intentions ▽ (Perry)

intentions

C'était la coke qui la faisait tenir en ce moment. Après deux jours d'abstinence, où elle était à peine sortie de chez elle, Effy était retournée travailler. Après ce qui était arrivé à Milo, le fond dans lequel elle se trouvait s'était encore creusé de quelques étages. Elle avait passé ces deux dernières journées et nuits avec ses bouteilles de vodka, ses meilleures amies du moment. Mais il avait bien fallu retourner au bureau, où on ne lui faisait que rarement de commentaires quant à son absentéisme. Ils avaient l'habitude. Et elle faisait son job mieux que personne, sans qu'on sache comment elle tenait encore debout. Par la même occasion, le soir, en quittant les bureaux, Effy était retournée à son poste de fille de joie. Histoire d'encaisser un peu de liquide pour continuer à alimenter sa pharmacie. Elle avait repris une dose de poudre blanche après son travail "classique", en chemin pour se rendre à celui de débauchée, dans cette maison close qui n'avait rien de luxueux. Un client était arrivé, son nom était sorti. Vêtue d'un body en dentelle noir, et de bas résilles comme elle les aimait, elle s'était rendue dans la chambre prévue pour cette rencontre charnelle, son regard d'un bleu intense cerclé de maquillage noir. Avec la même attitude détachée que d'ordinaire, elle avait pénétré dans la pièce, enveloppée d'une longue chemise de satin. Son esprit semblait être ailleurs, hors de ces murs et de l'activité qui allait bientôt se dérouler. Parce qu'elle n'en avait que faire. Elle se moquait de la manière dont ces personnes pouvaient bien utiliser son corps. Il ne valait rien. Tout comme elle. Portée par la cocaïne qui maintenant sa chair en éveil, elle plongea ses iris azur dans ceux de son client. « Bonsoir. » souffla-t-elle simplement.

La vie n’aura pas vraiment appris à Perry à se rendre compte des choses. Il est toujours naïf et ne voit pas les trucs quand ils sont sous son nez. Le représentant d’une des entreprises avec lesquelles il travaille lui avait dit d’un air entendu qu’il avait un petit cadeau pour lui. Pas si entendu que ça puisque Perry n’a aucunement compris ses insinuations, n’imaginant pas qu’on allait lui payer quelqu’un pour la nuit. Naïvement il avait suivi les indications, se rendant à l’adresse prévue et donnant son nom en arrivant. Il a mis un temps à comprendre que l’endroit était bizarre et qu’il ne s’agissait pas d’un simple hôtel. Qui paierait juste une nuit d’hôtel à quelqu’un en même temps ? De toute façon il était trop tard pour partir. Il se trouvait sur un lit, un peu perdu et ne sachant pas trop comment réagir à tout ce qui allait arriver ensuite. Hors de question qu’il couche avec quelqu’un parce que cette personne a été payée. Certes c’est un dragueur et il aime coucher mais ce qui l’intéresse c’est que l’autre personne y prenne aussi du plaisir. Sinon il trouve ça très glauque et ce n’est pas fait pour lui. Il était prêt à envoyer un message à quelqu’un pour qu’on vienne le sauver quand la porte s’ouvrit et qu’une jeune femme apparu peu vêtu. Durant quelques secondes Perry fut perdu puis il reprit ses esprits. « Salut...tu peux garder tes vêtements on va rien faire. » dit-il directement ne voulant pas assister à une scène gênante, même si la situation l’était déjà énormément. A présent il ne savait pas trop quoi faire, pouvait-il partir ou devait-il au moins attendre un moment sans se faire juger par toutes les personnes présentes quand à ses performances ?

L'homme face à elle semblait décontenancé, une lueur d'incompréhension dans le regard, et Effy l'observa sans mot dire, attendant une réaction. Il sembla assembler les pièces d'un puzzle qui était inconnu à la jeune femme, jusqu'à ce qu'il prenne la parole, semblant enfin savoir ce qu'il devait dire. La brune haussa un sourcil, son regard intense vrillé sur lui, analysant son comportement. De ce qu'elle voyait, il semblait seulement comprendre à l'instant ce que payer une pute impliquait. Pas commun, comme réaction. « Alors qu'est-ce que tu fais là ? » souleva la belle brune d'un ton neutre, sans broncher. La question était légitime, et elle ne cherchait pas à comprendre. Certains clients étaient vraiment bizarres. Durant ses séances, elle ne s'attardait guère sur leur psychologie. Elle laissait le temps passer sans y prêter plus d'attention, laissant son corps faire le travail mécaniquement. « J'ai déjà vu passer des types bizarres, mais ça, j'avoue, c'est une première. » commenta-t-elle, sarcastique, une expression ironique passant le temps d'une seconde à peine sur son visage pâle, tandis qu'elle restait plantée là où elle était. Pas que l'explication du jeune homme lui importe vraiment, mais elle voulait surtout savoir si elle allait toucher son dû. L'idée de perdre cette belle petite somme, qu'elle claquerait immédiatement en drogue ou en alcool, n'était pas pour la rassurer.

S’il était moins con il aurait compris avant même d’arriver de quoi il en retournait. Les sous-entendus c’est clairement pas un truc pour lui, on aurait du lui dire : on te paie une prostituée pour la nuit, là il aurait sûrement tilté. En dehors de ça il ne s’est pas méfié et se retrouve assis sur un lit avec une fille à moitié nue devant lui, payée pour accomplir ses désirs. En général il aime bien se retrouver dans une chambre avec quelqu’un pour pratiquer des choses peu catholiques, mais pas quand il s’agit de quelqu’un payé pour ça. « On m’a payé c’truc et...j’m’attendais pas à ça en fait. » Quel petit homme naïf il peut être parfois. Se décalant un peu il lui dit « Tu peux t’asseoir si tu veux. » Il voulait se montrer gentil car il imagine bien que ça ne doit pas être un boulot sympa, il déteste l’idée même de ce travail. Il se dit que ça lui fera peut-être un peu de répits. Pensant qu’elle ne doit pas faire ça pour le plaisir mais pour l’argent qu’il y a derrière, il ajoute. « Tu auras l’argent t’inquiète pas. » De toute façon il n’est pas à ça près, c’est même pas lui qui a payé en plus. Chose qui ne lui arrive pas souvent, Perry est gêné, ne sachant pas vraiment comment faire passer le temps, lui qui est toujours si sociable.

Arborant un masque imperturbable, Effy arqua un sourcil quand le jeune homme tenta de s'expliquer. « Ce truc ? » répéta-t-elle, son expression restant de marbre, indéchiffrable, tandis que le bleu intense de ses iris traversait le jeune homme. Parce que le truc auquel il faisait référence, c'était elle. C'était elle qu'on lui avait payé. Mais cela faisait longtemps que la jolie brune ne se formalisait plus de ce genre de dénominations. Dans cet endroit, elle n'était qu'un objet, il aurait été stupide de vouloir prétendre le contraire. Elle vint donc s'asseoir à côté du brun, quand ce dernier se bougea pour lui proposer une place. Sans que les traits de son visage ne laissent transparaître la moindre émotion. On trouvait facilement mieux qu'Effy pour mettre à l'aise. Avant qu'elle n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche, après un silence de quelques secondes, ce fut l'homme qui mentionna la paie en premier. « C'était ma prochaine question. Tant mieux, j'y comptais bien. » répondit la jeune femme avec une pointe de sarcasme à peine perceptible derrière son ton neutre, comme s'ils échangeaient des banalités. « L'allure de cet endroit ne t'as pas mis la puce à l'oreille ? » reprit-elle, un sourire franchement ironique étirant ses lèvres cette fois. Parce que bon, il s'agissait peut-être d'un malentendu comme il le prétendait, il n'empêche que les lieux étaient assez annonciateurs de ce qui se passait entre ces murs.

Il tenta de se rattraper quand il se rendit compte par la réaction de la jeune femme qu’il avait été maladroit. « Je parlais pas de toi mais du fait de venir ici...fin j’sais pas j’ai du mal avec le truc de payer des gens pour...ça. » Pas sûr que ça soit franchement mieux mais bon. Il avait juste l’impression de marcher sur des œufs. En fait, si ça ne le dérange pas de passer pour un con, un flemmard ou un type immature, Perry n’a pas envie qu’elle ait l’image de lui d’un type qui se paie des prostituées. Elle lui demanda, après s’être assuré qu’elle aurait bien l’argent, s’il n’avait pas trouvé le lieu louche et que ça ne l’avait pas intrigué. S’il avait été plus futé il l’aurait remarqué mais Perry n’est pas un gars futé. « J’viens jamais dans ce genre d’endroits et puis bon….j’suis un peu con quoi. J’pensais pas qu’on payait ce genre de truc à des gens. » Et il avait encore dit truc. Il s’en voulait d’être aussi maladroit dans ses propos, il tenta une fois de plus de se rattraper. « Désolé d’avoir redis truc….mais c’est juste que pour moi c’est pas comme ça que les choses doivent se passer. » C’est pas argent contre sexe, non il déteste cette idée. Il a juste l’impression de raconter sa vie mais il faut bien qu’il passe le temps sinon la situation sera encore plus gênante. « J’peux faire un truc pour que tu passes un bon moment ? Fin un meilleur moment que d’habitude tu vois ? »

Un sourire amusé prit place sur les traits délicats de la brunette, qui s'assit sur le lit à côté de ce client peu commun. Elle posa une main de chaque côté de ses jambes et répondit d'un haussement d'épaules à la justification un peu nerveuse de son interlocuteur. « C'est juste du sexe. » commenta-t-elle d'un ton léger, comme si cette affirmation des plus simples suffisait à tout expliquer et à dissiper tout malaise relié à son deuxième emploi. Parce que de son côté, c'était le cas : un échange, un simple service, elle pouvait bien être de la marchandise, parce que c'était le cas, son corps n'était qu'une chose qu'on payait. Un échange commercial comme un autre, finalement. Effy rit plus franchement à la remarque suivante du jeune homme, soulevant que payer des prostituées à des gens était plutôt étrange. « Compréhensible. » acquiesça-t-elle avec un air aussi compatissant qu'amusé, rencontrant brièvement les iris du garçon. La belle brune semblait bien plus à l'aise que son client, jouant distraitement avec ses bas résilles sans se soucier de rester dans cette tenue aguicheuse, assise à côté d'un homme qui ne la toucherait pas, mais la paierait. Il s'excusa d'ailleurs à nouveau pour les mots qu'il avait employés. À nouveau, Effy haussa les épaules avec nonchalance. Elle ne se formalisait pas des paroles ni même des actes qui lui étaient destinés, lorsqu'elle se trouvait dans ce lieu. D'ailleurs, elle trouvait souvent une certaine satisfaction autodestructrice dans la façon dont son corps et son être en soi était traité, ou maltraité, plutôt. « Tout le monde est une catin. On vend juste différentes parties de nous-mêmes. » souffla-t-elle, le regard plongé dans celui de son interlocuteur, sans se départir d'un mince sourire énigmatique flottant sur ses lèvres. La conviction qu'elle mettait dans ce simple établissement des faits en était presque déconcertant de force et de véracité. Elle conserva son regard vrillé sur le jeune homme quelques secondes, avant de retourner à la contemplation de ses bas, son sourire à peine perceptible toujours bien présent. Il lui demanda ensuite s'il avait le pouvoir de rendre le moment plus agréable pour elle. À nouveau, l'amusement se lut sur les traits d'Effy, devant le choix des mots employés. « T'as de la weed ? » demanda-t-elle comme si elle lui demandait un sandwich au thon, avec autant de détachement, haussant un sourcil.

C’est vrai, c’est juste du sexe mais Perry ne voit pas les choses de cette manière. Ce n’est pas un gars romantique c’est certain. Il a été une seule fois en couple et n’a jamais vraiment été amoureux, enfin pas au point de rester longtemps avec quelqu’un. Les sentiments amoureux il ne comprend pas vraiment. Peut-être qu’un jour ça lui tombera dessus sans qu’il ne comprenne d’où ça vient mais pour l’heure il enchaîne toujours les conquêtes sans quasiment jamais les revoir ensuite. Mais il aime cette séduction, charmer les gens, leur faire plaisir tout en se faisant plaisir. Alors que ce truc que fait la fille à côté de lui, c’est du sexe pur, vendre son corps pour que d’autres en profitent sans soit même en profiter. Quelque chose qu’il ne comprend pas même si elle tente de lui expliquer. Sa réflexion suivante pourrait réveiller chez le jeune homme une réflexion sur l’être humain mais réfléchir c’est pas son truc. Il sait juste que des fois les gens l’appellent la catin de Bowen parce que sa réputation de dragueur n’est plus à faire, mais il ne se fait pas payer pour ça. Il a même plus tendance à payer des verres qu’à ce qu’on ne lui en offre. « J’préfère vendre c’que j’dis plutôt que mon corps perso. » Il est plus ou moins payé pour faire des jolies paroles qui convaincront les gens s’investir dans son entreprise. Il hausse les épaules malgré tout. Chacun fait comme il veut même s’il reste convaincu que ce n’est clairement pas le meilleur boulot du monde. Pourquoi est-ce qu’elle fait ça ? Il propose de lui faire passer un bon moment et elle lui demande s’il a de la weed sur lui. « Non ! J’ai pas c’genre de trucs sur moi. Au mieux j’ai un paquet de clope, p’t’être. » dit-il peu convaincu. Il fume très rarement mais parfois il y en a qui traîne parmi ses affaires. Mais de la drogue, jamais. Enfin pour plein de monde ça n’en est pas mais pour lui qui a sombré bien plus bas que dans le cannabis, c’en est. « Tu fais ça pour te payer des trucs dans c’genre là ? » demande-t-il finalement. Il pense, sans doute comme tout le monde, que les prostituées se retrouvent à faire ça pour l’argent, souvent pour se payer de la drogue, de l’alcool ou encore leurs études.

À nouveau, un bref haussement d'épaules agita le corps de la brunette, sans que le sourire cynique sur son visage ne disparaisse. Elle comprenait le point de vue de son client, qui était aussi le point de vue d'une grande majorité des gens, ou au moins de ceux normalement constitués, et non dotés d'un cerveau légèrement détraqué et d'un esprit tordu et auto-destructeur. Effy avait sa manière bien à elle d'envisager les choses. Marginale, mais elle l'acceptait de tout son être. Sans doute parce qu'à partir d'un moment, elle avait franchi un point de non-retour et n'avait plus trop eu le choix. « Chacun son domaine de compétences. » lâcha-t-elle, ironique. Si ses remarques pouvaient être perçues comme assez malaisantes, de son côté, ça la faisait juste sourire. Elle était devenue imperméable à toutes sortes de malaises sociaux. Sans doute parce que c'était elle qui les provoquait la plupart du temps, sans réellement le vouloir. Elle énonçait simplement des constats, crus ou non. Le brun répondit ensuite par la négative à sa question, mais précisa qu'il lui restait des clopes. « C'est déjà ça. » répondit Effy en penchant légèrement la tête avec une petite moue, l'air d'évaluer la valeur de cette proposition, avant de tendre la main à hauteur de son épaule d'un air entendu, attendant le-dit paquet de clopes. « Dans ce genre-là, ouais. Entre autres choses. » répondit la brunette sans s'étendre dans sa réponse, cette étincelle énigmatique traversant un instant son regard clair et fascinant. Certes, la came était une grosse partie de la motivation. Mais Effy avait finit par prendre goût à cette activité occasionnelle, en-dehors de son vrai job. Si on pouvait qualifier ça en vrai et faux job. Vendre son corps, c'était devenu quelque chose de bien plus satisfaisant que juste se payer des poisons. C'était devenu un moyen d'extérioriser son besoin de maltraiter son corps et son être. Plus jouissif que ce qu'on pouvait imaginer à première vue.

Le jeune homme esquissa un sourire devant la répartie de la jeune femme. Lui n’a pas vraiment de compétences, hormis assez bien baratiner les gens et jouer les charmeurs quand il le faut. Malgré tout il jugea l’argument de la jeune femme recevable. Si pour lui faire ce genre d’activités n’a pas de sens, d’autres ont sûrement un avis différent et en arrive même à aimer leur travail, bien que cela le dépasse totalement. Quand elle accepta sa proposition de cigarette, Perry attrapa le sac à dos qu’il trimballe toujours avec lui quand il va quelque part et qu’il se dit qu’il aura peut-être besoin d’un peu plus qu’un billet. Il fouilla à l’intérieur pour en extirper un paquet de cigarettes à moitié écrasé et à moitié vide aussi. Elles ne lui servent pas souvent, encore moins aujourd’hui ou il évite ce genre de choses. En réalité se sont davantage ses amis que lui qui se servent lors de soirées. Il choisit la cigarette la moins abîmée qu’il puisse trouver et lui tendit. Il préférait encore qu’elle fume plutôt qu’elle prenne autre chose. Cela lui aurait rappelé trop de souvenirs douloureux de l’époque où il s’était laissé emporter à des vices peu recommandables. « Mmmh...ouais. » dit-il en essayant de comprendre ce que pouvait lui apporter cette activité hormis gagner de l’argent pour se payer des trucs illégaux. « Et t’as jamais voulu faire autre chose pour gagner de l’argent ? » demanda-t-il un peu curieux. Lui il en a de l’argent, il aurait sans doute de quoi l’aider un peu même si la perspective de la sortir de là tout en lui donnant de l’argent pour se payer ses trucs, ne le réjouissait pas énormément.

Le garçon semblait dubitatif, ce qui n'avait rien d'étonnant, toutes choses considérées. La représentation que se faisaient les gens de bonne famille de ce métier n'était pas des plus glorieuses. Ceux de mauvaises familles aussi, d'ailleurs. Rien de surprenant à ce que son interlocuteur, lui ou un autre, ne saisisse pas tout ce que représentait cet acte pour Effy. Ce n'était pas seulement une question d'argent ou de facilité. C'était une question de jeune femme qui n'avait jamais collé aux critères de la société, mal dans sa peau, fascinante et indésirable à la fois. Une jeune femme qui n'avait jamais trouvé sa place dans le monde, qui survivait au lieu de vivre, et qui pour ce faire, avait besoin de s'abandonner aux pires vices, de laisser remonter tout ce qu'il y avait de sombre et de tordu en elle, et de laisser la vie continuer à matraquer son esprit et son corps, la tuant à petit feu. Quel autre choix avait-elle, si ce n'était s'ôter la vie immédiatement ? Elle avait déjà essayé. Et même ça, elle n'avait pas réussi. Elle s'était donc résignée. Faisant trembler le monde de son regard perçant et de ses mauvaises influences, témoignant cependant d'un altruisme incroyable qu'elle cachait bien au fond d'elle. C'était elle qu'elle voulait faire souffrir, de toutes les manières que ce soit. Pas les autres. Pourtant elle le faisait, involontairement, et elle avait depuis longtemps abandonné son combat contre sa toxicité naturelle. « Comme quoi ? » demanda la journaliste en plongeant ses iris azur dans ceux du client. Elle souriait intérieurement, et ça se lisait dans son regard. Elle faisait autre chose. Elle maintenait ce semblant de façade de vie bien rangée, allez savoir pourquoi elle se faisait encore chier avec ça. Au fond, si, elle savait. Elle aimait ce job. Mais elle le faisait à sa manière, au grand dam de ses employeurs. Mais elle le faisait bien, et c'était le principal. Malheureusement, ça ne suffisait absolument pas à canaliser toute la noirceur qu'elle avait en elle. Et puis, se prostituer ou faire autre chose, comme elle l'avait dit quelques minutes plus tôt, ça ne changeait rien à ses yeux. C'était vendre ses services, une partie d'elle-même, à la société. Autant permettre aux frustrés et aux pervers de se défouler tant qu'elle y était, plutôt que sur une pauvre fille qui l'aurait fait moins volontairement. Oui, elle aurait pu être danseuse de pole dance, dealeuse de drogues - même si elle aurait plutôt tout consommé elle-même -, ou autre chose. Mais ce n'était pas qui elle était. Et elle avait finit par s'enfermer dans cette vision d'elle-même, par se convaincre que c'était ça dont elle avait besoin. Seul moyen de satisfaire ses besoins d'auto-destruction.

HJ:

Deux mondes différents qui s’entrechoquent. Celui de Perry, encore trop immature pour son âge, insouciant, sans problème d’argent, de travail ou d’addiction et celui de la jeune femme, elle qui semble avoir vécu bien plus de choses que ce qu’un humain devrait. Deux personnes qui ne voient pas la vie du même côté. Malgré les malheurs qui ont pu arriver aux jeune homme, il a toujours réussi à s’en sortir, il arrive globalement à rester positif. Il aimerait bien aider la jeune femme mais à part lui donner le répit d’un client, il ne sait pas trop quoi faire d’autre. L’argent ne l’aiderait pas. Il est peut-être naïf mais il se doute qu’elle n’en fera pas forcément un bon usage et qu’il se servira pas à acheter un paquet de pâtes. Au final elle ne sait pas non plus quoi faire comme boulot plus respectable et sans doute plus agréable que prostituée dans une maison close. Perry ne peut pas vraiment lui donner des conseils d’orientations, lui qui n’a rien fait de sa vie jusqu’à ce que l’entreprise familiale lui tombe sur les bras. Il ne peut pas lui dire d’attendre qu’une fortune venue de nulle part lui tombe dessus et qu’elle n’ait plus besoin de travailler. « J’sais pas, t’aimes bien faire quoi ? Genre moi j’aime bien parler aux gens et faire des blagues nulles, du coup j’ai fait une chaîne youtube. » Parfois il vit dans un univers parallèle où tout est simple. Sa chaîne a du succès, il a deux enfants adorables, un boulot qu’il a fini par apprécier, de supers amis. A ce tableau il ne manque qu’une personne avec qui partager sa vie mais ça, ça ne fait clairement pas parti de ses priorités.

hj : t'inquiète pas

Le grain de la conversation s’était fait un peu plus profond, un peu moins plat et banal. Pas une pure conversation philosophique non plus, mais l’intérêt d’Effy s’était un peu éveillé, devant ce personnage qui devait avoir la trentaine et semblait n’avoir aucune idée du monde dans lequel il avait accidentellement mis les pieds. Son âme semblait respirer l’innocence, tout le contraire de celle de la brune. Effy s’était levée pour aller ouvrir la minuscule fenêtre cachée d’un rideau épais, allumant la cigarette offerte par le jeune homme, s’asseyant à moitié sur le rebord de la fenêtre. Son regard d’un bleu intense se fixa à nouveau sur lui, la fumée s’échappant doucement de ses lèvres. Elle ne pouvait s’empêcher de s’amuser de l’incompréhension du garçon. Il n’avait pas l’air méchant, peut-être même plutôt prévenant. Mais il était totalement à côté de la plaque. Et cela arrachait un doux sourire sans joie à la jeune femme. Le fait qu’il semblait être déterminé à lui trouver autre chose à faire. Il avait probablement conscience que ce n’était pas lui qui allait subitement donner une nouvelle trajectoire à sa vie. Mais c’était mignon de sa part d’essayer. Un sourire, plus authentique et plus joyeux cette fois, de ceux qu’on lui voyait rarement, étira ses traits fatigués, quand le brun mentionna son projet à lui. Ça lui allait bien, en tout cas de ce qu’elle percevait de lui. « Ça doit être gratifiant. » commenta la brunette en baissant les yeux sur sa cigarette, en tirant une bouffée sans se départir de son sourire, avant de reporter le regard sur le garçon. « J’aime bien observer les gens. » finit-elle par répondre, arquant un sourcil, l’expression énigmatique. Sans doute pour ça qu’elle avait choisi le journalisme d’investigation. C’était tellement plus facile de regarder les gens de loin, de comprendre leur dynamique intérieure, leurs rêves et leurs cauchemars.

Si au début Perry ne faisait ça que pour s’amuser, pour passer le temps et pour pouvoir raconter son tour du monde à un maximum de monde, y compris ses amis vivants à des milliers de kilomètres, à présent sa chaîne youtube est devenue bien plus. Il est toujours seul pour s’occuper de tout, ce qui explique que parfois il n’y a plus de vidéos pendant quelques semaines, que le montage ne soit pas toujours parfait et les vidéos pas forcément avec une production monstre derrière. Il apprécie se mettre devant la caméra pour raconter sa vie, montrer son quotidien ou faire des challenges débiles avec ses amis. Si beaucoup pourraient qualifier ses vidéos de « faciles », lui s’en fout il fait ce qu’il aime. Malgré tout il lui arrive de faire des projets plus poussés ou des vidéos plus profondes que ce dont il a l’habitude, dans ces moments il se sent vraiment fier de lui et espère que son public va apprécier. Il aimerait bien que la jeune femme en train de fumer par la fenêtre puisse ressentir la même chose que lui pour quelque chose. Et même pour son travail, qui ne lui plaisait pas au début, il a réussi à l’apprécier et maintenant il se sent bien dedans même s’il n’est pas vraiment compétent. « C’est cool de faire des choses que les gens apprécient. » répondit-il en acquiesçant. Effy lui dit finalement qu’elle aime bien observer les gens. Le jeune réfléchit quelques instant à ce que cela pourrait donner comme métier. « Tu pourrais faire genre mentaliste en lisant dans les pensées des gens, tu arriverais sur scène avec une grande cape noire et tout, ça pourrait être ultra stylé ! » Oui il s’emballe peut-être un peu trop mais au moins il arrive à trouver des choses positives à dire.

L’anglaise rit pour elle-même, pensant au fait que ses clients aussi, ils aimaient ce qu’elle faisait. Ce qu’elle leur donnait, outre son corps. Une valorisation de leur ego, un exutoire, ou peu importe ce qu’elle représentait pour eux. Elle, ça lui était bien égal. Sans le savoir, ils lui apportaient aussi quelque chose. Quelque chose de bien plus sombre, certes, mais elle l’accueillait à bras ouverts. Dans cette éternelle autodestruction dont elle ne pouvait se passer. Elle hocha simplement la tête aux paroles du brun. À nouveau, un sourire amusé anima son visage pâle, lui redonnant quelques couleurs. Le garçon avait raison, il faisait des blagues nulles. Mais elles avaient le pouvoir de la faire rire, un peu cyniquement peut-être, mais rire tout de même. « J’suis pas certaine que ça va suivre niveau finances. Mais merci pour l’idée. » rétorqua Effy avec une touche de bonne humeur, son regard azur pétillant. « Si ça peut te rassurer, c’est pas mon seul job. » ajouta la brunette en désignant sa tenue provocante. Pourquoi elle lui lâchait ça, elle n’en savait rien. Il était pas là pour baiser, alors autant discuter, visiblement.