lead the way and we pull the trigger (harmonie)

L'alcool venait de délier les langues, et vous vous étiez un peu plus livré l'un à l'autre. C'était un réel moment de confession qui était sincère. Et tu avais donné de toi à Concho, et l'inverse avait aussi eu lieu. Vous vous étiez levé de vos chaises, l'alcool te faisait mal au crâne et tu te tenais aux épaules du garçon pour ne pas tomber. Parce que lorsque l'on se levait après avoir ingurgité autant d'alcool on ne tient pas debout. « La première fois que je suis tombé sur elle, j'ai trouvé ça bizarre, cette ressemblance entre nous... Depuis, on se sépare plus » finis-tu par dire à l'australien. C'est vrai, vous vous ressembliez en tout point avec la norvégienne. Comme si vous étiez destinées à être amies. « Oui, celle qui était là, ce soir là » dis-tu en baissant les yeux vers le sol. Ce souvenir était douloureux, et Tahlia n'était pas au courant de tout cette mascarade et tu ne voulais pas qu'elle le sache. Ton innocence avait été volée au cours de cette soirée. « Je suis désolé de t'avoir confié un secret aussi lourd » dis-tu en remontant ton regard vers lui. Ce secret devait être gardé, et il était entre de bonnes mains. Enfin tu l'espérais secrètement. A la phrase du garçon, tu riais légèrement. C'est vrai que le monde était petit et le fait que vous ne vous étiez jamais eu avant était assez étrange. « A croire que c'est le destin qui nous réunit maintenant » avouas-tu à Concho avec un mince sourire. Il connaissait les personnes les plus proches de toi, celles avec qui tu as grandi. Surement que par hasard, vous vous étiez vu lors d'une soirée ou d'un évènement. Mais tu te n'en souvenais pas, comme lui ne s'en souvenait pas d'ailleurs. Lorsqu'il parla de Freja, tu riais légèrement. Comme quoi les deux semblaient se chamailler comme chien et chat ensemble. « La danse c'est un moyen de s'évader de son quotidien, et de s'exprimer comme tu dis » répondis-tu au brun avec un sourire. La danse t'avait beaucoup aidé en était jeune, a sortir de ton quotidien, de s'évader. Tu n'avais jamais vraiment arrêté, mais tu avais eu une grande période où tu ne dansais plus comme avant. Et c'était le moment pour reprendre cette passion qui t'avait habité pendant tant d'année. « Avec plaisir » dis-tu au jeune homme avec un mince sourire. L'alcool était encore présent dans vos foies mais tu avais envie de danser. Le brun allait brancher son téléphone à la sono afin de mettre une musique. Elle était belle. Lorsqu'il revint vers toi, vous commenciez une improvisation ensemble, tout en harmonie et en symbiose.

Ses mains étaient encore doucement posées sur mes épaules. Rien que pour l’équilibre. Rien que pour ne pas capituler face à son corps tanguant lentement de droite à gauche. Je n’avais qu’une main posée derrière son dos, la touchant à peine, comme si ce simple contact avait réellement un effet stabilisateur pour elle. C’était sans doute surtout parce que je n’aurais su où mettre mes mains, autrement, mes longs bras de chaque côté de mon corps m’auraient donné un air perdu, égaré. Ça se reflétait déjà assez dans mon regard, nul besoin que mon corps tout entier traduise ce brouillard. Ce même brouillard qui sans doute m’avait voilé le visage face à la ressemblance entre Harmonie et Freja. « C’est peut-être comme dans The Parent Trap, tu sais, le film avec Lindsay Lohan en double. Avant qu’elle devienne trop trash. » J’esquissai un sourire. Un film que j’avais visionné bien trop souvent, aux côtés d’autres long-métrages que des hommes, surtout de mon âge, ne regardaient plus depuis bien des années maintenant. Il y avait bien des choses que je n’arrivais pas à laisser derrière. Des plus banales aux plus sérieuses. Un peu comme Harmonie qui malgré ses tentatives d’oublier cette fatidique nuit, avait toujours le même trémolo dans la voix quand elle en parlait. J’hochai la tête quand elle me confirma qu’il s’agissait bien de Tahlia, ladite cousine qui s’était trouvée de l’autre côté, dans la voiture de police, pendant que le monde d’Harmonie s’affaissait sur elle. « Hé, ne t’excuses pas pour ça. Jamais. Si ça peut t’avoir aidé ne serait-ce que pendant quelques minutes, d’en parler, je porterai ce secret avec moi avec plaisir. » Je fronçai légèrement les sourcils, grimaçant en réentendait mes paroles faire écho dans ma mémoire. « Évidemment, par plaisir, je ne voulais pas dire que … enfin … tu comprends. » Je soupirai face à ma propre maladresse. Je changeai de sujet, et après avoir convenu que c’était le destin qui se décidait enfin à les réunir, je proposai à Harmonie de partager une danse avec moi. Nous avions beau complimenter la danse de nos beaux mots à son égard, on ne lui ferait réellement honneur qu’en nous abandonnant à elle. À deux, ensemble. Les premières notes de piano de la musique retentirent à travers la pièce. J’augmentai légèrement le volume, question que la mélodie remplisse notre imagination. Je revins vers elle, peu habitué à me laisser aller sur des chansons aussi calmes, aussi pures. Mes mouvements habituellement brusques et rythmées se faisaient tout d’un coup plus lents, plus longs, plus lourds de sens. Improviser à deux représentait un réel défi, surtout quand le corps de l’autre était encore peu familier au sien. J’ignorais comment Harmonie bougeait, et elle ignorait comment je me déplaçais. Et pourtant, dansant d’abord chacun de nos côtés, nos gestes se rapprochèrent peu à peu, nos pas devenant bien vite des pas de deux. C’était beau. C’était envoûtant. Et j’aurais voulu que jamais les notes de musique ne s’évanouissent dans cette quiétude qui nous laissa sans mot.

Les mains encore posées sur ses épaules, tu te maintenais afin de ne pas tomber suite à l’alcool que vous veniez d’ingurgiter. Mais d’habitude, il était rare de te voir de la sorte, parce que tu tenais quand même assez bien l’alcool. Etant dans le monde la nuit, tu te devais de l’être. Le danseur était le colocataire de ta meilleure amie, ainsi que de ta cousine. Le monde était si petit. « Oh oui, je vois tout à fait. Eh bien, ça pourrait être nous, en effet » ris-tu légèrement avec lui. La référence à ce film te fit sourire, et tu trouvais qu’il avait absolument raison là dessus. Parce qu’au final, vous vous ressembliez tellement qu’il devait avoir une raison pour cela. Les confidences étaient allées un peu loin, en cette belle soirée qui s’offrait à vous. En effet, tu avais confié à Concho un lourd secret qui concernait une de ses colocataires et amie. Mais elle ne devait pas savoir, au grand jamais, ce qu’il s’était passé. Tahlia avait beau être la plus âgé de votre tribu de cousine, tu avais voulu montrer ce soir là que toi aussi tu pouvais faire la grande. Mais tu avais fauté, enfin le policier qui vous avez arrêté avait fauté. « J’te remercie, mais vraiment » finis-tu par dire avec un léger sourire aux lèvres. Oui en parler t’avait fait du bien, et tu savais qu’il ne dirait rien. « Ce n’est pas un plaisir, j’imagine » dis-tu en riant légèrement. « Mais je comprends, merci » dis-tu en reprenant ton sérieux. La musique s’enclenchait et résonnait dans ta tête. Instinctivement, tu suivais le rythme de cette dernière sans te soucier du reste. Les mouvements se firent naturellement, sans que tu les contrôle. Comme quoi, tu n’avais rien perdu de tes années à l’école de danse. Les pas devinrent des pas de deux, vous étiez en symbiose comme si c’était naturel de vous voir vous mouver de la sorte. A deux, c’était normal, naturel. Et vous étiez naturels, ensemble. Cela te faisait un bien fou, comme si tu évacuais toutes les tensions, tout le stress que tu avais en toi.

Une fois les confidences passées, une fois les rires à nos blagues essoufflés, Harmonie et moi décidâmes d’enfin laisser une chance à la danse. Après tout, c’était bel et bien la raison de cette rencontre inattendue, certainement pleine de surprises et qui nous réservait encore de magnifiques artifices. Et de ceux-là, il me sembla en voir par milliers alors que nous dansions, de vives couleurs imaginées émanant de chacun de nos mouvements, des éclats de lumière jaillissant d’entre nos doigts alors qu’ils se retrouvaient et se séparaient à nouveau dans des élans artistiques incalculés. Comme si nous avions fait cela toute notre vie. Comme si nos corps avaient attendu ce moment-là unique et précis, depuis toujours. Si j’avais eu le cœur lourd quelques minutes plus tôt, je me sentais maintenant prêt à m’envoler et j’avais parfois l’impression de le faire à travers mes sauts, ou alors était-ce Harmonie qui me laissait croire que tout était possible ? Je n’aurais su dire, là, maintenant, exactement ce qui habitait chacun de nos pas, mais je savais que c’était magique. Alors, quand les dernières notes de la musique se firent entendre alors qu’instinctivement nos pieds avaient marché la distance nous séparant, je plongeai mon regard dans celui d’Harmonie, laissant le temps en suspens alors que la musique s’évanouissait dans le silence. Ma respiration haletante se mélangeait à la sienne, nos yeux ne se quittaient pas. Les miens traduisaient de toute l'émotion qui m'animait. Toute l’intensité de notre chorégraphie improvisée était encore dans l’air comme une énergie statique qui me laissait dans un même état d’immobilité. Puis, comme pour mieux briser le moment, une annonce de Spotify débuta, le son au maximum emplissant l’espace. Je grimaçai. « Il faut vraiment que je m’abonne à Spotify Premium. » Je ris. Je branchais habituellement mon ordinateur au système de son alors je n’avais pas ce genre de problème avec les jeunes. Je me dirigeai rapidement vers les haut-parleurs afin d’arrêter la musique. Plongés dans le silence à nouveau. « Well, Harmonie. » Dis-je en me tournant vers elle. « J’ai même pas envie de voir si d’autres personnes se proposent, j’ai même pas envie de continuer à chercher … J’ai comme l’impression que … You’re the one. » Je souris, la retrouvant. « Harmonie, voudrais-tu officiellement être ma partenaire de danse ? » Demandais-je en lui tendant ma main.

Les confidences, les rires, les larmes, tout ça était maintenant passé et vous aviez finalement passé le cap pour enfin danser ensemble. Vu qu’à la base, tu étais venu au complexe pour ça. Tu n’avais pas dansé depuis des années, mais c’était revenu naturellement. Comme si la danse n’avait pas quitté ton corps depuis toutes ces années. Tu aimais tellement ça, étant plus jeune. Et finalement, tu trouvais toujours autant de plaisir à rythmer ton corps à la musique. Concho était le partenaire idéal, parce que vos pas étaient en symbiose ensemble, comme si vous étiez fait pour faire ce duo. La musique s’arrêta et vous étiez ensemble, entrain de vous fixer les yeux dans les yeux. Vos respirations haletantes par l’effort que vous veniez de faire, ce moment aurait pu rester en suspens pendant des heures. L’annonce Spotify te fit éclater de rire. Elle venait de briser ce moment si intime et si magnifique qui venait de se dérouler. « Je pense que c’est une bonne idée, en effet » avouas-tu au jeune homme en continuant de rire. L’australien alla éteindre la musique pour finalement revenir vers toi, dans le silence le plus total. Tu fus très gênée par ce que Concho venait de te dire, tu étais la partenaire idéale, selon lui. Et tu adorais entendre ça, même si c’était troublant. « Whoa, je me sens honorée » dis-tu en plantant ton regard dans le sol. Tu finis par lever les yeux vers le brun avec un sourire gêné sur le visage. Pourquoi tu étais comme ça ? Bonne question. Mais tu étais contente qu’il te choisisse. « J’accepte, avec grand plaisir » dis-tu en attrapant la main du garçon. C’était un moment parfait, qui aurait du rester figé dans le temps sans s’arrêter. Finalement, tu avais renoué avec ton amour d’enfance : la danse.

Si ça n’avait pas été de cette putain d’annonce Spotify, le moment aurait vraiment pu être épique. Il l’était déjà depuis le début de cette danse, avec toute la magie que nos gestes avaient libérée, mais cette pause, cette suspension du temps, j’avais senti mes jambes ramollir et mon cœur s’alarmer. Alors sans doute était-ce une bonne chose, tout compte fait, que le silence ait été brisé par une publicité pour Halloween. Dieu seul sait quelle autre connerie j’aurais été capable de faire. Harmonie avait éclaté de rire, et moi aussi, tiré de mes pensées et empressé d’aller éteindre le son trop bruyant et dérangeant. Je revins finalement vers elle, lui faisant une offre officielle de devenir ma partenaire de danse, comme s’il s’agissait d’une offre d’emploi. Tout aussi solennellement, Harmonie attrapa ma main et accepta la proposition, un sourire aux lèvres. « J’ai tellement hâte de voir de quoi nous serons capables. » Parce que si nous avions été en mesure d’improviser une danse aussi belle, alors qu’est-ce que ce serait lorsque nous y mettrions des heures et du cœur ? Je n’avais aucun doute qu’on pourrait aller loin, elle et moi, et j’étais tout d’un coup animé d’une flamme inébranlable. Celle de la passion qui renaît.

TERMINÉ