colors of the wind . pv scar

Ce que je préférais, c’était la peinture, l’huile surtout, son odeur, sa texture, la matière que je pouvais créer avec, mais ce n’était pas toujours très pratique de se déplacer avec tout un attirail. Aujourd’hui, mon latte noix de pécan posé à côté de moi, je dessinai sur un petit carnet que je trimbalais constamment dans mon sac. J’aimais utiliser des crayons de couleur pour mes croquis, cela donnait à mon œuvre un côté plus peps, plus vibrant. Je griffonnai depuis près d’une demi-heure me laissant bercer par les rumeurs des conversations, le bruit des machines à café et la chaleur ambiante. C’était agréable et extrêmement reposant. Mon sujet, en plein service, n’arrêtait pas de bouger, pourtant ça ne m’empêchait pas de capter ses mouvements et de reproduire plusieurs de ses positions à la manière d’un caricaturiste sur les bords de seine. Durant mon tour du monde, j’avais fait une escale en France et dans sa capitale, j’avais été fasciné par les artistes qui reproduisaient à main levée et à une vitesse folle ce qu’ils avaient sous les yeux. Je prenais plaisir à le faire, ici, avec mon ami Scar et quelques-uns des clients du Starbuck dans lequel il travaillait. Je vis ce dernier défaire tout à coup son tablier vert et venir vers moi en souriant.
— Tu as fini ton service ? l’interrogeai-je en levant le nez de mon dessin.

Spoiler:

Observer les gens autour de moi, c’était ce que je préférais lorsque je me posais dans un café. Cela aiguisait mon œil d’artiste, d’avoir à reproduire leur posture, de capter l’essence de leur personnalité en seulement quelques instants. Je m’y exerçais depuis que j’étais petite et j’appréciais toujours énormément cette activité, qui, en prime, servait mon art puisqu’elle me permettait de me perfectionner. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, comme me le rappelait si souvent mon père de son vivant. Pour la peinture ou le dessin, c’était d’autant plus vrai. Plus on pratiquait, plus on s’appliquait, meilleur était le rendu de notre travail. Pour le coup, je n’étais pas contente de mes croquis du jour que je dévoilai à la demande de Scar ; on pouvait tout à fait reconnaître le jeune homme à travers les traits de crayons de couleurs que j’avais tracés.
— Ca te plait ? fis-je avec un grand sourire.

Je ris face à la remarque de mon ami puis le fis un clin d’œil.
— Tu es bien plus beau en réalité, mais que veux-tu…mon talent a des limites. Le tiens aussi, mais tu es bien plus doué que tu le penses.
J’étais on ne pouvait plus sérieuse. J’avais eu l’occasion de voir ce que faisait Scar et il avait une patte. Son problème, hélas, était le manque de confiance qu’il avait en lui, sans quoi il aurait déjà percé dans l’art, j’en étais convaincue. Je savais à quel point il était difficile de se faire un nom ; le mien commençait tout juste à intéresser les galeristes et mes tableaux se vendaient désormais un peu plus chers qu’à mes débuts, mais je n’étais pas encore dans le haut du panier. J’avais encore beaucoup à prouver.
— On bouge ? proposai-je soudain à Scar, t’as envie de faire un truc ?  
Il était encore tôt et j'espère que nous pourrions trainer un peu ensemble. Discuter d'art ou d'autre chose. J'aimais assez la compagnie du jeune Reynolds

Spoiler:

J’espérai, un jour, pouvoir faire en sorte que Scar se rende compte du talent qu’il avait en lui. Ce potentiel qu’il tuait dans l’œuf était insupportable à mes yeux. Je n’avais toutefois pas encore trouvé la manière de le lui faire comprendre. La confiance en soit s’acquiert avec le temps, parfois même il fallait une vie entière pour y accéder. Je refusais néanmoins de voir le jeune homme se saboter ainsi. Je n’avais pas dis mon dernier mot. Je me levai, enfilai mon perfecto en cuir couleur camel que j’avais déniché en début de semaine dans une boutique vintage et dont je n’étais pas peu fière et sortis avec Scar. Je passai mon bras sous celui du jeune homme, ce qui, quand on ne me connaissait pas pouvait paraître un peu familier. J’appréciai Scar et je ne voyais pas l’intérêt d’être distante avec lui. Je désignai la rue commerçante du menton.
— On fait un tour ? proposai-je. Sinon, on peut aller sur la plage, y’a de jolies couleurs là bas, ça peut t’inspirer. Comme tu veux.

Il évita la plage et du même coup ma référence cachée à la peinture, classique ! Toutefois, je n’avais certainement pas dis mon dernier mot. Je refusais de voir mon ami se gâcher de la sorte et j’estimais que mon rôle était de le tirer vers le haut. Il ne voulait pas aller à la peinture ? Alors je ferais en sorte que la peinture vienne à lui, par n’importe quelle moyen. J’allais lui prouver qu’il avait du talent et qu’il était grand temps pour lui de l’exprimer à fond. S’il pensait que j’allais abandonner, c’était mal me connaître. Toutefois, je savais qu’il ne servait à rien de faire du rendre dedans, et préférai, pour le moment, employer avec lui la manière douce. Je fis quelque pas avec lui dans la rue commerçante, avant de lever le nez vers lui.
— Tu travailles sur quelque chose en ce moment ?

Sujet sensible. L’attitude de Scar ne laissait aucun doute sur la question. Il avait du talent mais ne le voyait pas, pire il se sabotait lui-même de peur d’échouer. Peut-être plaçait il la barre trop haute ? Je ne savais que faire pour lui donner confiance en lui. Peut-être suffisait-il simplement que je l’entraine avec moi dans l’euphorie artistique de j’éprouvais depuis quelque temps ? L’art se communiquait, se transmettait. J’espérais bien le pousser à sortir de sa coquille.
— Moi, j’expose en juin dans une galerie que j’adore. Je dois pondre quelques toiles encore, mais ça me motive à fond. La thématique c’est Eros et Thanatos…le rêve quoi. Y’a plein de chose à en tirer. Je te montrerais ce que j’ai déjà fait si tu veux ?

Scar avait décidé d’éviter le sujet, c’était flagrant, et comme je n’avais pas envie de le braquer, je préférai aller dans son sens même si c’était ridicule. Comment pouvait-on espérer voir clair lorsqu’on gardait sans cesse les yeux fermés ? J’espérais de tout mon cœur lui faire comprendre cela un jour. Il était vrai cependant que l’art occupait une grande place dans ma vie, et que j’avais tendance à en parler beaucoup. C’était comme ça, après tout, quand on aime on ne compte pas ! Il y avait néanmoins un deuxième amour – voir un troisième si j’étais tout à fait honnête avec moi-même – qui avait pris sa place dans ma vie.
— Ah mais si, je t’ai pas dis ? J’ai adopté un chien ! Un husky de trois ans que le refuge de Rosa a recueilli après que ses anciens proprios l’aient abandonné. Je l’adore !

Quiconque rencontrait Ash était conquit dès le premier regard. Ce chien était un amour. Je l’aimais à un point que je ne parvenais même pas à décrire, bien que son adoption soit très récente. Nous nous étions en quelque sorte trouvés l’un l’autre. Dès que je l’avais vu, cela avait été une évidence. J’avais hâte de le présenter à tous mes amis et donc à Scar qui, je le savais, aimait les animaux.
— Ouais, tu passes à la maison quand tu veux…ou bien quand je vais le promener, je t’appelle. Je suis sûre que tu vas l’adorer.
La conversation dévia sur ma meilleure amie, Rosa. Je vis aussitôt que Scar sembla gêné, je fronçai les sourcils.
— Elle va…bien, mais…il s’est passé quelque chose avec elle ? T’as l’air bizarre.