Le spleen de Paris + Salomé & Léo

C’était difficile d’admettre qu’on avait perdu une partie de soin en perdant définitivement celui qu’on aimait, Léo ne niait pas cette vérité. Il était passé par là, il avait cru ne jamais se relever. Mais aujourd’hui avec le recul des années passées, il pouvait dire qu’il ne regrettait rien, ni d’avoir pris le premier vol pour Bangkok sans voir l’enterrement de sa petit amie, ni de s’être enfoncé dans cette déprime profonde mélangée à l’alcool et à la drogue consommés dans ce pays inconnu, ni d’avoir rencontré celle qui l’avait tiré vers le haut pour lui faire comprendre que la vie continuait. Elle avait été sa bouée, celle à laquelle il s’était raccroché, dans une relation totalement malsaine mais salvatrice, à pour qu’il puisse s’en sortir. Depuis Emerson était un autre homme, il avait appris à profiter de la vie, voyager toujours plus, à ne plus se poser mille questions, il vivait comme s’il pouvait mourir le lendemain parce qu’il savait à quel point la vie était précieuse. Il savourait chaque plaisir et acceptait les défaites ou les moments plus compliqués parce qu’ils faisaient aussi parti de cette existence complexe et semée d'embûches. Son rapport aux femmes ne s’était pas forcément arrangé mais il voulait croire qu’il était encore jeune, qu’il avait tout le temps de s’assagir plus tard, quand le moment serait venu. Il ne pourrait jamais comparer son deuil à celui de Salomé parce que chaque perte était différente, tout comme chaque amour. Salomé et Louis étaient des âmes soeurs, il n’en doutait pas, mais il ne pouvait que souhaiter à la jeune femme de réussir à s’ouvrir, à accepter de nouvelles perspectives, pour ne pas finir seule, parce qu’elle méritait d’être heureuse.
Au moment où Salomé le regarda, il vit passer le doute et la peur et il crut qu’elle allait partir, prendre ses jambes à son cou et fuir parce qu’elle n’était pas encore prête. Léo ne lui en aurait pas voulu, il comprenait qu’avec sa réputation et ses nombreux bagages il puisse faire peur à une fille comme elle. Elle ne baissa néanmoins pas les yeux et finit par entremêler ses doigts aux siens puis l’embrasser d’une façon qui enflamma tout son être. Il s’était trompé, elle n’avait pas peur de lui, ou bien elle ne l’écoutait pas, par ce baiser elle lui faisait par de tout ce désir contenu, oublié depuis bien trop longtemps. Et Léo était heureux d’être celui qui la libérait de ces chaînes là. Il lâcha totalement sa chevelure d’ébène en la fixant avec un sourire puis descendit la fermeture de son corsage d’un geste habile avant de réaliser qu’ils étaient encore dehors, sur sa terrasse. Il se leva et lui tendit la main. Les curieux n’ont pas besoin de nous voir. Puis il l’entraîna jusqu’à sa chambre au lit bien fait. Il s’assit sur le rebord du lit et la regarda. Déshabille-toi. Il ne servait à rien qu’ils se pressent, ils avaient tout leur temps et il serait bon que Salomé se lâche un peu, sous le regard curieux de Léo, curieux de découvrir ce qu’elle avait dans son sac, il était persuadé qu’elle pouvait le surprendre.

Le coeur de Salomé allait exploser. Elle avait donné toute sa fougue dans ce baiser, que (sans nul doute) Léo comprit qu'elle était prête à aller plus loin. Ils auraient très bien pu se précipiter et coucher ensemble, là maintenant/rapidement, sur le canapé du salon ou sur le plan de travail de la cuisine. Mais Léo avait raison, les curieux n'avaient pas besoin de les voir. Il l'entraîna dans sa chambre, elle n'eut le temps d'examiner la pièce. À l'abris des regards, elle éprouvait une immense envie de liberté, mêlée à de l'appréhension. Il y avait un détail qui lui permettrait d'être plus soulagée. On n'en parlera pas. À personne exigea-t-elle calmement. Il était hors de question d'abîmer leur relation. Ce qui se passera entre eux, restera entre eux. Personne n'avait besoin d'en savoir plus.

Léo lui demanda de se déshabiller. Sans ciller, elle exécuta. Lentement, elle descendit la fermeture de sa robe au dessus de sa hanche. Une à une, elle retira les manches de sa robe qui tomba à ses pieds. Elle planta son regard dans celui de Léo afin qu'il comprenne qu'elle était pétrifiée. Non pas par ce qu'ils allaient faire, mais par manque de confiance en elle. Bien qu'il avait déjà prouvé qu'il était attirée par elle, elle se demandait si c'était toujours le cas une fois dévêtue. Aucun homme ne l'avait vu nue depuis quatre années. 

En vain elle chercha de l'assurance. Avec prudence, elle se rapprocha de lui.  Elle tremblait comme une feuille mais en même temps elle le devorait des yeux. Jamais elle ne l'avait trouvé aussi séduisant. Et dire qu'il allait n'appartenir juste pour une fois, dans ce lit. Quelque chose se passa en elle. Son regard se révéla plus confiant, plus déterminé. À toi lui ordonna-t-elle sur un ton plus autoritaire qu'elle ne le voulut.

Les frasques de Léo étaient de notoriété public, ici à Bowen, on racontait, on savait, qu'il était un homme à femme, et les articles du blog des Writers n'aidaient pas à ce qu'il se fasse une meilleure réputation que ça. Sûrement que Salomé devait être au courant, au moins un minimum, ce devait être une partie de sa méfiance envers lui. Pourtant elle ignorait qu'il traînait cette réputation comme un boulet à sa cheville, il avait horreur qu'on parle de lui, horreurs de faire fonctionner les rumeurs contre son gré et d'être la cible des commérages. Il avait même été nominé dans la catégorie des séducteurs pour la future cérémonie des Bowen awards. Mais eu un sens il n'avait pas le choix, il pouvait pas empêcher les gens de parler ni les ragots de circuler, il n'allait pas s'arrêter de vivre à cause de ça. Alors mis à part rassurer Salomé sur ses intentions, il ne pouvait pas faire beaucoup plus pour lui donner confiance en lui. Quoi-qu’après tout, il ne la forçait pas à quoi que ce soit, elle était dans cette situation de son plein gré. Non, personne ne saura. Il appuya son regard pour lui montrer qu'il était sincère. Celui-ci changea lorsque la brune s'exécuta à sa demande, sans tergiverser elle commença à se délester de ses vêtements et ses yeux la fixaient fiévreusement, il avait envie d'elle, de cette femme qui se révélait être bien plus fatale qu'elle lui avait laissé croire. Il lui restait malgré tout une part de fragilité, lorsqu'elle s'approcha de lui, elle tremblait comme une débutante et Léo la pris dans ses bras, embrassa sa peau pour lui montrer qu'elle n'avait pas à avoir peur. Était-ce le feu de ces baisers ou bien quelque chose qui avait changé en elle, mais quand elle déposa son regard sur le photographe, il avait changé à son tour, elle lui ordonna-t-elle avec l'autorité de celles qui savent ce qu'elles veulent, des femmes à l'aise avec leur sexualité et ce ton arracha un sourire à Léo. Il hocha la tête et docilement il se redressa, retira son t-shirt et son jean sans la quitter des yeux. Contrairement à Salomé il savait parfaitement ce qu'il faisait et même s'il préférait être maître du jeu il n'était pas contre le fait qu'elle s'affirme, si tel était son désir. Il ne tarda pas à la rejoindre et arracha à ses lèvres un baiser brûlant. Ils firent l'amour sans retenue et sans gêne, guidés par cette envie de l'autre, celle de s’appartenir, pour cet instant volé. A la fin de leurs ébats, après avoir respecté le silence d'usage, Léo se leva pour aller se chercher un verre d'eau et il revint dans sa chambre avec un dossier. Il s'installa près de Salomé, picora distraitement son épaule encore nue d'un baiser et lui tendit les papiers. C'est tout ce qui concerne le voyage. Tu peux y jeter un œil. Ton passeport est à jour ? Il reprenait leur discussion comme si de rien n'était, sauf que quelque chose avait changé, ils avaient fat tomber les barrières entre eux.

Au moment de passer à l'acte, Salomé se surprit à s'accoutumer si facilement à ces nouvelles lèvres, à ce nouveau toucher, à cette nouvelle sensation d'être désirée. Léo réveilla en elle une explosion d'émotions. Puis sans prévenir, elle lâcha prise. Rien n'existait, hormis son plaisir. Une douce façon de redécouvrir une relation charnelle. Ce fut, pour elle, le moment le plus érotique depuis ces quatre dernières années.

Quand Salomé reprit ses esprits, ce n'est pas le poids de la culpabilité qui l'habita en s'éveillant nue dans ses draps. Bien au contraire, elle se sentait légère, détendue. Elle arborait un sourire radieux à Léo. Bien sûr. Elle se redressa, mit de l'ordre dans ses cheveux et jeta un oeil sur les papiers qu'il venait de lui tendre. Ils reprenaient leur discussion, comme si rien ne s'était passé. On n'en parlera pas. À personne avait-elle dit. Elle espérait qu'ils respectent cette décision parce qu'ils venaient de créer un lien vraiment spécial entre eux. Cette amitié si simple, si retenue, devenait plus intime.

Léo & Salomé terminèrent de peaufiner les derniers détails de leur voyage. Ils riaient. Ils échangaient leurs espoirs dans cette mission humanitaire. Puis lorsque vint le temps pour Salomé de partir chez elle... Un dernier, avant de elle lui déposa un long baiser. Repartir à zéro acheva-t-elle avec un regard entendu. 


****