Juste un doigt vous voulez pas un whisky d'abord ? (Sam)

Business is business
Depuis qu'il avait choisi de s'installer un peu plus durablement que pour ses vacances à Bowen, Samuel tentait de se remettre à écrire sérieusement, il avait tout un tas d'idées en tête, d'histoire intéressante mais qui ne menaient à rien au final. Il avait pondu quelques chapitres à son éditeur, rien de bien fameux, il savait que ça ne ferait pas un roman à la fin mais au moins le vieux britannique lui lâchait un peu la jambe et en plus il avait sorti de son tiroir magique un avance sur cachet pour motiver encore plus son auteur favori. Pohl n'avait pas craché sur l'argent même s'il avait l'impression de passer pour un imposteur. Enfin, il menait sa vie de nouvel australien et il se plaisait bien ici pour tout dire. Pour payer son loyer il vivait de petits jobs par-ci par-là et ça suffisait largement pour l'instant. Ce midi il avait rendez-vous avec Zelda, cette fille c'était un peu une idole pour lui, véritable star dans le monde du gaming, elle était douée la gamine et sa chaîne Youtube était intéressante, il l'avait rencontrée un peu par hasard dans un salon du jeu vidéo et finalement le courant était bien passé entre eux. C'était assez surréaliste qu'une fille qui avait discuté avec des dizaines d'admirateurs ce jour là ait finalement repéra Sam, parmi tous les autres, mais si, malgré tout ! Et elle avait même été intéressée par le fait qu'il soit écrivain. Par la suite il avait eu le culot de lui envoyer l'un de ses romans par courrier et c'est comme ça que leur amitié avait vraiment débuté. Depuis ils discutaient beaucoup par mail, comme de vrais geeks et parfois ils prenaient un café ensemble. Jusqu'à ce qu'elle lui propose un dîner et comme l'emploi du temps de Pohl était plutôt light, il avait accepté, sans trop chercher à connaître l'objet de cette invitation. Vêtu de son éternel jean t-shirt, décontracté en toute circonstance depuis qu'il vivait à l'heure australienne, il fut un peu décontenancé quand il remarqua l'allure plus... professionnelle de Zelda. Salut ! Tu ne m'avais pas dit que c'était un endroit chic, j'aurais fait un effort vestimentaire sinon. Il se sentait un peu con pour le coup, presque intimidé de voir cette fille tirée à quatre épingles. Entrant dans le restaurant Sam s'y sentit bien malgré tout, peu importe son style vestimentaire, il ne doutait pas qu'il passerait une bonne soirée avec la rousse. Escortés jusqu'à leur table, ils s'installèrent, Sam laissa à Zelda le soin de s'asseoir en premier, comme le voulait la galanterie, puis il pris place face à elle. Moi aussi. Comment tu vas depuis la dernière fois ? Il lui avait semblé qu'elle n'était pas vraiment en grande forme, pourtant on ne pouvait pas dire qu'ils se connaissaient assez pour qu'il puisse se permettre de lui parler sérieusement de sa vie privée.

Quand Zelda commença à se confondre en excuses, réalisant qu'elle n'avait pas vraiment donné à Samuel l'objet de leur rencontre, il fronça les sourcils, alors donc ce n'était vraiment pas un simple dîner amical, elle avait quelque chose à lui dire. Il se demandait bien ce qu'elle lui voulait, après tout ils ne se connaissaient pas tellement non plus et ils étaient plus du genre à prendre un verre de façon décontractée qu'à se faire servir au restaurant. Il doutait que ce soit un rendez-vous galant, ou sinon il n'aurait vraiment pas compris les éventuels signaux de la jeune femme, parce qu'entre eux il n'était pas question de séduction, il lui semblait bien qu'elle était en couple en plus. Bref, il était un peu perplexe, mais il verrait bien, de toute façon si elle voulait lui parler il serait tout ouïe. Ok, allons-y alors. En tout cas ça te  va bien, le tailleur et tout. Dit-il avec un sourire histoire de la complimenter quand même, elle avait tout de même fait un effort pour lui et elle était jolie, il fallait le souligner un minimum, elle avait un côté plus... femme, tout simplement. Merde, ça ne va pas avec ton mec alors ? Il ne connaissait pas ce Bàhr, même si elle lui en avait parlé quelques fois, cependant il voyait bien que ça la chagrinait. Peut-être que voir ce psy te fera du bien, que tu verras les choses plus clairement grâce aux séances. En fait il ne croyait pas du tout à la psychanalyse, la sienne il se la faisait lui-même en écrivant ses bouquins, enfin quand il trouvait l'inspiration. Moi ça va ! Tu vois, j'me suis fait à la vie australienne, j'ai même adopté le bronzage. Grand sourire fier de l'homme habitué à son teint éternellement blanc qui s'était peu à peu brunit avec ses cheveux longs décorés par le soleil il passait presque pour un local, il n'y avait que son accent britannique pour le trahir à présent. Puis je crois que j'ai quelques pistes pour un nouveau livre oui. C'est pas brillant mais j'm'accroche, j'ai pas trop le choix, on me met un peut la pression de là-haut, même à des milliers de kilomètres, Londres n'est jamais loin pour moi. Ils regardaient la carte en même temps et Sam releva les yeux vers Zelda. Ca donne faim, j'ai envie de tout goûter !

Samuel imaginait très bien une fille devant sa penderie, passer du temps durant des heures à chercher comment s'habiller, râler, tout jeter, essayer, se déshabiller, regarder ses fesses, se trouver grosse, ou sexy dans une autre... Peut-être un peu trop, changer, soupirer, bref, se dire qu'elle n'avait rien à se mettre. Même si, sans trop savoir pourquoi, il n'imaginait pas tellement Zelda dans ce genre de situation, mai il ne la connaissait pas tellement au final. Lui il n'avait pas tellement ce genre de préoccupations, même s'il aimait s'habiller, les belles pièces, même s'il faisait attention à son look en règle générale, il ne mettait pas trois heures à se poser mille questions et, la plupart du temps, un jean et un polo ça marchait très bien. J'ai entendu parler de cette historie sur la plage. Je n'étais pas encore arrivé à ce moment là, mais ça avait fait grand bruit, jusque dans les médias européens. Et puis j'ai croisé quelques personnes qui en parlaient encore récemment, j'imagine que c'est un gros traumatisme. Sam se rendait compte, au de là de la fusillade, qu'il ne connaissait pas tellement Zelda, personnellement s'entend, le courant passait bien entre eux, il la considérait comme une amie ici, ils discutaient de beaucoup de choses, des jeux vidéos comme de littérature ou d'autres choses. Mais il ne connaissait pas vraiment sa vie, ni les raisons qui faisaient qu'elle se déplaçait avec une canne. Il n'aimait pas être intrusif dans la vie des gens alors il n'avait jamais vraiment posé de questions. Pourtant il semblait que le dîner de ce soit soit propice à ce genre de confidences. Tu étais dans la fusillade alors ? Il la laissa parler, de tout ça, de son copain, ou plutôt de son ex, vu sa conclusion. D'accord, ne te prends pas trop la tête, les choses vont finir par se tasser et vous y verrez tous les deux plus clair à ce moment là, sur la suite de cette histoire. Pohl était nul en relations amoureuses, lui qui n'avait jamais été réellement en couple avec quelqu'un, alors il se voyait mal donner des conseils, ou pire, des leçons. Ils continuèrent alors sur une note plus légère, l'adaptation du britannique à la vie australienne. Merci, j'apprécie ! Ce n'était jamais désagréable de recevoir un compliment d'une jolie fille, avouons-le. La réflexion de Zelda le fit sourire dans sa barbe, elle n'avait pas totalement tord, en Europe on savait moins prendre son temps qu'ici, surtout à Londres ou tout allait toujours très vite. Quand il s'agit d'argent on est toujours pressé. Il hocha la tête, contrit, même s'il savait que ce n'était pas de cette façon qu'il allait trouver l'inspiration. Une fois qu'ils eurent commandé, la brunette finit par le regarder plus sérieusement, on y était, Sam allait enfin savoir pourquoi ils dînaient ensemble. Il l'écouta sans broncher, surpris par sa demande, un peu gêné aussi. Je ne suis pas tellement connu ici. Et puis je n'ai aucune actualité à dévoiler, tu sais, la page blanche, tout ça... J'vois pas de quoi tu parlerais ! Il trouvait malgré tout l'idée agréable, surtout le fait qu'elle pense à lui pour ce genre de choses et puis il était toujours à l'aise lors des interviews, mais c'était plus simple quand il avait vraiment la promo d'un livre à faire, là, il n'en avait aucune.

C'était visiblement compliqué pour Zelda de parler de cette fusillade, pourtant Samuel ne la poussait en rien, mais elle continua tout de même, difficilement et il finit par apprendre qu'elle faisait parti des nombreuses victimes de la fusillade meurtrière. Son sort était certes plus joyeux que certains, pourtant être pris dans ce genre d'événement laissait des traces durant un moment. Il avait un peu étudié le sujet pour son second livre, discuté avec des psychologues et des médecins divers alors sans dire qu'il était expert en matière de traumatisme de ce genre, il n'y était pas totalement étranger. Ce n'est pas pour ça qu'il chercha à faire parler la jeune femme, si elle souhaitait en dire plus il l'écouterait mais le but n'était pas de remuer le couteau dans la plaie comme qui dirait. Il se demanda seulement si c'était à cause de cet incident qu'elle marchait avec une canne, mais pour l'heure il garda sa question pour lui, trop personnelle. Alors il ne dit rien, la laissant enchaîner sur son mec où il alla de son petit commentaire totalement inutile, qui n'aiderait sûrement pas sa situation, mais nous l'avons déjà dit, Sam était nul pour ce genre de sujet. Je m'en sors toujours avec une pirouette, un chapitre minable qui les fait attendre un peu, à force je vais finir par sortir un livre, même mauvais, qui sait. Même s'il avait la pression et que sa situation n'était pas des plus simples, Pohl n’était pas du genre à s'en faire, ça faisait des années qu'il faisait tourner son éditeur en bourrique, il pourrait bien attendre quelques mois de plus. Il écouta alors la proposition de Zelda, surpris et flatté à la fois, même s'il ne savait pas bien de quoi il allait bien pouvoir parler devant la caméra. En vrai il était plutôt doué sur les plateaux, à l'aise et bon parleur, il passait bien face caméra et il n'était pas intimidé le moins du monde, à l'aise en toute circonstance, il appréciait ce monde que lui offrait sa célébrité toute relative. Et c'est gentil à toi de proposer. J'aime beaucoup ton émission, tu le sais. Alors j'imagine que ce serait idiot de ma part si je refusais ! Il lui sourit, preuve que l'idée ne lui déplaisait pas. Puis qui sait, ça me ferait peut-être vendre quelques exemplaires par ici, mon éditeur serait ravi. Autant allier l'utile à l'agréable finalement.

Peut-être que s'il avait vraiment le couteau sous la gorge de la part de son éditeur, Samuel finirait par sortir un livre horrible. C'était sa plus grande peur en tant qu'écrivain. Parce qu'il se respectait, il avait conscience de son talent, il écrivait depuis tout petit, c'était sa passion et il était le premier frustré de ne pas réussir à aligner deux lignes correctement. Il refusait de croire qu'il avait perdu sa plume et qu'il devait peut-être se résigner à arrêter le métier avant de faire un carnage. Si un jour il pondait un mauvais livre qui recevait les critiques qui iraient avec, on le verrait sûrement se terrer loin de tout, loin des médias et de son éditeur qui ne le louperait pas. Et ça lui pendait au nez à mesure qu'il s'accrochait à cette vocation qui semblait s’essouffler. Mais il avait encore l'espoir, qui sait, peut-être que ça reviendrait. Le serveur arriva avec leur commande et ils purent ainsi trinquer à la carrière du romancier. A mon inspiration. Et merci pour l'invitation, c'est un plaisir de dîner avec toi. Il lui sourit, heureux de passer un peu de temps avec Zelda pour discuter, Sam ne connaissait pas tant de monde que ça à Bowen et voir que des liens se tissaient petit à petit lui faisait plaisir et le confortait dans son envie de rester sur cette île. Qui sait, tu vas peut-être redonner un nouveau souffle à ma carrière ici en Australie ! Il y croyait moyennement, son dernier livre avait quelques années maintenant, mais cette interview ne pouvait pas faire de mal dans tous les cas. Je suis plutôt disponible tu sais. Pour payer mon loyer je fais quelques boulots par-ci par-là, mais je peux m'organiser en fonction de toi. Il avait tout le temps qu'il fallait et c'était un véritable luxe. Ca se passe comment d'ailleurs, tu as un studio d'enregistrement ? Un truc vraiment pro ? Il n'y connaissait pas grand chose en chaîne YouTube.

Donner un nouveau souffle à sa carrière c'était un peu trop mais si des personnes se montraient enthousiastes à l'idée de découvrir ses ouvrages peut-être qu'un déclick se ferait en lui, comme l'envie de faire plaisir à ce nouveau lectorat en leur offrant une nouvelle histoire à dévorer. Il suffisait de peu, parfois, pour retrouver l'inspiration et Samuel en manquait cruellement alors il prendrait tout ce qui pourrait l'aider. Ouais, on verra bien, pour l'instant je vais profiter du dîner et on verra après pur l'inspiration. Ca semblait facile, pur les autres, se poser devant une feuille de papier ou bien devant un ordinateur et puis écrire ce qui nous passait par la tête, mais un bouquin ça ne s'écrivait pas si facilement, il fallait le construire, il fallait une trame solide, des personnages bien établis, on ne se lançait pas comme ça à corps perdu sous peine d'aller dans n'importe quelle direction. Mais ça, Zelda l'ignorait, tout comme Sam ne connaissait rien au monde des chaines en ligne et de tout ce qu'elle faisait elle. C'est pourquoi il se montrait curieux quant au déroulement de ses interviews. Oui, j'imagine que tu peux t'amuser alors, c'est bien de ne pas être bridée dans son travail. Il sourit, content d'avoir la chance qu'elle le contact pour ce genre d'expérience, le garçon n'était pas contre un peu de nouveauté, comme ça il ne s'ennuyait jamais. Le dîner se poursuivit sur le même ton décontracté et bon enfant, ils parlèrent de tout, de rien, de leurs jobs et de leurs vies personnelles. On pouvait voir qu'une belle complicité naissait entre les deux amis et Samuel apprécia vraiment cet échange. Il avait passé un moment agréable et au moment de se quitter à la sortie du restaurant il avait toujours le même sourire au lèvres, en plus d'avoir le ventre plein. J'ai passé une très bonne soirée, merci encore. On se tient au courant pour l'interview, je me rendrai disponible quand ce sera bon pour toi ! Samuel prit chaleureusement la jolie Zelda dans ses bras pour la remercier encore et puis ils se séparèrent, jusqu'à la prochaine fois.