans sans qu'on ne s'en soit même rendu compte. Ce matin, j'avais décidé de m'accorder un break. Je m'étais levé deux heures plus tôt, pour me poser sur la plage – cet endroit que j'affectionnais particulièrement. Et j'étais resté là, face aux vagues... à observer le soleil se lever, à me demander ce que j'allais pouvoir faire de ce qu'il me restait de vie, à m'interroger sur mes sentiments, sur l'amour, sur cet excès de sociabilité qui ne me permettait pourtant pas de rencontrer quelqu'un. La vérité, c'est que je me sentais seul. Le voyage d'une semaine avec mon amie Violet m'avait rappelé à quel point c'était le cas, et j'étais revenu à Bowen encore plus perdu qu'avant de quitter – pour la première fois en 38 ans – ma ville natale.

J'avais vu passé quelques coureurs, depuis que j'étais assis là. A cet instant encore, une jeune femme brune passa devant moi et nos regards se croisèrent brièvement. Elle poursuivit son chemin, et je délaissai un instant la mer pour la suivre des yeux. Assis sur le sable, les bras autour des genoux... je m'attendais à la voir bientôt disparaître à l'horizon. Il n'en fut rien. Je fus surpris de la voir chanceler, elle était à plusieurs mètres de moi mais je pouvais aisément deviner qu'elle avait dû se faire mal. Je la vis chuter, et me relevai presque aussi sec pour courir à son secours. « Hé ? Est-ce que ça va ? » lui lançai-je, en m'approchant d'elle, d'une foulée régulière.  

La jeune femme qui venait de se casser la figure juste sous mon nez – ou presque – me répondit qu'elle avait mal, ce qui ne semblait pas être le moment car elle devait plaider au palais de justice. Je lui tendis la main pour l'aider à se relever, puisqu'elle n'y parvenait pas toute seule. « Allons, ne vous inquiétez pas. Voilà, levez-vous » dis-je en tirant sa main pour la remettre debout, « je vais vous aider ». Je passai ma main autour de sa taille et l'invitai à s'accrocher à mes épaules, puis la soulevai sous les genoux. Elle n'était pas bien lourde, heureusement. « Je m'appelle Liam. Je vais vous ramener jusqu'à la civilisation, et on appellera un taxi ou une ambulance, d'accord ? » Je me mis à marcher avec la jeune femme dans les bras, pour quitter la plage sur laquelle on se trouvait. Nous arrivâmes au bout d'un moment près de la route, et je la posai sur un banc. « Voilà, vous avez un téléphone ? On va appeler quelqu'un pour vous emmener au Tribunal, ou à l'hôpital si vous avez vraiment trop mal ». Je ne pouvais pas me permettre de la conduire moi-même, dans la mesure où... je n'avais pas de véhicule.