let the bullets fly, oh let them rain (brooke)

Le problème, c'est que t'as été là au mauvais moment. Wrong time, wrong place. Quand il est question de décrire votre rencontre, c'est la façon la plus juste que tu trouves pour l'expliquer. T'étais là quand les symptômes de la maladie ont commencé à se faire trop présents, t'étais là quand on lui a appris qu'il allait passer le reste de sa vie dans cette condition, parce que ce qu'il a, c'est incurable. C'est même pire que ça, ça va le faire crever. Et il t'en a voulu, parce que toi, t'étais pas malade, t'étais saine. Saine physiquement. T'étais pas saine autrement. C'est peut-être pour ça qu'il te méprise, finalement, peut-être parce que toi t'as le pouvoir d'améliorer ta vie, mais tu le fais pas. Tu restes dans tes vieux démons, tu continues de te martyriser l'esprit. Ou peut-être pas. T'en sais rien, t'es pas psy, tu peux pas analyser les comportements humains. Néanmoins, c'est vrai que tu as tout pour arrêter de t'infliger ces douleurs que tu n'arrêtes pas de redemander, encore et encore. Au contraire, tu l'implores de presque de te frapper, sous prétexte que ça lui ferait du bien. Ça l'aiderait, lui, et ça t'aiderait, toi. Mais il refuse. Il refuse et il te traite de malade, que ça te ferait trop plaisir. Quand il te lâche cette dernière phrase, tu laisses souffler un rire irrité, avant de rouler les yeux. Il en savait quoi de ce qui te ferait plaisir, hein ? Comme s'il s'en était déjà soucié de ce qui pouvait te faire mal comme t'apaiser ? Au travers de ces doux gestes, tu peux même pas compter le nombre de fois qu'il t'a manqué de respect, tant il y en a eu. Toi aussi, tu l'as fait, tu ne dis pas le contraire, tu sais bien que tu n'es pas blanche comme neige dans cette histoire, tu ne lui as pas sauté à la gorge, pourtant, c'est lui qui est venu t'agresser. Et c'est bien pour cette raison que tu veux tant que ce soit lui qui déguerpisse, et pas toi. T'es folle, toutes les autres se seraient enfuies, mais t'as pas peur, toi, t'as pas peur qu'il te défonce, qu'il t'insulte, qu'il te crie au visage. Il pourrait te cracher dessus que tu bougerais pas d'un centimètre. Tes pieds sont comme coulés dans le béton. C'est lui qui tourne le dos, ta première réussite. Et quand il te crie dessus, tu ne tressailles même pas. J'sais pas, tu me donnes pas l'impression que tu serais pas heureux de me savoir morte, lâches-tu en haussant à ton tour les épaules. Moi aussi, je t'ai aimé, confies-tu en adoucissant toi aussi ta voix. C'est sans doute les mots les plus calmes que vous vous êtes dits depuis des lunes, même avant ton départ. Je t'ai peut-être trop aimé, c'était peut-être ça le problème. J'ai quitté ta vie pour te libérer. Et me libérer, moi aussi. J'vois bien que ça n'a pas fonctionné. Pas de ton bord, pas du mien. Ce qui est ironique, parce qu'en somme, mon plan a échoué, même pour moi. Tu soupires. Mais je partirai pas. J'crois que toi et moi on a besoin d'apprendre à apaiser nos démons, seuls, j'crois que c'est un signal pour nous dire d'arrêter de nous faire mutuellement du mal. Parce que dans cette matière, vous êtes les experts. On est pas obligé de se revoir, mais j'partirai pas. Pas cette fois. Pas de bol, Woody.

Si elle continuait, Brooke, si elle continuait à frapper sur le même clou, à le chercher de cette manière, alors peut-être qu’il la détesterait au point de la souhaiter disparue à tout jamais. Parce qu’elle l’avait autrefois fait sentir si puissant lorsque c’était lui qui la martelait de ses mots et de sa violence, mais ce soir elle lui donnait l’impression d’être tellement vulnérable et faible. Elle lui tenait tête plus que jamais et ce n’était pas la peur qu’il lisait dans son regard mais bien le défi. Un défi que Woody n’avait plus la force de relever, à ce jour. « J’sais pas si tu devrais vraiment t’fier à ton instinct et à tes impressions. Jusqu’à maintenant j’ai pas trop le feeling que ça ait un jour joué en ta faveur. » Lança-t-il. Woody n’avait qu’un cœur de pierre mais il n’allait tout de même pas se réjouir de la mort des autres. Surtout pas de ceux qu’il avait un jour aimés. Peut-être était-il un peu moins un monstre que ce qu’il croyait, rien que pour ça. Brooke lui avoua à son tour l’avoir aimé aussi, expliquant davantage de sentiment et toutes ses conséquences pour eux. « Ton plan aurait peut-être fonctionné si tu t’y étais tenue. » Façon de lui faire comprendre, à nouveau, que son retour ne le réjouissait guère. À cela, la rouquine répondit qu’elle ne partirait pas, qu’ils avaient besoin de cesser une bonne fois pour toute de se faire du mal, même s’ils se trouvaient dans la même ville. « T’en fais pas, j’ressens aucunement l’obligation de te revoir. » S’il devait se faire à l’idée que Brooke ne partirait pas de Bowen, il allait également devoir apprendre à ne plus se jeter, tête baissée, dans les emmerdes. S’il la recroisait, cette fois, il poursuivrait son chemin, du moins il tenterait de ne pas lui adresser un seul regard. Parce qu’il ne suffisait que de ça, entre eux. Un regard. Un seul regard et ils replongeaient. « J’espère pour toi que tu trouveras c’que t’es revenue chercher ici. Pour que ça en vaille au moins la peine. » Lâcha-t-il avant de tourner les talons et de s’éloigner dans la ruelle, pour de bon cette fois.