I will be your guardian when all is crumbling (annushka)

Woody ne lui donnait pas les détails, mais pourtant, il tentait tout de même de lui expliquer brièvement les raisons pour lesquelles il ne pouvait plus pratiquer le vélo de montagne comme auparavant. Ce qui l’interpella la plus fut "pour le moment". Est-ce sa condition physique était entrain de sa dégrader ? Ou bien faisait-il seulement référence aux conséquences du temps sur les corps ? Elle n'osait pas poser la question, elle ne voulait pas mettre son ami mal à l'aise.

-C'est un sport dangereux, mieux vaut que tu ne te mettes pas en danger.

Elle lui sourit. Elle ne voudrait pas perdre son ami pour un malheureux accident de vélo.

Inévitablement, sa relation avec Xavier était arrivée sur la table, et elle n'avait pu s'empêcher de craquer. Elle se retrouvait dans les bras de Woody, essayant de contenir ses larmes sans beaucoup de succès. Il la confortait dans le fait que Xavier avait été lâche en l'abandonnant de la sorte. Elle tenta de lui faire un petit sourire alors qu'il lui disait qu'elle ne devait pas se reprocher de se morfondre, que c'était normal. Sans doute que ça l'était, mais ça ne menait à rien. Plus vite elle se reprendrait, plus vite elle sourirait de nouveau et mieux ce serait, pour elle mais aussi pour son entourage. Elle rit quand ils se détachèrent l'un de l'autre. Elle secoua la tête, déposant un baiser sur sa joue.

-Je ne suis pas si mal en point que ça non plus.

Elle le laissa néanmoins s'approcher des lasagnes pour les servir tous les deux.

-Merci d'être là Woody, vraiment.

Il l’était déjà, en danger, Woody. En danger de tout perdre, en danger de voir son monde s’écrouler, son corps en premier. Il déglutit, hochant lentement la tête aux paroles d’Annushka, un mince sourire attristé aux lèvres. C’était effectivement un sport dangereux, le vélo de montagnes. Il aurait pu tomber amoureux de n’importe quel sport mais il avait fallu que sa passion se développe pour l’un d’entre eux qui ne lui permettait plus de s’y risquer, à présent. « C’est ce qu’on m’a répété à l’époque. Ça a pris du temps avant que ça me rentre entre les deux oreilles, mais j’n’avais pas vraiment le choix. » Ses médecins, sa famille, surtout sa mère, tout le monde lui avait dit qu’il valait mieux arrêter plutôt que de jouer avec le feu. S’il avait découvert qu’il avait la sclérose en plaques, Woody, c’était parce qu’il en avait déjà certains symptômes et qu’on lui avait fait passer une batterie de test enfin de finalement en trouver la cause. « Je te parlerai peut-être plus tard des raisons. J’n’ai pas encore bu assez de vin. » Dit-il avec un léger rire avant de porter sa coupe à ses lèvres, justement, et de passer à un autre sujet. C’est comme s’il s’était échangé leur tristesse, parce que cette fois, c’est Annushka qui eut le regard voilé de tristesse lorsqu’il fut question de Xavier. D’ailleurs, Woody se retrouva bien vite à accueillir l’ancienne ballerine dans ses bras, contre lui. Lorsqu’ils se détachèrent, la brunette déposa un baiser sur sa joue. Il sourit. Il n’y avait qu’Annushka pour se montrer aussi douce à son égard. Ses joues, ce qu’elles avaient le plus souvent reçu, c’était des gifles. Rien que pour ça, il avait envie de dorloter Annushka pour le reste de la soirée. « Tu sais le nombre de femmes qui auraient voulu que j’sois aux petits soins avec elles ? » Fit-il remarquer en arquant un sourcil, macho, un sourire au bord des lèvres. « Tu ferais la même chose dans le cas contraire, je le sais. » Et ce n’était même pas la raison pour laquelle il se montrait aussi doux à son égard. Il n’attendait rien en retour, Woody, elle pouvait bien le laisser pourrir au fond du trou quand ça arriverait tôt ou tard. Lui avait juste besoin de savoir qu’Annushka allait bien.

Annushka avait posé sa main sur celle de Woody avec douceur, un léger sourire sur les lèvres. Oui, elle ne devait pas être la première à vouloir lui faire entendre raison sur sa santé.

-C'est toujours dur de renoncer.

Elle ne put s'empêcher de sourire, amusée, alors qu'il avouait ne pas avoir encore assez bu pour lui parler de tout. Aussi prude et innocente qu'était Annushka, elle savait très bien que l'alcool déliait les langues. Sa consommation avait d'ailleurs significativement augmenté depuis sa rupture. Pas à un point que ça devienne inquiétant, loin de là, mais remarquable tout de même.

-Je préfère que tu me parles en pleine conscience de tes moyens plutôt qu'à moitié bourré.

Parce qu'après tout, peut-être qu'il regretterait après.

Bien que triste, un rire s'échappa des lèvres de la jeune femme aux mots de son ami. Elle essuya rapidement les larmes qui perlaient sous ses yeux avant de se forcer à lui sourire.

-C'est vrai que tu dois avoir beaucoup de succès. J'ai beaucoup de chance.

Elle acquiesça d'un signe de tête. Evidemment qu'elle ferait la même chose. Elle ne laisserait pas son ami s'enfoncer dans un chagrin d'amour. Elle viendrait lui porter à manger tous les jours pour être sûre qu'il allait bien.

-C'est vrai, si les amis ne sont pas là pour ce genre de choses, que nous reste-t-il ?

Prenant doucement sa main elle l'incita à se rasseoir.

-Aller, mes lasagnes vont être froides.

Woody regarda la main d’Annushka posée sur la sienne, avant de relever la tête vers elle, un mince sourire aux lèvres, comme le reflet de celui de la brunette. Il hocha doucement la tête. « Oui. Et je sais que tu sais mieux que quiconque de quoi tu parles. » Tous les deux avaient dû renoncer à une passion, et s’ils ne se ressemblaient pas sur pas mal de points, Woody et Annushka, ils se rejoignaient au moins là-dessus. Dommage que ce soit un point commun aussi triste. À ce propos, le trentenaire avoua qu’il n’avait pas encore assez bu pour rentrer davantage dans les détails. Il rit tout légèrement à la réponse de la danseuse. « C’est juste difficile … de le verbaliser, de me laisser aller … J’en ai si peu parlé que … qu’à chaque fois, c’est … » Il haussa les épaules. Sentant l’émotion monter un peu trop en lui, émotion qu’il avait toujours tenté de noyer en lui, il s’arrêta. De toute façon, il n’avait sans doute pas besoin d’en dire plus. Et puis, ce fut Annushka qui laissa alors l’émotion la gagner elle, et il s’assura d’être là pour l’accueillir dans ses bras. Si lui ne s’abandonnait pas à la souffrance qu’il ressentait, il pouvait au moins être là pour consoler les autres, du moins, pour ces autres qui comptaient énormément pour lui. Peu à peu, Annushka se frayait cette place-là, auprès de Woody. Ce dernier se contenta de rire suite à sa blague, et à la réponse de la jeune femme. « Je suis content que tu me considères comme un ami. T’sais, pas beaucoup oseraient dire à voix haute qu’ils le sont. Attends-toi à recevoir des pierres. » Il eut un léger rire amusé, même si c’était plutôt triste, au fond. Parce que justement, que lui restait-il, à Woody ? Ses amis se comptaient sur les doigts d’une main, et il ne faisait pas toujours les efforts pour les garder. Le sortant de ses pensées, Annushka pris sa main pour l’inciter à se rasseoir, prétextant que les lasagnes seraient froides. Il hocha la tête et se rassit face à son assiette, s’attaquant sans plus tarder au repas, et au vin. « Mmm. » Laissa-t-il s’échapper à travers ses lèvres fermées, soupir de satisfaction. « C’est délicieux. T’es vraiment une femme à marier. » Xavier était un bel idiot.

Annushka acquiesça d’un signe de tête, signe qu’elle comprenait, alors qu’il avouait qu’il avait du mal à verbaliser les choses, en tout cas ce problème-là, par peur, sans doute, de le faire paraître encore plus réel qu’il ne l’était. C’était ainsi que la jeune femme voyait les choses en tout cas. C’était comme ça que ça c’était passé pour elle. Aujourd’hui, elle n’avait plus d’autre choix que de l’accepter, c’était factuel, elle ne pourrait plus jamais danser à son niveau d’autrefois, mais peut-être que les choses étaient un peu différentes pour Woody.

-Prends le temps qu’il te faut.

Aux mots de Woody, Annushka pencha légèrement la tête sur le côté. Elle ne comprenait pas, pourquoi lui lancerait-on des pierres ? Était-ce une expression qu’elle ne saisissait pas tout à fait ? La jeune russe savait très bien qu’on ne pouvait pas aimer et être aimé de tout le monde. Mais elle ne comprenait, pourquoi est-ce que Woody avait si peu d’amis ? Avec elle, il était gentil. Certes, il l’avait embrassée sans son réel consentement préventif, mais il n’y avait eu aucune conséquence, elle aurait été stupide de lui en vouloir. Il n’avait, sinon, jamais eu de gestes déplacés, quels qu’ils soient envers elle.

-Des pierres ? Je ne comprends pas. Pourquoi est-ce qu’on me lancerait des pierres, parce que je suis ton amie ?

Ils reprirent le repas, mieux valait parler d’autre chose pour se changer les idées, et manger était toujours la meilleure chose. Un large sourire apparu sur les lèvres de la jeune femme quand, à la fin du repas, Woody sembla complètement satisfait. Elle secoua la tête, ce qu’il pouvait être maladroit, parfois, de parler de mariage alors qu’elle était en plein chagrin d’amour. Mais ça la faisait sourire.

-Si on se repose sur ce seul critère, j’imagine que oui. J’attends que tu me fasses la cuisine la prochaine fois, pour juger aussi !

Elle se leva de sa chaise, sortant du réfrigérateur des pâtisseries d’Imogen en dessert.

-Prends ce que tu préfères, j’ai pris un assortiment.

Annushka ne pouvait même pas s’imaginer à quel point Woody appréciait sa discrétion, et sa patience. Bien des gens auraient été impatients que l’homme lâche enfin le morceau, après tous ces sous-entendus et ces mystères mais elle, elle ne lui mettait aucune pression, elle ne se vexait pas face à son silence. Ça voulait dire beaucoup pour lui et, à quelque part, ça lui confirmait son envie de se confier à elle. Mais pour le moment, Woody n’était effectivement pas prêt, pas dans le bon état d’esprit, même si la suite de la conversation n’était pas forcément plus joyeuse. Annushka lui demanda pourquoi voudrait-on lui lancer des pierres simplement parce qu’elle était son amie. Il esquissa un faible sourire. « Parce que je suis loin d’plaire à tout le monde, au contraire. J’ai blessé pas mal de gens sur mon passage et ça marque les esprits. Je pense qu’y’a beaucoup de gens dans cette ville qui gardent une rancune, et honnêtement j’peux pas vraiment leur en vouloir, j’le mérite sans doute. Mais voilà, pour eux ce sera sans doute inconcevable qu’une femme comme toi puisse bien s’entendre avec un homme comme moi. » Ils y verraient tous une forme de manipulation, sans doute. Ils auraient de la peine pour Annushka, fragile, sensible, innocente, qui se serait faite avoir par le diable en personne. Et il y aurait sans doute un fond de vérité dans leurs accusations. Si Annushka s’attachait trop, elle souffrirait. Woody reprit ses maladresses en complimentant la russe sur ses plats, la qualifiant de femme à marier sans réaliser que ce n’était pas trop le bon moment pour y faire allusion. « Deal. Je devrais m’en sortir pour ce critère, mais vraiment ce sera le seul critère qui pourrait jouer en ma faveur là-dessus. » Il rit. Woody n’était certainement pas un homme à marier, non. Après le repas et deux verres de vin, Annushka se leva pour aller chercher un assortiment de pâtisseries de chez Imogen. « Lesquelles ont été faites par Jake, que je n’y touche pas ? » Demanda-t-il avec un sourire moqueur. Même quand son meilleur ami n’était pas là, Woody trouvait le moyen de rire de lui.

Une femme comme elle et un homme comme lui ? Peut-être que c’était étonnant… Annushka ne s’en rendait pas compte. Elle n’avait jamais vu les mauvais côtés de Woody, il ne l’avait jamais vraiment blessée. Un peu contrariée seulement. Et même si c’était le cas, elle n’aurait pas le droit de le juger. Elle lui sourit alors tendrement.

-On ne peut pas plaire à tout le monde, il faut juste essayer d’être meilleur.

Elle avait du mal à imaginer que Woody puisse mériter que tant de gens le haïssent. Était-il vraiment si mauvais avec les autres ? Elle ne pouvait pas le croire. Mais elle savait bien Annushka que l’amour, sous toutes ses forment, pouvait rendre aveugle.

-Alors j’ai hâte de découvrir ta cuisine ! De toute façon, il n’y a pas de critère universel pour le mariage… La seule chose qui compte c’est d’aimer l’autre plus qu’on ne s’aime soi-même.

C’était à ce moment là, et seulement là, qu’on pouvait être sûr qu’on était prêt pour le mariage. Enfin, c’était ainsi dans l’esprit de la jeune femme. Ce jour n’était seulement pas encore arrivé pour elle. Mais il ne fallait pas qu’elle s’impatiente. Dieu mettrait un jour sur son chemin l’homme de sa vie.
Annushka sortit les dessert et Woody lança une petite blague sur Jake. Elle eut un léger rire en commençant à placer les pâtisseries dans les assiettes.

-C’est lui le pâtissier, tu ne peux pas passer à travers ses créations !

Elle prit un éclair au chocolat et le porta à ses lèvres avec un sourire.

-Mais si tu veux je lui dirais que t’as détesté.

Essayer d’être meilleur. Ça lui arracha un faible sourire. Parce qu’il n’y arrivait tout simplement pas, lui, à être meilleur. Il semblait peut-être filer le parfait bonheur actuellement, aux côtés de Freja, mais une bêtise n’en attendait pas une autre, il le savait. Il s’efforçait de ne pas la décevoir cette fois mais ce n’était pas gagné d’avance. Il ne savait tout simplement pas comment être une bonne personne, comme ça, en tout temps. Annushka semblait détenir un secret bien gardé. « Ça semble tellement facile pour certains, ça, pour toi par exemple. J’ai l’impression que tout ce que tu fais, c’est bien, c’est beau. Comment tu fais pour toujours savoir ce qu’il faut faire ou dire ? » Il se doutait bien de la réponse que lui donnerait Nushka. Que ce n’était pas le cas, qu’elle faisait des erreurs, des gaffes, elle aussi. Mais si c’était le cas, elle était bien moins flagrantes et bien moins graves que celles de Woody. Tout le monde semblait l’aimer, la danseuse. Lui y compris, lui qui n’était pas du genre à se lier d’amitié avec tant de facilité. Elle avait su l’apprivoiser en si peu de temps, le monstre qu’il était. « Ça va pas à l’encontre de tous les livres de croissance personnelle, ça ? D’aimer l’autre plus qu’on s’aime soi-même ? » Demanda Woody avec un sourire au coin des lèvres. Pour lui, ce ne serait pas bien difficile d’aimer quelqu’un plus qu’il ne s’aimait lui. Il se détestait, malgré les apparences. Et il aimait Freja plus que tout au monde. Annushka ramena finalement les pâtisseries sur la table, rappelant à Woody que c’était Jake qui était l’inventeur de tous ces délicieuses saveurs. « Ah, pas la peine, il saura que c’est un mensonge. » Il rit, prenant un macaron dans lequel il croqua avec retenue ; il l’aurait englouti, s’il avait été seul. « Mmm. Le nombre de fois que j’lui ai passé mes petites commandes personnelles … je peux plus lui cacher que je suis fan de ce qu’il fait. » Il termina sa bouchée, qu’il fit ensuite passer avec un peu de vin. « Merci pour ce repas, en tout cas, c’était vraiment une agréable soirée … »