i've tried to cut these corners, tried to take the easy way out (noah)

L’anniversaire d’Ella n’était que dans un mois et un jour et pourtant, t’avais aujourd’hui décidé que c’était une journée pour elle, pendant que toi tu vivais une journée entre gars avec Noah. Elle était en congé et tu lui avais proposé de se faire plaisir, en allant au spa ou en allant magasiner, peu importe ce qu’elle décidait au fond. Pendant ce temps, tu emmènerais son fils faire de l’escalade. C’était congé à son lycée alors que l’école de Miro et Lowanna, elle, était ouverte. Tes enfants étaient donc entre les mains de leurs professeurs jusqu’à la fin de l’après-midi, alors t’avais pas à te soucier de tes deux ouragans. T’avais proposé à Noah de faire de l’escalade, parce que t’avais envie de lui partager cette grande passion que t’avais pour ce sport. Ella avait semblé un peu dubitative quand tu lui avais parlé de l’activité en question, mais comme Noah avait de lui-même insisté, elle vous avait laissé partir. T’avais donc conduit mini-Grimes jusqu’à un centre d’escalade génial dans la ville, avec des murs autant à l’intérieur et à l’extérieur et qui, surtout, avec des prises et des parcours des plus challengeants, allant de débutant au plus extrême. Même pour toi qui était pourtant un grand habitué, c’était un grand terrain de jeu où tu te faisais parfois coincer. « Vous en avez, des murs d’escalade, à ton lycée ? » Avais-tu demandé à Noah en refermant la porte de la voiture tout en te dirigeant vers l’entrée du centre. C’était aussi pour juger de son niveau d’expérience. Il ne t’avait pas vraiment dit s’il en avait déjà fait ou non, en fait, t’avais toi-même été trop turbulent pour le laisser parler. Quand il était question d’escalade, t’avais tendance à t’emporter. « C’est pas la même chose qu’en pleine nature où j’ai appris, mais c’est plus facile que d’avoir à inventer tes propres prises avec ce que tu trouves. » Tu lui ouvris la porte, le laissa rentrer, et te dirigeas vers le comptoir pour payer vos deux entrées et récupérer l’équipement.

Tu entendis bien quand Noah te dit qu’il n’avait jamais essayé l’escalade, pas même le mur qu’il avait à son école. Tu hochas la tête. « Y’a une première fois à tout ! Tu sauras si t’aimes ou pas, qui sait, p’t’être que tu décideras de t’inscrire à l’escalade à ton lycée, après. » Tu souris, jetant un regard à Noah. T’aurais aimé qu’il aime ça autant que toi, tu n’aurais pas vraiment su expliquer pourquoi. Noah n’était pas ton fils, tu avais Miro qui lui déjà appréciait autant que toi tous ces sports auxquels tu t’adonnais. Lowanna aussi, d’ailleurs, n’hésitait pas à vous suivre lorsque vous partiez dans ces aventures, la preuve que les sports du genre étaient autant pour les femmes. T’étais d’ailleurs très fier de voir ta fille se surpasser là-dedans, s’améliorant à chaque fois. Pour ce qui était de Noah, même si tu ne t’expliquais pas totalement ce besoin d’avoir des points communs avec lui et de t’en rapprocher, tu te doutais que ça venait du fait que tu le connaissais depuis plusieurs années, maintenant. Six ans, pour être précis. Tu l’avais vu grandir, t’avais fait un tas d’activités avec sa mère et lui au fil du temps. T’avais un peu l’impression d’avoir été une figure paternelle pour lui alors que sa mère était mère monoparentale. Évidemment, tu ne t’autoriserais jamais à dire ça à voix haute, tu te contentais de le penser et d’essayer d’être là pour lui sans trop en faire. Tu ne remplacerais jamais son père, même alors qu’il ne le connaissait même pas. Bref, tu sortis de la voiture en même temps que Noah alors que vous arriviez au centre. Au comptoir, après avoir payé vos deux droits d’entrée, l’employé pris le temps d’expliquer à Noah tout le matériel et le fonctionnement, après que tu lui ais mentionné que c’était la première fois du jeune homme. À la requête de l’adolescent, tu hochas la tête. « Ouais, bien sûr. Ça va te montrer qu’t’es capable aussi, si un vieux de près de quarante ans y arrive. » Tu ris. Bien sûr, t’étais loin de ne pas être en forme malgré ton âge et comme c’était ton sport de prédilection, ça ne voulait rien dire pour Noah, que tu sois capable ou non. Mais t’avais confiance qu’il gérerait aussi et, de toute façon, il n’avait qu’à choisir un parcours plus facile. Tu t’équipas un peu par toi-même malgré les tentatives d’aide de l’employé, avant de te lancer dans ta montée. Tes muscles se contractaient à chaque fois que tu te hissais un peu plus vers le haut. On te découvrait une flexibilité bien cachée quand t’allais chercher des prises plus loin et plus hautes en écartant les jambes. Puis, après avoir touché le haut du mur, tu descendis en rappel jusqu’à ce que tes pieds retrouvent le tapis moelleux tout en bas. « C’est des années de pratique. C’est normal si ça te prend plus de temps que ça et que tu sais pas toujours où t’agripper. J’vais te guider, t’en fais pas. » Tu retiras ton équipement avant d’aider Noah à l’enfiler à son tour. « Prêt ? » Demandas-tu.

De longues secondes s’écoulèrent avant que Noah ne t’affirme qu’il était prêt, et t’étais pas trop convaincu pour le coup. Tu le regardas fixer le sommet du mur, ses jambes semblaient trembler rien qu’à cette vue et il avait pourtant encore les deux pieds au sol. T’avais tellement l’habitude des hauteurs, de grimper partout, que t’oubliais parfois que ce n’était pas forcément aussi aisé pour tout le monde. Pour toi c’était un terrain de jeux, pour d’autres c’était une peur à surmonter. Visiblement, Noah n’avait jamais essayé le mur d’escalade de son école pour d’autres raisons que par manque de temps ou d’intérêt. « J’te lâche pas. Jamais. Promis. » Tu esquissas un sourire. C’était con, on aurait dit que tout d’un coup tu ne parlais plus que de l’escalade. Tu parlais de sa vie au complet. Ce gamin, il n’était pas le tien et pourtant tu avais toujours eu ce besoin de le sentir guidé dans sa vie. Ella faisait certainement tout ça très bien par elle-même, elle avait éduqué un jeune homme des plus respectables malgré ses quelques écarts de conduite. Tu ne pouvais pas vraiment le juger là-dessus, tu n’étais pas le parfait modèle à suivre. Mais pour lui, et pour tes deux enfants évidemment, t’essayais d’être plus adulte qu’avant. Noah s’installa finalement au bas du mur, prêt à commencer à le monter. Il te jeta un dernier regard et t’en profitas pour lever ta main libre afin de lui offrir un pouce en l’air. Le lycéen agrippa finalement la première prise et débuta l’ascension, se débrouillant vraiment très bien pour quelqu’un qui n’avait jamais fait ça de sa vie. Tu le guidais du mieux que tu pouvais, lui indiquant parfois le chemin le plus simple à prendre lorsque tu le sentais hésitant ou un peu bloqué. Il était sans doute à mi-chemin déjà sur le mur lorsqu’il jeta un regard vers le bas. Tu soupiras. C’était pourtant la première règle à suivre, ne pas regarder en bas. « Ramène tes yeux vers le mur, Noah ! Regarde en haut, garde ton objectif en tête ! » Les vertiges partiraient mieux s’il arrêtait de fixer sous lui, effectivement. Il ne t’avait même pas encore fait part de son angoisse que tu avais déjà deviné qu’il était complètement paralysé de peur. Ce n’était pas la première fois que quelqu’un le vivait, et ce ne serait certainement pas le dernier. Tu jetas un œil à l’employé, lui faisant signe que tu gérais pour le moment. C’est à ce moment que Noah te lança qu’il n’arrivait plus à bouger. Tu l’entendais parce que tu prêtais attention. Tu lui prêterais toujours attention, à Noah. « Je sais, Noah. Respire, prend un moment pour te ressaisir. Regarde le mur, regarde les prises en haut de toi, il ne t’en reste pas beaucoup à parcourir avant d’y arriver. Et puis, peu importe la hauteur, moi j’suis là et j’te retiens, peu importe ce qui arrive. Je suis là. T’as rien à craindre. » Dis-tu d’une voix forte et grave pour qu’il t’entende. Certains regards se tournaient vers vous mais tu n’en avais rien à faire.

Malgré ses avertissements, malgré sa demande de le faire descendre, t’avais poussé un peu plus loin. Un peu trop loin. Tu voulais juste qu’il atteigne le sommet, qu’il ait ce sentiment de fierté d’avoir surmonté ses peurs, parce qu’on t’avait appris à toi à repousser sans cesse tes limites et à sortir de ta zone de confort pour en ressortir grandi, plus fort. T’avais décidé d’éduquer tes enfants de la même manière parce que ça avait fait de toi quelqu’un de fonceur. Mais Noah avait raison. T’étais pas son père, à lui. Si tu pouvais te permettre de pousser un peu plus tes propres enfants, Miro et Lowa, tu n’avais aucunement le droit d’agir de la même façon avec Noah. Il voulait redescendre, tu devais le faire redescendre. N’importe qui se serait exécuté sans attendre, mais t’avais pris trop à cœur un rôle qui ne te revenait même pas de toute façon. Alors Noah avait explosé et ses paroles avaient transpercé ta poitrine pour atteindre ton cœur. Tu perdis de ton sourire bienveillant, ton regard perdit son éclat. Tu jetas un regard gêné à l’employé qui surveillait, vous étiez tous les deux mal à l’aise tout d’un coup, mais surtout toi. Tu reportas ton regard vers Noah, encore figé là-haut. De ta voix forte, tu lanças : « Ok ! Tu peux te laisser retomber un peu vers le bas, ton corps un peu plus a l’horizontal, et t’as qu’à marcher à reculons sur le mur en descendant. Je te tiens toujours d’ici. » Lui assuras-tu, parce que même si t’étais blessé, tu savais qu’il avait besoin d’être rassuré au moins sur l’étape finale avant de retrouver contact avec le sol. Quand ce fut le cas et que ton regard croisa enfin celui de Noah, délivré de son équipement par l’employé, tu sentis ton cœur se serrer. Le lycéen avait les larmes aux yeux. Tu serras la mâchoire, retenant l’émotion. « Désolé. J’voulais pas te pousser comme ça. » Avais-tu réussi à finalement lâcher mais déjà, Noah se précipitait vers la sortie, se réfugiant à l’extérieur du centre d’escalade. Tu soupiras, triste, avant de régler la fin de votre activité, de rendre l’équipement et de sortir pour y retrouver Noah. Tu t’approchas de lui d’abord silencieux, le toisant du regard, avant de lâcher : « Je cherchais pas à remplacer qui que ce soit, tu sais. Je cherchais pas à jouer ce rôle. Je sais bien que je ne suis pas ton père. » Tu soupiras discrètement et détournas légèrement le regard, perdant ce dernier vers l’horizon. « Je réalise que j’ai été trop loin et je m’en excuse. Je te raccompagne chez toi maintenant, si tu veux. » T’avais un tas d’autres activités en tête pour le reste de votre journée entre hommes, tu pensais l’amener faire un tour à une expo de motos, aller jouer au basket pour qu’il te batte à plate couture, ou encore aller traîner dans un vieux magasin de vinyles, ce genre de trucs. Mais c’était le genre de choses qu’un père faisait avec son fils, sans doute, et Noah t’avait bien fait comprendre qu’il ne recherchait aucunement une relation du genre, peu importe comment vous désiriez la qualifier.

Tu soupiras légèrement. « Si, c’est grave. J’avais pas le droit d’autant insister. Ce n’était pas correct. » À ta défense, tu ignorais effectivement qu’il avait autant le vertige, parce qu’il ne te l’avait pas dit. Tu ignorais pourquoi, d’ailleurs, mais tu comprenais maintenant un peu la réaction qu’avait eue Ella quand tu lui avais dit que Noah avait accepté de te suivre pour faire de l’escalade. Elle avait semblé tellement surprise. Tu hochas la tête lorsque Noah accepta que tu le raccompagnes. T’aurais préféré que ça ne s’arrête pas là, t’aurais préféré que vous puissiez mener cette journée jusqu’à son terme, tard, bien plus tard. Là, tu ramènerais Noah chez lui alors qu’Ella n’était sans doute même pas revenue de sa journée, elle qui s’attendait sans doute à rentrer dans une maison vide puisque tu lui avais fait part de tous tes plans pour la journée – sauf pour ce qui concernait les motos, parce que tu savais fort bien qu’elle n’aurait pas été en accord avec l’idée. Il y avait de quoi redonner l’envie à Noah de passer son permis et de s’acheter un bolide, et tu la savais assez contre. Elle allait sans doute s’inquiéter de la situation, parler à son fils, et tu te sentais assez triste d’imaginer Noah raconter ce qui s’était passé à sa mère. T’avais le cœur serré rien que d’y penser. Parce que ça vous ferait mal à tous les trois, sans doute. Tu gardas le silence, regardant Noah se lever et s’excuser d’avoir dit ça, affirmant qu’il savait que tu n’avais jamais voulu être son père. Tu fronças légèrement les sourcils, mais ne répondit rien, pour le moment. Tu te dirigeas vers ta voiture, tentant de faire un peu d’ordre dans tes idées. T’avais pas envie de dire un truc déplacé qui ne ferait qu’aggraver la situation. Tu bouclas à ton tour ta ceinture, puis posa tes mains sur le volant. Mais avant de tourner la clé dans le contact, tu te figeas, fixant devant toi avant de lâcher : « Tu sais, y’a rien qui m’aurait fait plus plaisir que de l’être, ton père. » Affirmas-tu avec la plus grande des sincérités. « T’es un homme vraiment bien, Ella est chanceuse de t’avoir. Enfin, elle y est aussi pour quelque chose. » Tu esquissas un sourire, osant jeter un regard à Noah. « J’me compte chanceux d’avoir pu te voir grandir ces six dernières années. Mais t’as raison, j’ai essayé de jouer un rôle qui m’revient pas. Ella et toi, vous vous débrouillez très bien tous les deux. » Il n’avait pas besoin de père, Noah. Il avait une mère exceptionnelle.

Tu pensais que ses paroles sauraient l’apaiser, le réconforter, et surtout lui montrer qu’il n’était pas seul, Noah. Au lieu de ça, il sembla exploser encore plus d’une colère que tu ne comprenais pas totalement. À tes yeux, tes gestes d’aujourd’hui ne justifiaient pas cette injustice dont il faisait preuve à ton égard, toi qui avais juste voulu être là pour lui. Mais tu te recentrais, et tu comprenais que c’était une accumulation de tous ces comportements que t’avais adoptés vis-à-vis de lui, prenant un rôle qui n’était pas le tien. Qui était celui d’un homme qui n’avait pas voulu de lui. C’était surtout ça, qui était injuste, au fond. Que Noah ne puisse pas avoir de père. En l’entendant se dénigrer, tu fronças les sourcils, attristé qu’à un aussi bas âge il puisse avoir une si piètre opinion de sa personne. « Bordel Noah, t’as dix-sept ans. J’pense que personne s’attend à ce que tu saches déjà ce que tu veux faire de ta vie, faut pas te mettre toute cette pression. » Encore une fois, tu lui chantais les mêmes répliques qu’un père le ferait peut-être – ou pas, dépendamment du type de père. Toi, tu ne planifiais pas mettre la barre trop haute pour tes enfants, les empêchant de respirer, de s’épanouir. Après tout, comme tu t’apprêtais à le dire à Noah, t’étais pas mieux que lui. « J’ai trente-sept ans et j’sais même pas ce que je fous actuellement de ma vie, alors, crois-moi, c’est pas ce qui fait de toi une mauvaise personne. » Parce que tu ne jugeais pas être une mauvaise personne, quoi qu’on en dise. Après tes paroles rassurantes, l’adolescent conclut finalement que non, il n’avait pas envie que tu sois son père, tout compte fait, parce que t’avais tes propres enfants qui avaient besoin de toi. « J’ai mes propres enfants ouais mais ça ne leur enlève rien que je me sente proche de toi. » Fis-tu remarquer. Tu ne portais pas moins d’amour à Miro et Lowanna du simple fait que tu en portais aussi à Noah, d’une certaine manière. Mais Noah ne voulut rien entendre, et il déboucla sa ceinture avant de débarquer de l’auto, décidant de rentrer à pieds. Tu fronças les sourcils alors qu’il commençait à marcher. Tu démarras la voiture, déchiré entre l’idée de le laisser effectivement se débrouiller, puisque ses mots t’avaient déjà bien assez blessé pour aujourd’hui, ou bien de le ramener et de ne plus jamais en parler. Tu pensas à Ella, et cette simple pensée t’obligea à commencer à rouler à côté de Noah, le pied à peine déposé sur l’accélérateur, laissant juste la voiture glisser à côté de lui. Tu descendis la fenêtre du côté passager et, la tête penchée vers lui, regardant tout de même la route de temps en temps, tu lanças : « Come on, Noah, tu vis à plus de dix kilomètres ici, il fait une chaleur écrasante, j’te laisserai pas rentrer à pieds. » Il continuait de marcher. « Monte, j’ferme ma gueule et j’fais juste te déposer chez toi. Dans deux minutes, c’est fini. » Finie, cette relation dont il ne voulait pas.