your true colors shining through - pv. jackson.

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your true colors shining through
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@jackson lewis-reyes & @lys r. kickett

Je mettais toujours une grande passion dans mes dessins, depuis gamine. L’art, à mes yeux, se pratiquait avec le cœur, avec l’âme. Il était le reflet de la vérité, une vérité sur laquelle on ne savait poser de mots. L’œil seul, et les tripes aussi souvent, étaient seuls traducteurs. Les couleurs étaient mon moyen d’expression, et l’oxygène si indispensable à ma vie. Cet après-midi, pourtant, pas de pinceaux, ni de toile. Il n’y avait pas non plus l’ombre d’un tube d’huile à l’horizon, mais un carnet de croquis et quelques crayons, de couleurs, évidemment. J’étais en plein travail de recherche pour ma nouvelle expo. Des corps, c’était ainsi que j’avais choisi de l’appeler, même si je n’étais pas encore sure que ce soit son titre définitif, allait me permettre de travailler sur les gens et leur rapport à eux-mêmes, à leur enveloppe charnelle, à la sexualité, à ce qui faisait d’eux des êtres humains, des êtres de chairs et d’os. Mon projet était de recueillir des témoignages, des croquis, puis, plus tard, en atelier, d’en faire des tableaux, de poser des couleurs sur leurs mots, ou leur maux, cela pouvait avoir cette dimension là aussi. Aujourd’hui, j’avais demandé à Jackson, mon ami et amant fraichement débarqué à Bowen de poser pour moi et de me raconter son histoire, et non, ca n’était pas (vraiment) une excuse pour le voir nu. Pour l’heure, il n’était que torse nu et assis dans mon canapé à côté de moi. Je m’étais mise à l’aise, en tailleur, et l’avais invité à faire de même. Je reproduisais sur ma feuille le tatouage de son biceps, l’interprétant à la manière.
— Si tu devais décrire ton rapport au corps en un mot, ce serait quoi ? lui demandai-je tout à coup.
C’était une question que j’avais posé à tout ceux à qui j’avais demandé de poser pour moi, et je la trouvais intéressante pour commencer, cela pouvait traduire énormément de chose d’une personne. Je levai les yeux vers Jackson, plongeai mes iris dans les siens et lui souris avec tendresse.

T’avais été surpris quand Lys t’avait demandé de participer à un projet d’art qu’elle débutait. Puis, t’avais été flatté, aussi. Qu’elle veuille faire de toi une sorte de muse, même si tu ne serais pas le seul, même si elle aurait quelques autres sujets. Qu’elle ait pensé à toi, qu’elle veuille en apprendre davantage sur ton histoire, ça te faisait plaisir. Évidemment, donc, tu avais accepté avec enthousiasme de participer. Tu te rendis chez elle, n’ayant aucune idée de ce qui se passerait durant la prochaine heure. Bien sûr, Lys t’avait brièvement expliqué le thème de son projet, mais tu ignorais toutes les questions qu’elle te poserait. Jusqu’où tu aurais à te mettre à nu, dans tous les sens du terme. Pour le moment, tu étais assis en tailleur sur son canapé, ce même canapé qui avait reçu vos premiers ébats de retrouvailles, quelques mois plus tôt. Tu n’avais retiré que ton chandail puisque Lys commença par ton visage et ton torse. Tu la regardais dessiner avec un sourire au coin des lèvres. Elle était magnifique lorsqu’elle était concentrée, ses yeux noisette rivés sur la feuille de papier. À sa question, tu inspiras profondément, prenant tout ton temps pour répondre. Vous en aviez, du temps, devant vous. « Liberté. » Dis-tu, pour commencer. « Dans plusieurs sphères de ma vie, mon corps me permet de me sentir libre. Il me permet d’avoir l’impression de voler quand j’suis accroché à mes tissus. Il me permet d’atteindre la délivrance avec les autres, sans barrière, au niveau sexuel. Alors, ouais … le corps, c’est la liberté. » La liberté d’être, la liberté d’aimer, la liberté de vivre. Tu souris à Lys, lui renvoyant la même tendresse à travers ton regard. « Ce sont de bonnes questions. Ça peut devenir un entretien à deux sens ? » Demandas-tu, rieur, puisque tu aurais aimé connaître les réponses que Lys aurait données, si les rôles étaient inversés.

Je levai les yeux de mon croquis au moment où Jackson choisit le mot qui définissait pour lui le rapport qu’il avait avec son corps. Je ne pus m’empêcher de sourire, croisant son regard chaud. Liberté. Ce mot-là le définissait à la perfection et j’étais étonnée qu’il soit tombé si juste. Peu de gens était capable de se voir avec autant de clarté.
— C’est très joli ce que tu viens de dire, lui confiai-je en le couvant d’un regard affectueux.
J’allais me remettre à dessiner quand Jackson me fit rire. Je captai l’air malicieux dans son regard et lâchai aussitôt mon dessin pour réfléchir.
— Ca peut être à double sens, bien sur, lui accordai-je. Mais je suis bien embêtée parce que la liberté est aussi une notion qui m’est chère, dans de nombreux domaines de ma vie et je crois qu’il me correspond bien aussi mais…si je devais en choisir un autre, je crois que je dirais…bienveillance, peut-être.
Je marquai un silence, et me perdis un moment dans mes pensées avant de reprendre.
— Je crois qu’on a tendance à souvent se dévaloriser, à se trouver trop ceci ou pas assez cela, et c’est quelque chose que j’ai toujours trouvé d’une violence terrifiante. Je veux dire par là que c’est important de se donner de l’amour, de prendre soin de soi et pas uniquement par la nourriture, ou le sport ou du soin mais…je pense qu’on est souvent très dur envers soi-même, avec des mots rudes, des jugements sévères et souvent biaisés par un manque de confiance en soi accablant. Depuis que je suis gamine, j’ai plutôt appris l’indulgence, la bienveillance…envers les autres, mais aussi envers moi-même. C’est important, je crois. Je me trouve jolie, pas parfaite, mais…jolie. Et ce n’est pas de la prétention, c’est juste…on devrait tous s’aimer, comme on est. Non ?

Tu souris alors que Lys complimenta ton choix de mot et les explications qui venaient avec. Ça venait du cœur. Avec Lys, c’était simple, tu pouvais parler avec tes émotions et pas avec ta tête, et elle ne te jugeait jamais. Au contraire, elle t’accueillait comme tu étais. Le mot bienveillance lui collait à merveille, oui. « Merci. » Avais-tu simplement répondu avec un sourire touché. Tu ne t’attendais pas à ce que cette expérience soit autant enrichissante, même si tu ne doutais jamais de la richesse des projets de Lys. Finalement, tu décidas de renvoyer la balle à l’artiste, en quelque sorte, désirant que cela devienne un échange entre vous deux. Ses questions donnaient envie d’entendre ses réponses à elle aussi. Tu voulais l’apprendre sous toutes ses coutures, cette femme. Pendant son silence, tu continuas à la regarder sans broncher, lui offrant respectueusement tout le temps dont elle nécessitait. Tu l’écoutas continuer. Ses paroles t’émurent parce qu’elle touchait une vérité si belle et si triste à la fois. On devrait tous s’aimer comme on est, malheureusement on nous apprenait à faire tout le contraire. C’était ancré dans tellement de personnes, cette fâcheuse tendance à se critiquer, à se dévaloriser. Tu hochas la tête. « Beaucoup de femmes … et d’hommes aussi, bien sûr, devraient t’entendre parler. T’avoir comme modèle. The world needs more people like you, Lys. » Déclaras-tu avec profondeur dans le regard. T’avais jamais été autant sincère. La peintre était une personne exceptionnelle et sans doute serais-tu tombé amoureux d’elle, si t’avais pu t’imaginer avoir ce genre de relation émotive avec une femme. « C’est vrai que c’est important de s’aimer, parce qu’au fond c’est avec nous-mêmes qu’on passe toute notre vie. Si on ne prend pas soin de nous, surtout au niveau spirituel si j’peux dire, personne d’autre ne le fera … » Tu replaças tes jambes pour reprendre une position confortable. « Allez, shoot la prochaine. » Dis-tu avec un sourire légèrement amusé, mais surtout en ayant hâte de continuer cette découverte de toi et de Lys.

Je ne pus faire autrement que de regarder Jackson avec tendresse lorsqu’il me confia penser que le monde avait besoin de plus de personne comme moi. Son compliment m’allait droit au cœur, mais je n’avais pas la prétention de penser que c’était la vérité. Les gens avaient besoin, c’était vrai, d’être plus doux envers eux-mêmes, de faire preuve de gentillesse et surtout d’arrêter de faire tourner la spirale infernale de l’égo qui mettait au centre de tout les apparences et les idées reçues. Chaque être humain était beau dans sa diversité, dans son unicité. Ca n’était pas si compliqué de remarquer cette beauté, et pourtant…j’avais parfois le sentiment qu’elle était invisible pour beaucoup de monde.
— De personne comme toi aussi, le monde en a besoin, le complimentai-je à mon tour.
Jackson était une belle âme, qui inspirait la douceur. Il ne suffisait que de plonger dans ses iris chauds et enveloppants pour en avoir un aperçu. J’aimais passer du temps avec lui, justement parce que sa seule présence s’avait m’apporter la sérénité dont j’avais besoin. Etre avec lui, c’était comme de souffler un moment, et cela m’était agréable. J’imaginais que je n’étais pas la seule à ressentir cela, car il était évident que Jackson avait une aura, une aura solaire qui touchait ceux qui passait à sa porter et les faisait sourire instantanément. Il me faisait étonnamment penser à quelqu’un. Un garçon qui m’était cher, alors que, de prime abord, les deux hommes ne ressemblaient pas du tout.
— Il faudrait vraiment que je te présente Azriel, dis-je en riant, je crois qu’il adorerait parler développement personnel avec toi.
Je griffonnai négligemment sur ma feuille, laissant mes pensées vagabonder jusqu’en Italie et vers les souvenirs que j’avais de mon récent voyage qui avait été plus intense que je me l’étais figuré avant de parti. Je revins à moi, et focalisai derechef mon attention sur Jackson lorsque ce dernier me proposa de poser une autre question.
— Euh…pourquoi ne me parlerais-tu pas de…ton entrainement, improvisai-je, tu t’astreins à une discipline de fer depuis que tu es gamin, non ? C’est pas trop dur ?

Lys te renvoya le compliment, et même si parfois les gens le faisaient par politesse, tu savais qu’elle le pensait réellement. Tu n’étais peut-être pas d’accord, toi qui pensais ne rien apporter à ce monde, toi qui te trouvais bien souvent inutile sur cette Terre, mais la sincérité dans la voix de ton amie te consola. Tu lui souris, touché, flatté. Elle te parla d’Azriel qu’elle aimerait te présenter. Tu te souvenais l’avoir rencontré à la galerie d’art, lors de l’exposition de Lys sur Eros & Thanatos. Vous n’aviez pas vraiment pris le temps de parler, lui et toi. D’ailleurs, Lys avait tellement été sollicitée par tous ses invités, que tu n’avais pas vraiment parlé à qui que ce soit. Tu avais admiré ses œuvres, tu avais pris le temps de t’immerger dans ce monde qu’elle avait créé, et c’était tout ce qui comptait. « Il faudra vraiment que tu me le présentes, alors. » Répondis-tu avec un sourire, scrutant Lys du regard alors que celle-ci semblait perdue dans ses pensées, le regard rivé sur sa feuille de papier qu’elle noircissait. Tu plissas légèrement les yeux en la regardant, un sourire au coin des lèvres, avant de reprendre une pause plus ferme pour ton portrait. Tu lui proposas alors de continuer les questions ; après tout, tu étais là pour ça. Sa question te replongea dans des souvenirs d’enfance, parce que c’était ceux-là qui avaient été les plus marquants, niveau entraînement. « C’était dur surtout au tout début, quand t’es gamin et que tu vois les kids autour de toi rentrer ensemble après l’école pour aller jouer alors que moi, j’devais me rendre à mes entraînements. Mais à un moment j’ai dû commencer à bosser un peu pour aider mes parents à joindre les deux bouts et j’ai eu moins de temps pour répéter et tu vois, à ce moment-là j’ai compris que le cirque, c’était ma vie. Y’avait pas d’endroit où je me sentais mieux que dans mes cours de gymnastique. Pas d’endroit où je me sentais mieux que quand j’étais dans les airs. » Dis-tu en laissant ton index pointer le plafond, et plus haut encore. « Et à quinze ans j’ai été sélectionné pour être acrobate au Cirkaös, j’ai arrêté l’école et j’ai eu un tuteur qui me suivait en tournée. À partir de ce moment-là, je n’ai rien fait d’autre que de m’entraîner, m’entraîner, pour toujours briller plus. C’est dur, par moment, ouais, parce que je ne suis plus jamais resté dans la même ville plus que quelques semaines, je n’ai jamais pu lier de relations avec d’autres personnes que les gens du cirque, qui sont devenus ma famille … » Tu ris, gêné, passant une main dans tes cheveux. « J’crois que je ne réponds même pas vraiment à la question. Si on ne parle que du point de vue physique, c’est dur, c’est sûr, de ne jamais vivre d’écart, de ne jamais prendre une journée de repos mais tu vois, là ça fait plusieurs semaines que je ne suis pas monté sur scène et c’est un manque terrible. » La souffrance physique en valait donc la peine, quand on savait à quel point ça te passionnait.

Jackson était une étoile, une étoile qui renfermait en elle sa lumière, à cause de meurtrissures, mais une étoile quand même. Je l’avais déjà vu briller de tous ses feux, et cela avait été l’un des plus beaux spectacles sur lequel mes yeux avaient eu la chance de tomber. Il savait être majestueux, envoûtant. Il savait vous prendre et vous emmener ailleurs. Cela me faisait un peu de peine de le voir se ternir, j’espérai sincèrement qui pourrait bientôt remonter sur scène. Là était son domaine, son art, sa beauté. Il vivait pour cela et cela se comprenait au premier regard. Cela me fit d’autant plus mal pour lui, ce déclin soudain, lorsqu’il commença à me parler de ses entrainements, des sacrifices auxquels il avait du consentir, gamin déjà. Je trouvais ça très émouvant. Quand il parla du fait d’être dans les airs, qu’il s’y sentait dans son élément, je ne fus pas étonnée et aussitôt, je décidai de lui faire pousser des ailes sur la peinture finale. J’avais hâte de le peindre, tel l’ange que je l’imaginais être. J’espérai lui rendre justice du mieux que je pouvais.
— Non, t’inquiète, la thématique c’est le corps, mais c’est surtout la personne. Son âme, son essence…puis, c’est vraiment fascinant, je pourrais t’écouter des heures parler de ta passion.
Griffonnant machinalement sur mon carnet de croquis, j’essayai de cacher le fait que son récit m’avait troublée, émue même. Mais j’étais incapable de dissimuler mes émotions en réalité. Je posai alors mon crayon et le regardai en souriant, les yeux légèrement humides.
— T’es tellement beau sur scène, Jacks, déclarai-je avec tendresse, chaque fois que je te voyais, enroulé dans ton tissu à plusieurs mètres du sol avec ta partenaire, j’étais complètement subjuguée. Je ne respirais limite plus…
Je rangeai mon bloc de dessin sur la table basse et me rapprocher de mon ami pour lui prendre la main.
— Je voudrais tellement que tu retrouves cette joie.

Tu souris alors que Lys t’affirma qu’elle pourrait t’écouter parler de ta passion pendant des heures. Tu pourrais sans doute le faire, c’est ça le pire. Tu raconterais chaque moment où ton cœur avait failli lâcher alors que tu te laissais aller au vide, tu raconterais chaque frisson créé par le contact de la peau de Brooke contre la tienne dans un rapprochement presque érotique alors des milliers de regards étaient pourtant rivés sur vous. Tu raconterais chaque histoire post-spectacle, ces soirées passées au bar avant de rentrer à l’hôtel, éreinté. Tu relaterais cette vie complètement à part qui ne ressemblait en rien à ce que tu vivais ici, à Bowen, depuis quelques mois. Mais tu ne le fis pas. Parce que ça t’appartenait, tout ça, et t’avais peur qu’à force de choisir les mauvais mots pour décrire l’inexplicable, tes souvenirs s’effritent ou s’altèrent. « Tout comme je pourrais te regarder peindre pendant des heures, j’imagine. » Tu souris. Lys et toi, c’était bien plus qu’une simple amitié. Vous vous éleviez tous les deux sur le même piédestal, vous vous idolâtriez sans vous mentir. Tu sentis toutefois que Lys avait encore quelque chose à dire, que ton récit ne se terminait pas là pour elle. Il n’y avait pas un point, il y avait une virgule, et elle voulait tellement que les trois petits points daignent enfin laisser la place à des mots qui continueraient ton histoire. Ta bouche et ta mâchoire semblaient trembler légèrement d’émotion, ton rythme cardiaque augmentant au fil des compliments. Toujours assis en tailleur, tu te penchas juste un peu plus vers l’avant pour prendre la main de ton amie dans la tienne, baissant les yeux vers vos doigts enlacés. « Ça me touche vraiment, Lys. Merci. C’est l’accomplissement d’un artiste, de savoir qu’il peut générer de telles émotions chez l’autre. Que j’ai pu générer de telles émotions en toi. » Tu relevas les yeux vers elle. « J’aimerais tellement aussi la retrouver. Sans le cirque, j’sais pas qui je suis. » Ou pire encore, tu savais que tu ne valais plus grand-chose. Tu soupiras discrètement. « Je t’ai pas dit, mais j’ai su que Brooke avait recommencé le tissu, au Cabaret. Elle n’est plus avec Sacha alors elle a décidé de reprendre son propre art. » Ce qui te laissait un certain goût amer, parce qu’elle ne t’en avait pas parlé. « J’pense que j’aimerais peut-être essayer de reprendre avec elle, au Delirium. » Le problème, c’était que le lanceur de couteaux, il te détestait. Et t’avais pas trop envie de devenir sa cible, qu’il ne ratait jamais.

Tout ce que j’avais dis à Jackson était profondément sincère. L’artiste qu’il était m’avait bluffée plus d’une fois. Je trouvais ses spectacles et la manière dont il utilisait son corps aussi profond et intense qu’une œuvre d’art accrochée au mur d’un musée. Jackson incarnait à lui seul un chef d’œuvre d’une beauté pure et époustouflante. Je souris à l’acrobate, ravie que mes mots lui aient fait plaisir. Mieux, ils semblaient l’avoir touché, et cela avait été mon but. Lui montrer qu’il était encore magnifique aux yeux de quelqu’un. Je le laissai prendre ma main, ses doigts se glissant dans les miens. J’aimais ce contact, que je trouvais très rassurant. J’essayai, au mieux, de lui transmettre du réconfort et ce genre de rapprochement physique faisait partie de notre manière de fonctionner.
— Je comprends, murmurai-je avec douceur, le cirque t’a façonné durant tellement d’année. Depuis que t’es gamin en fait, et cela ne doit pas être évident à gérer. Mais tu es bien plus qu’un acrobate aérien, Jacks. Ca c’est ce que tu fais, pas ce que tu es…
Je souris, levant soudain les yeux au ciel, puis me mis à rire.
— Désolée, je me mets à citer du Elisabeth Gilbert, en plus…ahah. Plus sérieusement, t’es une si belle âme, je suis sûre que tu as énormément de choses à transmettre que ce soit via ton art ou via une toute nouvelle discipline. J’ai foi en toi.
Je reconnaissais que ce stand-by dans sa carrière devait être difficile à gérer pour lui qui n’avait vécu, mangé et respiré que pour le cirque depuis son adolescence. Il perdait un repère important, et il lui était sans doute difficile de retrouver un équilibre. Jackson se confia un peu plus, en évoquant Brooke, son ancienne partenaire. Elle avait repris le tissu, sans lui. Aïe. Je grimaçai malgré moi. Puis il évoqua l’idée de reprendre, avec elle. En duo. Elle n’était plus avec le lanceur de couteaux visiblement.
— Ce serait…vraiment super, Jacks !
Je le pensais, j’étais heureuse à cette idée.
— Je serais votre première fan ! Je pourrais voir les répétitions ??

Étais-tu, bien plus qu’un acrobate aérien ? Lys te disait que c’était ce que tu faisais et non pas ce que tu étais mais pour toi, ces deux concepts-là avaient toujours été interreliés. Tu faisais ce que t’étais. T’étais ce que tu faisais. Tu n’avais jamais exploré quoi que ce soit d’autre que le tissu. Tu n’avais aucune idée de qui tu étais, sans ça, sans cette adrénaline de tournoyer à des mètres du sol. Tu n’avais jamais pris le temps d’apprendre à te connaître, au fond, puisque t’avais pensé que le cirque serait toute ta vie. Ça, c’était avant de savoir que rien ne dure pour toujours, que tout est éphémère. Tu l’avais appris d’une bien cruelle manière, en te retrouvant seul, perdu, vulnérable, insécure. Tu souris quand Lys affirma être en train de citer du Elisabeth Gilbert. « J’ai aucune idée de qui c’est. T’aurais pu prendre tout le crédit. » Tu ris. Lire des livres, ce n’était pas quelque chose que tu avais fait non plus. Même, tu détestais ça. Tu te souvenais que plus jeune, les seuls livres que t’acceptais de lire étaient des bandes-dessinées. C’était moins lourd. Plus joli. Mais t’avais laissé ta collection chez tes parents, en partant en tournée, et t’avais plus retouché à un bouquin ensuite. « Il faudra que j’apprenne à me redécouvrir, à savoir ce que j’aime … Mais j’saurais même pas par où commencer. J’constate que la vie a tellement à offrir et je n’avais pas pris le temps de m’en apercevoir avant. » Parce que t’avais été trop concentré sur le seul et unique objectif de ta vie. Tu vivais pour le cirque. Maintenant, il fallait que t’apprennes à vivre pour toi. Pourtant, la passion des acrobaties aériennes ne te quitterait pas pour autant, et la preuve tu songeais encore et toujours à remonter dans les airs avec Brooke. Elle était ta zone de confort. Tu souris à pleines dents en voyant l’enthousiasme de Lys. « Bien sûr que tu pourras voir les répétitions ! En plus, on risque d’être un peu rouillés … un point de vue extérieur sera le bienvenu. » T’imaginais que dès que Brooke apprendrait que tu souhaitais retourner sur scène avec elle, elle trouverait le moyen de vous réintégrer au Delirium, faisant un beau doigt d’honneur à Sacha. Ce serait malheureusement plus compliqué que ça. Ça l’était toujours. Pour le moment, tu te redressas, reprenant un peu ton sérieux afin de permettre à Lys de poursuivre cet entretien artistique qui l’aiderait dans son projet.

Je souris en entendant Jackson me dire qu’il n’avait aucune idée de qui était Elisabeth Gilbert. En effet, je l’imaginai assez mal lire ce genre de bouquin. Quoiqu’il pourrait parfaitement y retrouver certaines de ses valeurs, au fond.
— Elisabeth Gilbert est une journaliste et écrivaine qui a tout quitté du jour au lendemain, maison, travail et son mari qu’elle aimait mais avec qui elle n’était pas heureuse. Elle s’est offert un voyage en trois destinations : l’Italie, l’Inde et enfin Bali…à la recherche de son bonheur. Il y a eu un film d’ailleurs, avec Julia Roberts, peut-être que ça te parle un peu plus. Mange, prie, aime, ça s’appelle.
Son second livre Comme par magie parlait de son rapport à la créativité, et m’avait beaucoup inspirée aussi ; évidemment, en tant qu’artiste, j’étais sensible à ses sujets là. Et à écouter Jackson discuter, j’étais sûre que lire Elisabeth Gilbert pouvait l’aider en un sens. Peut-être lui prêterais-je ses livres s’il me le demandait.
— Tu m’as l’air dans une période de transition, commentai-je, c’est normal de se sentir un peu perdu mais, déjà…t’as décidé de rester à Bowen, c’est un début. Et je ne vais clairement pas me plaindre de ça, d’ailleurs.
Je lui souris en venant caresser tendrement son bras.
— Et cette opportunité avec ton ancienne partenaire, c’est chouette. Y’a pas mieux pour te remettre en selle. Je suis certaine que vous allez rapidement retrouver vos repères. Vous étiez merveilleux tous les deux. Ce genre de trucs, ça ne s’oublie pas, non ? Un peu comme le vélo…
Je pouffai. Ma comparaison était un peu hasardeuse, certes, mais il avait saisit l’idée, sans doute
— Dans tous les cas, j’ai hâte de voir ça.

Toujours portée par sa passion, voulant la partager au meilleur de sa connaissance, Lys profita de ton ignorance pour te raconter un peu la vie de cette Elisabeth Gilbert. Ses choix, son œuvre, ce qui avait fait d’elle ce qu’elle était. C’était fou, quand même, cette idée de tout quitter du jour au lendemain et d’en sortir gagnante. T’avais l’impression que c’était comme le contraire de ce que t’avais vécu. T’avais été forcé à tout arrêter, quand le cirque avait fermé, mais t’avais plutôt eu l’impression qu’on t’avait coupé ton bonheur, pas qu’on te donnait l’opportunité de partir à sa recherche. Lorsque Lys te parla du film, tu hochas la tête. « I may have heard of it, yeah. » Mais tu ne l’avais pas vu, t’avais bien trop vécu dans ta petite bulle, et au moment de la sortie de ce film t’étais en tournée à travers le monde. T’avais la tête dans les nuages de ta passion, pas les yeux rivés sur un écran. « Et elle l’a trouvé, son bonheur ? Ou alors tu voudras que j’me tape le film pour le savoir ? » Demandas-tu en riant. En réalité, ça te ferait plaisir de le regarder. Surtout si c’était avec Lys blottie contre toi. « J’ai surtout décidé de rester parce que j’saurais pas où aller. » Admis-je avec un rire gêné. Pas question de retourner auprès de ta famille, ni en Angleterre, ni en Espagne. T’avais tiré un trait là-dessus sans jamais en prendre conscience avant aujourd’hui. « Pas mal de gens qui me font sentir à la maison se trouvent ici, alors je me dis que c’est un signe … » Évidemment, là-dedans, il y avait Lys. Tu n’avais pas besoin de lui dire pour qu’elle le comprenne. « Mes muscles ont peut-être oublié mais je vais m’efforcer de leur rappeler comment m’élever. » Tu souris. « J’ai hâte que tu vois ça aussi. » Puis, je tentai d’allonger un peu le cou vers son dessin. « En attendant, moi j’peux voir où t’en es dans mon portrait ? » Demandais-je, curieux.

— À mon souvenir, tu rechignes jamais à l’idée de te taper quoique ce soit, le charriai-je gentiment.
L’idée de rester une après-midi blottie contre Jackson à regarder un film ne me déplaisait pas, et d’ailleurs, j’étais à deux doigts de céder à la tentation de le lui proposer. Malgré tout, il commençait à me parler sérieusement des raisons qui le poussaient à rester à Bowen, et je ne trouvais pas opportun de lui couper la parole pour un sujet si futile. Je lui souris, heureuse qu’il ait trouvé un équilibre malgré tout. Cela ne semblait pas être facile pour lui. J’avais la chance d’avoir établi mon foyer à Bowen dès le départ ; j’avais voyagé longtemps après la mort de mon père, mais j’étais toujours rentrée à la maison. Avoir une maison, ce n’était pas simplement placer un toit sur sa tête, cela impliquait d’autres facteurs. Home is where the heart is comme on disait. Mon cœur à moi était à Bowen, définitivement. J’espérais de toute mes force que Jackson parviendrait un jour à cette paix-là.
— En tout cas, tu es le bienvenu dans ma maison aussi souvent que tu le souhaites. Dans mes deux maisons. Celle-là…
J’écartais mes bras comme pour désigner mon appartement entier puis, l’air malicieux pointait mon index vers le bas de mon vendre.
— Et celle-là aussi, affirmai-je en riant.
J’essaye de détendre un peu l’atmosphère même si, évidemment, il y avait une part de vraie dans ma plaisanterie.
— Surtout si tu continues à me parler de tes muscles, continuai-je, je vais être obligée de t’envoyer une invitation sur le champ !
J’éclatai de rire puis Jackson en profita pour se pencher sur mon carnet de croquis, demandant s’il pouvait voir son portrait. J’approchai mon visage de lui souriant avec malice.
— Oui, tu peux, mais ce ne sont que des croquis en vrac. Je prends toutes les inspirations possibles pour composer ensuite le tableau final avec tous les éléments qui ont pu me marquer pendant l’entrevue. D’ailleurs, si t’as une idée qui pourrait…je sais pas…marquer mon esprit, tu es parfaitement autorisé à prendre des initiatives, déclarai-je, enjôleuse.

Spoiler:

La réplique de Lys te fit basculer la tête vers l’arrière en riant à gorge déployée. C’était un trait que tu aimais tout particulièrement chez elle : son sens de la répartie. Ses réponses te prenaient souvent par surprise, mais d’agréables surprises. Elle te faisait rire comme rarement une femme, ou une personne tout court, avait pu te faire rire. Tout cela en demeurant tellement sexy, intrigante et intéressante. « Touché. » Évidemment, ce n’était qu’une plaisanterie et la liste de ce que tu ne te taperais pas était plutôt longue. Il était toutefois assez vrai de dire que dans la catégorie humain, tu te taperais bien des figurants. Tu continuas finalement sur des sujets un peu plus personnels. Cette entrevue avait vraiment le don de t’ouvrir sur des sujets que tu abordais généralement peu. Avec Lys cependant, tu te sentais toujours à l’aise de parler des vraies choses. Elle te mettait confortable, et encore plus aujourd’hui alors que c’était le but de votre rencontre. Un sourire se dessina sur tes lèvres quand Lys t’invita aussi souvent que tu le voulais dans sa maison. Ton sourire continua à s’élargir pour chacun des mots qu’elle ajouta ensuite. « Ah bon ? Aussi souvent que je le souhaite ? » Demandas-tu en arquant un sourcil, espiègle. Qu’elle ne te tente pas trop … C’est plutôt toi qui semblas la tenter en parlant de tes muscles, de leur mémoire des mouvements mais aussi de la force que tu avais dû perdre avec cette pause obligée du cirque. Tu te penchas alors vers elle, jouant au curieux en voulant voir les croquis qu’elle avait fait de toi. « T’en fais pas, c’est juste pour avoir un aperçu … » Tu t’approchas d’elle et regarda les différents dessins. Tu secouas la tête, impressionné. « T’as tellement de talent. » Lâchas-tu sincèrement, avant de prendre un air enjôleur à ton tour. « Mais j’prends l’initiative de mentionner que ça manque un peu de ça … » Tu déposas un baiser dans son cou. « Et de ça … » Tu déposas un baiser de l’autre côté de son cou, et puis tu continuas ce petit manège en descendant ensuite sur sa clavicule, puis plus bas encore.

Ce qui me plaisait avec Jackson, c’était que nous étions souvent sur la même longueur d’ondes et qu’il ne suffisait parfois que d’un regard ou d’un mot pour que l’autre ne comprenne dans quel état d’esprit le premier se trouvait. En particulier lorsque cet état d’esprit était d’ordre sexuel. Il avait aussi cette faculté d’attiser les braises en un quart de seconde. Il complimenta mes dessins et je lui souris, sincèrement touchée.
— Merci.
Puis l’atmosphère se réchauffa assez vite. C’était ainsi avec Jackson, dès qu’une parole caressante franchissait la barrière de ses lèvres, ou que sa bouche se promenait sur moi, ma peau avait tendance à s’enflammer de l’intérieur, comme si elle abritait un brasier. Je fermai les yeux, tandis qu’il embrassait mon cou et humectai mes lèvres d’impatience, en le sentant descendre sur ma clavicule. Il était irrésistible. Instinctivement, je me cambrai, gonflant une poitrine qui pointait déjà vers lui à travers mon t-shirt.
— J’aime beaucoup ce genre d’initiatives, soupirai-je en passant une main dans es cheveux pour les ébouriffer légèrement.
Je déposai mon carnet de croquis sur la table basse et me replaçai sur le canapé – qui avait déjà connu quelques-uns de nos ébats – pour me mettre plus à mon aise. Caressant la joue, puis le cou de l’acrobate, je l’encourageai à continuer son exploration, impatiente comme jamais.