(lily-anaëlle) I'm writing a book. I've got the page numbers done.

Lena essayait à tout prix de fuir la maison familiale. L'ambiance n'était pas au beau fixe depuis bien longtemps, encore moins depuis qu'elle avait découvert des choses sur son passé. Elle était heureuse d'avoir enfin rencontré son père mais les déclarations qu'il lui avait faites à propos de sa mère ne faisaient que tourner et retourner dans son esprit. Elle se demandait bien ce qu'elle allait bien pouvoir en faire, en parler à sa mère n'était, pour le moment, pas une solution envisageable. En parallèle de ses études, Lena avait trouvé un job à la librairie de Lily-Anaëlle, ce qui lui prenait du temps et lui permettait donc de ne pas avoir à croiser sa mère trop souvent. Elle était ravie de pouvoir travailler au milieu de centaines de livres, c'était son élément. Lily était une patronne très gentille, elle ne pouvait pas s'en plaindre, et elle faisait le maximum pour faire son travail correctement. Depuis un petit bout de temps, l'adolescente écrivait un livre. Elle n'avait qu'une trame et un début de chapitre, mais de toute façon elle le faisait seulement pour elle et elle n'en avait d'ailleurs parlé à personne. Ecrire lui faisait du bien et lui permettait de s'évader pendant un moment, mais elle gardait ça dans son petit jardin secret. Ce livre parlait de son père, du moins du père qu'elle s'était imaginée bien avant qu'elle sache qu'il était à Bowen et bien avant qu'elle ne le rencontre. Lena traînait toujours avec elle un petit carnet de notes dans lequel elle écrivait ses idées. Elle ne le laissait jamais à la maison de peur que quelqu'un tombe dessus, alors elle l'avait toujours sur elle, dans son sac. Ce matin-là, lorsqu'elle était en train de ranger ses affaires dans son sac, elle n'avait pas trouvé ce carnet. Elle avait retourné toute sa chambre, pas de trace de celui-ci. Elle avait passé la matinée à l'université, stressée par le fait de l'avoir perdu. Elle allait perdre toutes ses idées et surtout, elle n'avait aucune envie que quelqu'un qu'elle connaissait tombe dessus. Après sa matinée de cours, elle s'arrêta en ville pour manger rapidement quelque chose avant de se rendre à la librairie pour y travailler toute l'après-midi. En arrivant, elle salua Lily-Anaëlle et aperçu directement son petit carnet qui était posé sur le bureau. Elle l'avait donc oublié ici. Dans un premier temps, l'adolescente fut soulagée, mais son visage se crispa lorsqu'elle posa son regard sur sa patronne. Avait-elle lu le carnet ? Savait-elle que Lena écrivait un livre ? Elle se sentit gênée comme elle l'avait rarement été. Elle s'approcha du comptoir d'accueil et attrapa rapidement le cahier pour le ranger soigneusement dans son sac. « Je... C'est le mien. Je l'ai oublié la dernière fois. » Elle espérait que la brune n'ait pas lu ce qu'il y avait écrit à l'intérieur. Il n'y avait rien de honteux, mais le fait que quelqu'un sache qu'elle écrivait un livre était déjà assez honteux pour l'australienne. Elle ne se considérait pas comme douée, elle écrivait pour le plaisir et elle comptait parler à personne de ce livre.

Tu ne pouvais pas dire que tout allait bien dans ta vie. Au niveau de ton couple, ça allait, vous aviez pris le pli d'une routine et vous aviez trouvé le bonheur. Lexi grandissait à vue d'oeil, elle approchait de son premier anniversaire et tu avais hâte de le fêter avec tous vos proches. A côté de ça, tu avais perdu ton père, tu n'étais pas spécialement proche de lui mais savoir qu'il était mort, tu n'avais pas pu t'empêcher d'être triste. Pendant de longues années tu avais rêvé de rencontrer cet homme, celui que tu pensais être un héros. Puis lorsque tu l'avais rencontré pour la première fois, tout ce qu'il voulait de toi, c'était un rein contre de l'argent. Tu n'avais pas été compatible et il était reparti sans un mot. Jusqu'à l'autre jour, où tu avais reçu un coup de fil d'un notaire pour t'annoncer que tu avais un héritage qui t'attendait. Il n'avais jamais été là pour toi mais t'avais tout de même légué un demi-million. Une somme que tu ne comprenais pas et qui t'attristait encore plus. Tu avais accepté l'argent, au moins ça permettait de mettre fin à votre conversation avec Nelligan, tu pouvais bosser qu'à temps partiel et passer plus de temps avec ta petite fille. Lui pouvait continuer ses études sans même se soucier des factures à payer et Lexi aurait un bel avenir tout tracé. La clochette de la porte de la librairie te fit sortir de tes pensées. « Tout va bien ? » avais-tu demandé en jetant un regard plus prolongé sur la jeune femme. Vu la façon dont elle s'était jeté sur son carnet, c'est que ça devait être quelque chose d'important. Elle ne te quittait pas non plus du regard, comme si elle voulait te poser une question sans vraiment l'oser. Le genre de question un peu délicate qu'on aimerait ne pas avoir à formuler, tu devinais assez facilement ce que ça pouvait être. « Je n'y ai pas touché si c'est ça que tu te demandes, je ne me le permettrais jamais. » Tu l'avais bien vu oui, et tu l'avais déjà observé griffonner dedans mais tu savais respecter la vie privée des autres. Tu gardais même tes questions pour toi, ne voulant pas être trop intrusive. Peut-être que c'était son journal intime, peut-être qu'elle racontait ses pensées, ses journées ou peut-être qu'il lui servait à tout autre chose, c'était son espace de liberté, elle avait bien raison d'en avoir un. Ton exutoire à toi, c'était la peinture, ce qui était moins pratique si tu voulais le mettre dans ton sac. 

Lena s'était jetée sur son carnet avant même de dire un mot. Elle avait déjà commencé à imaginer sa mère le trouver, le lire et lui faire une bonne leçon de morale au vu du sujet sur lequel elle écrivait. Son père. C'était devenu un sujet tabou à la maison, plus personne n'en parlait depuis bien longtemps et l'adolescente n'osait même plus poser des questions sur lui car elle connaissait déjà la réaction de sa mère à ce propos. C'était peine perdue, alors si elle avait découvert que Lena écrivait sur ce père inconnu, elle se serait probablement mise dans tous ses états. Grand soulagement, elle avait simplement oublié ce fameux carnet à la librairie. Après avoir rangé le carnet dans son sac, elle se justifia auprès de Lily-Anaëlle qui la scrutait. « Oui, oui tout va bien. » Tout à coup, l'australienne se sentait bête de penser qu'elle aurait pu le lire. Ce n'était pas son genre et elle le savait, mais elle avait simplement paniqué. Ecrire était une passion pour Lena, et plus qu'une passion, c'était un rêve d'être un jour publiée même si ce rêve restait enfoui tout au fond d'elle car elle le savait impossible. C'était son petit secret bien à elle et elle n'avait pas l'intention d'en parler à qui que ce soit, de peur peut-être qu'on se moque d'elle, allez savoir. Elle soupira de soulagement et adressa un sourire à sa patronne juste après sa remarque. « Bien sûr, je suis désolée d'avoir pensé que vous alliez regarder dedans. » dit-elle en hochant la tête à la négative. Elle côtoyait la brune depuis un petit moment, depuis qu'elle l'avait embauchée, et elle savait pertinemment qu'elle n'aurait jamais eu la curiosité mal placée d'aller lire ce carnet. « J'ai cru l'avoir perdu... Je suis soulagée. » Elle poussa un nouveau soupir. Elle posa son sac et retira son gilet, elle était prête à travailler mais quelque chose la gênait quand même. Elle se sentait idiote d'avoir en quelque sorte accusé sa patronne d'avoir été trop curieuse. « Vous savez, ce n'est pas un journal intime ou quelque chose du genre, c'est juste... » Elle marqua une pause. « ...juste quelques idées pour ce que j'écris. » dit-elle en regardant ailleurs que dans la direction de Lily. Elle avait déjà pensé à lui en parler et à lui faire lire ce qu'elle écrivait pour avoir un avis, elle semblait la meilleure personne pour ça, mais elle n'avait jamais osé et pensait ne jamais pouvoir, mais c'était peut-être une occasion à ne pas rater pour lui en parler. « Du coup ça ne serait pas si grave si quelqu'un le lisait. C'est juste que j'ai un peu honte que quelqu'un le lise, en fait. »

Lena semblait vraiment désolée, comme si elle avait perdue confiance en toi. Tu n'étais pas du genre à fouiller dans les affaires des autres. Même si tu étais sympathique avec elle, que tu la traitais comme il fallait, ça ne voulait pas dire qu'elle devait avoir 100% confiance en toi. Tu pouvais paraître gentille en apparence et être une vraie vipère dans le dos des autres. Bon, si on était honnête, on savait très bien que tu étais l'enfant au grand cœur, incapable de faire du mal à autrui. Préférant se priver pour rendre les autres heureux. Tu étais prête à tout pour le bonheur de tes amis et de tes proches. Lena était ton employée mais tu lui dirais oui à tout si jamais elle te demandait quelque chose. Tu étais incapable de dire non, de toute façon. « Tu n'as pas à t'excuser. » Elle avait le droit d'avoir des doutes, le droit d'avoir peur. Tu n'allais pas lui reprocher quoique ce soit. Tu n'avais rien à lui dire, si ce n'est qu'elle pouvait se détendre. Elle reprit la parole, tournant la tête, un peu comme si elle fuyait ton regard. « Tu sais, tu n'es pas obligée de m'en parler si tu n'y tiens pas. » Elle voulait sûrement t'expliquer ce que tu aurais pu lire mais tu n'avais pas besoin de le savoir. Après tout si elle écrivait dans un carnet qu'elle gardait précieusement avec elle, ce n'était pas pour n'importe quelle raison. Elle voulait préserver une certaine intimité et tu ne pouvais pas lui enlever cela. « Je trouve ça chouette que tu posent tes idées, j'ai toujours voulu écrire et je ne me suis jamais lancée. » Tu avais eu peur d'être ridicule, de n'écrire que des choses banales, sans importance. Pourtant tu aurais pu écrire des tonnes de pages sur tes déceptions amoureuses, sur tes doutes et tes remises en question. Ce qui n'aurait pas été très joyeux. « Tu as honte de ce que tu écrit, de la façon dont tu écris ou tu as peur de ce qu'on pourrait penser de toi si on le lisait ? » demandais-tu, maintenant curieuse d'en apprendre plus sur la jeune femme. Si c'était de la peur, alors elle pourrait la vaincre avec le temps, si elle le désirait vraiment. Il suffisait juste d'un déclic et tu savais qu'il viendrait. Tu ne pourrais pas dire quand, mais tu étais passée par là.

Lena fut soulagée que Lily-Anaëlle ne prenne pas mal le fait qu'elle l'ait en quelque sorte soupçonnée d'avoir fouillé dans ses affaires. Quand elle y repensait, elle ne voyait vraiment pas sa patronne faire ça. Elle ne la connaissait pas vraiment bien, mais elle avait passé assez de temps avec elle pour savoir que c'était une personne droite et qu'elle ne ferait rien qui puisse nuire à quelqu'un. Elle avait une certaine gentillesse qui faisait qu'on avait envie de lui faire confiance, l'adolescente l'avait ressenti dès le début, mais elle n'avait jamais vraiment osé lui parler de sa vie en détail ou de ce qu'elle écrivait, préférant garder une relation professionnelle. Et puis la jeune femme avait sûrement d'autres chats à fouetter, elle avait un enfant dont elle devait s'occuper et Lena ne voulait pas l'embêter avec ses histoires de famille. Un peu mal à l'aise, elle lui expliqua ce que contenait ce petit carnet si précieux pour elle. Son regard revint vers Lily lorsqu'elle avoua avoir toujours voulu écrire. Lena fut directement intéressée et le malaise était bien loin derrière elle. « Ah oui ? Qu'est-ce qui vous a empêché de le faire ? » demanda-t-elle avec curiosité. Même si Lena s'entêtait à se dire que l'écriture n'était qu'un passe-temps, au fond, elle pensait de plus en plus souvent à l'idée de montrer ses écrits, au moins pour avoir un avis et pour trouver une certaine confiance en elle qui lui permettrait de continuer d'écrire et pourquoi pas faire des projets. Mais comme elle l'expliqua à sa patronne, elle avait un peu honte que quelqu'un ne lise ses écrits. Pourquoi ? Elle n'en était pas vraiment sûre, mais la façon dont elle avait paniqué en pensant avoir perdu son carnet et à l'idée que quelqu'un puisse le lire montrait qu'il y avait bien quelque chose qui la bloquait. Elle réfléchit un instant avant de répondre : « C'est quelque chose d'assez personnel, j'ai peur que ça n'intéresse personne. » Elle avait également peur de voir ce que sa mère penserait si elle apprenait le sujet de son livre. Son père avait toujours été un sujet tabou à la maison, alors si elle apprenait que Lena écrivait un livre entièrement dédié à lui, ou du moins à l'idée qu'elle se faisait de lui, qui oserait imaginer sa réaction. « Et puis je ne sais pas trop si je suis douée, je n'ai jamais rien fait lire à personne donc je n'ai aucun avis extérieur. » ajouta-t-elle en haussant les épaules.

Ton aveu avait attiré sa curiosité et à sa place tu aurais été pareille. Tu haussais doucement les épaules essayant de réfléchir à la façon de dire les choses. Déjà qu'elle ne semblait pas bien en confiance par rapport à ce qu'elle écrivait, tu ne voulais pas la démotiver. « Parce que même si l'envie est là parfois, on a rien à raconter, ou alors ce qu'on écrit est vraiment très mauvais. Je suis bien plus douée en peinture qu'en écriture ! » finissais-tu par lui dire avec un fin sourire sur le visage. Tu aimais lire, ça oui, tu pouvais dévorer des livres en une seule journée et ne pas voir le temps filer. Mais tu n'avais en rien l'âme d'une auteure. Tu avais d'autres passions dans lesquelles tu te sentais mieux. La cuisine commençait à venir par exemple, mais c'était une application simple des recettes, si on s'appliquait, ça ne pouvait que s'améliorer. Pour l'écriture, il fallait travailler un style, avoir des choses à raconter et tu savais aujourd'hui que tu n'étais pas faite pour ça, même si tu en avais longuement rêvé. « L'écriture c'est souvent quelque chose de personnel, beaucoup d'auteurs livrent une part d'eux même dans leurs œuvres. » Tu pensais notamment à J. K. Rowling qui avait partagé son deuil ainsi que ses différentes étapes dans sa plus grande oeuvre. Des livres qui se vendaient encore par centaines et où cette double lecture n'était pas forcément vu de tous. Mais ce n'était pas la seule à vraiment s'impliquer dans ses livres. « Tu pourrais poster anonymement dans le journal de la ville, ou si tu souhaites le faire lire à moins grande échelle, j'ai un groupe de lecture avec une amie, on pourrait soumettre à l'ordre du jour. » Si bien sûr ce qu'elle voulait c'était un avis, tu pouvais lui en donner un. Tu n'étais pas une grande éditrice, tu le savais bien mais tu lisais tellement que tu savais ce que les habitants de cette ville aimaient ou non. C'était bien pour ça que ton commerce fonctionnait encore plutôt bien malgré l'ère du numérique. « Enfin, si tu es partante bien sûr, je ne voudrais pas que tu penses que je te force la main ! » Pour le coup ce n'était pas ce que tu voulais, tu lui donnais juste des pistes. Tu ne savais même pas s'il elle y avait déjà pensé ou non, tu voulais lui donner un coup de pouce. Rien de plus. 

Lena écoutait parler sa patronne avec une certaine admiration. Lily-Anaëlle avait évidemment plus de recul qu'elle pour comprendre que l'écriture n'était pas faite pour elle. L'adolescente, elle, écrivait par plaisir mais elle rêvait qu'on puisse la lire un jour, mais elle ne s'était jamais vraiment posé de questions sur le fait que ce qu'elle écrivait intéresse les autres. « Je comprends. » répondit-elle en hochant la tête. Elle aimait lire, beaucoup. C'était probablement ce qui l'avait motivée à écrire aussi, en dehors du fait que c'était la seule chose qui lui permettait de s'évader un peu pour parler de choses dont elle n'avait pas le droit de parler avec sa mère. Elle avoua alors ses craintes, ses écrits étaient assez personnels et elle ne savait pas si les gens avaient envie de connaître ça. Mais la jeune femme marquait un point, beaucoup d'écrits avaient quelques choses de très personnels, il suffisait juste que cela soit assez captivant pour intéresser. « Ils ont souvent des vies plus trépidantes que la mienne. » répondit-elle sur un ton amusé. Evidemment, elle avait encore toute la vie devant elle et elle n'avait probablement encore rien vu, mais sa vie n'avait sûrement rien à voir avec celle des grands auteurs reconnus. Mais ses écrits lui tenaient à cœur, et si elle pouvait avoir un avis extérieur, au moins pour connaître un peu leur valeur, elle ne dirait pas non. Poster anonymement dans le journal de la ville était une bonne idée, mais Lena avait peur que sa mère tombe dessus, elle devinerait sans aucun doute au vu des détails qu'elle avait mis dans son premier chapitre. En revanche, la deuxième idée fit sourire Lena. « Vous feriez ça ? » Une lueur était apparue dans ses yeux, une lueur d'espoir peut-être. Et plus encore, elle était ravie de se savoir écoutée et soutenue. Personne n'était au courant que Lena écrivait, Lily-Anaëlle était la première personne à qui elle avait osé en parler à cause de ce carnet oublié. Ce n'était peut-être pas une si mauvaise chose. « Je suis partante et c'est super gentil de votre part ! » répondit-elle avec un large sourire aux lèvres. « Je sais que je serai déçue si j'ai des retours négatifs, mais au moins j'aurais essayé. » ajouta-t-elle avec une once d'appréhension dans la voix. Elle était touché par le coup de pouce que sa patronne allait lui donner. Au moins, elle serais vite fixée.

Au fur et à mesure que tu parlais, tu voyais le sourire de Lena se dessiner. Tu avais très peu échangé avec la jeune femme, souvent parce que tu étais occupée à parler de livre, à lire ou parce que tu étais chez toi à t'occuper de Lexi. Vous n'aviez jamais eu de réelle occasion pour apprendre à se découvrir. Tu lui confiais des informations que très peu de tes proches avaient connaissances. Si tu avais pu, tu aurais aimé devenir une grande auteure mais tu n'en avais pas la capacité. Tu espérais pour Lena, pour ait plus de talent que toi. « Si c'est ce que tu crois c'est qu'ils ont réussi à t'emporter avec eux dans leur univers. Ils ont les même problème que toi, que moi, ils se lèvent tous les matins, ils font la queue à la boulangerie ou au supermarché, ils ont des impôts à payer et des vies sentimentales peut-être plus chaotiques que les nôtres ou alors tout à fait banales. » Tu t'intéressais très peu à la vie des auteurs que tu pouvais lire, cela n'avait que peu d'intérêt pour toi, sauf si l'histoire te touchait. Tu faisais alors des recherches pour savoir s'il s'agissait d'une histoire inventée ou si elle était inspirée par des faits vécus. « Bien sûr, il faut bien commencer quelque part, on est pas grands critiques mais nos remarques seront constructives. » Tu serais ravie de lui donner un coup de pouce et tu savais que Willow serait ravie d'en faire de même. Pour le reste du groupe, il y avait quelques habitués que tu connaissais assez bien maintenant pour savoir qu'ils seraient partant de faire cette petite expérience. « Il faut aussi que tu gardes en tête que tout ce que tu vas écrire ne peut pas plaire à tout le monde, donc surtout si les retours ne sont pas aussi bons que tu le souhaites, ne soit pas trop dure envers toi-même. » Et ça c'était un conseil personnel que tu lui donnais, une clé qu'elle ne devait jamais oublier. Tu te souvenais que la peinture à tes débuts, ce n'était pas fabuleux et pendant des années tu t'étais freiné dans cet art parce que ça ne plaisait pas à ton entourage. Tu préférais penser que tu étais nulle, parce que c'était plus facile de se dire que ça venait de toi, plutôt que des autres.

C'était la première fois que la jeune fille échangeait autant avec Lily-Anaëlle. Jusque là, leurs échanges étaient restés professionnels et Lena ne savait pas grand chose de sa vie. Elle savait qu'elle avait un enfant, puisqu'elle avait dû s'absenter pendant un petit moment, mais pas plus. Il avait fallu qu'elle oublie ce fameux carnet à la librairie pour oser lui parler de ses écrits et elle ne le regrettait pas. Elle savait que Lily pouvait être de bons conseils puisque c'était plus ou moins son domaine, même si elle avait renoncé à devenir auteure. Lena avait des tas de choses à raconter mais elle n'était pas sûre que sa vie soit assez intéressante pour les autres. Mais la brune marqua un nouveau point en expliquant que même les écrivains faisaient des choses banales, comme elles et comme tout le monde. La jeune fille hocha la tête, elle n'avait jamais vu les choses comme ça mais maintenant qu'elle l'entendait, ça prenait du sens. « Vous avez raison, alors j'espère pouvoir emporter les gens avec moi dans mon univers. » répondit-elle avec une certaine lueur dans les yeux, peut-être une lueur d'espoir. Elle se sentait plutôt soulagée d'avoir pu parler de ça à quelqu'un, et encore plus lorsque la jeune femme lui proposa de soumettre ses écrits à l'ordre du jour dans son club de lecture. C'était assez stressant pour Lena, mais elle accepta avec plaisir. C'était une main qu'on venait de lui tendre, elle n'allait pas refuser. « Merci mille fois ! Je sais pas comment vous remercier, s'il y a quelque chose que je peux faire n'hésitez pas. » dit-elle avec un large sourire. Ce serait une façon de la remercier encore mieux, parce que même si ça ne semblait pas grand chose, pour Lena ça voulait dire beaucoup. Ce roman lui tenait à cœur et elle rêvait qu'on la lise un jour. Si ça devait commencer par un simple club de lecture, c'était déjà un bon début. Même si elle avait peur que les retours soient catastrophiques, elle était prête à les entendre quitte à être déçue. « Je sais, j'ai tendance à être un peu trop exigeante avec mon propre travail mais cette fois je ferai des efforts. C'est sûr que ça ne peut pas plaire à tout le monde, espérons juste que ça plaise un peu, quand même. » Elle garderait ce conseil en tête pour la suite. Si ses écrits ne plaisaient pas à certaines personnes mais à d'autres oui, ça serait déjà très bien. En revanche, le pire serait qu'ils ne plaisent à personne. Mais elle ne voulait pas y penser. « J'imagine que vous avec la peinture ça doit être pareil ? Ça plait à certains et pas à d'autres, c'est comme pour tout. » demanda-t-elle en repensant à ce que la brune lui avait dit plus tôt à propos de la peinture.