#13 - and nothing has to change today (milo)

Les mains moites, Elmo avait tiré la corde pour signaler sa demande d’arrêt, à quelques rues de chez Milo. Il avait fait exprès de sonner trop tôt, de se prévoir quelques arrêts de plus pour marcher, parce qu’il avait l’impression de faire une grosse erreur. Ce n’était même pas ce qu’ils avaient prévu de faire, avec Bella. Ils avaient convenu que ce qui s’était passé entre eux, ils l’emmèneraient dans leur tombe, qu’ils n’en parleraient plus parce qu’ils risquaient trop. Il l’avait au moins avertie avant, alors qu’il avait pris place dans l’autobus. Un simple message texte lui larguant cette bombe de ce qu’il s’apprêtait à faire. Ça ne lui laissait pas vraiment le choix. Il ne mettrait pas de temps à arriver. Elmo sortit alors de l’autobus une fois arrivé à un coin de rue qui lui laisserait quelques minutes de marche pour se préparer mentalement à cette discussion qu’il appréhendait. Il se l’était imaginée à maintes reprises, mais jamais sans savoir si elle se concrétiserait un jour. Il était lâche, Elmo, et son premier réflexe avait été de laisser sombrer dans l’oubli cette nuit-là, même face à Bella. Puis, les jours étaient passés mais les souvenirs, eux, ne disparaissaient pas. Au contraire, ils s’accentuaient dans ses songes, elle prenait toute la place, et Milo aussi, parce qu’Elmo était dans un dilemme du cœur que jamais il n’aurait pensé vivre. Les quelques minutes de marche ne changèrent pas grand-chose, au final, et quand l’Italien se retrouva face à la porte du logement de son ami, il ne savait pas davantage comment amener le sujet, comment lui dévoiler ce secret poison qui le dévorait de l’intérieur. Il cogna à la porte, avec son air d’enterrement qu’on ne lui connaissait généralement pas. Lorsque Milo ouvrit la porte, puisqu’il l’attendait, il esquissa un sourire qui paraissait faux. « Hey, bro’. » La fameuse poignée de main qu’ils se réservaient entre eux, et puis il rentra. Il avait la poitrine tellement serrée qu’il avait l’impression que son être tout entier allait imploser. Milo, il était un peu comme son phare à Bowen. S’il lui fermait la lumière, il se perdrait, il ferait naufrage.

Inquiet par le message que lui avait envoyé son ami dans la journée, tu tournais en bourrique dans ton appartement. Qu’est-ce qu’il avait bien pu lui arriver ? Tu avais passé la journée à la maison, retouchant des photos pour une femme avec qui tu avais un shooting quelques jours avant. Mal aux yeux, tu arrêtas au bout de deux heures et tu te roulais un pétard que tu fumais au coin de la fenêtre du salon. En ce moment, tu étais troublé dans ta vie sentimentale. Il y avait cette fille que tu venais de rencontré, Jude. Belle, gentille, avec qui tu avais passé une soirée hors du commun pour une première rencontre. Elle t’empêchait de penser à ton ex. Bella. D’ailleurs, tu la gardais toujours dans un coin de ta tête, comme si tu ne pouvais pas t’empêcher de te dire que tu avais fais une connerie en la quittant lâchement. La drogue avait prit le pas sur ta vie, pensant que c’était le meilleur moyen de vivre. Mais non. Depuis peu, tu réalisais qu’il fallait que tu te calmes. De un : pour ne pas inquiéter tes proches. Et de deux : pour que tu puisses retrouver une vie normale. Il n’était pas question de cure de désintox, ni de centre d’aide. Tu voulais t’en sortir seul, comme un grand. Après tout, tu avais réussi à tomber seul dedans. Alors tu pouvais en sortir seul. Scrutant l’horizon par la fenêtre, tu fus surpris à l’entente des quelques coups sur la porte d’entrée. Tu calais ton joint entre tes lèvres pour aller ouvrir et tu souris à ton ami Elmo, lorsque tu ouvrais la porte. « Salut, bro » répondis-tu avec un sourire avant de lui serrer la main. Une fois à l’intérieur, tu pris soin de fermer la porte et de retourner vers la fenêtre pour finir ton pétard. Tu fis signe à l’italien de te suivre. « Tu veux un truc à boire ? » demandas-tu au jeune homme en rallumant le cylindre coincé entre tes lèvres. Laissant échapper la fumée, tu portais un regard sur lui. Tu voyais qu’il n’était pas dans son assiette. Mais sans savoir pourquoi. « Qu’est-ce qui t’arrives, Mo ? Y’a un truc qui va pas ? » demandas-tu simplement en arquant un sourcil.

Il était normalement agité, Elmo, ses sens le portant par-ci, par-là, il avait besoin de tout voir et de tout toucher, tout le temps. Mais là, il avait replongé ses mains dans les poches de son short rouge bourgogne, fuyant Milo du regard. Il était entré dans l’appartement, avant tendu le bras pour refermer la porte mais son ami le devança. Il la laissa donc lâchement retomber le long de son corps trop grand pour la place qu’il aurait voulu prendre, là, présentement. Il aurait même voulu disparaître, maintenant qu’il se trouvait face au guitariste. Il le suivit jusqu’au salon, au coin de la fenêtre, et pointa le joint de son doigt alors que Milo lui proposait à boire. « Non mais j’te prendrais bien un peu de ça. » Question de paralyser ce stress qui l’envahissait. S’il avait un peu de brouillard dans la tête, peut-être que les mots couleraient plus facilement et qu’il ne se dégonflerait pas au dernier moment. « Quoique j’te prendrais peut-être bien une bière, aussi, en fait. » Tous les moyens pouvaient être bons, alors ça ne pouvait pas être mauvais de tous les réunir. Il suivit Milo jusqu’à la cuisine pour se servir une bouteille froide, qu’il porta à ses lèvres dès qu’elle fut ouverte. « Merci. » Ils retournèrent à la fenêtre, pour qu’ils puissent terminer ce joint à deux. C’est à ce moment que son pote lui demanda ce qu’il lui arrivait. Bien sûr, ça crevait les yeux qu’Elmo n’était pas dans son assiette. Il était souvent nerveux, que ce soit avant leurs spectacles ou pour n’importe quelle connerie mais là, ça dépassait le normal. « Ouais, disons que … Que c’est plutôt un truc que j’ai fait, qui va pas … Et du coup j’vais pas non plus, à cause de ça … » Il soupira, ferma les yeux un moment avant de les rouvrir. « Je le sais que je te l’ai dit par sms, déjà, mais j’le redis de vive voix pour que tu comprennes bien : t’es comme un frère pour moi, Milo, et j’voudrais jamais qu’il y ait quoi que ce soit, ou qui que ce soit, qui se mette entre nous. J’tiens trop à toi. » Il posa sa bouteille contre sa cuisse. « Mais j’ai merdé et maintenant j’sais plus si c’est possible … »  

Elmo venait d’entrer dans ton appartement vide. Tes colocataires étaient surement chacun à leur boulot respectifs, et ainsi vous n’étiez pas dérangé. Tu voyais très bien qu’il n’allait pas bien, l’italien. Mais toujours sans réponse, tu attendrais qu’il lâche enfin ce qu’il voulait te dire déjà par sms un peu plus tôt. Lorsque tu lui proposais à boire, il te répondit préférer ton pétard que tu avais entre tes lèvres. « Pas de soucis » dis-tu au brun avec un sourire. Puis il te demanda une bière. « Autre chose, monsieur l’indécis ? » demandas-tu en riant et en allant vers la cuisine. Tu attrapais deux bouteilles que tu décapsulais dans la seconde qui suivait. Puis, en la tendant à Elmo, tu pouvais constater qu’il la portait automatiquement à ses lèvres. Il te remercia et tu lui adressais un clin d’oeil. Une fois retourné vers la fenêtre, tu tendais le joint à Elmo tandis que tu portais la bière finalement à tes lèvres. Il semblait vouloir se livrer, à propos d’une chose qu’il avait fait. Les sourcils froncés, tu essayais de chercher de quoi il pouvait bien s’agir. Mais tu n’étais pas prêt pour cette annonce qui n’allait pas tarder à arriver. « Parles, j’t’en prie » dis-tu simplement en portant une deuxième fois la bouteille à ta bouche. Tu étais inquiet, parce son débit de parole aussi intense et aussi rapide. Mais ses mots étaient tout aussi inquiétant. Il te considérait comme son frère et toi aussi, de ton côté c’était la même chose. Depuis ta rencontre avec l’italien, tu le considérais comme le petit frère que tu n’avais jamais eu. Et vous formiez un beau duo, tous les deux. « Moi aussi, Mo. Tu sais que t’es comme mon petit frère. Et rien ne se mettra entre nous, tu le sais. Tu m’inquiète vraiment là » dis-tu les sourcils froncés. Tu récupérais le joint pour pendre une grande inspiration. « Qu’est-ce qui t’inquiète tant que ça ? » demandas-tu en recrachant ta fumée à travers la fenêtre.

Un rire gêné, confus, s’échappa d’entre les lèvres d’Elmo, alors que Milo relevait son indécision. Il se gratta nerveusement le derrière de la nuque, la tête légèrement inclinée. Son sourire resta un moment sur son visage, comme figé, comme s’il en avait trop forcé la mécanique désormais brisée. « Non, pour le moment, ça devrait me suffire. » Il rit, avant de suivre Milo jusqu’à la cuisine pour qu’ils se procurent lesdites bières. Le guitariste les décapsula pour eux deux et, dès que la bouteille fut entre ses mains, il la porta machinalement jusqu’à ses lèvres. Quelques gorgées de courage. Les deux hommes retournèrent à la fenêtre pour s’échanger un après l’autre ce joint. Elmo relâcha la fumée vers l’extérieur, profitant de ce court moment d’accalmie. Cette quiétude n’était toutefois qu’extérieure, parce qu’à l’intérieur de lui, l’angoisse était reine. Ça se traduisait dans le ton de sa voix, dans la vitesse avec laquelle il débitait toutes ses excuses préliminaires à la révélation. Peut-être que s’il faisait comprendre à Milo à quel point il comptait pour lui, il verrait un peu moins la trahison dans le geste. Ou peut-être venait-il justement d’aggraver la situation. « J’espère que tu penseras toujours ce que tu viens de dire après ce que moi, je vais te dire. » L’italien inspira profondément et puis, quand Milo le pressa de se confier sur ce qui l’inquiétait, il se lança. Il n’avait pas eu le temps d’avoir l’esprit engourdi, ni par l’alcool ni par le cannabis, mais tant pis. Ce serait pour après. « L’autre soir, t’sais, j’sais pas si tu te souviens, y’avait une fête chez moi, avec la fac. La semaine derrière. » Bien sûr qu’il s’en souvenait, Elmo avait raté la pratique du band, la veille de la soirée, pour tout préparer. « J’ai pas mal bu, encore, et Bella était là aussi et elle avait pas mal bu aussi et … » Il releva les yeux vers Milo dont le regard semblait avoir changé, basculé vers un tout autre état. Il devait avoir compris où il voulait en venir, Elmo. « On a couché ensemble. » Puis il s’empressa d’ajouter, paniqué : « Je sais que c’est ton ex, Milo, je sais vraiment pas ce qui m’a pris, j’étais … wouh, complètement out, je suis pas fier, j’te jure je m’en veux tellement. » S’il pensait que de tout avouer à Milo aurait pour effet d’alléger sa conscience, c’était tout le contraire.  

Il semblait être nerveux, l’italien. Comme s’il avait quelque chose à t’annoncer et qu’il n’osait pas encore te le dire, gardant encore quelques instants de distance avant de te balancer la vérité au visage. Tu ne t’attendais pas à la nouvelle, mais vous n’y étais pas encore. « Si tu veux quoi que ce soit, dis le moi » dis-tu à ton ami avant de porter la bouteille de bière à tes lèvres. Tu lui proposas alors d’un geste le pétard que tu avais dans les mains pour qu’il puisse lui aussi s’enfumer de cette drogue douce qui faisait ton quotidien plus que celui d’Elmo. Tu n’étais pas le plus bel exemple de réussite, mais tu ne voulais pas qu’il finisse comme toi, dans ton monde perdu comme tu l’était. Mais tu étais tourmenté par ce que te disais Mo, par ses dires qui étaient légèrement déroutant. En prenant le pétard entre ses mains, tu fronçais les sourcils te demandant ce qui pourrait vraiment mettre en doute votre amitié. « Mais qu’est-ce que tu racontes bon sang » demandas-tu avant de prendre une grande inspiration sur le joint. Tu soufflais la fumée à travers la fenêtre tout en hochant la tête à chaque phrase du jeune brun. Mais c’est là que tout ton monde s’écroulait. Bella… Elmo… Comment avait-il pu ? Ok, tu ressentais parfaitement cette effet lorsque Niels t’avait provoqué parce que tu avais couché avec sa copine pendant une de leurs séparation. Mais là, c’était la même chose. Sauf qu’il te l’avouait. En pleine face. Et tu ne savais pas comment réagir. « C’est plus ma copine, j’ai rien à dire » dis-tu d’un ton froid, et même glacial. Tu avais beau avoir quitté la costaricaine, tu ressentais encore quelque chose au fond de toi, ce quelque chose qui se demandait de temps à autre quelle était la connerie que tu avais faites en la laissant, en l’empêchant de t’aider avec la drogue. « Vous… vous êtes ensemble ? » demandas-tu à Elmo en prenant ta bière pour la caler entre tes lèvres. Tu n’avais pas envie de la laisser filer, mais pourtant elle n’était plus tienne à présent, elle appartenait à quelqu’un d’autre surement. Après le cul-sec de cette bouteille, tu la posais et tu te dirigeais vers le salon, la tête entre tes mains. A vrai dire, tu n’avais aucune réaction à avoir. Tu ne pouvais rien y faire. Tu n’avais le droit de rien dire. Attrapant un verre dans le meuble de la cuisine et la bouteille de whisky près du frigo, tu te servais un verre en regardant l’italien toujours à la fenêtre, gêné par ce qu’il venait d’avouer.

Elmo n’aurait sans doute même plus le courage de lui demander quoi que ce soit, à Milo, après ce qu’il s’apprêtait à lui révéler. Ni une bière, ni un pardon. Il avait l’air grave, l’italien, parce qu’il avait réellement l’impression qu’il était en train de se tirer dans le pied, d’autodétruire cette relation qui était un pilier dans sa vie. « Merci. » Avait donc répondu l’étudiant en repassant au salon, buvant sa bière et fumant son joint pour gagner du temps. Mais attendre l’effet du cannabis serait trop long, il ne pouvait faire attendre Milo plus longtemps. De toute façon, son propre cœur allait exploser de stress bien avant. Alors il se lança, Elmo, aveuglément, espérant juste qu’ils pourraient encore s’accrocher aux restes de leur amitié après ça. Le ton froid de Milo lui affirma que Bella n’était plus sa copine, et qu’il n’avait donc rien à dire là-dessus. Elmo fronça les sourcils sous la surprise d’une réaction aussi ambiguë. « Oh, come on, Milo. Ne me fais pas ça à moi. J’sais que j’ai merdé, j’aurais jamais dû coucher avec ton ex, ça se fait pas et j’ai été con, once again. Ça t’dérange et je le vois bien. Alors engueule-moi, frappe-moi, mais j’veux pas de cette indifférence glaciale … dis-moi ce que t’en penses, vraiment. » Mais voulait-il réellement le savoir, Elmo ? Il aurait dû en rester là, accepter ce froid qui ne serait peut-être qu’éphémère s’il ne retournait plus jamais dans les bras de Bella. À la place, il enfonça encore plus le couteau, demandant à ce que ça saigne. Le guitariste lui demanda finalement s’ils étaient ensemble, en se dirigeant vers son bar et son whisky, après avoir calé sa bière. « Non, bro’, je me serais pas mis avec elle sans t’en parler. J’sais que ça veut plus rien dire maintenant, mais j’te promets que j’suis pas allé plus loin que ça. » En quelque sorte. Parce que son échange avec Bella, au café où ils avaient révisé, laissait entendre bien plus que ce qu’il était en train de révéler à Milo. Mais à la base, Elmo avait prévu ne rien dire à son ami, c’était même ce qu’ils avaient prévu, avec Bella. Mais ça, c’était avant qu’il ne réalise à quel point il tenait à la costaricaine. Et ce n’était pas juste pour Milo d’être gardé dans le noir alors qu’un de ses meilleurs amis était en train de tomber pour son ex. Malheureusement, à en voir la réaction de celui qu’il considérait comme un frère, il réalisait bien vite que sentiments ou non, il ne pouvait s’autoriser à aller plus loin avec Bella. Au moins, il en avait maintenant le cœur net, malgré ce que disait Milo. Ses mots ne signifiaient rien, comparativement à son ton de voix, à son air refermé et à cette distance désormais trop prononcée entre eux.  

Alors que l’italien et toi-même étiez servi, vous vous dirigiez vers la fenêtre pour profiter de ce pétard ensemble. Mais ce que le jeune étudiant avait à te dire, te faisait l’effet d’un coup de massue. Il avait couché avec Bella, ton ex, celle pour qui tu as encore secrètement des sentiments. Celle qui a fait vibrer ton coeur a un moment dans ta vie où tu pensais avoir touché le fond. C’était comme si on te plantait un couteau dans le coeur, mais ça Elmo, le savait parce qu’il le voyait à ton visage. Tu avais bu d’une traite ta bière et tu t’étais dirigée vers la cuisine pour te servir un verre de whisky. Tu pris une gorgée de ce verre et tu plantais ton regard dans celui du jeune homme une fois qu’il est terminé de parler. « Tu veux que je te dise quoi Elmo ? Que j’suis énervé ? Que j’ai envie de tout cassé ? Ca changera quoi, hein ? Le mal est fait non ? » dis-tu sèchement en balayant ta main en l’air pour montrer ton mécontentement. Mais tu avais quitté Bella, c’était ta faute si elle était célibataire de nouveau. Tu t’en mordais les doigts, même s’il y avait une autre fille qui occupait tes pensées. Ton coeur était entrain de basculer entre deux femmes qui étaient toutes deux si différente, mais ça tu n’en avais parlé à personne mis à part à l’un de tes meilleurs amis, Luka. « Mais j’ai rien à dire. J’ai brisé son coeur, je l’ai quitté » dis-tu faiblement en regardant ton verre et en tournant le liquide dans ce dernier. C’est vrai, tu ne pouvais que te blâmer toi-même. Et certainement pas Elmo. Mais ça te faisais l’effet d’une haute trahison, quand même. Qu’allait-il advenir de la suite ? S’ils se mettaient réellement ensemble, tu ne pourrais rien dire, tu ne voudrais pas gâcher leur histoire. Et jamais tu ne pourrais te permettre de les perdre chacun de leur côté. « T’es mon frère, Mo, et ça ça changera jamais » commenças-tu en relevant les yeux vers le brun. « Mais on fait pas ça entre frères » dis-tu en le pointant du doigt nonchalamment. « J’ai… j’ai juste besoin de temps pour assimiler cette information, j’pense que tu peux comprendre, non ? » finis-tu par dire en reprenant ton verre entre tes mains pour en boire quelques gorgées, comme si l’alcool allait t’aider à mieux encaisser la nouvelle.

Le mal était fait, certes, mais Elmo avait l’impression que si lui ne recevait pas une partie de ce mal, alors ils ne pourraient jamais passer à autre chose. C’était con, il le savait, mais il avait besoin que Milo déverse sa colère sur lui, par tous les moyens nécessaires. Qu’il le frappe, qu’il l’insulte, qu’il engueule, peu importe, mais il avait besoin de ressentir toute sa souffrance le marteler de coups. Ce silence, cette distance et cette indifférence masquée, c’était pire que tout. Le regard de Milo planté dans le sien lui glaçait certes le sang, mais ce n’était pas encore assez. Il s’en voulait tellement, Elmo, qu’il avait besoin de cette torture. « Ça changerait quelque chose parce que je le mérite, Milo ! » Dit-il, sachant fort bien que d’eux deux, c’était Milo qui avait la réaction la plus mature, la plus raisonnée. Ce n’était pas une grande surprise, Elmo n’était pas reconnu pour ses décisions judicieuses. Il était impulsif et jeune d’esprit. « C’est pas parce que tu l’as quittée que ça me donnait le droit d’être avec elle. Alors ouais, t’as quelque chose à dire, Milo. Alors t’en empêche pas et dis-le. » Le liquide que Milo faisait tourner dans le verre qu’il avait entre ses mains, Elmo en aurait bien pris lui aussi. Mais il n’était quand même pas con au point d’oser lui demander quoi que ce soit d’autre. Le guitariste releva finalement le regard vers le batteur, pour lui dire qu’il était son frère et que ça, ça ne changerait jamais. Elmo fronças et haussas les sourcils à la fois, mélange d’incompréhension parce qu’il était à la fois surpris et touché de l’entendre dire ça. Mais, évidemment, la suite ne l’épargna pas. Milo le pointa du doigt en lui reprochant d’avoir fait ça, parce qu’entre frères, ça ne se faisait pas. « Je sais. » Souffla Elmo en fermant les yeux un moment. Lorsqu’il les rouvrit, Milo était en train de boire son whisky, lui demandant un peu de temps pour assimiler l’information. « Bien sûr. Je comprends, Milo, absolument … » Et pourtant il restait planté là, Elmo, à regarder son ami boire sa flagrante peine. « Dis-moi juste ce que je peux faire, en attendant, pour me rattraper … » Il se sentirait incapable de partir d’ici en laissant Milo dans cet état, mais sans doute n’aurait-il pas le choix.  

Tu étais en colère, comme jamais tu ne l’avais été. Ca bouillonnait dans ta tête et tu étais prêt à retourner l’appartement. Le garçon que tu considères comme ton petit frère, celui avec qui tu adores faire de la musique, celui avec qui tu t’éclates toujours… il avait couché avec ton ex. Dans ta tête, tu avais des images d’eux-deux comme si tu les voyais pendant l’acte. Chassant tes idées noires, tu tapais du poing sur la table. Tes yeux avides de toute énergie se tournèrent vers l’italien. « Arrête de dire ça, bordel » répondis-tu les dents serrées. Tu n’avais pas envie de faire quoi que ce soit à son égard, même qu’il te voit dans un état des plus déplorable. Alors tu te retenais, tu te retenais de faire quoi que ce soit. « T’as couché avec mon ex, Mo. La première et la seule fille dont je suis tombé amoureux. Je… j’te déteste pas. Mais j’ai envie de caler mon poing dans ta gueule » dis-tu simplement en essayant de te calmer. Jamais tu ne lèverais la main sur lui, parce que tu n’oserais pas. Mais le dire faisait déjà plus de bien. Tu gardais ton doigt pointé vers lui avant de prendre ton verre en main pour boire. Tes yeux commençaient à rougir à cause du pétard et de l’alcool que tu étais entrain d’ingérer un peu trop rapidement. Tu ouvrais le tiroir, caché à Elmo et tu trouvais quelques pilules que tu avais toujours gardé, que tu cachais aux filles de l’appartement et que vous partagiez avec Azriel. Tu fermais rapidement le tiroir pour reporter ton regard sur ton ami, celui qui venait de t’asséner un couteau dans la poitrine et qui le remuait petit à petit. « Sors de chez moi » dis-tu le regard rempli de haine, comparé à quelques minutes plus tôt. Les larmes te montaient aux yeux, tu étais totalement entrain de craquer. Tes mains tremblaient, d’énervement mais aussi de manque. Tu n’avais pas pris rien prit, mis à part fumer quelques pétards, depuis presque trois jours et tu ressentais le manque. « Avant que j’fasse quelque chose que je regrette » ajoutas-tu en serrant les dents. Tu finissais ton verre d’une traite que tu reposais violemment sur le plan de travail de la cuisine. Ton cerveau était entrain de disjoncter. Et c’était pas beau à voir.

Pris de court, pris par surprise, Elmo sursauta quand Milo frappa la tape d’un coup de poing. Il resta immobile, complètement figé presque de peur, regardant son ami se dérober face à lui. Il ne l’avait jamais vu habité d’autant de violence et de colère, et de savoir que c’était sa propre bêtise qui causait ce volcan en lui, ça le dégoûtait de lui-même. Il aurait voulu s’enfuir par la fenêtre, Elmo, c’aurait été plus simple que de rester-là à encaisser le silence. Malgré ça, il reprit, essayant de convaincre Milo que sa colère n’allait pas contre la table mais contre lui, que c’était lui qu’il devrait frapper et déverser sa haine. Il en avait besoin, pour ne pas se sentir autant coupable, même si ça n’y changerait probablement rien du tout. Quand Milo lui dit qu’il ne le détestait pas, mais qu’il avait envie de caler son poing dans sa gueule, Elmo avança vers lui, insouciant, à sa merci. « Alors fais-le ! » Dit-il en se désignant lui-même. « Fais-le, Milo, t’retiens surtout pas ! » Et pourtant, malgré son invitation formelle, Milo préféra lui tourner le dos et fouiller dans un tiroir. Elmo fronça les sourcils, tentant de voir ce qu’il foutait, mais n’arriva pas à capter ce qui se passa. Il n’en sortit pas un fusil à lui pointer dessus, c’était déjà ça. Quand l’italien demanda ce qu’il pouvait faire pour se rattraper, ce que Milo lui demanda, c’était la dernière chose qu’il aurait voulu entendre. Sors de chez moi, craché avec haine et froideur. Elmo déglutit, le regardant avec une telle tristesse dans les yeux. « Don’t push me away … S’il-te-plaît, Milo, j’ai pas envie de te laisser comme ça … » Mais Milo reprit, lui disant qu’il devait partir avant qu’il ne fasse quelque chose qu’il regretterait. Il termina son verre d’un trait, le posant violemment sur le comptoir de la cuisine. « J’m’en voudrais de partir et qu’tu fasses une connerie, Milo. Et j’m’en veux déjà tellement pour ce que je t’ai fait. » Il ne comprenait pas le message, Elmo, ou plutôt il ne voulait pas le comprendre.

Le bruit de ton poing sur la table avait résonné dans la pièce. Heureusement que personne n'était là, parce que sinon, ça en aurait fait peur à plus d'un. Ton regard avait changé, et tu ne te contrôlais plus. Animé par la haine, et la tristesse, tu jonglais avec tes sentiments qui se bousculaient dans ta tête. « Arrête de dire ça, j't'ai dis ! » dis-tu en haussant la voix. Tu ne voulais pas, au fond, lui foutre ton poing dans la gueule. Ca avancerait à quoi, finalement, hein ? Ca ne ferait pas avancer les choses, et puis c'était du passé. Mais tu tournais le dos quelques instants à Elmo, fouillant les tiroirs pour trouver tes provisions. Heureusement, Azriel avait acheté quelques trucs un peu plus tôt, alors tu trouvais facilement ton bonheur. Mais tu n'allais rien prendre devant l'italien, de peur qu'il te juge ou même qu'il t'arrête en plein élan. Tu gardais ça pour après. Voilà que tu lui avais demandé de sortir de chez toi, pour ne pas faire une chose que tu regretterais toute ta vie. Elmo est ton frère, comme ta famille, et tu t'en voudrais à tout jamais de lever la main sur lui. C'est là que tu te mis à craquer, les larmes qui se formaient au bord de tes yeux commençaient silencieusement à tomber sur tes joues, traçant leur chemin sur ton visage. « Elmo, j't'en supplie, pars » dis-tu alors que ta voix venait de se briser. Tes poings étaient serrés sur la table, comme si tu essayais de canaliser ta colère et de ne pas faire de connerie. « Je... qu'est-ce que tu veux que je fasse comme connerie, hein ? J'ai déjà touché le fond, j'peux pas faire pire » dis-tu simplement en balayant tes larmes de ta main droite. Tu plongeais ton regard dans celui de l'étudiant et tu te pinçais la lèvre inférieure. « Rentres chez toi, arrêtes de penser à tout ça, j'pense que tu l'as assez fait jusqu'à maintenant » dis-tu simplement en désignant la porte du doigt. « Et arrête de t'inquiéter pour moi » finis-tu par dire en laissant ton bras retomber le long de ton corps. Tu avais besoin d'être seul avec toi-même pour réfléchir, pour remettre toutes tes idées en place.

Elmo se tut, enfin, cessant de réclamer cette punition qui ne l’aurait de toute façon même pas libéré de toute cette culpabilité. Il voulait juste le retour du boomerang, que ça le frappe en plein visage parce que c’est ce qu’il méritait. Et bien plus encore. Mais Milo ne lui ferait pas ce plaisir, Milo avait trop de maturité en lui pour se laisser avoir par les provocations d’Elmo. Alors ce dernier baissa les bras, mais s’il n’y avait plus rien à dire et plus aucun coup à lancer, alors que leur restait-il ? « Fine. » Avait lancé l’italien, avant de soupirer et de fixer son ami, incapable de trouver quoi que ce soit d’autre à faire ou à dire. Il risquait de se mettre davantage les pieds dans les plats, de toute façon. Il ne pouvait tout de même pas en rajouter en disant à Milo que ce qu’il s’était passé avec Bella impliquait davantage que le sexe. À en voir sa réaction actuelle, il n’était pas prêt à encaisser une telle annonce, un tel choc. Il valait mieux lui laisser croire que ce n’était qu’une erreur due à une exagération d’alcool. C’était plus plausible pour Elmo, ça. Bien plus plausible que de lui apprendre qu’il avait peut-être des sentiments pour son ex petite amie. De toutes les filles qui avaient pu croiser la route de l’italien, pourquoi ce serait elle ? Le regard toujours rivé sur Milo, Elmo attendit, immobile, jusqu’à ce que son ami bouge encore vers la cuisine en lui demandant de partir. Le brun refusa immédiatement, sachant fort bien l’état de vulnérabilité dans lequel se trouvait son ami. « On sait très bien, autant toi que moi, que bien pire encore pourrait arriver. » La preuve, il était encore là, debout face à lui. Ce qui ne serait peut-être plus le cas s’il se perdait dans le whisky et dieu sait quelle autre merde. « Tu peux pas me demander d’arrêter d’y penser et d’arrêter d’m’inquiéter pour toi, Milo. Tu sais bien que ça n’arrivera pas. » Il soupira à nouveau. « Mais si tu veux que je parte, j’vais partir. Avant, j’veux juste que tu saches que Bella, elle est toute à toi, je veux pas te faire davantage de mal alors … » Il haussa les épaules, lâchement. « Je m’excuse encore, et ça ne se reproduira pas. » Son cœur se serra à ces paroles, sentant des pièces de souvenirs, des morceaux de lui-même, s’envoler avec ses mots.

C'était une sensation très étrange. Partagé entre la haine et l'amitié, tu ne savais que penser. Et en plus de ça, il y avait comme des voix dans ta tête qui te parlait et qui te disait quoi faire. Frapper du poing sur la table, parler violemment. D'habitude, ça ne te ressemblait pas de faire ça. Mais tu étais en manque, parce que tu n'avais rien consommé depuis un petit moment. Comme si c'était naturel, un besoin vital à ta survie. Ces voix, c'était des sombres démons qui t'anéantissaient et qui te menaient vers un chemin beaucoup trop sombre sans que tu t'en rendes compte. Elmo le savait, il en était conscient. Et il savait surement que c'était ton manque qui parlait, pas toi-même. Même si tu t'étais senti trahi par ses paroles qui t'avaient blessés énormément, tu n'aurais pas réagi comme ça si tu n'avais pas été dans cet état de base. Alors tu levais les yeux vers ton amis, des yeux perdus, vide de toute énergie, vide de ton âme qu'on ne voyait même pas à travers ces derniers. Tu lui demandas une dernière fois d'arrêter de dire qu'il méritait que tu lèvres la main sur lui parce que c'était la dernière chose que tu voulais faire. Il s'inquiétait, encore et toujours. Il faisait bien de le faire, mais tu lui demandas d'arrêter, pour ne pas avoir un problème de plus à gérer. « Arrête de tout dramatiser, c'est bon là » dis-tu simplement en balayant ta main dans les airs pour montrer ton avis contraire au sien. Si, il avait raison, et au fond, perdu en toi, tu savais qu'il faisait bien. Le verre en face de toi était vide, tu te servais une deuxième fois comme si c'était la solution pour encaisser les dires de l'italien. « Tu perds ton temps à t'inquiéter pour moi » répondis-tu à voix basse. Bella est tout à toi, c'était vrai mais à la fois faux. Si tu l'avais quitté c'était pas pour qu'elle reste à toi. Et tu l'avais fais, l'acte irréparable. Maintenant tu ne voulais pas revenir en arrière, c'était ainsi. « Elle n'est plus à moi, Mo. Maintenant, rentres chez toi. Et oublie ce qu'il vient de se passer » répondis-tu au jeune homme avec la gorge serré. Tu comptais oublier, de ton côté. Faire autre chose pour ne pas penser à cette nouvelle accablante qui t'avait brisé le coeur.

FIN DU SUJET.