hold on to the one thing he's begging for (andreas)

Après avoir fouillé l’espace qu’ils occupaient chez Daemon de fond en comble, après avoir reviré à l’envers tous les tiroirs, tous les placards, toutes les cachettes possibles pour des bouteilles d’alcool, Lennox s’avoua vaincu. Il se laissa tomber sur le lit d’invités qui aurait maintenant pu avoir des oreillers à leur nom vues toutes les nuits qui s’étaient écoulées depuis l’incendie. Il soupira. Lui-même alcoolique, il connaissait par cœur les endroits où on pouvait dissimuler une bouteille d’alcool, peu importe sa grosseur. Il réfléchissait en termes de cachettes, quand venait le temps de se fermer aux autres. Il se cachait au fond de lui-même ou il cachait ses vices entre les craques. Andreas ne gardait visiblement pas ses péchés ici, ou alors, il allait au plus simple et en piquait en douce à Daemon. Ce dernier, à l’arrivée de Lennox, avait certes eu la délicatesse de ne pas exposer à la vue de tous ses bouteilles de fort, mais il savait qu’il n’aurait pas disposé de tout un bar complet rien qu’en raison de sa présence. Andreas pouvait se servir quand il le voulait, et peut-être le voulait-il trop. C’était du moins ce que les autres semblaient croire de lui, quand ils le voyaient arriver au boulot en état d’ébriété. C’était une information qui avait laissé le notaire perplexe, lui qui n’avait jamais été confronté à un Andreas aux effluves alcoolisées dans les derniers mois, lui qui ne l’avait jamais vu vivre un réveil difficile en raison de gorgées de trop. Pourtant, le doute planait au-dessus de lui, et il n’arrivait pas à le semer. Le foutu nuage, parfois de pluie, parfois d’orages, qui guettait chacun de leurs mouvements. Alors, comme pour avoir le cœur net sur toutes ces rumeurs, Lennox se rendit à l’hôpital après sa fouille détaillée, et se rendit là où les ambulanciers avaient l’habitude de se tenir lors des moments morts – no pun intended. Il aperçut rapidement Andreas, mais il resta à l’écart, il resta bien loin, analysant chaque mouvement, chaque mimique de son fiancé, tentant tant bien que mal de déceler les indices qui lui permettraient enfin de savoir la vérité. C’était lui qui se cachait, maintenant. Parce que la vérité, il n’était pas prêt à l’affronter en face, si elle était celle qu’il craignait.

Il le connaissait pourtant, son Andreas. Il ne le connaissait peut-être pas par coeur, pas sur le bout de ses doigts, puisque chaque être humain avait son lot de surprises et que n’importe qui pouvait réagir d’une manière bien particulière face à un stimuli étranger, mais il le connaissait mieux que n’importe qui sur cette terre sans doute. Il passait le plus clair de son temps en sa compagnie. Ils ne se lâchaient pas dès qu’ils avaient l’occasion d’être ensemble. Ils s’étaient promis d’être honnêtes, de tout se dire. Alors pourquoi avait-il ce sentiment dérangeant caché au fond de lui ? Lennox tentait de se raisonner, de rationaliser, de se convaincre qu’Andreas n’en était pas là. Il se disait que jamais il ne mettrait en danger la vie des autres, et être ivre dans le cadre de son travail d’ambulancier aurait certainement été le plus gros risque par rapport à ça. Pourtant, le troublant doute demeurait, et aujourd’hui, il n’avait pas eu la force de le taire plus longtemps. Après ne pas avoir trouvé les preuves inculpantes qu’il cherchait chez Daemon, il s’était rendu sur les lieux même du crime - de la rumeur -, soit l’hôpital. Il avait vite repéré l’endroit de repos des ambulanciers. Une fois là, debout, au coin du couloir, Lennox figea. Qu’est-ce qu’il lui prenait ? Qu’était la suite de son plan ? Se ruer sur Andreas et le frapper d’accusations ? Chercher à savoir la vérité via des allusions peu subtiles ? Lennox sentait son coeur se serrer, sa peau surchauffer. Il allait reculer, il avait même déjà fait un pas vers l’arrière, jusqu’à ce qu’il voit un collège d’Andy tapoter l’épaule de ce dernier, et pointer dans sa direction. Too late. Son regard croisa celui de son fiancé lorsqu’il tourna la tête dans sa direction. Tout de suite, il vit une éclair d’inquiétude traverser le regard de son homme. Lennox avait merdé, de manière monumentale. Sauf qu’ils s’étaient promis l’honnêteté, pas vrai ? Il ne chercherait donc pas à s’inventer une excuse qui, de toute façon, ne tiendrait pas la route. Si lui connaissait Andreas, ce dernier connaissait Lennox encore mieux. Il décèlerait tout de suite la tromperie. « Non, non, non, Roxy va bien, ne t’en fais pas ! » S’empressa-t-il de dire lorsqu’Andreas s’était finalement approché de lui, soucieux. « Et moi aussi, j’t’assure. » Il prit la main du norvégien dans la sienne, tout discrètement. Les regards autour, Lennox s’y était peut-être habitué, mais il ne faisait pas non plus exprès de se les attirer. Déjà qu’il avait l’air du copain dépendant, en se pointant sur son lieu de travail. « Je voulais surtout savoir si toi, tu allais bien … » Il inclina légèrement la tête, les yeux hésitants.

La question était lancée, à peine dissimulée. Lennox avait espéré que son approche plus ou moins subtile aurait au moins pour effet de conserver une atmosphère calme. Il avait cru qu’un ton de voix doux et inquiet pourrait au moins les sauver de l’explosion. Malheureusement, dès qu’Andreas comprit le véritable objet de la visite de son fiancé, son regard devint froid. Glacial. Lennox sentit d’ailleurs les frissons traverser son corps et il grelotta, un peu, sans pouvoir savoir s’il s’agissait d’une réaction belle et bien physique ou si c’était son esprit qui lui jouait des tours. Avoir les yeux d’Andreas posés sur lui avec autant de dégoût et de déception, c’était trop pour Lennox, qui regretta immédiatement de s’être rendu jusqu’ici et pire encore, de s’être jeté à l’eau aussi rapidement. Tout ce qu’il désirait au fond, c’était le bien d’Andreas, mais il s’y prenait maladroitement : en lui faisant comprendre qu’il n’avait pas confiance en lui comme il l’aurait dû. S’il y avait bien une personne qui aurait dû faire fi de ces rumeurs, c’était lui, Lennox, son fiancé. Celui qui l’aimait plus que tout au monde. Encore une fois il lui prouvait qu’il n’était pas assez bien pour lui. « Non, bien sûr que non, je ne m’attendais pas à te trouver ici en train de boire … » Mais comme de fait, Lennox aurait pu dire n’importe quoi, son regard laissait entrevoir tout le contraire de ses paroles. Ses yeux fuyaient ceux d’Andreas, son teint devenait un peu plus rosé par la honte, il passa nerveusement une main dans ses cheveux. « Mais … » Eut-il à peine le temps d’ajouter avant qu’Andreas n’explose. Son ton montait alors qu’il l’accusait de le prendre pour un irresponsable, pour ne pas mentionner la vulgarité qui habitait ses paroles. Lui d’habitude si doux, le voilà blessé au point de réagir comme un animal en défense. Les regards se tournaient vers eux et les regards, Lennox ne les supportaient pas. Pas sur lui. Il sentit son coeur se débattre dans sa poitrine. Il sentit son corps reculer, ses pas l’emmenant deux pieds derrière. « Je veux juste m’assurer que tu ailles bien, Andy, s’il-te-plaît. Ne réagis pas comme ça. Je suis bien placé pour savoir comment on peut réagir quand … quand ça va mal … et … et je voulais juste … m’assurer que ce n’était pas ton cas. » Il déglutit. « Tu sais, ça m’est arrivé, à moi, d’être irresponsable. On n’peut pas être parfait. » Lui était loin de l’être. Andy la frôlait davantage, la perfection, mais il ne pouvait l’atteindre. Personne ne le pouvait. Il fallait parfois l’accepter.  

Un menteur, Lennox l’avait longtemps été. Face à ses parents, face à ses amis, parfois face à Andreas, aussi. S’il se voulait le plus sincère du monde en compagnie de son petit ami, il était incapable de se départir complètement de cette partie de lui qui voulait se protéger par l’évitement. Évitement qui se traduisait souvent par le mensonge. Alors s’il pouvait laisser penser à son homme qu’il le croyait menteur, irresponsable et perdu, c’était parce qu’il savait que c’était possible de déraper à ce point, et il voulait simplement lui rappeler qu’il était là pour lui. Que peu importe la bête cruelle qu’il était en train de combattre dans son esprit, Lennox était là, et il lui tendait la main la plus compréhensive qui puisse être. « Tu sais bien que si t’avais pas été là, ça ce serait arrêté là. Tu me prends pour qui, tu crois que je serais allé jouer dans ton dos face à tes collègues ? Je sais bien que je te déçois avec mon comportement aujourd’hui, mais tu me prêtes de mauvaises intentions en allant jusque-là … » Mais l’argument d’Andreas, ce serait sans doute que si Lennox avait été prêt à aller jusqu’à l’espionner sur son lieu de travail, qui sait jusqu’où il aurait été prêt à se rendre pour avoir le cœur net sur le bien-être du norvégien ? Sauf que c’était d’oublier à quel point Lennox était un être asociable et terrifié par les autres. Jamais il n’aurait trouvé la force ou le courage d’aborder les collègues d’Andy, surtout sur une question aussi sensible. Et il n’aurait jamais voulu lui faire un tel coup, de toute façon. Ça ne l’aurait aidé en rien, d’être mis sous le radar de tout le monde. « Et si je n’ai pas pu me contenter d’une réponse de ta part, c’est parce que je t’ai déjà menti, moi. » Avoua-t-il, autant pour s’aider dans son argument, que pour enfin se montrer honnête. « Avant. Quand j’essayais de m’en sortir. Quand j’me détournais du droit chemin l’espace d’une soirée et que tu me demandais, quand j’rentrais, si j’avais été prendre un verre. Je savais que tu voulais juste mon bien. Mais j’avais honte. Honte de ne pas être capable de résister, honte de ne pas être aussi heureux que t’aurais voulu que je le sois. Alors j’te mentais pour apaiser tes inquiétudes et pour étouffer mes remords. Mais j’devrais arrêter de te comparer à moi parce que clairement t’es un saint. » Parce que tout ce qu’Andreas reprochait à Lennox de douter, Lennox en doutait parce que lui-même l’avait déjà fait. Il ne méritait donc aucunement la confiance du norvégien, si on se fiait à ce dernier. Les commentaires du notaire n’aidèrent en rien la situation et Andreas lui demanda de ne pas l’attendre ce soir. « Je suis désolé, ok ? J’voulais en rien empirer la situation, mais c’est raté et je le vois bien. Mais s’il-te-plaît, j’ai pas envie qu’on se laisse là-dessus. C’est mauvais, autant pour toi que pour moi … » Demanda-t-il en suppliant.   

Sa manière tranchante de dire à Lennox qu’il se doutait fort bien qu’il lui avait déjà menti à ce propos rendit le notaire plus que mal à l’aise. Surtout, il se sentait minable, abominable même. Parce qu’il lui mentait alors qu’ils s’étaient jurés de ne plus rien se cacher, et pendant ce temps, l’amour de sa vie sombrait, déchiré entre le respect qu’il portait pour Lennox et son envie de pourtant tout lâcher. Tout lâcher et se laisser tomber dans l’alcool et dans la déprime. Lennox, lui, n’hésitait pas à lâcher prise lorsque le poids du monde était trop lourd. Et Andreas se battait pour le trentenaire et contre lui-même à la fois. Ce qui ne rendait le problème que plus difficile à surmonter, prisonnier de ce conflit interne qui devait l’étouffer. « Prendre un ou deux verres pour te détendre ne fera pas de toi un alcoolique, Andy. Je ne vais pas t’empêcher de faire comme presque tout le monde pour relâcher la pression, juste parce que moi, je ne suis pas comme tout le monde. » Cette conversation ne mènerait actuellement à rien, Andreas était trop sur la défensive pour qu’un quelconque message passe entre eux. Ils se parlaient mais ne s’entendaient pas. Ils s’écoutaient mais ne s’acceptaient pas. Quand Andreas lui dit qu’il devait retourner travailler parce que des gens avaient besoin de lui, la seule pensée qui vint en tête à Lennox était que lui aussi, avait besoin de lui, mais il ne pouvait pas le lui dire, pas maintenant. Ce serait cruel et injuste. Il devait le laisser partir, aussi déchirant pour son cœur cela pouvait être. De toute façon, Andreas était bien clair dans son désir de le voir partir. Il le lui avait demandé sans détour. Qu’il s’en aille. Lennox perdit toute lueur dans le regard. Plus aucune colère, plus aucun bonheur non plus. Que le vide. « D’accord. Si c’est ce que tu veux. » Souffla-t-il d’une faible voix, avant de tourner les talons et de marcher en sens inverse ce couloir qu’il avait d’abord traversé avec inquiétude et remords. Maintenant, il n’était plus que tristesse. Arrivé dehors, comme pour rendre cette scène encore plus mélodramatique, Lennox se frappa à un mur de pluie qui le trempa de la tête aux pieds rien que le temps de regagner sa voiture. C’est à ce moment qu’il décida de ne pas rentrer chez lui, mais plutôt d’attendre Andreas jusqu’à la fin de son quart de travail. Il ne voulait même pas l’imaginer en train d’errer sous l’orage, cherchant mille et un prétexte pour ne pas rentrer chez eux. Il arrêta le moteur, ne conserva que la radio, et il ferma les yeux.    

Assis dans la voiture, bercé par les douces notes de la radio et le bruit de la pluie sur le pare-brise, Lennox s’était endormi pour les quelques heures le séparant de la fin du quart de travail d’Andreas. Heureusement, d’ailleurs, autrement il aurait compté les minutes et les sanglots. Il se réveilla une quinzaine de minutes avant l’heure, et voyant que la pluie s’était légèrement calmée, il décida de sortir de la voiture pour changer de l’air renfermé de l’intérieur. Il remonta le capuchon de sa veste sur sa tête, pour une fois qu’il n’était pas habillé en chemise et en cravate. Il fit le tour de la voiture et alla doucement s’appuyer contre le devant de celle-ci, croisant les bras sur sa poitrine, surtout pour le confort et non pas pour donner l’impression d’être complètement fermé face à Andreas. Au contraire, il s’était calmé, Lennox, et tout ce qu’il désirait c’était qu’ils fassent la paix et laissent cette histoire derrière eux. Malheureusement, le norvégien ne partageait pas cette envie. Dès qu’il sortit, il le repéra et marcha jusqu’à lui avec une démarche qui laissait clairement entrevoir son mécontentement. Lennox se releva, laissant tomber ses bras de chaque côté de son corps, déchiré de voir son amoureux passer à côté de lui sans une seule marque d’amour à son égard. « Je ne voulais pas que tu aies à rentrer sous la pluie, surtout. » Mais était-ce vraiment par peur qu’il tombe malade en rentrant complètement trempé, que Lennox était resté ici tout ce temps ? Il ne savait même plus lui-même ce qui motivait chacune de ses réactions, mais visiblement, ce n’était pas de bonnes intentions selon Andreas. Ce dernier fit le tour de la voiture sans en dire plus, et ferma la portière sans un regard pour Lennox, toujours debout dehors. Il soupira, laissant la pluie ruisseler sur ses joues, comme ça s’il avait à pleurer une fois à l’intérieur, ils n’en verraient rien. Le notaire regagna le siège-conducteur et ferma la portière. Il attacha sa ceinture, retira sa capuche à son tour, et écouta Andreas lui couper toute possibilité de régler les choses. « Comme tu veux … » Lennox démarra la voiture et s’engagea dans la sortie du stationnement, en direction de leur nouvelle maison qui n’avait, jusqu’à maintenant, qu’été témoin de leur éloignement. Le silence était lourd, il pesait sur Lennox qui allait bientôt craquer sous la pression. Décidément, il préférait lorsqu’ils se disputaient plutôt que ce mutisme. Au moins, lorsqu’ils s’engueulaient, ça prouvait qu’ils tenaient l’un à l’autre. Présentement, Lennox avait juste l’impression qu’Andreas aurait préféré qu’il disparaisse. « Je suis désolé. » Souffla-t-il enfin, alors qu’ils prenaient le boulevard principal et que la musique ne suffisait plus à remplir le vide.

Face à son excuse, Andreas garda les lèvres fermées, contournant la voiture pour mieux se réfugier à l’intérieur de celle-ci, dressant déjà un mur entre Lennox et lui alors qu’il n’avait même pas eu la chance d’en dire davantage. Lennox prit place à ses côtés et chercha du regard la main de l’homme qui était habituellement toujours posée au centre des deux sièges, prête à être attrapée par celle de Lennox. Mais non. Cette fois, elle était hors de portée, tout comme l’être entier d’Andreas. Il garda donc le silence, tel que demandé. Il obéissait malgré la souffrance. Il se pliait aux désirs du norvégien même si ça le tuait de l’intérieur. Les premiers kilomètres furent douloureux, et plus la musique émanant de la radio se faisait la seule distraction possible, plus celle-ci l’étouffait, l’oppressait. À tel point qu’à un moment, Lennox n’arriva plus à garder ses lèvres scellées et son cœur fermé. Il s’excusa, banalement. Il n’était pas le seul à avoir une mauvaise attitude, mais si ni l’un ni l’autre ne disait quoi que ce soit, ils ne s’en sortiraient pas. « J’ai jamais dit que t’étais parfait. C’est pas parce que j’ai moins d’estime pour moi que pour toi que ça veut pour autant dire que je te mets sur un piédestal, Andy. Arrête d’essayer de t’élever à un niveau que j’ai jamais voulu t’imposer. T’es humain, comme moi, je ne m’attends pas à ce que tu sois infaillible. » Répondit-il. Lennox savait mieux que quiconque qu’il était impossible de répondre à toutes les attentes. Il accumulait les échecs, de son côté, alors il savait ce que c’était que d’avoir l’impression de décevoir tout le monde autour de lui. De ne jamais plaire. De ne jamais dire la bonne chose. Jamais il n’avait voulu mettre cette pression sur Andreas. S’il l’avait fait, c’était sans s’en rendre compte. Sa mauvaise habitude de se rabaisser lui-même donnait sans doute l’impression qu’il idéalisait les autres. « Y’a une énorme différence. Ou alors je l’espère. Parce que si le fait d’y penser c’est comme l’avoir fait, alors j’m’en sortirai jamais gagnant. Tout le chemin que j’ai fait ne signifierait rien du tout. » Ça le blessait, les paroles d’Andreas. Ce dernier parlait peut-être de sa propre situation, mais inévitablement il faisait écho à celle de Lennox. Le notaire réalisait à quel point il était encore tellement faible, si les paroles de son copain étaient vraies. Mais ce n’était rien comparativement à la faiblesse qui le gagna lorsque le norvégien lui demanda s’ils pouvaient se marier s’ils ne se faisaient pas confiance. La gorge nouée, Lennox garda le silence, les yeux embués rivés sur la route. « Tu ne veux plus m’épouser ? » Il ne pouvait pas répondre à sa question. Il ne voulait pas répondre à sa question. Alors il préférait savoir ce qui se cachait réellement derrière les pensées d’Andreas.

Ce fut au tour de Lennox de soupirer, écoutant les excuses d’Andreas sans dire un seul mot, gardant même le silence quelques secondes de plus, quelques secondes de trop. Juste assez pour que le norvégien comprenne que malgré les paroles qui suivirent enfin, il était toujours blessé. « Ça va, c’est pas grave. Je comprends. » Il comprenait ses explications, mais le réflexe qu’avait eu Andreas en interprétant ses pensées faibles comme un échec, faisaient tout de même écho dans la tête de Lennox. Il tenta de mettre ça dans un coin de sa tête, loin de ses réflexions du moment, parce qu’il avait déjà bien trop à ruminer. Ça ne les aiderait pas de s’enfoncer avec ce genre de rancune pour des mots lâchés trop vite, sans réfléchir. Et puis, face à la remise en question d’Andy concernant leur mariage, son problème d’alcool n’avait plus la même importance. C’était Andy qui était important, et s’il était en train de lui filer d’entre les doigts, Lennox ne perdrait pas seulement sa capacité à rester debout ; il perdrait tout. Pourtant, quand le norvégien lui dit de laisser tomber, Lennox s’exécuta. Il n’avait plus la force de s’expliquer et de se battre pour son point de vue, pour aujourd’hui. Andreas n’était pas réceptif et au fond, lui non plus. Ça ne servait à rien de continuer à foncer aveuglément dans un mur. « Ok. » Lâcha-t-il, tout simplement, laissant le silence les submerger de nouveau. Ce silence-là les habita pour le reste du trajet, mais aussi pour toute la durée de la soirée. C’est Roxy qui était gagnante, de tous les trois, parce que l’ambulancier demeura avec elle un bon moment après son retour, alors que Lennox était déjà la chambre, priant pour que le sommeil le gagne et qu’ils voient un autre jour se lever.

FIN